Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] Le 27 mai 2017, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale a conclu que l’appelante était inadmissible aux prestations d’assurance-emploi étant donné qu’elle avait un emploi, comme il est prévu aux articles 9 et 10 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) et à l’article 30 du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE).

[3] L’appelante est réputée avoir présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel le 28 juin 2017 après avoir reçu la décision de la division générale le 29 mai 2017. La permission d’en appeler a été accordée le 30 août 2017.

Mode d’audience

[4] Le Tribunal a tenu une audience par téléconférence pour les raisons suivantes :

  • la complexité de la question en litige;
  • le fait que l’on ne prévoit pas que la crédibilité des parties figure au nombre des questions principales;
  • les renseignements au dossier, y compris le besoin de renseignements supplémentaires;
  • l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[5] L’appelante a participé à l’audience et a été représentée par l’avocat Joseph Lanni. L’intimée était représentée par Rachel Paquette.

Droit applicable

[6] Au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), il est prévu que les seuls moyens d’appels sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] Le Tribunal doit déterminer si la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que l’appelante devrait être exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à part du 14 janvier 2013 étant donné qu’elle était sans emploi, comme il est prévu aux articles 9 et 10 de la Loi sur l’AE et à l’article 30 du Règlement sur l’AE.

Norme de contrôle

[8] La Cour d’appel fédérale a conclu que le mandat de la division d’appel est conféré par les articles 55 à 69 de la Loi sur le MEDS. La division d’appel n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure (Canada (Procureur général) c. Jean, 2015 CAF 242; Maunder c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 274).

[9] Par conséquent, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait erré en droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Analyse

[10] À la demande de l’appelante, le Tribunal a rédigé la présente décision en anglais par souci de cohérence et d’uniformité avec la décision de la division générale.

[11] Dans le cadre de l’appel, l’appelante fait essentiellement valoir que, lorsque l’agent de l’intimée l’a reçue en entrevue le 20 novembre 2011, elle a eu l’impression d’être intimidée et de ne pas avoir eu l’occasion de présenter un témoin à l’appui de sa version des faits. Elle soutient également que, au cours de son entrevue, elle parlait au présent, et non au passé. Par conséquent, sa déclaration ne représente pas exactement les faits applicables à la période visée.

[12] Comme il a été conclu par la division générale, l’appelante a eu d’autres occasions de fournir la version du témoin, y compris à l’écrit et au cours de l’audience. Elle a décidé de ne pas le faire. De plus, la preuve présentée à la division générale, mis à part l’entrevue menée par l’intimée, n’a pas démontré que l’appelante ne participait pas à l’exploitation de son entreprise pendant la période du 14 janvier 2013 à juillet 2013.

[13] Le critère à appliquer consiste à déterminer si, d’un point de vue objectif et à la lumière des six facteurs énoncés au paragraphe 30(3) du Règlement sur l’AE, le prestataire exerce un emploi à titre de travailleur indépendant ou exploite son entreprise dans une mesure suffisante pour que cet emploi ou cette activité puisse normalement constituer son principal moyen de subsistance.

[14] La jurisprudence a établi qu’aucun facteur n’est décisif et que chaque cas doit être examiné en fonction des circonstances qui lui sont propres (Martens c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 240; Canada (Procureur général) c. Goulet, 2012 CAF 62; Inkell c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 290).

[15] Le Tribunal est d’avis que le texte de la loi doit être pris dans son ensemble : il est possible qu’une personne consacre un nombre d’heures limité à un emploi ou à l’exploitation d’une entreprise, mais que cet emploi ou cette activité constitue son principal moyen de subsistance. Qui plus est, un prestataire qui gagne des revenus insuffisants n’est pas forcément considéré comme étant en chômage.

[16] Le paragraphe 30(3) du Règlement sur l’AE prévoit six facteurs à prendre en considération pour déterminer si le prestataire exerce un emploi à titre de travailleur indépendant dans une mesure limitée. Les circonstances qui permettent de déterminer si le prestataire exerce un emploi ou exploite une entreprise dans la mesure décrite au paragraphe 30(2) sont les suivantes :

  1. a) le temps qu’il y consacre;
  2. b) la nature et le montant du capital et des autres ressources investis;
  3. c) la réussite ou l’échec financiers de l’emploi ou de l’entreprise;
  4. d) le maintien de l’emploi ou de l’entreprise;
  5. e) la nature de l’emploi ou de l’entreprise;
  6. f) l’intention et la volonté du prestataire de chercher et d’accepter sans tarder un autre emploi.

[17] La division générale a tenu compte des six facteurs afin de déterminer si l’appelante était une travailleuse indépendante dans une mesure limitée.

[18] La division générale n’était pas convaincue que l’appelante n’avait pas passé une durée importante au sein de l’entreprise pendant la période du 14 janvier 2013 à juillet 2013.

[19] La division générale a conclu que l’appelante était présente au quotidien afin de veiller au succès de l’entreprise de son ami et partenaire d’affaires qui travaillait ailleurs pendant la journée. La division générale a conclu que le fait qu’elle suivait une formation ou qu’elle travaillait réellement, de façon rémunérée ou non, ne changeait pas le fait qu’elle a passé beaucoup de temps au sein de l’entreprise.

[20] La division générale a souligné que l’appelante avait conclu une entente de partenariat d’affaires en juillet 2012. L’entreprise a été acquise le 16 janvier 2014 et enregistrée le 14 février 2013. L’appelante a été inscrite à titre de présidente et détenait 49 pour 100 des actions de l’entreprise.

[21] Le fait que l’appelante déclarait que sa participation à temps plein a coïncidé presque parfaitement avec la fin de sa période de prestations a soulevé un doute auprès de la division générale quant à la crédibilité de la version des faits de l’appelante à l’audience.

[22] La division générale a conclu que la contribution de l’appelante, même si elle n’était pas de nature financière, se faisait sous forme de connaissances et d’expertise dans le domaine de la gestion et des ventes, comme il est prévu dans l’entente de partenariat signée par l’appelante le 8 juillet 2012, soit avant sa période de prestations.

[23] La division générale a conclu que l’entreprise n’était pas très fructueuse et qu’elle ne continuerait probablement pas ses activités en raison de ses mauvais résultats financiers.

[24] La division générale a conclu que l’appelante a contribué à l’entreprise en lui offrant quotidiennement sa présence et ses connaissances en gestion et en ventes.

[25] Finalement, la division générale a conclu que l’appelante n’avait pas suffisamment accordé la priorité à la recherche d’emploi, que celle-ci était trop limitée et qu’elle n’a pas démontré une intention ou une volonté suffisante d’obtenir un autre emploi.

[26] Après avoir examiné les six facteurs, la division générale en est venue à la conclusion suivante :

[traduction]

[54] Même si le Tribunal éprouve de la sympathie relativement aux efforts déployés par l’appelante pour lancer son restaurant avec son ami afin de générer un revenu et subvenir aux besoins de sa famille, le critère pertinent doit être appliqué. Dans l’arrêt Marlowe c. Canada (PG), 2009 CAF 102, la Cour d’appel fédérale a confirmé la décision du juge-arbitre dans CUB 69121 en réitérant que les dispositions juridiques applicables sont fondées sur le principe selon lequel un prestataire ne doit avoir aucun engagement, emplois ou intérêt qui pourrait limiter ses chances ou son désir de réintégrer le marché du travail afin d’être admissible aux prestations. À la suite de l’analyse de l’ensemble des facteurs prévus au paragraphe 30(2), le Tribunal estime que l’ouverture d’un restaurant, peu importe si l’appelante était rémunérée ou non, exigeait du temps et une attention de la part de l’appelante, ce qui réduisait de façon importante ses chances et son désir de retourner travailler pour un autre employeur. Par conséquent, elle ne satisfait pas aux exigences d’admissibilité à des prestations. Le Tribunal estime que l’appelante était travailleuse indépendante à partir du 14 janvier 2013, qu’elle était considérée comme ayant effectué une semaine entière de travail conformément au paragraphe 30(1) parce qu’elle ne satisfaisait pas aux exigences de l’exception prévue au paragraphe 30(2) du Règlement sur l’AE. Des prestations ne sont pas payables à l’appelante à partir du 14 janvier 2013.

[27] Bien qu’il importe de tenir compte du temps consacré à une activité pour déterminer si cette activité est exercée dans une « mesure limitée », il ne s’agit pas du seul facteur à prendre en considération; le Tribunal ne croit pas non plus que ce facteur prévale systématiquement sur les autres. À la lumière de la preuve, l’application du critère objectif prévu au paragraphe 30(2) aux circonstances propres à l’appelante, établies en fonction de celles qui sont énumérées au paragraphe 30(3), a permis de constater qu’au moins quatre facteurs sur six portent à conclure que l’appelante n’a pas participé à l’exploitation de son entreprise dans une mesure limitée au cours de la période de prestations.

[28] Le Tribunal pourrait avoir tranché l’espèce de manière différente, mais n’est pas habilité à juger de nouveau une affaire ni à substituer son pouvoir discrétionnaire à celui de la division générale. La compétence du Tribunal est limitée par le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. À moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait erré en droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

[29] Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal estime que la décision de la division générale est conforme à la preuve portée à sa connaissance et que cette décision, à la loi et à la jurisprudence. Le Tribunal estime également qu’aucune règle de justice naturelle n’a été enfreinte en l’espèce.

Conclusion

[30] L’appel est rejeté.

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