Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 27 avril 2017, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a déterminé que la demanderesse ne pouvait pas obtenir une prolongation du délai de sa période de référence de plus de trois semaines, conformément au paragraphe 8(2) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). Par conséquent, la division générale était d’accord avec la Commission sur le fait qu’elle n’aurait pas le nombre d’heures minimal requis pour avoir droit aux prestations spéciales en vertu du paragraphe 93(4) du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement), même si sa demande était antidatée, comme elle l’avait demandé. Par conséquent, la division générale a conclu que la Commission était en droit de refuser d’antidater sa demande, et elle a conclu que la demanderesse n’avait pas accumulé suffisamment d’heures pour être admissible à des prestations en vertu du paragraphe 7(2) de la Loi sur l’AE et de l’article 93 du Règlement.

[2] La demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler (demande) auprès de la division d’appel du Tribunal le 3 juin 2017.

Question en litige

[3] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Droit applicable

[4] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission et elle accorde ou refuse cette permission.

[5] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Observations

[7] La demanderesse soutient que la division générale n’a pas tenu compte des éléments de preuve selon lesquels elle était trop malade pour travailler pendant d’autres semaines. Plus précisément, elle soutient que la division générale n’a pas tenu compte du relevé d’emploi pour la période du 10 février 2015 au 19 mai 2016 (à GD3-19). Le relevé d’emploi a révélé, à première vue, qu’il y avait quatre semaines supplémentaires au cours desquelles elle n’a touché aucun revenu. Celles-ci étaient identifiées comme étant les semaines numéro 2, 8, 9 et 14.

[8] La demanderesse note que le paragraphe 8(2) de la Loi sur l’AE porte sur des périodes de semaines complètes. Pour un certain nombre de raisons précises, y compris la maladie, la Loi sur l’AE permet la prolongation de la période de référence d’une semaine pour toute semaine au cours de laquelle un prestataire n’est pas en mesure de travailler pendant la semaine complète. Aussi, le paragraphe 93(4) du Règlement porte également sur des périodes de journées entières, excluant un prestataire du bénéfice de prestations spéciales pour toutes les journées pour lesquelles il n’est pas en mesure de prouver qu’il n’était pas capable de travailler pour un motif tel que la maladie.

[9] La demanderesse soutient que cette incohérence d’approches est [traduction] « ambiguë », et que la division générale a omis d’observer un principe de justice naturelle (apparemment en rendant une décision dans laquelle elle faisait référence à des semaines plutôt qu’à des jours).

[10] Finalement, la demanderesse soutient que la Commission était tenue, en vertu du paragraphe 8(2) de la Loi sur l’AE, de lui donner des directives sur la façon qu’elle pourrait prouver qu’elle était sans emploi au cours d’une certaine semaine en raison de sa maladie. La demanderesse soutient que la Commission n’a pas fait cela ni la division générale, et elle soutient qu’il s’agit d’une erreur de droit.

Analyse

[11] En ce qui a trait au premier moyen d’appel soulevé par la demanderesse, elle soutient que les trois semaines au cours desquelles elle était alitée n’étaient pas les seules semaines pendant sa période de référence au cours desquelles elle n’était pas capable de travailler en raison de sa maladie, et elle soutient que la division générale a omis de tenir compte de cela.

[12] La demanderesse a témoigné que les 13 jours et demi qu’elle avait mentionnés étaient seulement les jours qu’elle avait été en mesure de documenter avoir perdus en raison de sa maladie. Il s’agissait-là des jours où elle a dû annuler le travail qu’elle avait déjà planifié. Elle a dit que cela ne comprenait pas le travail qu’on lui avait offert, mais qu’elle avait refusé. J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience et j’ai conclu que la demanderesse avait affirmé qu’il y avait eu d’autres jours où, si ses nausées matinales étaient très intenses, elle prenait la journée suivante de congé, car [traduction] « son patron n’aimait pas ça lorsque [la demanderesse] recevait des appels le matin et n’était pas capable de les accepter, car [la demanderesse] était encore malade ». Elle a également affirmé qu’elle n’avait pas de date précise pour les autres journées au cours desquelles elle a dû refuser de travailler.

[13] La division générale a noté qu’un prestataire doit prouver qu’au cours d’une semaine en question, cette personne était sans emploi en raison d’une maladie ou d’une grossesse. Puisque la période consécutive la plus longue pendant les 13 jours et demi n’était que de quatre jours, aucune des journées qu’elle a fournies ne pouvait être utilisée pour prolonger sa période de référence.

[14] La demanderesse soutient que la division générale a ignoré le relevé d’emploi qui démontrait qu’il y avait certaines périodes de paye sans rémunération. Cependant, la présence de semaines sans rémunération ne permet pas d’établir que la demanderesse n’était pas capable de travailler au cours de ces semaines-là en raison de la maladie.

[15] Il n’en demeure pas moins que la demanderesse a affirmé qu’il y avait des jours au cours desquels elle a suivi les directives de son employeur et qu’elle a l’avisé qu’elle ne serait pas capable d’accepter du travail qu’on lui aurait autrement offert. La division générale n’a pas évalué cet élément de preuve et n’en a même pas fait référence. Il ne ressort pas clairement si la division générale a tenu compte de la possibilité que la demanderesse n’ait peut-être pas travaillée au cours de la semaine complète de travail, et ce, pendant une semaine ou plus, à la demande de la demanderesse qu’aucun travail ne lui soit assigné ou en raison d’une combinaison de jours de travail planifiés qui avaient été annulés et d’autres jours où elle avait demandé qu’aucun travail ne lui soit assigné parce qu’elle était malade ou s’attendait à être malade.

[16] De plus, les quatre jours consécutifs de travail perdu, soit du 16 février au 9 février 2016, qui ont été mentionnés par la division générale, étaient au cours d’une semaine de travail réduite. La seule autre journée au cours de cette semaine-là est le 15 février 2016, qui, je le remarque, est la Journée de la famille en Alberta, soit une journée où les écoles sont fermées. La demanderesse a témoigné travailler uniquement pour la division scolaire d’Elk Island en Alberta.

[17] Cela pourrait signifier que la demanderesse n’a pas été capable de travailler tous les jours de cette semaine bien précise, et qu’il aurait peut-être été raisonnable d’envisager de prolonger sa période de référence d’une semaine. La division générale n’a pas tenu compte des répercussions d’une semaine de travail réduite sur l’admissibilité de cette semaine-là pour la possibilité d’une prolongation dans le contexte du paragraphe 8(2), et elle n’a pas tenté de déterminer si une semaine supplémentaire lui permettrait d’accumuler les cinq heures supplémentaires dont elle avait besoin pour obtenir les 600 heures requises en vertu du paragraphe 93(1) du Règlement.

[18] J’estime que la division générale a peut-être commis une erreur en ne tenant pas compte des éléments de preuve de la demanderesse concernant les jours supplémentaires au cours desquels elle n’a pas pu travailler en raison de maladie, ou de ses répercussions sur le nombre de semaines qui aurait pu être ajouté à sa période de référence. J’ai également conclu que la division générale a peut-être commis une erreur en ne tentant pas de déterminer si l’on devrait tenir compte de la semaine de travail réduite ‒ au cours de laquelle elle n’a pas du tout travaillé ‒ au moment de calculer une période de référence prolongée.

[19] Par conséquent, j’estime que la division générale a peut-être fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS.

[20] L’appel de la demanderesse a une chance raisonnable de succès.

[21] La demanderesse a également soulevé des préoccupations relativement è la manière dont la Loi sur l’AE et le Règlement sont rédigés ou interprétés, ainsi que sur la mesure dans laquelle la division générale est obligée d’aider la demanderesse à établir le bien-fondé de son affaire.

[22] À la suite de ce qui a été prévu dans l’arrêt Mette v. Canada (Procureur général), 2016 CAF 276, il n’est pas nécessaire que j’examine chacun des moyens d’appels invoqués par la demanderesse. La Cour a noté, dans l’arrêt Mette, que [traduction]  « [le paragraphe 58(2)] ne repose pas sur le rejet de chacun des moyens d’appel invoqués. En effet, les différents moyens d’appel peuvent être interdépendants à un point tel qu’il devient impossible de les analyser distinctement, et un motif défendable suffit donc à motiver l’octroi d’une permission d’en appeler. »

Conclusion

[23] La demande est accueillie.

[24] La demanderesse est libre de soulever l’un ou l’ensemble des moyens d’appel au cours de l’audience de l’appel sur le fond du litige.

[25] Cette décision accordant la permission d’interjeter appel ne présume pas le résultat de l’appel sur le fond de l’affaire.

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