Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Aperçu

[1] L’appelante a d’abord travaillé comme administratrice de bureau pour une entreprise de services maritimes, mais elle a été mutée à un autre poste dans la même année, à sa demande. Elle a travaillé comme agente d’entretien de bateaux dans un chantier maritime pendant près de quatre ans, et elle était inscrite à un programme d’apprentissage pour devenir technicienne de marine. L’employeur a ensuite avisé l’appelante qu’elle devait reprendre ses fonctions de bureau, car le bureau était devenu plus occupé, et ils avaient besoin de son aide. L’appelante a choisi de démissionner plutôt que d’accepter que ses tâches soient modifiées. Le Tribunal doit déterminer si l’appelante était fondée à quitter son emploi.

Décision

[2] L’appel est rejeté. Le Tribunal a conclu que l’appelante avait volontairement quitté son emploi sans justification, car elle n’a pas démontré que son départ était la seule solution raisonnable.

Questions préliminaires

[3] Aucune des parties n’était présente au cours de l’audience par téléconférence à l’heure et à la date prévues, bien qu’elles aient été dûment avisées. Le Tribunal est convaincu que l’appelante avait reçu l’avis d’audience qui avait été envoyé le 4 janvier 2018, puisque le récépissé de livraison de Postes Canada a été signé par l’appelante le 10 janvier 2018. Un avis d’audience modifié a été envoyé le 30 janvier 2018, lequel a été reçu par l’appelante le 2 février 2018 selon un autre récépissé de livraison de Postes Canada signé par l’appelante.

[4] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal est allé de l’avant avec l’audience en l’absence des parties, conformément au paragraphe 12(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions en litige

[5] Question en litige no 1 : L’appelante a-t-elle volontairement quitté son emploi?

[6] Question en litige no 2 : Si tel est le cas, l’appelante était-elle fondée à volontairement quitter son emploi?

Analyse

[7] Le paragraphe 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) prévoit qu’un prestataire doit être exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi s’il quitte volontairement tout emploi sans justification.

[8] Il incombe à l’intimée de démontrer que l’appelante a volontairement quitté son emploi. Il incombe ensuite à l’appelante de prouver qu’elle était fondée à agir ainsi en démontrant que, compte tenu de toutes les circonstances, selon la prépondérance des probabilités, son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas (Canada (Procureur général) c. White, 2011 CAF 190).

Question en litige no 1 : L’appelante a-t-elle volontairement quitté son emploi?

[9] Le Tribunal conclut que l’appelante a quitté volontairement son emploi. Le relevé d’emploi rempli par son ancien employeur révèle que l’appelante a démissionné et qu’elle était d’accord pour dire qu’elle démissionnait de son poste.

[10] Au moment de déterminer si l’appelante avait volontairement quitté son emploi, la question à laquelle il faut répondre est la suivante : l’employée avait-elle le choix de conserver ou de quitter son emploi? (Canada (Procureur général) c. Peace, 2004 CAF 56).

[11] L’appelante en convient que l’employeur lui a offert de continuer à détenir son emploi de bureau, mais elle ne voulait pas accepter la modification de ses tâches de travail et a plutôt décidé de démissionner. Par conséquent, l’appelante avait le choix de conserver ou de quitter son emploi.

Question en litige no 2 : L’appelante était-elle fondée à volontairement quitter son emploi?

[12] Le Tribunal estime que l’appelante n’était pas justifiée à quitter son emploi puisqu’elle n’a pas démontré, compte tenu de l’ensemble des circonstances, que la seule solution raisonnable était de quitter son emploi.

[13] Le critère relatif à la justification est de déterminer si l’appelante, après avoir considéré toutes les circonstances, n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi. Une liste non exhaustive de circonstances qui doivent être prises en considération pour déterminer si une personne était fondée à quitter son emploi se trouve à l’alinéa 29c) de la Loi sur l’AE. L’une des circonstances énumérées est une modification importante des fonctions (sous-alinéa 29c)(ix)).

[14] Le Tribunal doit d’abord examiner la question à savoir s’il y a eu une importante modification des fonctions de travail de l’appelante.

[15] En tant qu’agente d’entretien sur un chantier maritime, les fonctions de l’appelante comprenaient nettoyer et peinturer les bateaux, effectuer des travaux d’entretien et aider les mécaniciens. Elle soutient que son employeur l’avait avisée que son aide était requise au bureau et qu’elle retournerait à son poste d’administratrice de bureau. En tant qu’administratrice de bureau, elle répondrait au téléphone, elle parlerait avec les clients et préparerait les ordonnances de services, et elle s’occuperait de faire les réservations pour les mises à l’eau et les sorties de bateaux. Il est manifeste pour le Tribunal qu’il y a une différence substantielle entre les tâches de ces deux rôles, de telle sorte que de changer d’un rôle à l’autre constituerait un changement important de fonctions.

[16] L’intimée a soutenu que puisque l’appelante avait initialement été embauchée en tant qu’administratrice de bureau, lui faire reprendre son poste de bureau ne constituait pas un changement important de ses fonctions de travail. De plus, les deux postes avaient le même salaire et les mêmes heures de travail. Le Tribunal accepte le fait qu’il n’y a eu aucune modification de son salaire ou de ses heures de travail, mais estime que la nature des tâches administratives n’était pas celle dont l’employeur et l’appelante avaient convenu au cours des quatre dernières années où elle a occupé le poste d’agente d’entretien de bateaux. De plus, le fait que l’employeur ait inscrit l’appelante dans un programme d’apprentissage de quatre ans appuie l’argument de l’appelante selon lequel elle croyait que sa mutation au chantier maritime était de nature permanente. Pour ces raisons, le Tribunal estime que son changement potentiel de rôle constituait un changement important de ses fonctions de travail.

[17] L’existence d’un changement important dans ses fonctions de travail ne suffit pas pour que l’appelante soit fondée à quitter son emploi. Elle doit démontrer que, compte tenu de toutes les circonstances, y compris la modification de ses fonctions de travail, quitter son emploi constituait la seule solution raisonnable (Tanguay c. Canada (Commission d’assurance-chômage), A-1458-84).

[18] Le Tribunal doit maintenant trancher la question à savoir si d’autres solutions raisonnables s’offraient à l’appelante plutôt que de quitter son emploi.

[19] L’appelante a l’obligation de résoudre les conflits de travail avec l’employeur ou de démontrer qu’il a fait des efforts pour trouver un autre emploi avant de prendre la décision unilatérale de quitter son emploi (Canada (Procureur général) c. White, 2011 CAF 190).

[20] La question ne consiste pas à déterminer s’il était raisonnable de la part de l’appelante de quitter son emploi, mais bien à déterminer si la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, était qu’il quitte son emploi (Canada (Procureur général) c. Laughland, 2003 CAF 129).

[21] L’appelante en convient qu’elle a démissionné peu de temps après qu’elle ait été avisée des modifications de ses tâches de travail. Elle affirme qu’on lui avait donné le choix, soit de travailler dans le bureau, soit de quitter son emploi, elle ne voulait pas travailler dans le bureau. Le Tribunal n’est pas convaincu que la seule solution raisonnable qui s’offrait à l’appelante était de donner sa démission.

[22] Même si elle trouvait que ses tâches administratives étaient indésirables, rien n’indique qu’elle n’était pas en mesure d’effectuer ces tâches jusqu’à ce qu’elle se trouve un autre emploi. Quitter son emploi n’était pas la seule solution raisonnable qui s’offrait à l’appelante; elle aurait pu avoir accepté le changement de poste et exercer ses nouvelles fonctions jusqu’à ce qu’elle se trouve un autre type d’emploi.

[23] L’appelante a fait le choix personnel de démissionner de son poste. Même si un choix personnel peut être un motif valable, cela n’est pas synonyme avec le fait qu’elle est tenue de prouver qu’elle était fondée à quitter son emploi et avec le fait de faire supporter par d’autres le fardeau du chômage de l’appelante (Canada (Procureur général) c. White, 2011 CAF 190; Tanguay c. Canada (Commission d’assurance-chômage), A-1458-84).

[24] Conclusion

[25] Le Tribunal conclut que l’appelante ne s’est pas acquittée de son fardeau de démontrer que, compte tenu de l’ensemble des circonstances, elle n’avait pas d’autre choix que de quitter son emploi au moment où elle l’a fait. Il aurait été raisonnable qu’elle se cherche un autre emploi tout en continuant d’exercer ses nouvelles fonctions. Par conséquent, l’appelante n’était pas fondée à volontairement quitter son emploi au moment où elle l’a fait.

[26] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Téléconférence

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

29 Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions;
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

(3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.

(4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.

(5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.

(6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.

(7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations — qu’elle soit initiale ou non — n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.

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