Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] Le 11 juillet 2017, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale a déterminé que l'appelante n’avait pas démontré qu’elle avait un motif valable pour toute la période du retard avec lequel elle a présenté sa demande initiale de prestations conformément au paragraphe 10(4) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l'AE).

[3] L'appelante a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel le 14 août 2017 après avoir reçu la décision de la division générale le 25 juillet 2017. La permission d’en appeler a été accordée le 28 août 2017.

Mode d’audience

[4] Le Tribunal a tenu une audience par téléconférence pour les raisons suivantes :

  • la complexité de la question en litige;
  • le fait que l’on ne prévoit pas que la crédibilité des parties figure au nombre des questions principales;
  • les renseignements au dossier, y compris le besoin de renseignements supplémentaires;
  • l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[5] L'appelante a participé à l’audience. L’intimée n'a pas participé à l’audience malgré la réception de l’avis de convocation.

Droit applicable

[6] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] Le Tribunal doit décider si la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que l'appelante ne s'était pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer qu’elle avait un motif valable pour toute la période de son retard à déposer sa demande initiale de prestations, avait réussi à en faire la preuve en vertu du paragraphe 10(4) de la Loi sur l'AE.

Norme de contrôle

[8] La Cour d'appel fédérale a conclu que le mandat de la division d'appel est conféré par les articles 55 à 69 de la Loi sur le MEDS. La division d'appel n'exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu'exerce une cour supérieure (Canada (Procureur général) c. Jean, 2015 CAF 242; Maunder c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 274).

[9] Par conséquent, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait erré en droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Analyse

Faits non contestés

[10] L'appelante a présenté une demande de prestation de congé parental / de maternité le 20 juin 2016 à la suite de la naissance de son enfant le 29 décembre 2015. Elle était travailleuse indépendante à temps partiel, et son dernier emploi assurable était chez Made Foods Inc. jusqu'au 27 décembre 2015. L'appelante a demandé que sa demande soit antidatée au 27 novembre 2015.

[11] L'appelante n'a pas cherché à obtenir de renseignements sur ses droits et obligations avant mars 2016 parce que sa famille et ses amis l'ont informé qu'elle n'était pas admissible à des prestations étant donné qu'elle était travailleuse autonome. De plus, elle a seulement obtenu un relevé d'emploi (RE) des mois plus tard. Ce n'est qu'au moment où elle a parlé à un comptable qu'elle s'est rendu compte qu'elle pourrait être admissible à des prestations. Elle a commencé à appeler l'intimée en mars 2016, mais elle ne parvenait pas à parler à un agent; les lignes étaient simplement trop occupées, on lui disait de rappeler plus tard, et elle était déconnectée. Elle a appelé plus plusieurs mois sans succès. Elle a essayé de se rendre à un centre de Service Canada à trois reprises en mars et en avril 2016, mais il y avait tout simplement de personnes, et le temps d'attente était d'environ trois heures. Elle ne pouvait pas rester avec un nouveau-né. En raison de sa frustration, l'appelante a finalement décidé de présenter une demande en ligne en juin 2016. Un agent l'a rappelé peu de temps après qu'elle avait présenté sa demande en ligne.

Position des parties

[12] L'appelante soutient que la division générale a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, lesquelles sont approfondies dans sa demande de permission d’en appeler. Elle n'a pas présenté sa demande plus tôt parce que son employeur ne lui a pas fourni de RE. Elle soutient également que la division générale lui a attribué l'entière responsabilité du retard et qu'elle n'a pas tenu compte du fait que le retard a été causé par l'omission de l'intimée d'offrir aux prestataires des moyens de communication adaptés et efficaces.

[13] L'appelante fait valoir que, contrairement à ce qu’a conclu la division générale, elle a fait ce qu’une personne « raisonnable et prudente » aurait fait dans les mêmes circonstances pour s’enquérir de ses droits et de ses obligations en vertu de la Loi sur l'AE.

[14] L'intimée soutient que la preuve démontre que l'appelante a déclaré avoir assumé qu'elle n'était pas admissible aux prestations parce qu'elle était travailleuse autonome et qu'elle a également fondé son hypothèse selon laquelle elle ne serait pas admissible à des prestations sur des renseignements qu'elle a reçus de ses amis et de sa famille. La jurisprudence a confirmé le principe selon lequel les prestataires qui reçoivent des conseils inexacts de personnes qui ne sont pas du tout liées à l'intimé doivent s'acquitter du fardeau doivent s'occuper de leurs affaires, à moins qu'ils soient incapables de la faire, pour déterminer s'ils sont admissibles aux prestations, et s'enquérir de leurs droits et obligations conférés.

[15] L'intimée soutient que la division générale n'a pas commis une erreur lorsqu'elle a tiré la conclusion selon laquelle l'appelante n'avait pas agi comme une personne raisonnable dans sa situation pour s'enquérir de ses droits et obligations en vertu de la Loi sur l'AE.

Décision de la division générale

[16] La division générale a conclu que des options simples s'offraient à l'appelante pour obtenir des renseignements depuis le confort de son domicile, même s'il était trop difficile de se rendre à un bureau de Service Canada : demander des renseignements par téléphone et consulter les renseignements accessibles en ligne relativement à l'admissibilité aux prestations pour les personnes employées et les travailleurs indépendants. Elle a également conclu que l'appelante n'avait pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’il existait des circonstances [traduction] « exceptionnelles » qui l'empêcheraient de se prévaloir de ces options pendant toute la période du retard.

La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu que l'appelante ne s'était pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer qu’elle avait un motif valable pour toute la période de son retard à déposer sa demande initiale de prestations, avait réussi à en faire la preuve en vertu du paragraphe 10(4) de la Loi sur l'AE?

[17] Pour établir l’existence d’un motif valable aux termes du paragraphe 10(4) de la Loi sur l'AE, un prestataire doit réussir à démontrer qu’il a fait ce que toute personne raisonnable se trouvant dans la même situation aurait fait pour se renseigner sur ses droits et obligations en vertu de la Loi sur l'AE. La Cour d’appel fédérale a réaffirmé à de nombreuses reprises que les prestataires ont le devoir de se renseigner sur leurs droits et obligations et sur les mesures à prendre pour protéger une demande de prestations (Canada (Procureur général) c. Kaler, 2011 CAF 266, et Canada (Procureur général) c. Dickson, (2012) CAF 8).

[18] La division générale a conclu que le fait de se fonder sur les conseils de sa famille et de ses amis n'était pas un substitut raisonnable aux demandes de renseignements présentées directement à l'intimée. Si l'appelante avait des doutes ou des questions concernant son admissibilité étant donné qu'elle était travailleuse indépendante, il aurait été raisonnable qu'elle communique avec l'intimée au lieu de se fier à des membres de sa famille ou à des amis.

[19] La Cour d'appel fédérale a conclu qu'un prestataire doit prendre des mesures raisonnables auprès de l'intimée pour vérifier les renseignements obtenus par l'intermédiaire de tiers (Canada (Procureur général) c. Innes, 2010 CAF 341, et Canada (Procureur général) c. Trinh, 2010 CAF 335).

[20] La Cour d'appel fédérale a également conclu que les prestataires qui tardent à présenter une demande de prestations parce que leur employeur a omis de leur remettre un RE ou leur a remis un RE en retard ne présentent pas un motif valable (Canada (Procureur général) c. Chan, A-185-94, et Canada (Procureur général) c. Brace, 2008 CAF 118.

[21] La preuve démontre que l'appelante a attendu jusqu'en mars 2016 avant d'appeler un bureau de Service Canada ou de s'y rendre afin d'obtenir des précisions sur ses droits et responsabilités, et ce, même si son emploi avait pris fin le 27 novembre 2015. Même après que son comptable lui ait conseillé de présenter une demande de prestation et après la fin de sa période de mauvaise santé et des conditions hivernales, elle a quand même tardé jusqu'au 20 juin 2016 pour prendre des mesures. Rien ne prouve qu'elle était incapable de chercher à obtenir des précisions sur ses droits et responsabilités. Elle a été capable de contester avec succès son contrôle fiscal pendant la même période.

[22] Le Tribunal estime que l'appelante n'a déployé aucun effort fructueux tout au long de la période de retard afin de connaître ses droits et responsabilités aux termes de la Loi sur l'AE. Elle aurait pu consulter les renseignements accessibles en ligne concernant l'admissibilité aux prestations pour les personnes employées et les travailleurs indépendants. Elle aurait pu appeler dès la fin de son emploi et continuer d'appeler même si les lignes étaient très occupées si elle ne pouvait pas attendre en ligne au centre de Service Canada. On ne peut affirmer que l’appelant3 a agi comme une personne prudente et raisonnable.

[23] Après examen de l'ensemble de la preuve présentée à la division générale, le Tribunal estime que la division générale n'a pas commis d'erreur en concluant que l'appelante n'a pas agi comme une personne prudente l'aurait fait dans la même situation pour se renseigner sur ses droits et obligations, et pris les mesures nécessaires pour protéger sa demande de prestations en vertu de la Loi sur l'AE. Le Tribunal estime également que la division générale n'a pas commis d'erreur lorsqu'elle a conclu qu'il n'existait aucune circonstance exceptionnelle qui expliquerait le dépôt tardif de la demande de prestations de l'appelante.

[24] Après avoir tenu compte de l'ensemble de la preuve, y compris du dossier d'appel, les observations des parties, la jurisprudence et de la décision de la division générale, le Tribunal estime qu'aucune preuve n'appuie les moyens d'appel invoqués ou tout autre moyen d'appel possible.

[25] Par conséquent, le Tribunal doit rejeter l'appel.

Conclusion

[26] L’appel est rejeté.

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