Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli en ce qui a trait à la question de l’inadmissibilité de l’appelant aux prestations en raison de son travail à titre de travailleur indépendant pour la période de novembre 2009 à mars 2011.

[2] L’appel est accueilli en ce qui trait à la question de l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission relativement à la pénalité et à la violation. De plus, la pénalité pécuniaire est modifiée pour devenir un avertissement, et l’avis de violation est modifié pour devenir un avertissement de violation.

Aperçu

[3] Le 30 juillet 2017, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada a conclu que l’emploi de l’appelant ou son exploitation d’une entreprise n’était pas suffisamment limité au sens des paragraphes 30(2) et 30(3) du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement) et que, par conséquent, il était donc incapable de prouver qu’il a été au chômage pendant certaine semaines selon les articles 9 et 11 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) et l’article 30 du Règlement et qu’il était ainsi admissible à des prestations. La division générale a également confirmé les pénalités imposées par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) au titre de l’article 38 de la Loi sur l’AE et l’avis de violation délivré au titre de l’article 7 de la Loi sur l’AE.

[4] Une demande de permission d’en appeler de la décision de la division générale a été présentée à la division d’appel du Tribunal le 28 août 2017, et cette demande a été accordée le 31 octobre 2017.

[5] L’appel a été instruit sur la foi du dossier pour les raisons suivantes :

  1. Le membre a déterminé qu’il n’est pas nécessaire de tenir une nouvelle audience.
  2. L’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent.
  3. La concession partielle de l’intimée et le consentement admissible de l’appelant.

Questions en litige

[6] Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur en omettant d’analyser si le travail de l’appelant à titre de travailleur indépendant ne constituerait pas normalement le principal moyen de subsistance d’une personne?

[7] Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que l’appelant a sciemment fait une fausse déclaration?

[8] Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle fondé sa décision selon laquelle la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

Droit applicable

[9] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Observations

Observations de l’appelant

[10] L’appelant est d’accord avec les observations de l’intimée dans la mesure où l’appel devrait être accueilli relativement à la question de l’inadmissibilité. Il soutient que la division générale a ignoré ou mal interprété la preuve dans ses conclusions relatives aux divers facteurs prévus à l’article 30 du Règlement.

[11] L’appelant soutient également que la division générale a commis une erreur de droit en interprétant de manière erronée l’article 30 du Règlement en confondant l’alinéa 30(3)c) et l’alinéa 30(3)b).

[12] En ce qui a trait à la pénalité et à l’avis de violation, l’appelant soutient que la division générale a commis une erreur de droit en omettant d’affirmer si l’intimée s’était acquittée du fardeau de déterminer s’il avait sciemment fait une fausse déclaration à la Commission. Il soutient également que le caractère mineur de son implication dans l’entreprise et le fait qu’il ne dépendait pas de cela comme principal moyen de subsistance sont maintenant acceptés dans la position de l’intimée. Cela devrait être accepté en tant que preuve selon laquelle il n’a pas sciemment fait une fausse déclaration.

[13] Si la division d’appel accepte la recommandation de l’intimée que l’appel soit [traduction] « rejeté avec modifications » relativement aux questions de pénalité et de violation, et que la pénalité ainsi que la violation soient modifiées pour devenir des avertissements, l’appelant reconnait une volonté de concéder à ces changements.

Observations de l’intimée

[14] L’intimée soutient que la division générale a commis une erreur de droit en n’appliquant pas correctement les facteurs prévus au paragraphe 30(3) de la Loi sur l’AE et qu’elle a omis de traiter de manière adéquate du critère juridique prévu au paragraphe 30(2). L’intimée soutient également que la division générale a commis une erreur en vertu des alinéas 58(1)b) et 58(1)c) de la Loi sur le MEDS en concluant que l’appelant pourrait faire de son entreprise son principal moyen de subsistance. Selon l’intimée, la division générale n’a pas tenu compte des éléments de preuve portant sur le temps consacré et sur sa volonté de se chercher et d’accepter un autre emploi en lien uniquement avec la certaine [traduction] « période faisant l’objet d’un examen ».

[15] En ce qui a trait à la pénalité et à l’avis de violation, l’intimée soutient que les fausses déclarations relatives à son [traduction] « travail à titre de travailleur indépendant » et à sa [traduction] « rémunération au cours de la période sur laquelle porte ce rapport » ont été faites sciemment. Cependant, à la lumière de sa compréhension actuelle de la situation, l’intimée recommande que la pénalité ainsi que la violation soient réduites à des avertissements.

Analyse

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur en omettant d’analyser si le travail de l’appelant à titre de travailleur indépendant ne constituerait pas normalement le principal moyen de subsistance d’une personne?

[16] Dans ma décision relative à la permission d’en appeler, j’ai énoncé des raisons pour lesquelles je croyais que l’appel avait une chance raisonnable de succès en lien avec l’application de la division générale des facteurs prévus au paragraphe 30(3) au critère énoncé au paragraphe 30(2) du Règlement. L’intimée recommande maintenant que l’appel soit accueilli relativement à la question de l’inadmissibilité de l’appelant aux prestations d’assurance-emploi pour avoir participé à des activités à titre de travailleur indépendant.

[17] L’appelant est également d’accord sur le fait que l’appel soit accueilli relativement à la question de l’inadmissibilité.

[18] La division générale a tenu compte des six facteurs identifiés au paragraphe 30(3), et à la lumière de son examen de ces facteurs, elle a conclu que l’implication de l’appelant n’était pas dans une mesure limitée. Les circonstances décrites au paragraphe 30(3) du Règlement ont pour objet d’être prise en compte afin de déterminer si un prestataire exerce un emploi ou exploite une entreprise dans une mesure limitée.

[19] Une « mesure limitée » est définie au paragraphe 30(2) de telle sorte que cet emploi ou cette activité ne constituerait pas normalement le principal moyen de subsistance d’une personne. La division générale a analysé les facteurs individuels, mais il n’y a rien dans la décision qui laisserait entendre que la division générale ait traité du critère prévu au paragraphe 30(2) de la Loi sur l’AE, c.-à-d. si l’implication du demandeur dans son entreprise était « dans une mesure si limitée que cet emploi ou cette activité ne constituerait pas normalement le principal moyen de subsistance d’une personne ». J’estime que la division générale n’a pas déterminé de manière objective si l’intensité du travail indépendant ou de l’exploitation d’une entreprise est telle qu’une personne pourrait normalement en faire son moyen principal de subsistance, et que par conséquent, elle n’a pas complété son analyse et correctement appliqué le critèreNote de bas de page 1. Ceci est une erreur de droit conformément à l’alinéa 58(1)b) de la Loi sur le MEDS.

[20] J’accepte le fait que l’appelant ait présenté suffisamment d’éléments de preuve à la division générale pour établir que son emploi à titre de travailleur indépendant était dans une mesure si limitée que cela ne constituerait pas normalement le principal moyen de subsistance d’une personne. Je note également que la Commission reconnait maintenant que les éléments de preuve portant sur le [traduction] « temps consacré » et sur sa [traduction] « volonté de se chercher et d’accepter un autre emploi » ne suffisent pas pour appuyer la conclusion selon laquelle la participation de l’appelant n’était pas d’une mesure limitée. Par conséquent, j’estime que l’appelant ne devrait pas être exclu des prestations en raison du fait qu’il était travailleur indépendant au cours de la période de novembre 2009 à mars 2011.

[21] L’intimée prend note d’erreurs supplémentaires dans la décision de la division générale relativement à la question de l’inadmissibilité, mais compte tenu de la conclusion qui précède et du fait que l’appelant ainsi que l’intimée sont d’accord que l’appel devrait être accueilli relativement à la question de l’inadmissibilité, il ne m’est pas nécessaire d’examiner les autres motifs.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que l’appelant a sciemment fait une fausse déclaration?

[22] La division générale n’a pas commis d’erreur de droit en concluant que l’appelant avait sciemment fait une fausse déclaration. Elle a enregistré le témoignage de l’appelant selon lequel il n’estimait pas être un travailleur indépendant et qu’il estimait qu’il ne [traduction] « travaille pas ». Au cours de ce même témoignage, l’appelant avait déclaré comprendre ce que signifie être un « travailleur indépendant » et il a avoué être un travailleur indépendant. Il a expliqué qu’il avait affirmé ne pas être un travailleur indépendant, car il ne se versait pas de salaire. Peu importe s’il était en mesure de subvenir à ses besoins grâce à ses activités en tant que travailleur indépendant, l’appelant a reconnu savoir qu’il était un travail indépendant alors qu’il a dit ne pas l’être. Pour qu’il ait fait « sciemment » une fausse déclaration, il n’a pas besoin d’avoir fait une déclaration avec l’intention de frauder, il faut seulement qu’il ait su que cette déclaration était fausse.

[23] L’appelant n’a pas identifié d’erreur de compréhension de la part de la division générale relativement au critère énoncé à l’alinéa 38(1)d), et je ne suis pas capable de trouver une telle erreur. Il n’y a aucun fondement permettant de modifier la conclusion de la division générale selon laquelle l’appelant a fait une demande ou une déclaration tout en sachant qu’elle était fausse ou trompeuse.

Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle fondé sa décision selon laquelle la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

[24] La division générale a commis une erreur en concluant que la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire. La division générale a correctement conclu que la pénalité et l’avis de violation qui avaient été imposés par la Commission en conséquence de la fausse déclaration de l’appelant relèvent du pouvoir discrétionnaire de la Commission. Cependant, sa conclusion selon laquelle la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire a été tirée sans tenir compte des éléments de preuve selon lesquels l’implication de l’appelant dans son emploi en tant que travailleur indépendant était uniquement dans une mesure limitée.

[25] J’ai accepté le fait que l’implication de l’appelant était dans une mesure limitée. La mesure limitée de l’implication de l’appelant est pertinente à l’exercice du pouvoir discrétionnaire, mais elle n’a pas été prise en compte pour en arriver aux conclusions relatives à la pénalité et à la violation.

[26] La Cour d’appel fédérale a fait valoir que l’arbitre (dans le régime d’appel administratif sous l’ancienne Loi sur l’assurance-chômage) avait l’autorité nécessaire pour déterminer la légalité du pouvoir discrétionnaire exercé par la Commission, ainsi que le bien-fondé de la pénalitéNote de bas de page 2. La Cour fédérale a également soutenu que même des faits que la Commission ne connaissait pas au moment où elle a exercé son pouvoir discrétionnaire peuvent être pris en considération pour déterminer si ce pouvoir discrétionnaire avait été correctement exercéNote de bas de page 3. J’accepte le fait que les principes provenant de ces arrêts peuvent également être appliqués aux décisions d’appel sous la Loi sur l’AE actuelle, ainsi que le fait que j’ai également l’autorité nécessaire pour déterminer si le pouvoir discrétionnaire avait été exercé de manière judiciaire.

[27] J’estime que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. Cela vient également appuyer ma conclusion selon laquelle l’implication de l’appelant dans son emploi en tant que travailleur indépendant était dans une mesure limitée, que cette mesure limitée est pertinente afin d’exercer le pouvoir discrétionnaire et qu’elle n’a pas été prise en considération par la Commission.

[28] La décision de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Morin me permet également de traiter de la pénalité et de la violation. Compte tenu de la volonté de l’intimée de réduire la pénalité et la violation afin que celles-ci deviennent de simples avertissements, et compte tenu de la volonté de l’appelant d’accepter ces modifications, j’estime qu’il n’est pas nécessaire ou opportun de renvoyer l’affaire à la division générale afin de déterminer le bien-fondé de la pénalité ou de la violation. J’accepte la position des parties, et je suis d’accord sur le fait que la mesure limitée de travail de l’appelant à titre de travailleur indépendant justifie un avertissement en ce qui a trait à la pénalité et à la violation.

Conclusion

[29] L’appel est accueilli en ce qui a trait à la question d’inadmissibilité. L’appelant ne doit pas être exclu du bénéfice des prestations pour la période de novembre 2009 à mars 2011.

[30] L’appel est accueilli en ce qui a trait à la question du pouvoir discrétionnaire exercé par la Commission relativement à la pénalité et à la violation. J’ordonne que la pénalité pécuniaire soit modifiée pour devenir un avertissement et que l’avis de violation soit modifié pour devenir un avertissement de violation.

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