Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] En date du 9 juin 2017, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a conclu que, puisque l’appelante n’avait pas un motif valable durant toute la période du retard, elle ne pouvait antidater sa demande en vertu du paragraphe 10(5) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

[3] L’appelante a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel en date du 13 juillet 2017, après avoir reçu la décision de la division générale en date du 19 juin 2017. La permission d’en appeler a été accordée le 25 juillet 2017.

Type d’audience

[4] Le Tribunal a déterminé que cet appel serait instruit par téléconférence, pour les raisons suivantes :

  • la complexité de la ou des questions en litige;
  • la crédibilité des parties ne figurait pas au nombre des questions principales;
  • le caractère économique et opportun du choix de l’audience;
  • la nécessité de procéder de la façon la plus informelle et rapide possible tout en respectant les règles de justice naturelle.

[5] L’appelante était présente à l’audience avec son représentant, Me Hugo Marquis. L’intimée était représentée par Manon Richardson.

Droit applicable

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] La question en litige est la suivante:

  • La division générale a-t-elle erré en concluant que l’appelante n’avait pas un motif valable durant toute la période du retard et qu’en conséquence, elle ne pouvait antidater sa demande en vertu du paragraphe 10(5) de la Loi?

Normes de contrôle

[8] La Cour d’appel fédérale a déterminé que le mandat de la division d’appel est celui conféré par les articles 55 à 69 de la Loi sur le MEDS. La division d’appel n’exerce pas un pouvoir de contrôle et de surveillance réservé aux cours supérieures – Canada (Procureur général) c. Jean, 2015 CAF 242; Maunder c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 274.

[9] En conséquence, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait erré en droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Analyse

Position des parties

[10] L’appelante fait valoir que la division générale a commis une erreur dans son interprétation de ce qu’une personne raisonnable aurait dû faire dans les circonstances mises en preuve devant elle.

[11] L’appelante soutient que la division générale a commis une erreur en exigeant qu’une personne raisonnable qui reçoit des informations erronées de la part d’une agente de l’intimée, et qui peut raisonnablement croire cette information, doive constamment mettre en doute cette information. Elle soutient qu’une personne raisonnable n’est pas une personne paranoïaque, en proie à l’anxiété, qui met en doute ou refuse de croire des conseils faisant autorité, au point de chercher à vérifier ces avis une deuxième et troisième fois, chaque jour ou à intervalle régulier, de crainte que ces avis soient erronés.

[12] L’appelante fait finalement valoir que les conclusions de la division générale sont contradictoires, non fondées et ne tiennent pas compte des éléments portés à sa connaissance.

[13] L’intimée soutient que ce n’est pas agir comme une personne paranoïaque, en proie à l’anxiété, que de mettre en doute la première réponse qu’elle a reçue par téléphone de la part d’une agente, mais bien de valider, après réception d’une lettre de l’intimée, s’il y a eu erreur puisque deux informations contradictoires avaient été données à l’intérieur de deux semaines. Elle a choisi de croire la personne qui lui a donné une information par téléphone au lieu de prendre en considération une lettre formelle de l’intimée.

[14] La division générale n’a pas erré en fait et en droit et elle a bien expliqué que l’appelante n’avait pas de motif valable depuis qu’elle avait reçu la lettre officielle de l’intimée, car elle n’avait rien fait pour s’informer.

Décision de la division générale

[15] La division générale a conclu qu’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances que l’appelante aurait porté une attention au contenu de la lettre du 31 mai 2015 et aurait tenté de joindre l’intimée pour se renseigner sur sa situation.

[16] La division générale a conclu que dès le 31 mai 2012, l’appelante n’a pas agi comme une personne raisonnable qui aurait été dans la même situation pour connaître ses droits et ses obligations en vertu de la Loi.

La division générale a-t-elle erré en concluant que l’appelante n’avait pas un motif valable durant toute la période du retard et qu’en conséquence, elle ne pouvait antidater sa demande en vertu du paragraphe 10(5) de la Loi?

[17] Pour établir l’existence d’un motif valable aux termes du paragraphe 10(5) de la Loi, un prestataire doit réussir à démontrer qu’il a fait ce que toute personne raisonnable se trouvant dans la même situation aurait fait pour se renseigner sur ses droits et obligations en vertu de la Loi.

[18] La Cour d’appel fédérale a affirmé à de nombreuses reprises que les prestataires ont le devoir de se renseigner sur leurs droits et obligations et sur les mesures à prendre pour protéger une demande de prestations; cf. Canada (Procureur général) c. Kaler, 2011 CAF 266, et Canada (Procureur général) c. Dickson, 2012 CAF 8 (Dickson).

[19] Qui plus est, la Cour d’appel fédérale a réaffirmé qu’un motif valable doit s’appliquer à la période entière du retard; cf. Dickson.

[20] L’appelante soutient que la division générale a commis une erreur en exigeant qu’une personne raisonnable qui reçoit des informations erronées de la part d’une agente de l’intimée, et qui peut raisonnablement croire cette information, doive constamment mettre en doute cette information.

[21] L’appelante soutient que, compte tenu de cette information erronée, elle avait un motif valable durant toute la période du retard et qu’en conséquence, elle pouvait antidater sa demande en vertu du paragraphe 10(5) de la Loi.

[22] Le Tribunal constate à la lecture de certains paragraphes de la décision de la division générale que ceux-ci sont quelque peu ambigus et contradictoires sur la question de l’information erronée reçue par l’appelante (paragraphes 45, 47, et 57 de la décision de la division générale).

[23] Cependant, il ressort de l’ensemble de la décision de la division générale que celle-ci a accepté le témoignage de l’appelante voulant qu’elle ait initialement reçu une information erronée de la part d’une agente de l’intimée quant à son admissibilité aux prestations.

[24] La question que doit trancher le Tribunal est donc de déterminer si la division générale a erré en concluant que l’appelante n’avait pas conservé ce motif valable tout au long de la période de retard.

[25] Le Tribunal est d’avis que la division générale n’a pas erré en déterminant que la lettre de l’intimée du 31 mai 2012 aurait dû amener l’appelante à se questionner sur la situation de sa demande. Tel que l’a conclu la division générale, les informations contenues dans la lettre sont en effet personnalisées et s’avèrent inutiles si la demande de prestations de l’appelante est refusée.

[26] La lettre du 31 mai 2012 donne en effet plusieurs indications à l’appelante qui soulèvent que l’information reçue le 18 mai 2012 était erronée. Il n’était donc plus raisonnable pour l’appelante de se fier à cette conversation. Elle aurait dû prendre des mesures concrètes pour comprendre le contenu de la lettre et pour s’assurer de la teneur de ses droits et obligations.

[27] Le Tribunal est d’avis que l’appelante n’a pas réussi à démontrer à la division générale qu’elle a fait ce que toute personne raisonnable se trouvant dans la même situation aurait fait pour se renseigner sur ses droits et obligations en vertu de la Loi.

[28] Le Tribunal en vient donc à la conclusion que la division générale a tenu compte des arguments de l’appelante et que sa décision repose sur les éléments de preuve portés à sa connaissance, et qu’il s’agit d’une décision conforme aux dispositions législatives et à la jurisprudence.

[29] Pour les motifs précédemment énoncés, il y a lieu de rejeter l’appel.

Conclusion

[30] L’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.