Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal conclut que l’intimée n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire et accorde à l’appelant un délai supplémentaire pour demander une révision. Les motifs de cette décision figurent ci-dessous.

Aperçu

[2] L’appelant travaillait comme réceptionniste dans un hôtel et a été congédié après que des objets aient disparu de l’une des chambres de l’hôtel. L’intimée a conclu qu’il lui était impossible de verser des prestations d’assurance-emploi à l’appelant puisqu’il avait été congédié pour inconduite. L’appelant a attendu plus d’un an avant de présenter une demande de révision relativement à cette décision, et l’intimée a rejeté cette demande.

Questions préliminaires

[3] Le Tribunal reconnaît que l’appelant et sa représentante s’étaient préparés, en vue l’audience, à produire une preuve testimoniale sur la question de l’inconduite ainsi que sur d’autres articles non liés de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi). Comme je l’ai expliqué durant l’audience, cette décision ne traitera pas des questions entourant le congédiement de l’appelant, des procédures relatives au traitement des demandes, ni des arguments portant sur d’autres articles non liés de la Loi, comme elles ne sont pas pertinentes aux questions en litige dans cet appel.

Questions en litige

[4] Le Tribunal doit statuer sur les questions suivantes :

  1. La demande de révision de l’appelant a-t-elle été présentée en retard?
  2. L’intimée a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en refusant de proroger le délai de présentation de la demande de révision?
  3. Dans la négative, quelle décision l’intimée aurait-elle dû rendre?

Analyse

[5] Pour statuer sur ces questions, le Tribunal a tenu compte des dispositions législatives pertinentes, qui figurent en annexe de la présente décision.  

La demande de révision de l’appelant a-t-elle été présentée en retard?

[6] L’appelant peut demander à la Commission de réviser sa décision (a) dans les 30 jours suivant la date où il en reçoit communication (b) ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorder, conformément au paragraphe 112(1) de la Loi. L’appelant a admis ne pas avoir présenté sa demande de révision dans les 30 jours suivant la date où il en avait reçu communication. Le Tribunal constate donc que l’appelant a présenté une demande de révision tardive, soit après le délai de 30 jours.

[7] L’appelant a admis qu’il avait été informé de vive voix de la décision initiale de l’intimée le 17 février 2016. Il confirme aussi avoir reçu la version écrite de la décision de l’intimée du 24 février 2016, peu après sa mise à la poste. L’appelant a seulement présenté sa demande de révision le 27 février 2017, soit après le délai de 30 jours fixé par l’alinéa 112(1)a) de la Loi, et après le délai de 365 jours auquel fait référence l’alinéa 1(2)a) du Règlement sur les demandes de révision (Règlement).

[8] Lorsqu’une demande de révision est présentée après le délai de 30 jours prévu à cet effet, l’intimée a le pouvoir discrétionnaire d'accorder ou non un délai supplémentaire pour demander la révision. Le Tribunal doit maintenant déterminer si l’intimée a exercé de façon judiciaire son pouvoir discrétionnaire en décidant de ne pas accorder à l’appelant un délai supplémentaire pour demander une révision.

L’intimée a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire?

[9] Conformément au paragraphe 1(1) du Règlement, l’intimée peut accorder un délai plus long pour la présentation d’une demande de révision, si elle est convaincue, (1) d’une part, qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai et, (2) d’autre part, que l’appelant a manifesté l’intention constante de demander la révision.

[10] Dans le cas où la demande de révision est présentée après l’expiration du délai de 365 jours suivant le jour où l’appelant a reçu communication de la décision, des critères additionnels s’appliquent, conformément au paragraphe 1(2) du Règlement. En effet, l’intimée doit aussi être convaincue que la demande de révision a des chances raisonnables de succès et que l’autorisation du délai supplémentaire ne porte préjudice à aucune partie.

[11] Comme je l’ai précisé plus tôt, l’appelant a présenté sa demande de révision le 27 février 2017; le Tribunal constate que cette date succède au délai de 365 jours dont fait mention l’alinéa 1(2)a) du Règlement. Par conséquent, les critères additionnels prévus au paragraphe 1(2) du Règlement sont pertinents en l’espèce.

[12] Après l’échéance du délai de 30 jours fixé par l’alinéa 112(1)a) de la Loi, l’intimé a le pouvoir discrétionnaire d’accorder à l’appelant un délai supplémentaire pour présenter sa demande de révision. Une décision discrétionnaire ne peut être modifiée que si l’intimée n’a pas exercé son pouvoir de façon judiciaire (Daley c. Canada (Procureur général), 2017 CF 297; Canada (Procureur général) c. Knowler, A-445-95; Canada (Procureur général) c. Plourde, A-80-90).

[13] Ni la Loi, ni le Règlement sur l’assurance-emploi, ni le Règlement ne précisent comment un pouvoir discrétionnaire s’exerce de façon judiciaire. Ainsi, le Tribunal a considéré qu’un pouvoir discrétionnaire n’est pas exercé de façon judiciaire s’il est démontré que le décideur (1) a agi de mauvaise foi, ou (2) dans un but ou pour un motif irrégulier, (3) a pris en compte un facteur non pertinent ou (4) a ignoré un facteur pertinent, ou (5) a agi de manière discriminatoire (Canada (Procureur général) c. Purcell, A-694-94).

[14] Selon la preuve produite, l’intimée a documenté, le 31 mars 2017, la logique et le raisonnement expliquant son refus d’accorder à l’appelant un délai supplémentaire pour présenter sa demande de révision. En voici un résumé :

  1. L’appelant disposait de 30 jours, après la date à laquelle il a reçu communication de la décision, pour présenter sa demande de révision.
  2. L’appelant connaissait sa décision depuis le 17 février 2016 mais a [traduction] « retardé pendant 348 jours », soit jusqu’au 1er mars 2017, la présentation de sa demande de révision.
  3. L’intimée a examiné les raisons données par l’appelant pour expliquer son retard et a jugé que rien n’avait empêché l’appelant de se renseigner sur les politiques et les procédures.
  4. L’appelant aurait pu présenter sa demande de révision en octobre 2016, lorsque son action en justice a pris fin.
  5. L’appelant a invoqué « le travail » pour justifier la présentation tardive de sa demande de révision.
  6. L’appelant n’a pas fourni une explication raisonnable à la présentation tardive de sa demande de révision et n’a pas manifesté l’intention constante de demander la révision.

[15] L’appelant a soutenu que l’intimée n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire comme elle a ignoré les facteurs pertinents suivants :

  1. En traitant sa demande initiale, l’intimée n’avait fourni qu’une seule option à l’appelant, soit de présenter une demande de révision dans un délai de 30 jours.
  2. L’intimée avait dit à l’appelant qu’il ne valait pas la peine qu'il présente une demande de révision puisqu’il ne disposait pas de la preuve nécessaire pour appuyer sa position étant donné que son action en justice était toujours en cours.
  3. L’appelant n’avait jamais demandé de l’assurance-emploi auparavant et il s’était donc fié à l’information que l’intimée lui avait fournie.
  4. Quand l’appelant s’est rendu dans un Centre Service Canada un an plus tard, pour une autre raison, il a été informé que l’intimée avait le pouvoir d’accorder un délai supplémentaire pour la présentation de la demande de révision. Il n’a pas tardé et a présenté sa demande de révision la même journée.

[16] Le Tribunal juge que l’intimée a ignoré un facteur pertinent quand elle a décidé de refuser de proroger le délai de présentation de la demande de révision. Plus précisément, l’intimée n’a pas tenu compte du fait que l’appelant n’était pas familier avec l’assurance-emploi, et qu’elle lui avait dit que sa demande de révision devait être présentée dans un délai de 30 jours suivant la réception de la décision initiale, et qu’il ne valait pas la peine qu’il présente une demande de révision à ce moment-là puisqu’il n’avait pas la preuve nécessaire pour prouver sa cause, étant donné que les questions entourant son congédiement étaient toujours devant les tribunaux à ce moment-là.

[17] Le Tribunal n’admet pas l’argument de l’intimée voulant que rien ne permettait de conclure que l’appelant n’aurait pas réussi à se renseigner sur les politiques ou les procédures ou que quelque chose l’en aurait empêché. Le Tribunal lui préfère plutôt le témoignage de l’appelant, selon lequel il s’était effectivement renseigné sur la manière de procéder compte tenu de sa situation, puisque l’action en justice allait peut-être se poursuivre au-delà du délai de 30 jours dont il disposait pour présenter une demande de révision. L’appelant a affirmé que cette conversation avec l’intimée avait eu lieu durant le délai de 30 jours, dans le cadre de ses conversations avec elle ayant trait à l’inconduite. L’appelant a fait valoir qu’il n’avait jamais été informé que l’intimée pouvait proroger le délai de 30 jours pour présenter une demande de révision.

[18] Comme le révèlent les observations de l’intimée, celle-ci a uniquement soumis des documents, comme des sections de la demande qu’elle avait jugé pertinentes aux questions en litige. L’intimée n’a soumis aucune copie des Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations, qui relate toutes les conversations ayant été tenues entre l’intimée et l’appelant relativement à sa demande de prestations initiale. Le Tribunal estime que l’intimée donne mauvaise impression en ayant négligé de soumettre l’ensemble des Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations. De plus, comme l’intimée n’a pas participé à l’audience, l’appelant n’a pas pu l’assujettir à un contre-interrogatoire au sujet des propos tenus durant ces discussions.

[19] Le Tribunal admet l’argument de l’appelant voulant qu’il avait demandé des clarifications à l’intimée au sujet de ses droits et de ses obligations, durant la conversation où l’intimée l’avait avisé qu’elle avait statué qu’il avait été congédié en raison de son inconduite. Le Tribunal admet également que l’intimée avait dit à l’appelant, durant cette conversation, qu’il disposait de 30 jours pour demander une révision, et que c’est à partir de ce moment que l’appelant avait commencé à se questionner sur la façon dont il pourrait procéder. Le Tribunal préfère la preuve de l’appelant voulant que, malgré ses questions, l’intimée ne lui avait jamais parlé de la possibilité d’une prorogation du délai pour présenter la demande de révision, et qu’elle lui avait dit qu’il ne valait pas la peine de présenter une telle demande parce qu’il n’aurait pas la preuve nécessaire avant que l’action en justice ait pris fin.

[20] Même si l’intimée n’est pas tenue par la loi d’informer l’appelant de son pouvoir de proroger le délai de présentation de la demande de révision, le Tribunal estime que l’appelant a cru qu’il ne pouvait plus du tout demander une révision après l’expiration du délai de 30 jours du fait que l’intimée ne lui avait pas révélé cette information. Vu sa situation, le Tribunal estime qu’il n’était pas déraisonnable que l’appelant suive les conseils de l’intimée, étant donné qu’il n’était pas familier avec l’assurance-emploi.

[21] Même si l’appelant aurait effectivement pu présenter une demande de révision en octobre 2016, lorsque son action en justice a pris fin, le Tribunal admet son argument voulant qu’il n’avait pas présenté une demande à ce moment-là en raison des informations que lui avait précédemment fournies l’intimée, et qui spécifiaient clairement qu’il devait demander la révision dans un délai de 30 jours.

[22] D’après ce qui précède, le Tribunal juge que l’intimée n’a pas exercé sa discrétion de façon judiciaire en refusant d’accorder à l’appelant un plus long délai pour présenter sa demande de révision. Il tire cette conclusion parce que l’intimée a ignoré les facteurs suivants : (1) l’intimée avait dit à l’appelant qu’il ne disposait que de 30 jours pour présenter sa demande de révision, et elle ne lui avait pas révélé que le délai pouvait être prorogé même si l’appelant l’avait interrogée sur la façon dont il pourrait procéder vu sa situation; (2) l’intimée a dit à l’appelant qu’il ne valait pas la peine qu’il présente une demande de révision durant le délai de 30 jours du fait que son congédiement faisait toujours l’objet d’un litige en cours; et (3) l’appelant n’avait jamais navigué le système de l’assurance-emploi auparavant.

[23] Ayant conclu que l’intimée n’a pas exercé son pouvoir de façon judiciaire, le Tribunal doit maintenant rendre la décision que l’intimée aurait dû rendre, qui consiste, en l’espèce, à accorder à l’appelant un délai supplémentaire pour présenter sa demande de révision (Daley c. Canada (Procureur général), 2017 CF 297).

Faut-il accorder le délai supplémentaire pour la présentation d’une demande de révision?

A) Explication raisonnable du retard

[24] Le Tribunal admet que l’appelant a fourni une explication raisonnable quant à la présentation tardive de sa demande de révision. En effet, même s’il avait demandé conseil à l’intimée sur la façon de procéder, c’est seulement un an plus tard, en se rendant dans un Centre Service Canada à un autre sujet, que l’appelant avait été informé du fait que le délai de 30 jours pouvait être prorogé d’au plus un an.

[25] Le Tribunal accepte la preuve de l’appelant, voulant qu’il avait agi en fonction de l’information que l’intimée lui avait fournie sur la manière de procéder dans sa situation, étant donné qu’il n’était pas vraiment familier avec l’assurance-emploi. L’intimée l’avait informé qu’il ne disposait que de 30 jours pour présenter sa demande de révision et qu’il ne valait pas la peine qu’il la présente dans le délai de 30 jours comme son action judiciaire était toujours en cours. Le Tribunal juge que l’appelant a agi de manière raisonnable durant le délai imparti compte tenu des circonstances exposées durant l’audience.

[26] L’appelant a soutenu que les renseignements fournis dans la décision initiale ne mentionnaient aucunement qu’il était possible de proroger le délai de 30 jours. Ce propos est appuyé par la décision initiale du 24 février 2016, où on peut notamment lire ceci :

[traduction]

Nos décisions sont fondées sur la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi. Si vous n’êtes pas d’accord avec une décision rendue, vous disposez de 30 jours suivant la date de la présente lettre (où à compter de la date où vous avez été informé oralement de la décision, selon le premier de ces événements) pour présenter une demande de révision officielle à la Commission. Pour savoir comment présenter une demande de révision et accéder au formulaire de Demande de révision d’une décision d’assurance-emploi, veuillez consulter le site www.ae.gc.ca, nous joindre par téléphone au 1-800-206-7218, ou vous rendre au Centre Service Canada le plus près de chez vous.

[27] Le Tribunal juge que l’appelant a livré un témoignage crédible voulant que, même s’il s’était montré désespéré durant la conversation susmentionnée, il n’avait pas été informé qu’il existait une disposition dans le Règlement sur l’assurance-emploi autorisant la prorogation du délai pour présenter une demande de révision. De plus, l’appelant a produit une preuve crédible concernant l’action en justice relative à son emploi et à son statut au Canada, ce qui appuyait ses arguments selon lesquels il avait continué à interroger l’intimée sur son admissibilité à des prestations jusqu’à ce qu’on lui dise très clairement qu’il n’avait que 30 jours pour présenter une demande de révision. Encore une fois, même s’il avait posé des questions durant la conversation initiale, on lui avait dit qu’il devait détenir une preuve démontrant qu’il n’y avait pas commis une inconduite et qu’il ne disposait que de 30 jours à compter de la date à laquelle la décision initiale avait été rendue pour demande une révision.

[28] Le Tribunal n’accepte pas l’argument de l’intimée, qui affirme que l’appelant aurait dû se renseigner sur son droit de recours entre la fin de son action en justice en octobre 2016, et la date à laquelle il a présenté sa demande de révision, le 27 février 2017. En effet, bien avant le 27 février 2017, l’intimée avait clairement fait savoir à l’appelant qu’il n’avait que 30 jours, à partir du 24 février 2016, pour présenter une demande de révision. Il serait déraisonnable de s’attendre à ce que l’appelant, compte tenu de ses connaissances limitées en assurance-emploi, continue de s’enquérir sans cesse de la même question alors que l’intimée lui avait clairement dit qu’il ne disposait que de 30 jours pour présenter sa demande de révision.

[29] C’est seulement lorsque l’appelant s’est présenté dans un Centre Service Canada, à un autre sujet, que l’intimée lui a dit qu’il pouvait demander un délai supplémentaire pour présenter sa demande de révision. Le Tribunal juge que l’appelant a agi rapidement dès qu’il a obtenu cette information, puisqu’il a alors soumis sa demande de révision la journée même.

B) Intention constante de demander une révision

[30] Le Tribunal juge que l’appelant a démontré une intention constante de demander une révision. En tirant cette conclusion, le Tribunal accepte que l’appelant avait initialement fait des efforts pour se renseigner sur la présentation d’une demande de révision durant le délai de 30 jours, puisqu’il s’était entretenu avec l’intimée sur la façon dont il pourrait s’y prendre. Étant donné que l’appelant est un nouvel arrivant au Canada et qu’il s’agissait de son premier contact avec l’assurance-emploi, le Tribunal admet la preuve de l’appelant voulant qu’il s’était renseigné sur la manière dont il pourrait procéder compte tenu de sa situation et qu’il avait été informé qu’il ne disposait que de 30 jours pour présenter une demande de révision et qu’il ne valait pas la peine d’en présenter une, vu sa situation. L’appelant a écouté ce que lui avait dit l’intimée, qui gère le fonds de l’assurance-emploi, et il a seulement agi un an plus tard quand on lui avait dit qu’il pouvait encore présenter une demande de révision.

[31] Le Tribunal n’admet pas l’observation de l’intimée, qui affirme que l’appelant avait invoqué « le travail » pour justifier la présentation tardive de sa demande. En effet, la demande de révision soumise par l’appelant ne mentionne aucunement qu’il travaillait. Il est cependant mentionné dans le dossier de décision daté du 31 mars 2017 que l’appelant avait expliqué son retard en invoquant « le travail ».

[32] L’appelant a avoué qu’il avait dit à l’intimée qu’il était occupé avec l’action en justice et qu’il travaillait. Cependant, il a affirmé que cette réponse n’avait pas été donnée pour justifier la présentation tardive de sa demande. L’appelant a affirmé que cette réponse avait plutôt servi à expliquer ce qu’il avait fait au cours de la période du retard, et non à expliquer la raison du retard. L’appelant a ajouté qu’il s’était excusé à l’intimée durant cette conversation pour avoir mal compris ce qui lui avait été demandé, intervention qui est notée dans les Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestation, datés du 31 mars 2017.

[33] L’appelant a affirmé qu’il avait dit à l’intimée qu’il avait tardé à présenter sa demande de révision parce qu’on lui avait dit qu’il n’avait que 30 jours pour le faire. Lorsqu’il s’était renseigné sur la présentation de sa demande, l’intimée lui avait dit de ne pas en présenter une comme il serait incapable de démontrer qu’il n’y avait pas eu inconduite, comme des questions à ce sujet faisaient alors toujours l’objet d’une action judiciaire. L’appelant a soutenu qu’on ne lui avait pas offert d’autres options étant donné que l’action en justice allait se poursuivre au-delà du délai de 30 jours.

[34] Le Tribunal estime que l’appelant a démontré qu’il a eu l’intention constante de demander une révision. Cette conclusion est en partie fondée sur le fait que l’appelant avait discuté de la présentation d’une demande de révision avec l’intimée au cours du délai de 30 jours. C’est au cours de cette conversation qu’on lui avait dit de ne pas présenter une demande de révision à ce moment-là, comme il ne pourrait pas prouver qu’il n’y avait pas eu inconduite, puisque des questions à ce sujet faisaient alors toujours l’objet d’une action judiciaire. Dès qu’il a appris que le délai pouvait être prorogé, il a présenté sa demande de révision la journée même.

[35] Le Tribunal accepte la preuve selon laquelle l’appelant est demeuré dans une action judiciaire qui s’est terminée en octobre 2016. Dans les mois qui ont suivi, il n’a pas présenté sa demande de révision puisqu’il s’était fié aux informations que l’intimée lui avait initialement données, à savoir qu’il ne disposait que de 30 jours à compter de la date de la décision initiale pour présenter une demande de révision.

[36] Le Tribunal n’admet pas l’observation de l’intimée voulant que rien n’avait empêché l’appelant de se renseigner sur les politiques et les procédures. En effet, la preuve révèle que l’appelant s’était bel et bien renseigné à ce sujet, et ce, durant ses conversations initiales avec l’intimée. Ce sont précisément les informations fournies par l’intimée, qui a dit à l’appelant que sa demande de révision devait être présentée dans le délai imparti de 30 jours et qu’il lui était inutile de le faire vu sa situation, qui ont découragé l’appelant de se renseigner durant cette période.

Critères supplémentaires

[37] Dans certains cas, les critères supplémentaires énoncés au paragraphe 1(2) du Règlementpeuvent s’appliquer. Dans de tels cas, s’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai et que l’intéressé a manifesté l’intention constante de demander la révision, la Commission doit aussi être convaincue que la demande de révision a des chances raisonnables de succès et que l’autorisation du délai supplémentaire ne porte pas préjudice à aucune autre partie. Le Tribunal estime que les critères supplémentaires sont pertinents dans le cadre de cet appel. Effectivement, en présentant sa demande de révision le 27 février 2017, l’appelant a laissé s’écouler plus de 365 jours après la date où il avait reçu communication de la décision, le 17 février 2016.

[38] Le Tribunal comprend que l’intimée a conclu que l’appelant n’avait pas fourni une explication raisonnable à son retard ni manifesté l’intention constante de demander la révision, pour l’application du paragraphe 1(1) du Règlement. Il était donc inutile à l’intimée de considérer les critères supplémentaires du paragraphe 1(2) du Règlement. Par contre, comme le Tribunal a conclu que l’appelant avait satisfait au critère prévu au paragraphe 1(1), il doit maintenant examiner les critères supplémentaires.

[39] L’intimée parle de la « période de retard » et affirme que l’appelant avait repoussé la présentation de sa demande de révision pendant 348 jours. Bien qu’on puisse qualifier de « période de retard » la période suivant le délai imparti de 30 jours, et qu’il semble que cette période compte 348 jours en l’espèce, le critère prévu à l’alinéa 1(2)a) du Règlement ne fait pas référence à une « période de retard »

[40] Selon le critère prévu à l’alinéa 1(2)a) du Règlement, lorsque la demande de révision est présentée après l’expiration du délai de 365 jours suivant le jour où l’appelant a reçu communication de la décision, il faut déterminer si les conditions suivantes sont remplies : la demande de révision doit avoir des chances raisonnables de succès et l’autorisation d’un délai supplémentaire ne porte préjudice à autre partie. En l’espèce, l’appelant a reçu communication de la décision de l’intimée de vive voix le 17 février2016, et il a présenté sa demande de révision le 27 février 2017, soit plus de 365 jours plus tard. Le Tribunal constate ainsi que l’appelant a présenté sa demande de révision après la période de 365 jours ayant suivi la date à laquelle il a reçu communication de la décision. Par conséquent, les critères supplémentaires du paragraphe 1(2) du Règlement doivent être considérés.

A) Chances raisonnables de succès

[41] Le Tribunal est d’avis qu’il n’est pas clair et évident, à la lecture du dossier, que la demande de révision de l’appelant est vouée à l’échec. L’intimée avait conclu dans sa décision initiale qu’il lui était impossible de verser des prestations à l’appelant du fait qu’il avait été congédié pour inconduite. L’appelant a produit la preuve que son action en justice était terminée et que les accusations portées contre lui relativement à ce congédiement avaient été suspendues.

[42] Même si l’intimée soutient que le rejet des accusations portées contre l’appelant n’est pas déterminant de la question de l’inconduite, le Tribunal estime que l’appelant a présenté une cause défendable. Le Tribunal est de cet avis en raison de documents provenant de son avocate que l’appelant a soumis en appui de son appel, et qui comprennent notamment des courriels échangés entre l’appelant et son avocate en date du 30 septembre 2016 et du 27 août 2016 :

[43] Voici notamment ce qu’on peut lire dans le courriel du 30 septembre 2016 :

[traduction]

[…] comme l’état d’intoxication de la plaignante, et le fait qu’elle avait eu des interactions avec vous après l’agression alléguée et qu’elle ne vous avait pas identifié comme étant le coupable.  

[44] Quant au courriel du 27 août 2016, voici ce qui était notamment écrit :

[traduction]

[…] À 1 h 34, nous l’avons vu sortir pour aller fumer, mais à 1 h 35 la chambre XXX était ouverte avec sa clé, et il est impossible qu’il se soit trouvé à deux endroits en même temps. Il était seulement monté avec l’ascenseur à 1 h 38.

[45] D’après ce qui précède, le Tribunal conclut que l’appelant a rempli le premier critère énoncé à l’alinéa 1(2)a) du Règlement; il y a suffisamment de preuves pour démontrer que la demande de révision de l’appelant a des chances raisonnables de succès.

Prejudice  

[46] Le Tribunal juge qu’il n’existe pas suffisamment de preuves pour démontrer qu’un préjudice serait porté à l’intimée advenant l’autorisation d’un délai supplémentaire pour que l’appelant demande une révision de la décision initiale de l’intimée. Qui plus est, le Tribunal juge que l’appelant pourrait subir un préjudice si un délai supplémentaire pour présenter sa demande de révision ne lui était pas accordé. En effet, sans délai supplémentaire, l’appelant n’aurait pas la possibilité de prouver son admissibilité à des prestations pour la période allant du 20 janvier 2016 au 30 août 2017, date à laquelle il a quitté le Canada.

Conclusion

[47] Le Tribunal conclut que l’intimée n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire et accorde à l’appelant un délai supplémentaire pour présenter sa demande de révision. L’appel est accueilli.

Date de l'audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 15 novembre 2017; le 10 janvier 2018; et le 14 février 2018

Téléconférence

S. R., appelant
Sashka Koprindzhiyska, représentante

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

112(1) fait l’objet d’une décision de la Commission, de même que tout employeur d’un prestataire faisant l’objet d’une telle décision, peut, dans les trente jours suivant la date où il en reçoit communication, ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorder, et selon les modalités prévues par règlement, demander à la Commission de réviser sa décision.

(2) La Commission est tenue d’examiner de nouveau sa décision si une telle demande lui est présentée.

(3) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, préciser les cas où la Commission peut accorder un délai plus long pour présenter la demande visée au paragraphe (1).

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

54(1) La division générale peut rejeter l’appel ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision visée par l’appel ou rendre la décision que le ministre ou la Commission aurait dû rendre.

(2) Elle rend une décision motivée par écrit et en fait parvenir une copie à l’appelant et, selon le cas, au ministre ou à la Commission, et à toute autre partie.

Règlement sur les demandes de révision

1(1) Pour l’application du paragraphe 112(1) de la Loi sur l’assurance-emploi et sous réserve du paragraphe (2), la Commission peut accorder un délai plus long pour la présentation d’une demande de révision, si elle est convaincue, d’une part, qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai et, d’autre part, que l’intéressé a manifesté l’intention constante de demander la révision.

(2) Dans les cas ci-après, la Commission doit aussi être convaincue que la demande de révision a des chances raisonnables de succès et que l’autorisation du délai supplémentaire ne lui porte pas préjudice ni d’ailleurs à aucune autre partie :

  1. a) la demande de révision est présentée après l’expiration du délai de trois cent soixante-cinq jours suivant le jour où l’intéressé a reçu communication de la décision;
  2. b) elle est présentée par une personne qui a fait une autre demande de prestations après que la décision lui a été communiquée;
  3. c) elle est présentée par une personne qui a demandé à la Commission d’annuler ou de modifier la décision en vertu de l’article 111 de la Loi sur l’assurance-emploi.
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