Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Motifs et décision

Introduction

[1] Le 30 septembre 2016, la Commission a conclu que la demanderesse a volontairement quitté son emploi, ce qui signifie qu’elle n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi (AE) et qu’elle doit rembourser les sommes reçues. La demanderesse a demandé à la défenderesse, au-delà des délais prévus, une révision de la décision. Dans une lettre datée du 4 octobre 2016, la défenderesse a refusé de prolonger le délai accordé à la demanderesse pour demander une révision.

[2] La demanderesse en a appelé du refus de la défenderesse devant de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada. Dans une décision datée du 3 avril 2017, la division générale a maintenu que le délai pour demander une révision ne devait pas être prolongé, et a rejeté l’appel de la demanderesse. Le 10 mai 2017, la demanderesse a présenté une demande de permission d’appeler de cette décision devant la division d’appel du Tribunal.

Question en litige

[3] L’appel de la demanderesse a-t-il une chance raisonnable de succès?

Droit applicable

[4] Tel qu’il est prévu aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission, et la division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[5] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[6] Les seuls moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b)  elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] Le paragraphe 1(1) du Règlement sur les demandes de révision prévoit que la Commission peut autoriser une prolongation du délai si elle est convaincue :

qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai et, d’autre part, que l’intéressé a manifesté l’intention constante de demander la révision.

Observations

La demanderesse soutient que la décision initiale de la Commission a été postée à la mauvaise adresse, mais dès qu’elle a reçu la décision, elle a tenté de résoudre les questions par téléphone. Elle mentionne que son époux travaille dans les Forces armées canadiennes et qu’elle a trois enfants tous âgés de moins de 5 ans; elle a donc tenté de résoudre les questions avec les représentants par téléphone en attendant que son époux revienne à la maison. À son retour, elle s’est rendue en personne au bureau pour déposer le formulaire de révision.

Analyse

[8] La division générale consent que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en refusant d’examiner la demande de révision tardive. En rendant sa décision, la division générale s’est prononcée sur la question de savoir si la demande de révision tardive devrait être acceptée en utilisant le critère approprié.

[9] La division générale admet également que la décision initiale n’a pas été communiquée avant octobre 2015, et n’a remis en question aucun élément de preuve soumis par la demanderesse en lien avec les gestes qu’elle a posés à la réception de la lettre. La division générale a conclu que la demanderesse a prouvé son intention constante de demander une révision. Cependant, la division générale estime que les circonstances énoncées par la demanderesse ne justifient pas un retard de plus de neuf mois pour demander une révision. Plus particulièrement, la division générale a conclu qu’il est déraisonnable que la demanderesse ait tenté de régler la question avec la Commission par téléphone, sans même déposer une demande officielle.

[10] Dans la demande de permission d’en appeler, la demanderesse a exprimé son désaccord avec la décision de la division générale, mais elle n’a pas précisé d’erreur de la part de la division générale qui pourrait répondre aux moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS.

[11] Cependant, la Cour fédérale a déterminé que la division générale ne devrait pas appliquer le paragraphe 58(1) si mécaniquement dans le cadre de demandes de permission d’en appeler, mais que cette dernière devrait examiner le dossier pour déceler des erreurs potentielles (voir Karadeolian c. Canada (Procureur général), 2016 CF 615; Griffin c. Canada (Procureur général), 2016 CF 874; et Joseph c. Canada (Procureur général), 2017 CF 391). Par conséquent, j’ai examiné le dossier devant la division générale, ainsi que l’enregistrement audio de l’audience de la division générale.

[12] La preuve présentée devant la division générale fait état que la demanderesse a reçu la lettre de la décision de la Commission en octobre 2015. La lettre énonce les délais prévus pour demander une révision et instruit la demanderesse de communiquer avec la Commission pour obtenir de plus amples détails sur le processus. La demanderesse a communiqué avec la Commission la journée même de la réception de la lettre et à plusieurs occasions subséquentes. À un certain moment, on l’a instruite des marches à suivre pour remplir le formulaire de demande de révision, mais elle n’a déposé le formulaire qu’en août 2016. La demanderesse témoigne qu’elle a jugé que la demande de révision était trop importante pour la poster, en plus d’énoncer plusieurs circonstances personnelles qui l’ont empêchée de déposer le formulaire en personne.

[13] L’enregistrement audio révèle que la demanderesse a mentionné à la division générale qu’elle pensait avoir enclenché le processus d’appel dès leur première conversation téléphonique. La demanderesse a répondu comme suit :

[traduction] « La journée que j’ai reçu la lettre, lorsque j’ai téléphoné, je croyais vraiment avoir enclenché le processus d’appel. J’ai parlé avec la représentante pendant près d’une heure au cours de laquelle j’ai énoncé ma cause en détail; elle prenait des notes, j’ai donc pensé qu’elle m’aidait avec mon appel. »

La demanderesse a admis avoir commis une erreur en tardant pour envoyer le formulaire, mais elle a aussi dit ce qui suit :

[traduction] « Je pensais avoir commencé mon appel en, comme j’ai déjà mentionné, discutant par téléphone avec la représentante puisqu’ils notent tout ce que vous dites [...] et je ne voyais pas quelle différence il peut y avoir entre tout taper ce que je dis et aller le dire en personne, ou entre le fait que je rédige tout et je vais le porter en personne. C’est ce qui, selon moi, enclencherait le processus. »

[14] Je suis convaincu que le paragraphe 78(2) du Règlement sur l’assurance-emploi énonce un processus précis concernant le dépôt des demandes de révision, ce que la demanderesse n’a pas suivi. Néanmoins, la compréhension du processus par la demanderesse relève une certaine importance afin de déterminer la question de savoir si elle offre une explication raisonnable pour prolonger le délai. Un demandeur qui croit avoir enclenché un processus de révision officiel ne part pas sur le même pied qu’un demandeur qui choisit de ne pas tenir compte du processus en place, au profit d’une solution non autorisée provenant de son cru.

[15] Au paragraphe 33, la division générale met l’accent sur les raisons données par la demanderesse pour lesquelles elle n’a pas remis le formulaire en personne à la Commission; elle mentionne qu’elle était occupée avec ses enfants, que son époux militaire était parti en mission pendant huit mois, qu’elle ne possède pas de véhicule et qu’elle a tenté de régler la question par téléphone.

[16] Ces raisons se rapportent expressément au dépôt tardif du formulaire de révision de la part de la demanderesse. Cependant, si l’argument de la demanderesse selon lequel elle pensait avoir enclenché le processus officiel de révision par téléphone est accepté comme explication raisonnable pour ne pas répondre aux critères techniques relatifs au dépôt d’une demande de révision, les raisons données pour justifier son dépôt physique tardif du formulaire auraient moins d’importance.

[17] L’analyse de la division générale traite les deux critères énoncés au paragraphe 1(1) du Règlement sur les demandes de révision suivants : qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai et, d’autre part, que l’intéressé a manifesté l’intention constante de demander la révision.

[18] En traitant du premier de ces critères (au paragraphe 33), l’analyse de la division générale ne tranche pas sur l’explication de la demanderesse selon laquelle elle pensait avoir enclenché le processus. La demanderesse a témoigné que selon elle, elle avait déjà enclenché le processus de révision et elle n’a pas compris que cela ne pouvait pas être fait sans déposer un formulaire écrit, mais la division générale ne renvoie pas à cette preuve. L’analyse de la division générale traite uniquement des raisons données par la demanderesse pour justifier qu’elle n’ait pas rempli et déposé la demande en personne.

[19] Après avoir examiné le critère selon lequel la demanderesse a manifesté l’intention constante de demander une révision (au paragraphe 34), la division générale estime que la demanderesse a agi de façon déraisonnable en tentant de régler la question par téléphone. Cependant, la division générale a résumé la preuve de la demanderesse sur ce point comme suit : « elle croyait sincèrement qu’elle pouvait régler la question par téléphone sans devoir déposer une demande officielle de révision. » Il n’est pas certain que la division générale ait compris le témoignage de la demanderesse selon lequel elle pensait, dans les faits, avoir enclenché le processus officiel de révision par téléphone.

[20] Si la division générale n’a pas tranché sur le caractère raisonnable de l’explication de la demanderesse selon laquelle elle croyait sincèrement avoir enclenché le processus officiel de révision par téléphone, il se peut donc qu’il y ait eu une erreur.

[21] En lisant la décision et en écoutant l’enregistrement audio de l’audience, je me doute quelque peu que la division générale a appliqué le critère avec une crainte justifiée concernant tous les éléments de preuve présentés par la demanderesse. Il se peut que la décision de la division générale soit fondée sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissance.

[22] Par conséquent, je juge que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[23] La demande est accueillie.

[24]  La demanderesse est libre de faire valoir un ou des motifs d’appel supplémentaires pendant son audience d’appel.

[25] La présente décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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