Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

Représentant de l’appelante : E. Kitova

Représentant de l’intimé : C. Braker

Aperçu

[1] L’intimée a présenté une demande initiale de prestations régulières d’assurance-emploi et le 10 décembre 215, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a déterminé que les prestations ne pouvaient pas être versées à l’intimée, car elle avait perdu son emploi en raison de son inconduite. Des documents fournis à la Commission révélaient que l’intimée, une préposée aux services de soutien à la personne, avait un dossier disciplinaire, notamment des avertissements pour une mauvaise assiduité au travail et un avertissement ainsi que deux suspensions pour avoir fait des appels téléphoniques importuns et offensifs à des collègues afin de discuter de sujets liés au travail alors qu’elle n’était pas en service et qu’elle semblait être intoxiquée. L’intimé s’est fait offert un congé de travail afin de suivre un traitement contre la toxicomanie en mai et en octobre 2015, et elle a reçu un avertissement final le 1er octobre 2015 selon lequel d’autres cas de comportements inappropriés liés à l’abus de substances mèneraient à son congédiement. Elle avait par la suite été congédiée de son emploi à la suite d’un incident survenu le 3 novembre 2015 au cours duquel elle a communiqué avec un collègue après les heures de bureau afin de discuter d’un patient, tout en semblant être intoxiquée.

[2] La décision de la Commission de rejeter sa demande de prestations a été maintenue à la suite d’une révision, et l’intimée a interjeté appel de cette décision auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal). Dans une décision datée du 18 décembre 2016, la division générale a accueilli l’appel au motif que les gestes de l’intimée qui avaient causé son congédiement n’étaient pas délibérés et, par conséquent, elle ne devrait pas être exclue des prestations. L’analyse de la division générale se retrouve dans les paragraphes suivants :

[traduction]

[29] Le Tribunal sait que dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Wasylka, 2004 CAF 219, la Cour d’appel fédérale a affirmé le principe selon lequel la consommation de drogues ou d’alcool par un prestataire est volontaire au sens où il le fait consciemment et est au courant des effets de sa consommation et des conséquences qui en découlent ou qui pourraient s’ensuivre.

[30] Cependant, dans l’affaire de la Cour d’appel fédérale Mishibinijima c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 36, un autre cas de dépendance à l’alcool, le tribunal a mentionné qu’on pouvait en arriver à une conclusion différente quant à l’élément volontaire, à condition de présenter suffisamment d’éléments de preuve sur l’incapacité du prestataire de prendre une décision volontaire ou consciente, ces éléments de preuve étant probablement de nature médicale.

[31] Dans un rapport de la Docteure Vijay Nishka, daté du 27 janvier 2016, la docteure a écrit ce qui suit : [traduction] « Le diagnostic est qu’il s’agit d’une dame de 56 ans qui présente un trouble dépressif majeur et récurrent et un trouble anxieux généralisé sous-jacent, ainsi qu’une dépendance à l’éthanol. Je crois que plusieurs de ses difficultés découlent d’une tendance récurrente à l’abus, et elle continue d’éprouver des difficultés avec ces problèmes à l’heure actuelle. Il est tout à fait possible qu’elle traitait des enjeux importants concernant une dépression et de l’anxiété, ainsi qu’une dépendance à l’éthanol lorsqu’elle travaillait pour Caressant Care » (GD6-13).

[32] Le Tribunal accepte le rapport médical mentionné ci-dessus et lui accorde un poids considérable. Le rapport mentionne clairement que le trouble dépressif majeur et récurrent de l’appelante, son trouble anxieux sous-jacent ainsi que sa dépendance à l’éthanol étaient présents et posaient problème lorsqu’elle travaillait pour Caressant Care. La preuve de l’appelante est que lorsqu’elle boit, elle est une personne différente, et lorsqu’elle dégrise, elle ne se souvient pas des événements qui ont eu lieu lorsqu’elle était intoxiquée.

[33] Le Tribunal estime qu’il ne s’agit pas d’un cas où l’appelante se sert du prétexte de l’alcoolisme sans fournir d’éléments de preuve médicale à l’appui pour justifier ses gestes qui ont mené à son congédiement.

[…]

[35] Pour tous les motifs susmentionnés, le Tribunal estime que les gestes de l’appelante qui ont mené à son congédiement n’étaient pas délibérés et qu’elle n’a pas été congédiée de son emploi en raison d’une inconduite [...]

[3] Permission d’en appeler de la décision de la Commission a été accordée par la division d’appel du Tribunal le 31 janvier 2017.

[4] L’appel a eu lieu par téléconférence dans le but que les observations orales soient entendues, conformément à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Analyse

[5] Sous réserve d’exceptions non pertinentes en l’espèce, le paragraphe 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) prévoit qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il « perd un emploi en raison de son inconduite ». Il est établi en droit que cette exclusion se produit uniquement si une inconduite délibérée a eu lieu. Pour qu’il s’agisse d’une inconduite délibérée, le geste ou l’omission doit être « conscient, voulu ou intentionnel », mais une intention délictueuse n’est pas nécessaire : Canada (Procureur général) c. Tucker, [1986] 2 C. F. 329 (C.A.F.); Canada (Procureur général) c. Secours (1995), 179 N.R. 132 (C.A.F.).

[6] Les parties de l’appel sont d’accord sur le fait que la jurisprudence prévoit qu’une inconduite liée à l’alcool n’est pas nécessairement délibérée, dans des circonstances bien précises. Le représentant de la Commission soutient que la division générale a mal appliqué la jurisprudence aux faits en l’espèce, tandis que le représentant de l’intimée soutient que la décision de la division générale au sujet d’une intention délibérée était conforme à la jurisprudence et était étayée par le rapport médical de la Dre et par le témoignage de l’intimée.

[7] Les moyens d’appel soulevés dans cette affaire sont ceux prévus aux alinéas 58(1)b) et c) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS) :

  1. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  2. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[8] Dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Huruglica, 2016 CAF 93, il a été établi que les normes de contrôle applicables au contrôle judiciaire d’une décision rendue par un décideur administratif ne doivent pas être appliquées automatiquement par un organisme administratif d’appel spécialisé. Un tel organe d’appel doit plutôt s’en tenir aux moyens d’appel établis par sa loi constitutive. Dès lors, conformément au libellé de l’alinéa 58(1)b) de la LMEDS, aucune déférence n’est due à l’endroit de la division générale en ce qui a trait aux erreurs de droit. Cependant, le libellé de l’alinéa 58(1)c) exige de la part de la division d’appel une certaine déférence relativement aux erreurs de fait : pour que l’appel soit accueilli, la conclusion de fait contestée doit non seulement être déterminante (« a fondé sa décision sur ») et être inexacte (« erronée »), mais doit également avoir été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans que la division générale n’ait tenu compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] En ce qui concerne le caractère délibéré de l’inconduite liée à l’alcool ou aux drogues, la Cour d’appel fédérale a fourni des lignes directrices. Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Turgeon, [1999] A.C.F. no 1861, la Cour a soutenu que l’alcoolisme, à lui seul, ne justifie pas une inconduite :

[2] [...] Même en reconnaissant, pour les seules fins du débat, que l’alcoolisme puisse être invoqué pour justifier une inconduite au sens du paragraphe 28(1), il n’y avait pas en l’espèce, devant le conseil arbitral, de preuve lui permettant de conclure que le problème d’alcool allégué par le prestataire était tel qu’il lui permette de plaider cette justification. Le simple fait d’avoir un problème d’alcool ne suffit pas, en lui-même, à rendre inapplicable à un prestataire l’exclusion prévue par le paragraphe 28(1).

[10] L’arrêt Casey c. Canada (Commission de l’assurance-emploi), 2001 CAF 375 fournit un exemple d’un rapport d’expert qui ne suffit pas à vicier le caractère délibéré :

[3] Le conseil, en l’espèce, avait devant lui des preuves additionnelles prenant la forme d’un rapport d’expert qui tendait à montrer que l’inconduite de M. Casey n’était pas délibérée. Cependant, en bonne logique, ce rapport ne permettait pas de conclure que son inconduite n’était pas délibérée. Le rapport donnait des renseignements généraux sur les effets de l’alcoolisme, mais n’exprimait aucune opinion définitive sur M. Casey lui-même. Dans ces conditions, le juge-arbitre a eu raison de dire que le conseil avait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il disposait.

[11] Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Wasylka, 2004 CAF 219, la consommation de drogues était considérée comme volontaire bien que cela soit irrésistible pour l’individu :

[4] Le juge-arbitre a commis une erreur de droit lorsqu’il a conclu que l’absence du défendeur au travail n’était pas intentionnelle parce que celui-ci était atteint de toxicomanie. Même si le défendeur était attiré par les drogues ou ne pouvait pas s’empêcher de les consommer, il n’en reste pas moins qu’une telle consommation était volontaire dans le sens où le défendeur était conscient des gestes qu’il posait, des effets de la consommation et des conséquences qui pouvaient ou qui allaient s’ensuivre. Il a déclaré qu’il [traduction] « ne pouvait pas se concentrer sur les choses qui comptaient » lorsqu’il consommait la drogue [...]

[5] Reconnaître aux employés qui ont été congédiés parce qu’ils ont abusé de substances qui affaiblissent les facultés, comme l’alcool et les drogues, le droit de toucher des prestations régulières d’assurance-emploi équivaudrait à modifier de façon fondamentale la nature et les principes de la Loi et du régime d’assurance-emploi. L’article 21 de la Loi sur l’assurance-emploi et l’article 40 du Règlement sur l’assurance-emploi traitent déjà des prestations versées en cas de maladie, et le défendeur a touché de telles prestations.

[12] L’arrêt Canada (Procureur général) c. Pearson, 2006 CAF 199 fournit un autre exemple de preuve médical qui ne suffit pas pour justifier une inconduite :

[12] Je dois ajouter que l’avis de la Dre Ghanem ne peut fonder la décision du juge-arbitre. Bien que la Dre Ghanem ait déclaré que les problèmes au travail du défendeur étaient liés à son alcoolisme, ce que personne ne conteste, cette affirmation ne répond pas à la question de savoir si le défendeur a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[13] Dans l’arrêt Mishibinijima c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 36, la preuve sur laquelle le membre s’est appuyé était uniquement le témoignage du prestataire selon lequel il avait un problème d’alcoolisme et qu’il n’était pas capable de le contrôler. La Cour a examiné la jurisprudence et a conclu ce qui suit :

[36] Voilà la preuve que le demandeur a administrée au sujet de son problème d’alcoolisme dans son intégralité. Je ne vois pas comment cette preuve pourrait tendre à confirmer sa thèse selon laquelle sa conduite n’était pas délibérée. Je n’ai pas besoin de me pencher sur la question de savoir si l’on aurait pu tirer, dans telle ou telle situation, une conclusion différente, en supposant que l’on ait produit des éléments de preuve suffisants quant à l’incapacité du prestataire de prendre une décision délibérée, lesquels éléments comprendraient probablement une preuve médicale. À l’évidence, en l’espèce, la preuve produite ne peut tendre à confirmer que la conduite du demandeur n’était pas délibérée. [Mis en évidence par la soussignée]

[14] Récemment, dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Bigler, 2009 CAF 91, la Cour a réitéré qu’une constatation d’alcoolisme, en soit, est insuffisant, tout en reconnaissant que l’exclusion peut être évitée s’il y a des éléments de preuve du caractère involontaire :

[3] [...] L’employé qui est renvoyé pour une inconduite liée à l’alcoolisme ne sera pas exclu du bénéfice des prestations de chômage suivant le paragraphe 30(1) si l’on établit l’existence de l’alcoolisme et du caractère involontaire de la conduite en question.

[…]

[7] La conclusion du Conseil selon laquelle le prestataire était alcoolique ne permettait pas de trancher la question en ce qu’elle ne suffisait pas en soi à supplanter le caractère volontaire de la consommation d’alcool [...] [Mis en évidence par la soussignée]

[15] Il n’y a aucun exemple d’élément de preuve suffisant pour écarter le caractère volontaire dans le contexte de l’alcoolisme de la part de la Cour d’appel fédérale. L’intimée a soumis deux décisions arbitrales, les deux datant d’avant la jurisprudence citée précédemment, qui tranchaient en faveur du prestataire. Dans la décision CUB 38274 (30 juin 1997), le juge-arbitre a approuvé la conclusion d’un conseil arbitral selon laquelle les absences du prestataire n’étaient pas planifiées et étaient causées par une maladie, soit l’alcoolisme. Rien ne révèle que la preuve sous-jacente étaye cette conclusion. Dans la décision CUB 41470 (1 juin 1998), le juge-arbitre a conclu qu’un formulaire d’un expert dans le domaine de la dépendance à l’alcool et à la drogue, lequel démontrait que les gestes de la prestataire n’étaient pas volontaire, était suffisant pour conclure qu’elle n’avait pas perdu son emploi en raison de son inconduite. Les décisions de juges-arbitres ne lient pas le Tribunal, mais elles peuvent avoir une valeur persuasive. J’estime que ces deux décisions n’ajoutent rien de concret à la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale; la décision CUB 41470 démontre le genre de preuve médicale spécifique au prestataire qui pourrait, soumise à une analyse prévue dans l’arrêt Mishibinijima ou Bigler, venir appuyer une conclusion selon laquelle l’inconduite n’était pas volontaire.

[16] Dans son ensemble, la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale révèle qu’afin de tirer la conclusion qu’une inconduite liée à l’alcool n’était pas délibérée, le décideur doit se fonder sur la preuve, incluant vraisemblablement la preuve médicale, qui porte sur l’incapacité d’un prestataire de prendre une décision consciemment et délibérément ou sur le caractère involontaire du geste en question. Une preuve d’alcoolisme, à elle-même, une preuve médicale d’un lien entre l’inconduite et l’alcoolisme et une preuve génétique des répercussions de l’alcoolisme sont insuffisantes.

[17] Je suis d’accord avec la Commission que la division générale a mal appliqué la jurisprudence aux faits en l’espèce. Ni la preuve médicale ni le témoignage ne peuvent appuyer l’argument selon lequel le comportement de l’intimée n’était pas délibéré. La Dre Nishka, psychiatre, a écrit ce qui suit, environ deux mois et demi après l’événement final qui a mené au congédiement de l’intimée :

[traduction]

Au fil des ans, [l’intimée] a été aux prises avec un trouble dépressif majeur et récurrent, de l’anxiété chronique (probablement un TAG) et une dépendance à l’éthanol. Elle a consommé de l’alcool de façon à éviter une certaine douleur émotionnelle et afin de gérer sa solitude, et cela est devenu un plus gros problème récemment.

À l’origine, elle a suivi une formation d’infirmière, mais elle a travaillé comme préposée aux services de soutien à la personne pour Caressant Care pendant un certain temps. Elle me dit que son emploi a pris fin en raison d’un problème lié à la confidentialité et son comportement, mais les détails sont en quelque sorte imprécis. [L’intimée] est aux prises avec la dépression et l’anxiété depuis plusieurs années, et cela est bien documenté dans cette note et dans des notes précédentes, et il se peut très bien qu’elle était aux prises avec des problèmes importants liés à la dépression et à l’anxiété, ainsi qu’à une dépendance à l’éthanol lorsqu’elle travaillait pour Caressant Care.

[18] Je ne peux pas être d’accord avec l’observation du représentant de l’intimée selon laquelle ce rapport, notamment la référence au fait qu’elle était [traduction] « aux prises avec des problèmes importants », appuie la conclusion selon laquelle la conduite de l’intimée qui a mené à son congédiement n’était pas délibérée. La Dre Nishka fournit une preuve à l’appui d’une conclusion selon laquelle l’intimée souffrait de dépression, d’anxiété et d’alcoolisme au cours de la période menant à son congédiement. Il n’a fourni aucune option au sujet de la capacité ou de l’incapacité de l’intimée à prendre des décisions consciemment et délibérément, ou au sujet du caractère volontaire ou involontaire de la conduite de l’intimée lorsqu’elle a bu ou communiqué avec ses collègues en dehors des heures de bureau. Selon la logique ordinaire et contrairement à l’observation du représentant de l’intimée, le rapport de la Dre Nishka n’a pas été en mesure d’appuyer la conclusion selon laquelle la conduite de l’intimée n’était pas délibérée. La preuve médicale est encore moins convaincante que ce qui a été jugé comme inadéquat dans l’arrêt Pearson et n’est pas analogue au rapport d’expert accepté dans la décision CUB 41470.

[19] Le témoignage de l’intimée est, en soit, insuffisant pour appuyer la conclusion selon laquelle son inconduite n’était pas délibérée. Le témoignage de l’intimée selon lequel [traduction] « lorsqu’elle boit, elle est une personne différente, et lorsqu’elle dégrise, elle ne se souvient pas des événements qui ont eu lieu lorsqu’elle était intoxiquée » ne traite pas adéquatement de la question à savoir si l’intimée à, de manière consciente, voulue ou intentionnelle, commencé à boire après le travail ou à communiquer avec ses collègues le 3 novembre 2015. L’intimée n’a fourni aucun autre détail dans son témoignage.

[20] Comme cela a été souligné précédemment, l’arrêt Wasylka prévoit que la consommation de drogues ou d’alcool est généralement volontaire dans le sens où les gestes (en l’espèce, boire et faire des appels téléphoniques) étaient conscients. Compte tenu de la longueur du dossier disciplinaire et de l’avertissement final dans cet appel, il est également clair que l’intimée était au courant des répercussions de sa consommation d’alcool et des conséquences que cela pourrait avoir. De plus, bien qu’il y ait certaines indications dans les documents au dossier selon lesquelles l’intimée oubliait parfois avoir appelé ses collègues, le rapport factuel de l’employeur daté du 4 novembre 2015 et une note de service de l’agent de Service Canada datée du 8 février 2016 contient les explications de l’intimée pour avoir fait l’appel du 3 novembre 2015 (ainsi que d’autres avant cela). Le représentant de l’intimée soutient que ces éléments de preuve ne sont pas pertinents puisqu’ils ne portent pas sur son jugement et qu’elle tentait de minimiser son comportement, et que portant, sans égard à sa motivation, ces éléments de preuve démontrent clairement un certain degré de conscience de la part de l’intimée. À la même époque que son congédiement, l’intimée a reconnu avoir fait de tels appels et n’a pas laissé entendre que ses gestes avaient été involontaires, inconscients ou hors de son contrôle. Le témoignage de l’intimée selon lequel elle ne buvait pas au travail (une affirmation soutenue par un manque de mesures disciplinaires associées à cela) réfute également la notion que sa buverie après le travail le 3 novembre 2015, en soit, était entièrement involontaire ou hors de son contrôle.

[21] La décision de la division générale fait référence à l’arrêt Mishibinijima au paragraphe 30, et conformément à cette décision, le membre a jugé que des éléments de preuve médicale à l’appui sont nécessaires (voir le paragraphe 33). Cependant, le membre n’a pas appliqué les enseignements prévus dans l’arrêt Mishibinijima selon lesquels de tels éléments de preuve doivent traiter de « l’incapacité du prestataire de prendre une décision délibérée ». Il n’a pas appliqué la leçon correspondante prévue dans l’arrêt Bigler selon laquelle une preuve « du caractère involontaire de la conduite » serait requise. Le membre a par conséquent mal interprété la jurisprudence et mal appliqué le droit aux faits en l’espèce. Au bout du compte, le membre a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée (c’est-à-dire que la conduite de l’intimée n’était pas délibérée), sans tenir compte de la preuve; la preuve dont la division générale était saisie ne pouvait tout simplement pas appuyer une telle conclusion. Par conséquent, la division générale a commis des erreurs de droit et de fait susceptibles de révision en tirant la conclusion selon laquelle l’inconduite de l’intimée n’était pas délibérée.

[22] Conformément à l’article 59 de la LMEDS, je suis autorisée à substituer la décision de la division générale pour la mienne, et j’estime que cela est approprié en l’espèce. Je suis consciente du fait que le fardeau de prouver l’inconduite, selon la prépondérance des probabilités, appartenait à la Commission. Compte tenu des antécédents disciplinaires non contestés, du dossier écrit de l’appel fait le 3 novembre 2015 et des aveux de l’intimée à l’employeur et à la Commission en ce qui a trait au comportement en question, de concert avec l’absence d’éléments de preuve probante selon lesquels le comportement de l’intimée n’était pas conscient, délibéré ou intentionnel, la seule conclusion que la division générale pouvait tirée à partir de la preuve et conformément à la jurisprudence était que l’intimée avait perdu son emploi en raison de son inconduite délibérée.

[20] Je compatis avec l’intimée, qui est aux prises avec des problèmes de santé mentale et de toxicomanie. Cependant, la preuve dont était saisie la division générale démontre clairement que le comportement qui a mené à la perte de son emploi en novembre 215 était une inconduite, d’après l’interprétation qui a été faite de ce terme dans la jurisprudence. Par conséquent, l’appel de la Commission doit être accueilli, et l’exclusion est rétablie.

Décision

[21] L’appel est accueilli. La décision originale de la Commission datée du 10 décembre 2015 est rétablie. L’intimée a été exclue du bénéfice de prestations régulières, conformément au paragraphe 30(1) de la Loi sur l’AE parce qu’elle avait perdu son emploi en novembre 2015 en raison de son inconduite.

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