Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a volontairement quitté son emploi le 30 décembre 2016 en raison d’un problème au genou dont les symptômes étaient aggravés par les fonctions de son poste. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) l’a exclu du bénéfice de prestations régulières après avoir conclu que de quitter son emploi ne constituait pas sa seule solution raisonnable.

[3] Le prestataire a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale n’a pas accepté que l’opinion du prestataire selon lequel le fait qu’il était temps pour lui de quitter son emploi signifiait qu’il était « fondé » à quitter son emploi au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). Elle a accepté le fait que le prestataire avait plusieurs solutions raisonnables plutôt que de quitter son emploi, y compris demander des conseils à son médecin ou au comité de santé et de sécurité de son entreprise, examiner la possibilité d’un congé de travail ou d’un poste pouvant convenir à ses capacités physiques, ou prendre un congé de maladie. Le prestataire demande la permission d’en appeler relativement à la décision de la division générale.

[4] Pour accorder la permission d’en appeler, je dois conclure que l’appel du prestataire a une chance raisonnable de succès. Cela signifie que je dois conclure qu’il y a une cause défendable selon laquelle la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle, a commis une erreur de droit ou a tiré une conclusion de fait erronée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[5] Je ne suis pas convaincue qu’il existe une cause défendable au motif que la division générale aurait commis une telle erreur. L’argument du prestataire relatif à la justice naturelle semble être qu’il ne devrait pas être obligé d’établir qu’il avait été fondé à quitter son emploi. Il soutient qu’il est injuste qu’on ne le prenne pas au mot lorsqu’il dit qu’il a droit à des prestations. Cependant, il ne laisse pas entendre que le processus d’appel était injuste de quelque façon que ce soit. Par conséquent, il n’a pas prouvé qu’il existe une cause défendable selon une question relative à la justice naturelle.

[6] Le prestataire soutient également que la division générale a commis une erreur de droit au motif qu’il croit avoir établi qu’il rencontrait l’une des conditions prévues à l’alinéa 29c) de la Loi sur l’AE et que l’on ne pouvait pas s’attendre à ce qu’il rencontre l’une des autres conditions. Cependant, le critère juridique qui se trouve dans la Loi sur l’AE ne porte pas sur la question à savoir si le prestataire peut établir l’existence de certaines circonstances, mais plutôt s’il n’avait aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi, compte tenu de toutes les circonstances. Il n’y a pas de cause défendable au motif que la division générale a commis une erreur de droit.

[7] Finalement, le prestataire soutient que la division générale a ignoré ses éléments de preuve selon lesquels il n’avait d’autre choix que de quitter son emploi. Cependant, le dossier n’appuie pas l’affirmation du prestataire selon laquelle ses éléments de preuve ont été ignorés. En fait, la conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire n’avait pas établi que sa seule solution raisonnable était de quitter son emploi était fondée sur l’affirmation du prestataire selon laquelle il a quitté son emploi à ce moment-là parce qu’il croyait qu’il était temps de quitter son emploi. Il n’existe aucune cause défendable selon laquelle la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Questions en litige

[8] Est-il défendable que la division générale ait omis de tenir compte d’un principe de justice naturelle en demandant au prestataire d’établir qu’il avait été fondé à quitter son emploi?

[9] Est-il défendable que la division générale ait commis une erreur de droit en n’acceptant pas que le prestataire eût établi qu’il répondait à certaines circonstances prévues à l’alinéa 29c) et en ne considérant pas que de telles circonstances faisaient en sorte qu’il était « fondé » à quitter son emploi?

[10] Est-il défendable que la division générale ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée sans tenir compte de la preuve du prestataire?

Analyse

Principes généraux

[11] La division générale est tenue d’examiner et d’apprécier la preuve dont elle est saisie et de tirer des conclusions de fait. Elle est également tenue d’appliquer la loi. La loi inclut les dispositions législatives prévues dans la Loi sur l’AE et dans le Règlement sur l’assurance-emploi qui sont pertinentes aux questions en litige, et peut également inclure des décisions des tribunaux dans lesquels les dispositions législatives ont été interprétées. Finalement, la division générale doit appliquer le droit aux faits afin de tirer ses conclusions relativement aux questions en litige.

[12] L’appel auprès de la division générale a été rejeté, et la demande se trouve maintenant devant la division d’appel. La division d’appel a le droit d’intervenir dans la décision de la division générale seulement si la division générale a commis certains types d’erreurs qui sont appelées des « moyens d’appel ».

[13] Au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, il est prévu que les seuls moyens d’appels sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[14] À moins que la division générale ait commis l’une de ces erreurs, l’appel ne peut pas être accueilli, même si la division d’appel était en désaccord avec la conclusion et la décision de la division générale.

[15] À ce stade, je dois déterminer que l’appel a une chance raisonnable de succès grâce à au moins un des moyens d’appel afin d’accorder la permission d’en appeler et de poursuivre l’appel. Une chance raisonnable de succès a été assimilée à une cause défendableNote de bas de page 1.

[16] Question en litige no 1 : Est-il défendable que la division générale ait omis de tenir compte d’un principe de justice naturelle en demandant au prestataire d’établir qu’il avait été fondé à quitter son emploi?

[17] La justice naturelle fait référence à l’équité du processus et comprend les protections procédurales telles que le droit d’avoir un décideur impartial et le droit d’une partie d’être entendue et de connaitre les éléments de preuve à réfuter. Le prestataire n’a pas soulevé de préoccupations concernant la pertinence de l’avis d’audience, la divulgation de documents avant la tenue de l’audience, la manière dont l’audience a été menée ou sa compréhension du processus, ou toute autre action ou procédure qui aurait affecté son droit d’être entendu et de réfuter les éléments de preuve. Il n’a pas non plus suggéré que le membre de la division générale avait été partial ou qu’il avait préjugé la conclusion de l’affaire.

[18] L’argument du prestataire relatif à la justice naturelle porte davantage sur la manière dont les prestations sont administrées en vertu de la Loi sur l’AE. Le Parlement a déterminé que seulement certains montants des prestations d’assurance-emploi sont versés et seulement selon certaines conditions, et il a établi dans la Loi sur l’AE des critères d’admissibilité, d’inadmissibilité ou d’exclusion aux prestations. L’article 30 de la Loi sur l’AEprévoit qu’un prestataire doit être exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement son emploi sans justification. La notion d’être « fondé » à quitter son emploi est définie à l’article 29 comme nécessitant que le départ du prestataire, compte tenu de toutes les circonstances, constitue la seule solution raisonnable. La jurisprudence constante attribue à la Commission le fardeau de démontrer que le prestataire a volontairement quitté son emploi, mais elle attribue au prestataire le fardeau de démontrer qu’il n’y avait pas d’autre solution raisonnable.

[19] La division générale se doit d’appliquer le droit législatif des tribunaux lors de son interprétation. Le prestataire peut trouver injuste le fait qu’il ne peut pas avoir accès à des prestations alors qu’il estime ne plus être capable de travailler, mais cela n’a rien à voir avoir la question de savoir si la division générale a omis de tenir compte d’un principe de justice naturelle.

[20] L’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès grâce à ce motif.

Question en litige no 2 : Est-il défendable que la division générale ait commis une erreur de droit en n’acceptant pas que le prestataire eût établi qu’il répondait à certaines circonstances prévues à l’alinéa 29c) et en ne considérant pas que de telles circonstances faisaient en sorte qu’il était « fondé » à quitter son emploi?

[21] Comme je l’ai noté précédemment, la notion d’être « fondé » à quitter son emploi n’est pas établie par l’existence d’au moins une des circonstances énumérées à l’alinéa 29c) de la Loi sur l’AE. La liste des circonstances qui se trouve à l’alinéa 29c) n’est pas une liste exhaustive des circonstances à considérer afin de déterminer s’il y avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi. Si la division générale avait accepté l’existence d’au moins une des circonstances énumérées, il faudrait tenir compte de la circonstance en question au moment d’évaluer les solutions raisonnables du prestataire. La circonstance qui est d’intérêt majeur pour le prestataire se trouve au sous-alinéa 29c)(iv) - Conditions de travail dangereuses pour sa santé et sa sécurité. Il soutient que les tâches de son poste auraient aggravé l’état de son genou au point d’aggraver son invalidité, à moins qu’il ne quitte son emploi. Bien que la division générale n’ait pas tiré de conclusion spécifique selon laquelle les circonstances de travail du prestataire constitueraient un danger à sa santé ou à sa sécurité, elle a rejeté le fait que son [traduction] « opinion selon lequel il était temps de quitter son emploi » était suffisant (ce qui portait sur la détérioration de sa condition). Ce faisant, la division générale a examiné implicitement la question à savoir si les circonstances représentaient un danger pour la santé du prestataire. Le fait que la division générale n’a pas été convaincue par les éléments de preuve du prestataire à ce sujet porte sur la façon dont la division générale a évalué la preuve. Il ne s’agit pas d’une erreur de droit.

[22] En ce qui a trait à la référence du prestataire à une [traduction] « assurance raisonnable d’un autre emploi dans l’avenir immédiat » (sous-alinéa 29c)(vi)), je n’estime pas que le prestataire laisse entendre que la division générale n’a pas considéré l’existence de cette circonstance. Plutôt, il semble considérer comme étant déraisonnable de s’attendre à ce qu’une telle circonstance puisse possiblement s’appliquer à une personne comme lui. Par conséquent, il n’y avait ni des éléments de preuve à l’appui d’une assurance raisonnable d’un autre emploi ni un argument selon lequel il existait une certaine assurance. Il ne peut pas y avoir d’erreur au motif de ne pas avoir tenu compte d’une circonstance qui n’existe pas.

[23] Finalement, même si la division générale avait accepté l’existence de circonstances prévues à l’alinéa 29c), cela signifierait uniquement que les circonstances devraient être examinées. Le fait que l’une de ces circonstances existe n’oblige pas la division générale à conclure que le prestataire n’avait aucune autre solution raisonnable. Ce n’est pas une erreur de droit de soutenir qu’un prestataire n’a pas d’autre solution raisonnable après avoir tenu compte des circonstances.

[24] J’estime que le prestataire n’a pas de chance raisonnable d’établir avec succès en appel qu’il y a eu une erreur de droit.

Question en litige no 3 : Existe-t-il une cause défendable selon laquelle la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

[25] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu compte des répercussions que les fonctions de son poste auraient pu avoir sur sa santé s’il n’avait pas quitté son emploi, et qu’elle n’a pas tenu compte de son âge de ses capacités physiques et des probabilités de se trouver un emploi dans un avenir immédiat (vraisemblablement en relation avec l’existence de solutions raisonnables).

[26] Il est clair que la division générale était au courant du témoignage du prestataire selon lequel il devait rester debout parfois pendant huit heures et que lorsqu’il devait s’assoir, il devait quand même se promener toutes les 20 minutes. Il est également clair que la division générale avait compris que le prestataire se plaignait d’un problème de genou et que le prestataire croyait qu’il avait besoin de quitter son emploi avant d’aggraver son état.

[27] Cependant, le prestataire avait le fardeau ultime d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il avait été fondé à quitter son emploi, ce qui signifie que c’était à lui de démontrer qu’il n’y avait aucune solution raisonnable. Il n’y avait aucun élément de preuve médicale laissant entendre que les fonctions de son poste auraient aggravé l’état de son genou — seulement l’opinion de profane du prestataire. Le prestataire s’est essentiellement fondé sur son propre jugement selon lequel il était temps de quitter son emploi et sur sa présomption selon laquelle il allait être congédié de toute façon s’il tentait de trouver des solutions avec son employeur plutôt que de quitter son emploi.

[28] La division générale a le droit d’accorder peu de poids au jugement ou à l’« opinion » du prestataire, ou encore à ses présomptions. Le rôle de la division générale est d’apprécier la preuve, mais même en l’absence de preuve contraire, la division générale peut conclure que le prestataire n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve convaincante afin d’établir que, selon la prépondérance des probabilités, il n’avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi.

[29] J’estime que l’appel du prestataire n’a pas de chance raisonnable de succès au motif que la décision de la division générale a été rendue de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte de son opinion personnelle selon lequel il devait quitter son emploi au moment où il l’a fait.

[30] J’ai examiné la preuve documentaire dont était saisie la division générale ainsi que les observations des parties, et j’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience. Je n’ai pas identifié de cause défendable en lien avec l’une des erreurs.

[31] Par conséquent, l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[32] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Représentant :

V. G., le demandeur, pour son propre compte

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