Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Motifs et décision

Aperçu

[1] L’appelant a présenté une demande initiale de prestations d’assurance-emploi le 17 novembre 2009. Le 5 octobre 2015, l’intimée a déterminé que l’appelant n’était pas admissible au bénéfice des prestations après avoir constaté qu’il exploitait une entreprise et qu’il ne pouvait donc pas être considéré au chômage. L’intimée a également donné un avertissement à l’appelant après avoir déterminé qu’il avait sciemment fait de fausses déclarations. L’appelant a demandé la révision de ces décisions, et, le 24 novembre 2015, l’intimée a maintenu ses décisions initiales. Bien que l’appelant ait déposé un appel auprès du Tribunal de la sécurité sociale le 3 mars 2016, soit après le délai prescrit à l’article 52(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, le Tribunal a accordé une prorogation du délai pour interjeter appel le 24 mai 2016.

[2] La division générale du Tribunal a accueilli l’appel interjeté par l’appelant de la décision découlant de la révision de l’intimée selon laquelle l’appelant exploitait une entreprise et ne pouvait donc par être considéré au chômage. Le 14 juillet 2017, la division d’appel du Tribunal a accueilli l’appel de l’intimée et a renvoyé l’affaire à la division générale aux fins de réexamen, car le Tribunal avait commis une erreur de droit et avait manqué au droit à la justice naturelle des parties.

[3] Le Tribunal doit déterminer si l’appelant est inadmissible, car il n’a pas démontré qu’il était au chômage au sens des articles 9 et 11 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) et de l’article 30 du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE). Le Tribunal doit aussi déterminer si l’intimée a correctement émis un avertissement conformément à l’article 41.1 de la Loi sur l’AE, parce que l’appelant a sciemment fourni des renseignements faux ou trompeurs.

[4] L’audience a été tenue par vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  1. la complexité des questions en litige;
  2. le fait que la crédibilité ne devrait pas être une question déterminante;
  3. le fait que l’appelant sera la seule partie présente;
  4. le fait qu’une interprète participera à l’audience;
  5. le mode d’audience respecte l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale de procéder de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent.

[5] Les personnes suivantes ont participé à l’audience : l’appelant, un témoin nommé V. K. et l’interprète Jelena Puric.

[6] Le Tribunal estime que l’appelant n’a pas démontré qu’il était au chômage au sens de la Loi sur l’AE et du Règlement sur l’AE. Le Tribunal estime également que l’intimée a correctement émis un avertissement, car l’appelant a fourni des informations ou fait des déclarations qu’il savait fausses ou trompeuses. Les motifs de cette décision sont énoncés ci‑dessous.

Preuve

[7] Le 17 novembre 2009, l’appelant a présenté une demande initiale de prestations, et la période de prestations a été établie à partir du 8 novembre 2009. La demande de prestations comprenait une note concernant des déclarations fausses ou trompeuses, plus particulièrement le fait de retenir sciemment des informations ou de faire une déclaration fausse ou trompeuse pouvant entraîner un trop-payé de prestations ainsi que des pénalités ou une poursuite. L’appelant a précisé qu’il avait lu, compris et accepté ses droits et responsabilités.

[8] Le 18 février 2015, l’intimée a écrit à l’appelant pour lui dire qu’elle avait reçu des renseignements de l’Agence du revenu du Canada (ARC) selon lesquels il avait demandé un numéro d’enregistrement d’entreprise le 19 avril 2010 pour son entreprise. Comme la période de prestations d’assurance-emploi de l’appelant était en vigueur la même année, l’intimée a demandé à l’appelant de fournir des renseignements supplémentaires au sujet de son travail indépendant.

[9] Le 19 mars 2015, l’appelant a signé une déclaration concernant un questionnaire sur le travail indépendant qu’il avait rempli au sujet de son entreprise. Dans le questionnaire, il a précisé qu’il avait démarré son entreprise le 16 avril 2010 et que son partenaire et lui détenaient chacun la moitié des parts de l’entreprise. Il a précisé qu’un bail de deux ans avait été signé le 30 mars 2010 et que les coûts s’élevaient à 1 600 $ par mois. L’entreprise de l’appelant avait été financée à l’aide d’un prélèvement de 50 000 $ sur la valeur nette de sa résidence personnelle et ses cartes de crédit. L’appelant a ajouté que son partenaire avait contribué en finançant le matériel. Il a également précisé qu’il avait contracté un prêt privé de 60 000 $ qu’il devait rembourser au coût de 1 000 $ par mois. L’appelant a précisé qu’en 2010, il avait consacré un total de 1 568 heures au démarrage de l’entreprise, mais qu’il n’avait touché aucun revenu. Il a déclaré avoir fait de la publicité pour son entreprise en imprimant des prospectus et en les distribuant à différentes entreprises. Il a précisé que tous les mois, il consacrait huit heures par jour pendant 22 jours à son entreprise et qu’il travaillait généralement du lundi au vendredi de 9 h à 17 h.

[10] L’appelant a déclaré qu’il avait présenté une demande initiale de prestations d’assurance‑emploi en novembre 2009 et qu’il avait enregistré son entreprise en avril 2010. Il a affirmé qu’il lui avait fallu du temps pour démarrer l’entreprise et qu’il avait reçu sa première facture le 21 septembre 2010. Du 21 septembre 2010 au 31 décembre 2010, son revenu d’entreprise s’élevait à 6 748,91 $. L’appelant a déclaré qu’il n’avait pas travaillé pour l’entreprise au cours de sa période de prestations, mais qu’il l’avait seulement démarrée. Comme il avait lancé son entreprise par lui-même, cela lui avait pris plus de temps. Il a dit qu’il n’avait touché aucun salaire pendant la période où il recevait des prestations d’assurance‑emploi, ce pour quoi il n’avait rien déclaré. L’appelant a affirmé qu’il considérait l’entreprise comme étant prospère, qu’il occupait un emploi stable et que l’entreprise était ouverte depuis près de cinq ans. Il a déclaré qu’il considérait l’entreprise comme son principal moyen de subsistance. L’appelant a joint des copies des documents suivants au questionnaire qu’il a rempli :

  • une offre de bail d’une durée de deux ans, en vigueur du 1er avril 2010 au 30 mars 2012, au coût de 1 600 $ par mois, plus la TPS et la TVP, sans oublier les frais supplémentaires;
  • une liste de factures à différentes entreprises et les sommes respectives avec les dates allant du 21 septembre 2010 au 28 décembre 2010;
  • un sommaire des comptes du numéro d’entreprise de l’ARC montrant que l’entreprise de l’appelant avait ouvert ses portes le 16 avril 2010 et que l’appelant était la personne‑ressource et le directeur de l’entreprise.

[11] Le 9 juin 2015, l’intimée a rédigé une note à la suite de son enquête concernant le travail indépendant et la disponibilité présumés de l’appelant. Elle a noté que l’appelant avait reçu des prestations régulières jusqu’au 5 mars 2011 et qu’il n’avait pas déclaré son emploi ni sa rémunération dans sa demande. L’intimée a résumé les précisions fournies par l’appelant dans son questionnaire sur le travail indépendant. Elle a noté que l’appelant considérait son entreprise comme son principal moyen de subsistance, que l’entreprise était prospère, qu’il avait un emploi stable depuis l’ouverture de l’entreprise cinq ans auparavant, et que mis à part le travail indépendant, l’appelant n’était pas à la recherche d’un emploi. L’intimée a déclaré que l’appelant n’avait pas discuté de son travail indépendant avec elle, parce qu’il savait qu’il lui faudrait 10 mois pour démarrer l’entreprise et que tous les profits de l’entreprise serviraient directement à payer le loyer, les services publics et toute autre dépense, ce qui ne lui laisserait pas assez d’argent pour toucher un salaire. De plus, il devait ajouter de l’argent sur sa carte de crédit pour exploiter l’entreprise. L’intimée a noté que même si l’appelant ne comprenait pas l’exigence de déclarer tout le temps consacré au démarrage de l’entreprise, il a répondu « non » aux questions visant à savoir s’il avait travaillé entre le 21 septembre 2010 et le 5 février 2011. Elle a noté qu’il s’agissait d’un premier acte délictueux et qu’un avertissement devait être émis.

[12] Le 12 septembre 2015, l’intimée a déterminé que l’appelant n’était pas considéré comme étant au chômage parce qu’il effectuait des semaines de travail entières au sein de son entreprise à titre de travailleur indépendant et qu’il était réputé ne pas être au chômage. Elle a noté qu’un trop-payé découlerait de cette inadmissibilité. L’intimée a également fait remarquer que l’appelant avait accepté ses droits et responsabilités en présentant sa demande initiale de prestations, qu’on l’avait informé de déclarer tout emploi, qu’il s’agisse de travailler pour une personne ou pour son compte, et qu’il devait déclarer avec précision tous ses revenus d’emploi. L’intimée a conclu que l’appelant avait sciemment fait de fausses déclarations et que cela était considéré comme un premier acte délictueux. L’intimée a souligné que la barrière linguistique était une circonstance atténuante et elle a décidé d’émettre un avertissement.

[13] Le 5 octobre 2015, l’intimée a informé l’appelant que selon ses dossiers, et contrairement aux affirmations de l’appelant, celui-ci exploitait une entreprise. L’intimée a également informé l’appelant qu’elle avait conclu qu’il avait sciemment fait une fausse déclaration, plus précisément qu’il avait commencé à travailler à son compte le 1er avril 2010.

[14] Le 10 octobre 2015, l’intimée a envoyé à l’appelant un avis de dette de 21 635 $ pour un trop-payé découlant d’une inadmissibilité pour une période indéterminée.

[15] L’appelant a envoyé à l’intimée une demande de révision datée du 22 octobre 2015. Dans sa demande, l’appelant a précisé qu’il avait enregistré une entreprise le 16 avril 2010, mais qu’il n’avait touché aucun salaire avant septembre 2010, et qu’il l’avait déclaré dans ses déclarations d’assurance-emploi. Il a dit que pour les années d’imposition de 2010 et 2011, sa seule source de revenus provenait des prestations d’assurance-emploi, dont les sommes s’élevaient à 23 244 $ et 4 917 $ respectivement, et que son entreprise n’était pas tout à fait opérationnelle au point où il en tirerait un revenu. L’appelant a déclaré qu’au lieu d’avoir recours à l’aide sociale parce qu’il était sans emploi, il a décidé de lancer sa propre entreprise, et qu’il ne pensait pas qu’il serait pénalisé pour avoir tenté de gagner sa vie et celle de sa famille en agissant ainsi. L’appelant a joint l’avis de dette de l’intimée, les résumés de ses déclarations de revenus de 2010 et 2011, et les deux lettres de l’intimée, datées du 5 octobre 2015.

[16] Le 24 novembre 2015, l’intimée a dit à l’appelant qu’elle avait déterminé qu’il était un travailleur indépendant le jour où il avait signé son bail, et qu’une inadmissibilité rétroactive avait entraîné une dette de 21 635 $. Elle a déclaré qu’à la suite de la signature du bail, l’appelant n’avait pas déclaré qu’il était travailleur indépendant ou qu’il avait gagné de l’argent lorsque la production avait commencé. L’intimée a dit à l’appelant qu’il n’avait fourni aucune preuve selon laquelle il était activement à la recherche d’un emploi dans une relation d’employeur à employé, et qu’en l’absence de tout nouveau renseignement, elle maintenait ses décisions du 5 octobre 2015.

[17] L’appelant a envoyé une lettre à l’intimée, datée du 29 décembre 2015, concernant son trop-payé. Il a fourni un résumé de la création de son entreprise et a réitéré qu’il n’avait touché aucun revenu provenant de l’entreprise. Il a dit qu’il avait concentré ses efforts sur ses recherches d’emploi. L’appelant a joint à sa lettre un registre de ses recherches d’emploi du 8 avril 2010 au 29 septembre 2010.

[18] Le 16 février 2016, l’intimée a informé l’appelant qu’elle ne pouvait pas accueillir sa demande de révision du 29 décembre 2015, car une décision découlant de la révision avait déjà été rendue le 24 novembre 2015.

[19] Le 3 mars 2016, l’appelant a déposé un avis d’appel devant le Tribunal. L’appelant a joint à son avis d’appel la lettre datée du 29 décembre 2015 qu’il avait envoyée à l’intimée avec son registre de recherches d’emploi.

[20] Le 8 mars 2016, l’intimée a préparé un document expliquant le fonctionnement du système de service de déclaration en ligne, ainsi que des copies certifiées des questions et réponses du rapport électronique de l’appelant. Dans chacun des 25 rapports électroniques que l’appelant a remplis pour les semaines de rapport commençant le 28 mars 2010 et se terminant le 5 mars 2011, l’appelant a répondu « non » aux questions [traduction] « [ê]tes-vous un travailleur indépendant? » et [traduction] « [a]vez-vous travaillé ou touché un salaire pendant la période visée par cette déclaration? Cela comprend si vous n’avez pas encore été ou ne serez pas rémunéré pour ce travail ou si vous avez travaillé à votre compte. » Chaque rapport électronique bihebdomadaire contenait une déclaration de confirmation dans laquelle l’appelant a déclaré que ses réponses étaient véridiques et données au meilleur de ses connaissances.

[21] Lors de l’audience, l’appelant a déclaré qu’il était à la recherche d’un emploi, mais qu’il n’avait pas réussi à en trouver un. Son ami lui avait alors suggéré de lancer sa propre entreprise et qu’il pourrait ainsi trouver plus de clients en tant que sous-traitant. Il a confirmé qu’il avait loué un espace pour son entreprise le 1er avril 2010 et qu’il avait enregistré l’entreprise le 16 avril 2010. En réponse à une question du Tribunal, l’appelant a déclaré qu’il avait commencé à mettre sur pied son entreprise en avril 2010, et que depuis, il avait acheté des machines et avait appris et commencé à les utiliser, en plus d’avoir passé le plus clair de son temps à essayer de trouver un emploi. Bien qu’il ait passé 1 568 heures dans le démarrage de l’entreprise, il a précisé qu’il avait consacré entre sept et huit heures par jour à son entreprise ainsi que le même nombre d’heures, sinon plus, à chercher un emploi. Il a ajouté que le temps passé sur son entreprise ne l’avait pas empêché de faire des recherches d’emploi. Il a dit qu’il avait ouvert son entreprise afin d’avoir un travail à temps partiel supplémentaire ou possiblement un travail à temps plein. L’appelant a réitéré qu’il n’avait touché aucun revenu pendant cette période. Dans le questionnaire sur le travail indépendant, lorsque l’appelant a précisé qu’il avait personnellement passé huit heures par jour à exploiter son entreprise tous les mois pendant 22 jours, il faisait référence au moment où il remplissait le questionnaire. L’appelant a déclaré qu’il avait notamment fait des recherches d’emploi sur Internet, avait téléphoné à des entreprises et avait rencontré des employeurs en personne, et que c’est ainsi qu’il a eu l’idée de son entreprise. Son témoin a précisé que les employeurs disaient parfois qu’ils n’avaient aucun poste à pourvoir, mais qu’ils pouvaient offrir du travail à l’appelant si celui-ci avait sa propre entreprise.

[22] L’appelant a précisé que les machines qu’il utilise sont entièrement automatisées, qu’elles peuvent fonctionner automatiquement pendant 12 à 14 heures, et qu’il n’a pas besoin d’être présent lorsqu’elles sont en fonction. Il a déclaré qu’il était aussi capable de vérifier le progrès des machines sur Internet. Selon l’appelant, ses ventes en 2010 s’élevaient à 6 758 $, bien qu’il n’ait touché aucun revenu provenant de l’entreprise. Il a déclaré qu’étant donné que les prestations d’assurance-emploi n’étaient pas suffisantes pour vivre, il avait dû se fier à ses cartes de crédit et retirer 22 000 $ de ses REER. L’appelant a dit avoir commis une erreur en n’avisant pas l’intimée qu’il avait une entreprise enregistrée. Il a dit qu’il ne pensait pas devoir le faire étant donné qu’il ne touchait aucun revenu de l’entreprise. L’appelant a déclaré qu’il gagne maintenant sa vie décemment grâce à son entreprise.

Observations

Semaines d’admissibilité

[23] L’appelant a soutenu que la décision découlant de la révision de l’intimée est incorrecte et qu’il avait enregistré son entreprise dans le but d’avoir la possibilité de travailler pour un employeur en entretenant une relation d’entreprise à entreprise plutôt que d’avoir une relation traditionnelle d’employé à employeur. Il a fait valoir qu’il n’avait pas l’intention de lancer une entreprise à ce moment-là, et que l’absence de ventes ou de transactions entre le 1er avril 2010 et le 1er septembre 2010 le démontre clairement. L’appelant a dit que le contrat de location qu’il avait signé en avril 2010 avait été conclu pour établir l’adresse de l’entreprise et appuyer son enregistrement. Toutefois, l’espace n’a pas été occupé avant septembre 2010, lorsque l’appelant a établi la communication avec ses premiers clients. Il a soutenu que pendant ce temps, il s’efforçait uniquement de trouver un emploi pour ne plus être bénéficiaire de l’assurance-emploi, comme l’a démontré son registre de recherches d’emploi quotidiennes.

[24] L’appelant a envoyé au Tribunal des observations mises à jour dans lesquelles il a demandé la révision de la transcription ou de l’enregistrement de l’audience relative à son appel initial devant la division générale du Tribunal. Il a déclaré qu’il avait commis l’erreur de ne pas informer le gouvernement concernant l’entreprise qu’il avait enregistrée en avril 2010, et que cela s’expliquait par le fait qu’il n’avait touché aucun revenu pendant la majorité du temps où il recevait des prestations d’assurance-emploi, et que lorsqu’il a touché un revenu, celui-ci était insuffisant pour vivre, ce pour quoi il a servi à couvrir les dépenses de l’entreprise. Selon l’appelant, s’il ne touchait aucun revenu provenant de son entreprise et que son principal objectif était de trouver un emploi à temps plein, il ne pouvait pas prétendre travailler à son compte. Toutefois, il a soutenu qu’il s’agissait de son erreur et qu’il en prenait l’entière responsabilité.

[25] L’appelant a abordé les six facteurs prévus à l’article 30 du Règlement sur l’AE. En ce qui concerne le temps consacré, l’appelant a dit qu’il avait passé d’innombrables heures à chercher des possibilités d’emploi en ligne et en personne. Il a dit qu’il ne devrait pas être pénalisé pour avoir multiplié ses possibilités d’emploi et pris un plus grand risque que la plupart des gens afin de ne plus être bénéficiaire de l’assurance-emploi. En ce qui concerne la nature et le montant du capital et des autres ressources investis, l’appelant a déclaré que le capital et les autres ressources investis dans l’entreprise comprenaient tout le temps libre dont il disposait après avoir cherché un emploi à temps plein, ainsi que les crédits et l’argent qu’il avait prélevés de la valeur nette de sa résidence, ses cartes de crédit et ses prêts privés. Il a dit que le temps personnel qu’il avait investi dans l’entreprise serait considéré comme des [traduction] « heures travaillées après les heures normales », car son principal objectif était de trouver un emploi à temps plein. Il a déclaré qu’il voyait l’entreprise comme une possibilité d’emploi dans l’éventualité où un emploi à temps plein au sein d’une entreprise n’était pas possible, mais également comme une bonne source de revenus supplémentaire même s’il était employé à temps plein par une autre entreprise.

[26] En ce qui concerne la réussite ou l’échec financiers de l’entreprise, l’appelant a précisé que le revenu généré par l’entreprise alors qu’il recevait des prestations d’assurance-emploi était extrêmement limité et insuffisant pour vivre, mais qu’il servait à payer les dépenses de l’entreprise. Il a ajouté que lorsqu’il recevait des prestations, l’entreprise ne pouvait pas être prospère compte tenu de son rendement financier. En ce qui concerne le maintien de l’emploi ou de l’entreprise, l’appelant a déclaré que le lancement de l’entreprise et son investissement devaient permettre aux employeurs potentiels de lui offrir un emploi en tant que sous-traitant, tout en constituant une deuxième source de revenus potentiel. L’appelant a déclaré qu’il n’avait jamais exploité l’entreprise à temps plein alors qu’il recevait des prestations d’assurance-emploi. En ce qui concerne la nature de l’entreprise, l’appelant a dit que l’entreprise est hautement spécialisée et est fondée sur sa formation et son expérience de travail. En ce qui concerne son intention et sa volonté de chercher et d’accepter sans tarder un autre emploi, l’appelant a réitéré que son principal objectif était de trouver un emploi à temps plein. Il a dit que son entreprise avait été spécialement conçue pour permettre l’exploitation à temps partiel afin qu’il puisse occuper un emploi à temps plein et s’occuper de l’entreprise.

[27] Le témoin de l’appelant a soutenu que celui-ci avait fait de son mieux pour trouver un emploi parce qu’il cherchait un emploi stable et que la dernière chose qu’il souhaitait était de demeurer bénéficiaire de l’assurance-emploi. Il a contesté les observations de l’intimée selon lesquelles l’appelant n’avait pas précisé combien de temps il avait consacré à ses recherches d’emploi, en déclarant qu’il n’y a qu’un nombre limité de sites Web qui s’appliquent à l’expérience d’une personne en particulier, et que sans la bonne expérience, il est impossible de postuler pour le poste. Il a également dit que l’intimée n’avait pas compris le fonctionnement de l’entreprise de l’appelant lorsqu’elle a dit que la compréhension de l’anglais de l’appelant n’avait eu aucune incidence sur sa capacité à trouver un emploi comparable. Le témoin a déclaré que l’entreprise lancée par l’appelant était totalement différente de son ancien travail, et qu’étant donné que 90 % du personnel parlait la même langue que l’appelant, celui-ci n’avait pas besoin de parler anglais. En réponse aux observations de l’intimée selon lesquelles plus l’engagement financier envers une entreprise est important, plus il est probable que l’entreprise soit destinée à être ou à devenir le principal moyen de subsistance de la partie prestataire, le témoin a soutenu que l’appelant considérait seulement son entreprise comme un investissement à long terme, et que parce que les machines qu’il utilise ne nécessitent pas qu’il soit présent, il aurait été capable de les démarrer le matin, puis de se rendre à son travail à temps plein, avant de revenir boucler la boucle avec ses machines à la fin de la journée. Le témoin a également contesté les observations de l’intimée selon lesquelles il serait peu probable que l’appelant risquerait de laisser un produit sans surveillance pendant une longue période. Il a déclaré que l’appelant risquerait de perdre sa clientèle si le produit était détruit et qu’il lui serait difficile de conserver un co-investisseur s’il laissait un produit sans surveillance pendant de longues périodes afin d’occuper un emploi à temps plein. Le témoin a ajouté que s’il se passait quelque chose, les machines cesseraient tout simplement de fonctionner. Il serait alors possible de survivre grâce à l’automatisation.

[28] L’intimée a soutenu que toute partie prestataire qui exploite sa propre entreprise est présumée effectuer une semaine entière de travail à moins qu’elle puisse démontrer que son niveau d’engagement dans cette entreprise est si limité qu’une personne ne pourrait normalement compter sur l’entreprise comme principal moyen de subsistance. Elle a fait valoir que compte tenu du montant d’argent et du temps consacré à l’entreprise, l’appelant ne voulait pas accepter un autre emploi pendant qu’il touchait des prestations. Elle a déclaré que les prestations d’assurance-emploi n’ont jamais été destinées à fournir un revenu pour appuyer une personne cherchant à établir une relation d’entreprise à entreprise, mais bien à fournir un revenu temporaire pour appuyer toute personne cherchant à occuper un emploi dans une relation d’employeur à employé. L’intimée a soutenu que l’appelant n’avait pas manifesté la volonté de chercher un autre emploi. Elle a conclu que la liste d’entreprises que l’appelant a fournie avait été établie dans le but de faire progresser son entreprise et qu’étant donné qu’il avait investi 110 000 $ dans son entreprise, il est peu probable qu’il ait communiqué avec ces entreprises pour trouver un emploi. Elle a déclaré que lorsque considérés objectivement, tous les facteurs renvoient à la conclusion selon laquelle le niveau d’engagement de l’appelant dans son entreprise était celui de toute personne qui ferait normalement de son travail indépendant son principal moyen de subsistance. L’intimée a également soutenu que l’appelant n’avait pas réfuté la présomption selon laquelle il effectuait une semaine entière de travail parce qu’il ne satisfait pas à l’exception prévue à l’article 30(2) du Règlement sur l’AE.

[29] Dans ses observations mises à jour, l’intimée a soutenu que l’absence de réussite financière de l’entreprise de l’appelant ne prouve pas que celui-ci participait à des activités à titre de travailleur indépendant dans une mesure limitée. Elle a fait valoir que plus l’engagement financier envers une entreprise est important, plus il est probable que l’entreprise soit destinée à être ou à devenir le principal moyen de subsistance de la partie prestataire. L’intimée a déclaré que l’appelant avait remis ses revenus limités provenant du travail indépendant dans l’entreprise alors que celle-ci était aux prises avec des difficultés financières et une dette importante. L’intimée a également soutenu que l’appelant avait investi une somme importante dans son travail indépendant et qu’il avait l’intention d’en faire son principal moyen de subsistance. L’intimée a déclaré qu’elle doutait de la déclaration de l’appelant selon laquelle il consacre peu de temps aux commandes des clients et que cela lui a permis de trouver un emploi à temps plein. Elle a soutenu que les recherches d’emploi insuffisantes de l’appelant démontrent qu’il s’était attardé à bâtir sa clientèle pour son travail indépendant et qu’il avait profité de sa période de chômage pour se concentrer sur son travail indépendant.

Pénalité

[30] L’appelant a soutenu qu’il parlait dans un anglais cassé et que sa compréhension du régime d’assurance-emploi était donc limitée, ce qui avait entraîné une mauvaise communication et une mauvaise compréhension.

[31] L’intimée a soutenu que l’appelant a fait de fausses déclarations, car il savait qu’il occupait un travail indépendant à partir de la date où il a signé le bail en avril 2010. De plus, alors qu’il participait à la production ou au démarrage de l’entreprise, il s’occupait de développer son entreprise à temps plein, et ce, avant même de signer le bail, bien qu’il ait déclaré ne pas travailler et ne pas toucher de salaire. L’intimée a souligné que lorsqu’une partie prestataire reçoit des prestations auxquelles elle n’est pas admissible ou qu’elle ne reçoit pas les prestations auxquelles elle a droit, l’article 52 de la Loi sur l’AE prévoit que l’intimée peut, dans les 36 mois qui suivent le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payables, examiner de nouveau la demande de prestations de la partie prestataire. Si l’intimée est d’avis que la partie prestataire a fourni des renseignements faux ou trompeurs consciemment ou non, l’intimée peut, dans les 72 mois qui suivent le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payables, examiner de nouveau la demande de prestations de la partie prestataire. L’intimée a soutenu qu’elle avait rendu sa décision concernant la pénalité de façon judiciaire en l’espèce puisqu’elle avait pris en compte toutes les circonstances pertinentes au moment de fixer le montant de la pénalité.

[32] Dans ses observations mises à jour, l’intimée a maintenu que l’appelant avait généré des revenus alors qu’il occupait un travail indépendant et qu’il n’avait pas déclaré ses revenus dans ses déclarations de la partie prestataire, malgré le fait que celles-ci précisaient d’inclure tout emploi et tout revenu provenant d’un travail indépendant. L’intimée a soutenu que l’appelant savait ou aurait dû savoir que le fait de ne pas déclarer son engagement en tant que travailleur indépendant induirait l’intimée en erreur de manière à ce qu’elle lui verse des prestations auxquelles il n’avait pas droit.

Analyse

[33] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites à l’annexe de la présente décision.

Semaines d’admissibilité

[34] La première question à trancher est celle de savoir si l’appelant a omis de démontrer qu’il était au chômage au sens des articles 9 et 11 de la Loi sur l’AE et de l’article 30 du Règlement sur l’AE.

[35] L’article 9 de la Loi sur l’AE prévoit que lorsqu’une personne assurée qui remplit les conditions requises aux termes de l’article 7 ou 7.1 formule une demande initiale de prestations, on doit établir à son profit une période de prestations et des prestations lui sont dès lors payables, en conformité avec la présente partie, pour chaque semaine de chômage comprise dans la période de prestations.

[36] L’article 11(1) de la Loi sur l’AE précise qu’une semaine de chômage, pour une partie prestataire, est une semaine pendant laquelle elle n’effectue pas une semaine entière de travail.

[37] L’article 30(1) du Règlement sur l’AE prévoit que sous réserve des articles (2) et (4), la partie prestataire est considérée comme ayant effectué une semaine entière de travail lorsque, durant la semaine, elle exerce un emploi à titre de travailleuse indépendante ou exploite une entreprise soit à son compte, soit à titre d’associée ou de coïntéressée, ou lorsque, durant cette même semaine, elle exerce un autre emploi dans lequel elle détermine elle-même ses heures de travail.

[38] L’article 30(2) du Règlement sur l’AE stipule que lorsque la partie prestataire exerce un emploi ou exploite une entreprise selon l’article (1) dans une mesure si limitée que cet emploi ou cette activité ne constituerait pas normalement le principal moyen de subsistance d’une personne, elle n’est pas considérée, à l’égard de cet emploi ou de cette activité, comme ayant effectué une semaine entière de travail.

[39] L’article 30(3) du Règlement sur l’AE prévoit que les circonstances qui permettent de déterminer si la partie prestataire exerce un emploi ou exploite une entreprise dans la mesure décrite à l’article (2) sont les suivantes :

  1. le temps consacré;
  2. la nature et le montant du capital et des autres ressources investis;
  3. la réussite ou l’échec financiers de l’emploi ou de l’entreprise;
  4. le maintien de l’emploi ou de l’entreprise;
  5. la nature de l’emploi ou de l’entreprise;
  6. l’intention et la volonté de la partie prestataire de chercher et d’accepter sans tarder un autre emploi.

[40] L’article 30(5) du Règlement sur l’AE prévoit que pour l’application du présent article, le terme « travailleur indépendant » s’entend :

  1. de tout particulier qui exploite ou exploitait une entreprise;
  2. de tout employé qui n’exerce pas un emploi assurable par l’effet de l’article 5(2)(b) de la Loi sur l’AE.

[41] La Cour d’appel fédérale a soutenu qu’en tant qu’exploitante d’une entreprise, il incombe à la partie prestataire de réfuter la présomption selon laquelle elle effectue une semaine entière de travail.

Lemay c Commission de l’assurance-emploi du Canada, A-662-97; Turcotte c Commission de l’assurance-emploi du Canada, A-664-97

[42] L’appelant a demandé que le Tribunal examine l’enregistrement de sa première audience devant la division générale. Le Tribunal souligne que le témoignage de l’appelant est resté assez conforme aux déclarations qu’il a faites à l’intimée et avec celles qu’il a faites lors de la deuxième audience devant la division générale. L’appelant avance la preuve suivante : alors qu’il était à la recherche d’un emploi à temps plein, un ami lui a recommandé de lancer sa propre entreprise et de bâtir sa clientèle en tant que sous-traitant, plutôt que de chercher un travail en tant qu’employé. Son témoin a affirmé que certains employeurs avaient dit à l’appelant qu’ils n’avaient pas de poste à pourvoir, mais qu’ils pouvaient lui offrir du travail s’il avait sa propre entreprise. L’appelant a précisé dans son questionnaire sur le travail indépendant que son entreprise avait été enregistrée le 16 avril 2010 et qu’il avait signé un bail de deux ans le 30 mars 2010 au coût de 1 600 $ par mois. L’appelant a déclaré qu’il avait prélevé 50 000 $ sur la valeur nette de sa résidence personnelle et ses cartes de crédit, et qu’il avait reçu une contribution de son partenaire pour financer le matériel. Il a également dit qu’il avait contracté un prêt privé de 60 000 $ pour lequel il devait effectuer des paiements de 1 000 $ par mois. L’appelant a précisé dans le questionnaire qu’il avait consacré 1 568 heures au démarrage de l’entreprise en 2010. Toutefois, lors de l’audience, il a déclaré qu’il avait passé entre sept et huit heures par jour sur son entreprise et qu’il avait passé autant de temps, sinon plus, à chercher un emploi. Il a ajouté que le temps passé sur son entreprise ne l’avait pas empêché de faire des recherches d’emploi. Le Tribunal estime que, compte tenu des activités que l’appelant dit avoir réalisées pour démarrer son entreprise et du fait qu’il était propriétaire d’une entreprise, l’appelant participait à l’exploitation d’une entreprise.

[43] Le Tribunal évaluera maintenant les six circonstances décrites à l’article 30(3) du Règlement sur l’AE afin de déterminer si la participation de l’appelant dans l’exploitation de l’entreprise était si limitée qu’une personne ne pourrait pas normalement en faire son principal moyen de subsistance. Ainsi, le Tribunal est guidé par la Cour d’appel fédérale qui a statué que le temps consacré représente le facteur le plus important et pertinent à considérer pour déterminer si une partie prestataire effectue une semaine entière de travail.

Martens c Canada (PG), 2008 CAF 240; Canada (PG) c Jouan, A-366-94

Temps consacré

[44] L’appelant a précisé dans son questionnaire sur le travail indépendant qu’il avait passé 1 568 heures dans le démarrage de son entreprise. Il a plus tard précisé que même s’il avait consacré entre sept et huit heures par jour à son entreprise, il avait passé autant de temps sinon plus à chercher un emploi. L’appelant a déclaré qu’il avait commencé à mettre sur pied son entreprise en avril 2010 et que depuis, il avait acheté des machines et avait appris et commencé à les utiliser. Il a également déclaré qu’en rencontrant les propriétaires d’entreprises dans le cadre de ses recherches d’emploi, il avait profité de l’occasion pour trouver des idées pour son entreprise. Malgré l’observation de l’appelant selon laquelle il avait passé d’innombrables heures à chercher des possibilités d’emploi et selon laquelle il ne devait pas être pénalisé pour avoir multiplié ses possibilités d’emploi et avoir pris un plus grand risque que la plupart des gens concernant son entreprise, le Tribunal estime que l’appelant a consacré de nombreuses heures au démarrage de son entreprise. Le Tribunal accepte la preuve de l’appelant selon laquelle il a passé autant d’heures, sinon plus, à chercher un emploi. Il doit en être fier. Toutefois, le Tribunal n’estime pas que cela minimise l’importance du temps que l’appelant a consacré au démarrage de son entreprise.

[45] Bien que l’appelant a déclaré que les machines de son entreprise étaient entièrement automatisées et qu’elles pouvaient fonctionner automatiquement pendant 12 à 14 heures, ce qui signifie qu’il n’a pas besoin d’être présent lorsqu’elles sont en fonction, le Tribunal estime que le temps consacré à l’exploitation de l’entreprise de l’appelant reflète davantage le fonctionnement de l’entreprise que la question de savoir si le temps que l’appelant a passé à exploiter l’entreprise était tel que celle-ci ne serait normalement pas considérée comme un principal moyen de subsistance.

Nature et montant du capital et des autres ressources investis

[46] L’appelant a dit qu’il avait financé son entreprise en prélevant 50 000 $ sur la valeur nette de sa résidence et ses cartes de crédit, et qu’il avait contracté un prêt commercial de 60 000 $ pour lequel il devait effectuer des paiements de 1 000 $ par mois. L’appelant a également signé un bail de deux ans avec des paiements mensuels de 1 600 $, plus la TPS et la TVP, sans oublier les frais supplémentaires. Le Tribunal estime que l’engagement financier de l’appelant était important, étant donné qu’il était associé à la signature d’un bail de deux ans, au prélèvement de 50 000 $ sur la valeur nette de sa résidence et ses cartes de crédit, et à l’obtention d’un prêt commercial de 60 000 $, pour un total de plus de 2 600 $ par mois.

Réussite ou échec financiers de l’emploi ou de l’entreprise

[47] L’appelant a soutenu que lorsqu’il touchait des prestations d’assurance-emploi, l’entreprise n’aurait pas été considérée comme prospère en raison de son rendement financier. Il a dit que le revenu généré par l’entreprise était extrêmement minime et insuffisant pour vivre et qu’il l’utilisait pour payer les dépenses de l’entreprise. La preuve de l’appelant est que son revenu d’entreprise s’élevait à 6 748,91 $ entre 21 septembre 2010 le 31 décembre 2010. Dans son questionnaire sur le travail indépendant, l’appelant a précisé que le revenu mensuel de l’entreprise était de 13 000 $ et que les dépenses mensuelles étaient également de 13 000 $. De plus, il a ajouté qu’il considérait son entreprise comme étant prospère, que l’entreprise était ouverte depuis près de cinq ans et qu’il la considérait comme son principal moyen de subsistance.

Maintien de l’emploi ou de l’entreprise

[48] L’intimée a reçu des renseignements de l’ARC selon lesquels l’appelant avait demandé un numéro d’enregistrement d’entreprise le 19 avril 2010. L’appelant avait déjà signé un bail de deux ans pour exploiter son entreprise, et il a précisé avoir consacré 1 568 heures au démarrage de l’entreprise. Bien qu’il ait précisé que sa seule source de revenus en 2010 et 2011 provenait des prestations d’assurance-emploi, l’entreprise a continué d’être exploitée jusqu’au point où l’appelant l’a jugée prospère. L’appelant a soutenu qu’il avait lancé l’entreprise pour permettre aux employeurs de lui offrir du travail en tant que sous-traitant, et aussi pour en faire une deuxième source de revenus potentielle. Le Tribunal estime que l’appelant a déployé des efforts soutenus et continus pour faire progresser son entreprise depuis la signature du bail, et ce, malgré son intention de lancer l’entreprise, et compte tenu de sa pérennité depuis le 21 septembre 2010, lorsque l’appelant a reçu sa première facture, et du fait qu’il a seulement généré un revenu d’entreprise de 6 748,91 $ entre le 21 septembre 2010 et le 31 décembre 2010, jusqu’à ce qu’elle devienne son principal moyen de subsistance.

Nature de l’emploi ou de l’entreprise

[49] L’appelant a soutenu que son entreprise est hautement spécialisée et est fondée sur sa formation et son expérience de travail. Le Tribunal estime que cette affirmation est conforme à la déclaration de l’appelant selon laquelle il a eu l’idée de lancer sa propre entreprise en faisant des recherches d’emploi en personne, ainsi qu’au témoignage du témoin selon lequel les employeurs ont affirmé qu’ils pouvaient offrir du travail à l’appelant si celui-ci avait sa propre entreprise. Le Tribunal estime que l’appelant a manifesté un fort désir de demeurer dans l’industrie commerciale spécialisée pour laquelle il avait une formation et une expérience de travail.

Intention et volonté du prestataire de chercher et d’accepter sans tarder un autre emploi

[50] L’appelant a déposé un registre de ses recherches d’emploi du 8 avril 2010 au 29 septembre 2010. Lors de l’audience, l’appelant a dit qu’il avait fait des recherches d’emploi en ligne, avait téléphoné à des entreprises et avait rencontré des employeurs en personne. Il a insisté sur le fait qu’il avait concentré ses efforts pour trouver un emploi et ne plus recevoir de prestations d’assurance-emploi. L’appelant a déclaré avoir passé autant de temps à chercher un emploi qu’à démarrer son entreprise. Le Tribunal fait remarquer qu’en plus de déclarer de façon générale qu’il a continué de chercher un emploi, l’appelant n’a pas présenté d’éléments de preuve supplémentaires concernant des recherches d’emploi au-delà du 29 septembre 2010. Malgré tout, compte tenu de la compréhension du Tribunal du fonctionnement de l’entreprise de l’appelant, plus précisément du fait que l’appelant a pu installer les machines, que celles-ci sont entièrement automatisées et qu’elles peuvent fonctionner sans qu’il ne soit présent pendant 12 à 14 heures, le Tribunal accepte la preuve de l’appelant selon laquelle il avait l’intention de trouver un emploi à temps plein, du moins pour une certaine période, et d’exploiter son entreprise à temps partiel. Le Tribunal estime donc que l’appelant, en dépit des efforts et des investissements importants qu’il a faits pour démarrer son entreprise, était disposé à chercher et à accepter sans tarder un emploi, et ce, même en continuant de travailler à temps partiel comme travailleur indépendant.

[51] Selon les conclusions concernant les six circonstances prévues à l’article 30(3) du Règlement sur l’AE, le Tribunal estime que l’appelant n’a pas réfuté la présomption selon laquelle il effectuait des semaines entières de travail, conformément à l’article 30(1) du Règlement sur l’AE. Le Tribunal n’est pas d’avis que l’appelant a démontré, à la lumière de sa participation et de ses efforts dans le démarrage et l’exploitation de son entreprise, que son engagement était si limité qu’une personne ne pourrait pas normalement en faire son principal moyen de subsistance. En formulant ce constat, le Tribunal souligne le temps que l’appelant a consacré à l’entreprise et l’investissement qui y a été fait. Le Tribunal félicite l’appelant pour le risque qu’il a pris pour multiplier ses possibilités d’emploi grâce au travail indépendant, en partie dans le but de réduire au minimum ses prestations d’assurance-emploi. Toutefois, le Tribunal estime que dès lors que l’appelant a signé le bail de son entreprise le 30 mars 2010, il était engagé dans l’exploitation d’une entreprise et qu’il est donc considéré comme ayant effectué des semaines de travail entières.

Imposition d’une pénalité

[52] La deuxième question à trancher est celle de savoir si une pénalité doit être imposée, car l’appelant avait sciemment fourni des renseignements faux ou trompeurs.

[53] L’article 38(1)(b) de la Loi sur l’AE prévoit que la Commission peut imposer une pénalité à une partie prestataire si elle prend connaissance de faits qui, à son avis, démontrent que la partie prestataire devait selon la Loi sur l’AE ou les règlements faire une déclaration ou fournir des renseignements que la partie prestataire savait être faux ou trompeurs. L’article 41.1 prévoit que la Commission peut, en guise de pénalité, émettre un avertissement au titre de l’article 38.

Sciemment fournir des renseignements faux ou trompeurs

[54] Selon la Cour d’appel fédérale, le fait de savoir si des renseignements sont fournis sciemment se détermine selon la prépondérance des probabilités et d’après les circonstances ou les éléments de preuve de chaque affaire. Il doit être décidé si la partie appelante savait subjectivement que la déclaration était fausse ou trompeuse.

Canada (PG) c Gates, 1995 CAF 600; Mootoo c Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2003 CAF 206

[55] L’appelant a soutenu que sa compréhension du régime d’assurance-emploi était limitée parce qu’il parlait dans un anglais cassé et que cela avait entraîné une mauvaise communication. Il a déclaré qu’il n’avait touché aucun revenu provenant de son entreprise pendant la période où il recevait des prestations d’assurance-emploi, ce pour quoi il n’avait rien déclaré. Il a admis qu’il avait commis une erreur en n’informant pas l’intimée qu’il avait enregistré une entreprise. Dans chacun des 25 rapports électroniques que l’appelant a remplis pour les semaines de rapport commençant le 28 mars 2010 et se terminant le 5 mars 2011, l’appelant a répondu « non » aux questions [traduction] « [ê]tes-vous un travailleur indépendant? » et [traduction] « [a]vez-vous travaillé ou touché un salaire pendant la période visée par cette déclaration? Cela comprend si vous n’avez pas encore été ou ne serez pas rémunéré pour ce travail ou si vous avez travaillé à votre compte. » Après avoir conclu que l’appelant travaillait à son compte depuis le 30 mars 2010, date de la signature du bail de son entreprise, le Tribunal estime que les réponses de l’appelant aux questions étaient fausses.

[56] Le Tribunal reconnaît que la compréhension et la capacité de l’appelant de communiquer en anglais sont limitées, ce qui a nécessité le recours à une interprète lors de l’audience. Toutefois, le Tribunal estime qu’il incombait à l’appelant de s’assurer de comprendre sa demande initiale de prestations et les demandes bihebdomadaires qu’il avait présentées au cours de sa période de prestations. Le Tribunal fait remarquer que l’appelant a précisé qu’il avait lu, compris et accepté ses droits et responsabilités lorsqu’il a présenté sa demande initiale de prestations, y compris une note concernant les conséquences de cacher délibérément des renseignements ou de faire sciemment une déclaration fausse ou trompeuse, et qu’il avait déclaré que les questions qu’il avait fournies dans ses rapports électroniques étaient véridiques au meilleur de ses connaissances. L’appelant a soutenu que, selon lui, s’il ne touchait aucun revenu provenant de son entreprise et que son principal objectif était de trouver un emploi à temps plein, il ne pouvait pas prétendre être un travailleur indépendant. Il a cependant ajouté qu’il avait commis une erreur. Toutefois, l’appelant a également déclaré dans sa demande de révision qu’il avait décidé de lancer sa propre entreprise plutôt que d’avoir recours à l’aide sociale, et qu’il ne devrait pas être pénalisé pour cela. Nonobstant la déclaration de l’appelant selon laquelle il ne croyait pas être un travailleur indépendant parce qu’il ne touchait aucun revenu provenant de son entreprise, le Tribunal estime qu’étant donné que l’appelant a dit avoir décidé de lancer sa propre entreprise, qu’il a investi temps et argent pour la démarrer, et que celle-ci est devenue opérationnelle pendant la période de prestations, l’appelant avait la connaissance subjective que les renseignements qu’il fournissait étaient inexacts et que, selon la prépondérance des probabilités, il avait sciemment fourni des renseignements faux ou trompeurs. Le Tribunal est appuyé dans cette conclusion par la Cour d’appel fédérale qui a conclu que le bon sens ainsi que des facteurs objectifs devaient être pris en compte pour déterminer si la partie prestataire savait subjectivement que les renseignements qu’elle avait fournis étaient faux.

Mootoo c Canada (PG), 2003 CAF 206; Canada (PG) c Gates, 1995 CAF 600

Décider d’émettre un avertissement

[57] Le Tribunal est guidé par le principe établi par la Cour d’appel fédérale selon lequel toute décision discrétionnaire de l’intimée ne devrait pas être modifiée, à moins que celle-ci n’ait pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, c’est-à-dire qu’elle n’a pas agi de bonne foi, en tenant compte de tous les facteurs pertinents et en faisant abstraction des facteurs non pertinents.

Canada (PG) c Sirois, A-600-95; Canada (PG) c Chartier, A-42-90

[58] Le Tribunal souligne que toute pénalité prévue à l’article 40(b) de la Loi sur l’AE ne peut être imposée au titre de l’article 38 plus de 36 mois après la date de perpétration de l’acte délictueux et que malgré l’article 40(b), tout avertissement prévu à l’article 41.1(2) de la Loi sur l’AE peut être émis dans les 72 mois suivant la perpétration de l’acte délictueux. L’intimée a examiné les circonstances de l’appelant au moment de déterminer la pénalité, soulignant que même si l’appelant n’avait pas compris qu’il devait déclarer le temps qu’il avait consacré au démarrage de son entreprise dans ses rapports électroniques, il avait tout de même répondu qu’il n’avait pas travaillé entre le 21 septembre 2010 et le 5 février 2011. L’intimée a également souligné qu’il s’agissait d’un premier acte délictueux de la part de l’appelant et a décidé d’émettre un avertissement. L’appelant a imputé sa mauvaise communication au fait qu’il parlait dans un anglais cassé, ce que l’intimée a considéré comme une circonstance atténuante. En dépit des raisons données par l’appelant pour la fausse déclaration, le Tribunal estime que l’intimée a tenu compte de toutes les circonstances pertinentes et qu’il n’y a aucune raison de modifier sa décision d’émettre un avertissement. Le Tribunal estime donc qu’un avertissement doit être émis conformément à l’article 41.1 de la Loi sur l’AE, parce que l’appelant avait sciemment fourni des renseignements faux ou trompeurs et que l’intimée avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en émettant un avertissement.

[59] Sur le fondement de ce qui précède, le Tribunal conclut que l’appelant n’a pas démontré qu’il était au chômage au sens des articles 9 et 11 de la Loi sur l’AE et de l’article 30 du Règlement sur l’AE. Le Tribunal conclut également que parce que l’intimée a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, elle a correctement émis un avertissement conformément à l’article 41.1 de la Loi sur l’AE pour fausses déclarations et renseignements faux ou trompeurs sciemment fournis à l’intimée.

Conclusion

[60] L’appel est rejeté.

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

Lorsqu’un assuré qui remplit les conditions requises aux termes de l’article 7 ou 7.1 formule une demande initiale de prestations, on doit établir à son profit une période de prestations et des prestations lui sont dès lors payables, en conformité avec la présente partie, pour chaque semaine de chômage comprise dans la période de prestations.

11 (1) Une semaine de chômage, pour un prestataire, est une semaine pendant laquelle il n’effectue pas une semaine entière de travail.

(2) Une semaine durant laquelle se poursuit un contrat de louage de services d’un prestataire et pour laquelle celui-ci reçoit ou recevra sa rétribution habituelle pour une semaine entière de travail n’est pas une semaine de chômage, même si le prestataire peut être dispensé de l’exercice de ses fonctions normales ou n’a en fait aucune fonction à exercer à ce moment-là.

(3) Une semaine, totale ou partielle, qui, en conformité avec une entente entre un employeur et un employé, fait partie d’une période de congé durant laquelle l’employé demeure employé de cet employeur et pour laquelle il reçoit, indépendamment du moment du versement, la partie de sa rétribution qui a été mise de côté n’est pas une semaine de chômage.

(4) L’assuré qui travaille habituellement plus d’heures, de jours ou de périodes de travail que ne travaillent habituellement au cours d’une semaine des personnes employées à plein temps et qui a droit, aux termes de son contrat de travail, à une période de congé est censé avoir travaillé une semaine entière de travail au cours de chaque semaine qui est comprise complètement ou partiellement dans cette dernière période.

38 (1) Lorsqu’elle prend connaissance de faits qui, à son avis, démontrent que le prestataire ou une personne agissant pour son compte a perpétré l’un des actes délictueux suivants, la Commission peut lui infliger une pénalité pour chacun de ces actes :

  1. a) à l’occasion d’une demande de prestations, faire sciemment une déclaration fausse ou trompeuse;
  2. b) étant requis en vertu de la présente loi ou des règlements de fournir des renseignements, faire une déclaration ou fournir un renseignement qu’on sait être faux ou trompeurs;
  3. c) omettre sciemment de déclarer à la Commission tout ou partie de la rémunération reçue à l’égard de la période déterminée conformément aux règlements pour laquelle il a demandé des prestations;
  4. d) faire une demande ou une déclaration que, en raison de la dissimulation de certains faits, l’on sait être fausse ou trompeuse;
  5. e) sciemment négocier ou tenter de négocier un mandat spécial établi à son nom pour des prestations au bénéfice desquelles on n’est pas admissible;
  6. f) omettre sciemment de renvoyer un mandat spécial ou d’en restituer le montant ou la partie excédentaire comme le requiert l’article 44;
  7. g) dans l’intention de léser ou de tromper la Commission, importer ou exporter, ou faire importer ou exporter, un document délivré par elle;
  8. h) participer, consentir ou acquiescer à la perpétration d’un acte délictueux visé à l’un ou l’autre des alinéas a) à g).

(2) La pénalité que la Commission peut infliger pour chaque acte délictueux ne dépasse pas :

  1. a) soit le triple du taux de prestations hebdomadaires du prestataire;
  2. b) soit, si cette pénalité est imposée au titre de l’alinéa (1)c), le triple :
    1. (i) du montant dont les prestations sont déduites au titre du paragraphe 19(3),
    2. (ii) du montant des prestations auxquelles le prestataire aurait eu droit pour la période en cause, n’eût été la déduction faite au titre du paragraphe 19(3) ou l’inadmissibilité ou l’exclusion dont il a fait l’objet;
  3. c) soit, lorsque la période de prestations du prestataire n’a pas été établie, le triple du taux de prestations hebdomadaires maximal en vigueur au moment de la perpétration de l’acte délictueux.

(3) Il demeure entendu que les semaines de prestations régulières remboursées par suite de la perpétration d’un acte délictueux visé au paragraphe (1) sont considérées comme des semaines de prestations régulières versées pour l’application du paragraphe 145(2).

Règlement sur l’assurance-emploi

30 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (4), le prestataire est considéré comme ayant effectué une semaine entière de travail lorsque, durant la semaine, il exerce un emploi à titre de travailleur indépendant ou exploite une entreprise soit à son compte, soit à titre d’associé ou de coïntéressé, ou lorsque, durant cette même semaine, il exerce un autre emploi dans lequel il détermine lui‑même ses heures de travail.

(2) Lorsque le prestataire exerce un emploi ou exploite une entreprise selon le paragraphe (1) dans une mesure si limitée que cet emploi ou cette activité ne constituerait pas normalement le principal moyen de subsistance d’une personne, il n’est pas considéré, à l’égard de cet emploi ou de cette activité, comme ayant effectué une semaine entière de travail.

(3) Les circonstances qui permettent de déterminer si le prestataire exerce un emploi ou exploite une entreprise dans la mesure décrite au paragraphe (2) sont les suivantes :

  1. a) le temps qu’il y consacre;
  2. b) la nature et le montant du capital et des autres ressources investis;
  3. c) la réussite ou l’échec financiers de l’emploi ou de l’entreprise;
  4. d) le maintien de l’emploi ou de l’entreprise;
  5. e) la nature de l’emploi ou de l’entreprise;
  6. f) l’intention et la volonté du prestataire de chercher et d’accepter sans tarder un autre emploi.

(4) Lorsque le prestataire exerce un emploi relié aux travaux agricoles auquel ne s’applique pas le paragraphe (2), il n’est pas considéré comme ayant effectué une semaine entière de travail pendant la période débutant la semaine où tombe le 1er octobre et se terminant la semaine où tombe le 31 mars suivant, s’il prouve que, durant cette période :

  1. a) ou bien il n’a pas travaillé;
  2. b) ou bien il a exercé son emploi dans une mesure si limitée que cela ne l’aurait pas empêché d’accepter un emploi à temps plein.

(5) Pour l’application du présent article, travailleur indépendant s’entend :

  1. a) de tout particulier qui exploite ou exploitait une entreprise;
  2. b) de tout employé qui n’exerce pas un emploi assurable par l’effet de l’alinéa 5(2)b) de la Loi.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.