Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Comparutions

Q. Y., appelant
Susan Prud’homme, représentante de l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada
Chen Zhang, interprète en mandarin

Introduction

[1] Le 7 septembre 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada a conclu que l’appelant a quitté volontairement son emploi sans justification.

[2] Une demande de permission d’en appeler relativement à la décision de la division générale a été déposée auprès de la division d’appel du Tribunal le 5 octobre 2016, et la permission d’en appeler a été accordée le 15 novembre 2016.

[3] L’appel a été instruit par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. la complexité de la ou des questions faisant l’objet de l’appel;
  2. le besoin, en vertu du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[4] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit ou de fait en concluant que l’appelant avait quitté volontairement son emploi sans justification?

Droit applicable

[5] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Observations

[6] L’appelant n’a pas initialement soulevé de moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS dans sa demande de permission d’en appeler, mais il fait valoir dans une lettre explicative datée du 4 novembre 2016 que la division générale a uniquement fondé sa décision sur le relevé d’emploi sans se référer aux éléments de preuve de l’appelant. Cela correspond étroitement aux moyens d’appel prévus à l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS.

[7] L’intimée soutient que la division générale ne s’est pas fondée exclusivement sur le relevé d’emploi, mais qu’elle a tenu compte de la déposition orale de l’appelant effectué avec l’aide d’un traducteur et qu’elle a examiné la preuve documentaire (paragraphes [10] à [21]).

[8] En outre, l’intimée affirme que la division générale a appliqué la jurisprudence et les dispositions législatives pertinentes aux faits dans cette affaire, et maintient que l’appelant n’a pas démontré que la division générale a commis une erreur de droit en rejetant l’appel.

[9] L’intimée soutient que l’appelant tente de réaffirmer sa position devant la division d’appel sur les mêmes faits présentés à la division générale au moment de l’audience.

Analyse

Norme de contrôle

[10] La référence de l’intimée au caractère raisonnable de la décision de la division générale laisse entendre qu’elle considère qu’une analyse de la norme de contrôle serait appropriée. Cependant, l’intimée ne fait pas précisément valoir que je dois appliquer les normes de contrôle ou que la norme de décision raisonnable est la norme de contrôle appropriée.

[11] Je reconnais que les moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS sont très similaires aux motifs habituels de contrôle judiciaire, et cela suggère que les normes de contrôle doivent aussi s’appliquer en l’espèce. Cependant, la jurisprudence récente de la Cour d’appel fédérale n’a pas nécessité l’application des normes de contrôle, et je ne crois pas que cela soit nécessaire.

[12] Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Jean, 2015 CAF 242, la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’il n’était pas nécessaire de trancher sur les normes de contrôle que la division d’appel doit appliquer, mais a mentionné dans une remarque incidente qu’elle n’était pas convaincue que les décisions de la division d’appel doivent faire l’objet d’une analyse de la norme de contrôle. La Cour a relevé que la division d’appel a autant d’expertise que la division générale et que, par conséquent, elle n’est donc pas tenue de faire preuve de déférence. De plus, la Cour a fait remarquer qu’un tribunal administratif d’appel ne saurait exercer un pouvoir de contrôle et de surveillance réservé à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale en matière de contrôle judiciaire.

[13] Dans une affaire récente intitulée Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Huruglica, 2016 CAF 93, la Cour d’appel fédérale a directement appliqué la norme de contrôle appropriée, mais elle l’a fait dans un contexte de décision prise par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Dans cette affaire, la Cour a conclu que les principes qui ont guidé le rôle des juges en matière de contrôle judiciaire des décisions administratives ne sont pas applicables dans un cadre administratif à plusieurs niveaux et que les normes de contrôle devraient seulement être appliquées si la loi habilitante le prévoit.

[14] La loi habilitante qui régit les appels administratifs sur les décisions rendues en matière d’assurance-emploi est la Loi sur le MEDS, et cette loi ne prévoit pas qu’un examen doit être mené conformément aux normes de contrôle.

[15] D’autres décisions de la Cour fédérale d’appel semblent approuver l’application des normes de contrôle (notamment Hurtubise c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 147, et Thibodeau c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 167). Néanmoins, la Cour d’appel fédérale ne semble pas être du même avis concernant l’applicabilité d’une telle analyse au sein d’un processus d’appel administratif.

[16] Je suis d’accord avec la décision de la Cour dans l’arrêt Jean, lorsqu’elle a mentionné l’un des moyens prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS et souligné ce qui suit : « Il n’est nul besoin de greffer à ce texte la jurisprudence qui s’est développée en matière de contrôle judiciaire ». Je vais examiner cet appel en me référant uniquement aux moyens d’appel prévus par la Loi sur le MEDS, et non au « caractère raisonnable » ou à la norme de contrôle.

Bien fondé de l’appel – la division générale a-t-elle commis une erreur de fait ou de droit?

La division générale a-t-elle omis d’examiner les éléments de preuve de l’appelant selon laquelle il a été congédié?

[17] La préoccupation principale soulevée par l’appelant devant la division générale concernait le fait qu’il n’a pas quitté son emploi de façon volontaire, mais qu’il a été congédié. Si la division générale avait conclu qu’il a été congédié, elle aurait pris en considération si ce congédiement est attribuable à son inconduite. En concluant que l’appelant a quitté volontairement son emploi, la division générale a pris en considération la question de savoir si son départ constituait la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances.

[18] L’appelant a d’abord fait valoir que la division générale a uniquement fondé sa décision sur le relevé d’emploi, mais il a mentionné lors de l’audience avoir renoncé à sa demande de prestations en plus de reconnaître la preuve de l’employeur selon laquelle il aurait démissionné, et ce, même s’il maintient que la preuve est fausse.

[19] L’appelant a remis en question le fondement sur lequel la division générale s’est fondé pour conclure qu’il avait démissionné; je l’ai référé à la décision et à la preuve à laquelle la décision renvoie. J’ai aussi référé particulièrement l’appelant aux enregistrements des déclarations qu’il avait faites devant la Commission aux pièces GD3-17, GD3-18 et GD3-20, au cours desquelles il dit avoir démissionné.

[20] L’appelant a précisé que ses propres déclarations faites devant la Commission [traduction] « ne sont pas les siennes », qu’elles sont celles de l’employeur; l’appelant répétait ce que l’employeur l’avait instruit de dire. Lorsque j’ai demandé à l’appelant s’il avait tenté d’expliquer ceci à la division générale, il n’a pas répondu directement. Cependant, en écoutant les enregistrements audio de l’audience devant la division générale, j’ai remarqué que l’appelant n’a pas offert d’explication sur aucune de ses déclarations selon lesquelles il aurait démissionné, autre que d’expliquer sa réponse inscrite à la question 1 de sa demande de prestations. Lorsque la division générale l’a interrogé sur la question 1, l’appelant a soutenu qu’on l’avait instruit de remplir sa demande de façon à ce qu’elle corresponde à son relevé d’emploi.

[21] La division générale doit instruire et examiner les éléments de preuve. Il revient à la division générale d’apprécier la preuve et de tirer des conclusions de fait, ce qui comprend l’évaluation de la crédibilité et de la fiabilité de la preuve. En l’espèce, la division générale a préféré la preuve selon laquelle l’appelant a démissionné au lieu de se faire congédié. La division générale a expliqué qu’elle préférait cette preuve puisque les déclarations de l’employeur ont toujours étayé que l’appelant a démissionné et que cela était soutenu par les éléments de preuve fournis par l’appelant, y compris ses déclarations devant la Commission et sa demande de prestations.

[22] Pour ce qui est des éléments de preuve fournis par l’appelant, je constate qu’il a d’abord prétendu avoir été congédié dans sa demande de révision. À cette étape-là, il avait toujours déclaré être préoccupé qu’il serait congédié, mais qu’il a démissionné. La division générale affirme que cela a accordé davantage d’importance à la preuve selon laquelle l’appelant déclare avoir démissionné puisqu’il s’agit de la première preuve présentée par l’appelant.

[23] La division générale pourrait uniquement rendre une décision fondée sur les éléments de preuve qui lui ont été présentés. L’appelant n’a pas soulevé d’éléments de preuve manquants ou mal compris par la division générale. Sa préoccupation principale semblait être que la preuve de l’employeur soit crue au détriment de la sienne. À mon avis, la division générale a fourni des motifs clairs et intelligibles pour justifier qu’elle ait accordé plus d’importance à certains éléments de preuve. Au titre de l’alinéa 58(1)c), je suis strictement habilité de modifier une conclusion de fait si la division générale a tiré cette conclusion de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Rien ne démontre cela en l’espèce.

[24] La permission d’interjeter appel a été accordée sur la base que la division générale a reconnu la position de l’appelant selon laquelle il n’a pas démissionné, mais qu’il a été congédié; elle a tout de même conclu que [traduction] « les éléments de preuve fournis par l’employeur et l’appelant veulent que ce dernier ait démissionné » (paragraphe 29 de la décision). L’intimée soutient qu’il s’agit d’une [traduction] « erreur de rédaction » et m’a demandé de lire ma décision ainsi : [traduction] « […] les éléments de preuve fournis par l’employeur et l’intimé veulent que l’appelant ait démissionné ». L’intimée soutient que dans son ensemble, l’analyse et les directives de la décision sont claires.

[25] L’appelant n’a pas fait valoir que le paragraphe 29 constituait une erreur particulière.

[26] Je suis d’accord avec l’intimée. La division générale était clairement au fait de la position de l’appelant selon laquelle il a été congédié, en plus de la preuve de l’appelant mentionnant son congédiement et celle évoquant sa démission, tel qu’il est démontré dans les divergences aux paragraphes 33, 34 et 37, et dans l’appréciation de la preuve au paragraphe 38.

[27] J’estime qu’il est plus probable que le contraire que la référence au paragraphe 29, sur laquelle est fondée la permission d’en appeler, n’est rien d’autre qu’une erreur de rédaction. J’accueille l’explication de l’intimée puisqu’elle la plus cohérente avec la décision dans son ensemble. Je n’estime pas que le paragraphe 29 constitue une erreur au titre du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS.

[28] À la lumière de tous éléments susmentionnés, j’estime que la division générale n’a pas tiré une conclusion de fait erronée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. En l’espèce, aucun élément de preuve ou argument ne démontre qu’un principe de justice naturelle a été inobservé ou que la division générale a commis une erreur de compétence ou de droit, et je ne vois aucune erreur de ce genre.

Conclusion

[29] L’appel est rejeté.

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