Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] En date du 4 novembre 2016, la division générale du Tribunal a conclu que la répartition de la rémunération de l’appelant avait été effectuée conformément aux articles 35 et 36 du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement).

[3] L’appelant a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel en date du 12 décembre 2016, après avoir reçu communication de la décision de la division générale en date du 10 novembre 2016. La permission d’en appeler a été accordée le 30 décembre 2016.

Mode d'audience

[4] Le Tribunal a déterminé que cet appel serait instruit par téléconférence pour les raisons suivantes :

  • la complexité de la ou des questions en litige;
  • le fait que la crédibilité des parties ne figurait pas au nombre des questions principales;
  • le caractère économique et opportun du choix de l’audience;
  • la nécessité de procéder de la façon la plus informelle et rapide possible tout en respectant les règles de justice naturelle.

[5] Lors de l’audience, l’appelant était présent et représenté par J. O. L’intimée n’a pas participé à l’audience malgré la réception de l’avis d’audience.

Droit applicable

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[7] La division générale du Tribunal a-t-elle erré en concluant que la répartition de la rémunération de l’appelant avait été effectuée conformément aux articles 35 et 36 du Règlement?

Norme de contrôle

[8] La Cour d’appel fédérale a déterminé que le mandat de la division d’appel est celui conféré par les articles 55 à 69 de la Loi sur le MEDS. La division d’appel n’exerce pas un pouvoir de contrôle et de surveillance réservé aux cours supérieures (Canada (Procureur général) c. Jean, 2015 CAF 242; Maunder c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 274).

[9] En conséquence, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait erré en droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Analyse

Faits

[10] L’appelant a déposé une demande initiale de prestations de maladie prenant effet le 22 septembre 2013. Il a travaillé pour Service Canada jusqu’au 17 septembre 2013. Le 8 janvier 2014, il a demandé un renouvellement des prestations régulières puisqu’il ne pouvait pas reprendre son ancien travail pour des raisons de santé. Il a été reçu des prestations régulières du 5 janvier 2014 au 13 septembre 2014 s’élevant à 501 $ par semaine.

[11] Le 27 novembre 2014, l’appelant a informé l’intimée qu’il avait reçu des prestations rétroactives d’assurance-salaire de l’Industrielle Alliance à la suite à une décision tardive de l’assureur rendue en novembre 2014. Il a reçu un paiement de 4611,93 $ le 25 novembre 2014 pour la période du 23 novembre 2013 au 31 décembre 2013, puis un deuxième paiement de 40 346,35 $ reçu le 26 novembre 2014 pour la période du 1er janvier 2014 au 30 novembre 2014. Le 5 février 2015, l’appelant a informé l’intimée qu’il avait reçu un autre paiement de 6 128 $ pour la période du 16 octobre 2013 au 22 novembre 2013.

[12] L’intimée a avisé l’appelant qu’il avait reçu ces sommes à titre de rémunération d’assurance-salaire, et que celles-ci seraient déduites de ses prestations aux termes des articles 35 et 36 du Règlement. La décision a entraîné un trop-payé.

[13] En date du 29 janvier 2015, l’appelant a demandé la révision de la décision de l’intimée rendue le 14 janvier 2015. Plus précisément, il a demandé de suspendre le paiement de la dette jusqu’à son audience devant la Commission des lésions professionnelles soit tenue en septembre 2015 ou bien de laisser tomber la réclamation, ce qui consisterait une première compensation au regard d’autres plus importantes à venir.

[14] Suite à la demande de révision de l’appelant, l’intimée a modifié à la hausse le montant de la dette.

[15] En date du 21 mai 2015, un protocole d’entente a été conclu à titre de « règlement complet » avec l’employeur à la suite de la plainte de l’intimée auprès de la Commission des lésions professionnelles.

[16] Le 4 novembre 2016, la division générale a rejeté l’appel de l’appelant.

Décision de la division générale

[17] La division générale a conclu que la somme d’argent que l’appelant avait reçue pour la période s’échelonnant du 16 octobre 2013 au 30 novembre 2014 était en lien avec l’emploi qu’il avait occupé chez son employeur.

[18] La division générale a conclu que cette somme d’argent constituait une rémunération aux termes de l’article 35 du Règlement, puisqu’elle avait été versée à l’appelant à titre d’indemnités provenant d’un régime d’assurance-salaire collective de son employeur, et qu’elle avait été répartie conformément aux dispositions prévues à l’alinéa 36(12)b) du Règlement.

[19] La division générale a déterminé que rien dans le protocole d’entente ne stipulait que le versement à l’appelant d’un montant de 75 000 $, dont 35 000 $ à titre de dommages, avait pour effet d’exempter l’appelant de son obligation de rembourser le montant du trop-payé provenant des prestations d’assurance-emploi qu’il avait reçues, et ce, malgré le fait que l’employeur, le ministère des Ressources humaines et Développement des compétences du Canada, et l’intimée puissent ou non représenter une seule entité juridique.

[20] La division générale a conclu que l’employeur n’avait pas fourni de représentation ou accordé de garantie à l’appelant quant à la façon dont l’entente serait traitée au titre de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi), ou de toute autre loi.

[21] Le Tribunal a conclu que l’article 46 de la Loi prévoyait des dispositions selon lesquelles l’employeur est tenu de rembourser des prestations, mais que si l’employeur ne remboursait pas les prestations en question, l’article 45 de la Loi prévoyait que l’obligation revenait au prestataire.

Position des parties

[22] L’appelant soutient que le paragraphe 46(2) de la Loi prévoit explicitement qu’il revient à l’employeur de verser la somme « à l’endroit de Sa Majesté ». L’employeur, qui s’avère en soi Sa Majesté, a reconnu que des dommages résultant du comportement de son personnel devaient être versés à l’appelant. Ledit employeur peut difficilement invoquer la méconnaissance de la Loi.

[23] De plus, étant donné la reconnaissance par la même entité légale de dommages s’élevant à 35 000 $ en date du 21 mai 2015, la réclamation des prestations reçues antérieurement viendrait modifier de façon substantielle et unilatérale l’entente (un remboursement de près de 23 000 $ sur un montant de 35 000 $), ce qui ne devrait pas être permis ou autorisé par le Tribunal.

[24] L’appelant fait également valoir que le milieu de travail instauré par l’employeur s’avère être à l’origine de ses problèmes de santé. Malgré qu’il a été reconnu après un certain temps qu’il pouvait reprendre un travail hors du milieu initial, soit l’équipe de travail à l’origine de ses problèmes de santé, l’employeur a refusé de le muter dans un autre département et ce, malgré les avis médicaux et les expertises déposés par l’appelant.

[25] L’appelant demande au Tribunal de recommander la défalcation de la réclamation comme élément compensateur pour les répercussions sur la santé de l’appelant et l’absence de requalification à un poste approprié.

[26] L’intimée fait valoir que l’appelant désire que le montant du trop-payé soit remboursé par son employeur, car il est la cause de la situation qui l’a rendu malade et parce qu’il croyait que le montant était inclus dans son entente qu’il a signée lors de sa démission. Il ne peut pas être payé en double, soit recevoir de l’assurance-salaire pour invalidité et des prestations d’assurance-emploi pour la même période. L’appelant aurait dû négocier un montant supplémentaire avec son employeur afin de rembourser sa dette envers l’assurance-emploi.

[27] L’intimée se doit d’appliquer la Loi et le Règlement, et l’assurance-salaire constitue une rémunération aux termes du paragraphe 35(2) du Règlement. En conséquence, conformément au paragraphe 36(12), les versements sont répartis sur les semaines pour lesquelles ils sont payés. L’intimée fait valoir que la division générale a bien évalué la preuve et que sa décision est fondée.

Ordonnance relative à l’appel

[28] Lors de l’audience relative à l’appel, le Tribunal a permis la production sous scellé, afin d’en préserver la confidentialité, de deux expertises médicales de l’appelant mentionnées dans la contestation et au soutien de sa demande de défalcation. 

La division générale du Tribunal a-t-elle erré en concluant que la répartition de la rémunération de l’appelant avait été effectuée conformément aux articles 35 et 36 du Règlement?

[29] Dans le dossier en l’espèce, l’appelant ne conteste pas la conclusion de la division générale voulant que la somme d’argent reçue constituait une rémunération aux termes de l’article 35 du Règlement, puisqu’elle lui a été versée à titre d’indemnités provenant d’un régime d’assurance-salaire collective de son employeur et qu’elle avait été correctement répartie sur les semaines pour lesquelles les versements sont payés conformément aux dispositions prévues à l’alinéa 36(12)b) du Règlement.

[30] L’appelant soutient que le paragraphe 46(2) de la Loi prévoit explicitement qu’il revient à l’employeur de verser la somme « à l’endroit de Sa Majesté ». L’employeur, qui s’avère en soi Sa Majesté, a reconnu que des dommages résultant du comportement de son personnel devaient être versés à l’appelant. Ledit employeur peut difficilement invoquer la méconnaissance de la Loi.

[31] La Cour d’appel fédérale a déjà décidé que le manquement de l’employeur à l’obligation au titre du paragraphe 46(2) de vérifier et, le cas échéant, de retenir les montants en question, n’a pas comme corollaire la libération du prestataire de l'obligation au titre de l’article 45 de rembourser ce qu’il a reçu. Il revient à l’employeur ou au prestataire qui « s’enrichit » aux dépens de l’état de rembourser (Lauzon c. Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada, A-836-97; Canada (Procureur Général) c. Ellis, (1992), 145 N.R. 265).

[32] En l’espèce, l’appelant est celui qui a reçu des prestations auxquelles se sont ajoutées des indemnités d’assurance-salaire. Le montant excédentaire qu’il a reçu en prestations doit donc être remboursé par l’appelant en vertu de la Loi. Le Tribunal est d’avis que le fait que l’employeur s’avère en soi Sa Majesté ne change en rien au fait que l’appelant a l’obligation légale de rembourser le trop-payé.

[33] L’appelant fait également valoir qu’étant donné la reconnaissance par la même entité légale de dommages s’élevant à 35 000 $ en date du 21 mai 2015, la réclamation des prestations reçues antérieurement viendrait modifier de façon substantielle et unilatérale l’entente (un remboursement de près de 23 000 $ sur un montant de 35 000 $), ce qui ne devrait pas être permis ou autorisé par le Tribunal.

[34] Le Tribunal est d’avis, avec respect, qu’il ne lui appartient pas de redéfinir ou de renégocier les termes d’une entente conclue entre l’appelant et son employeur.

[35] Le Tribunal constate qu’au moment où il signe l’entente du mois de mai 2015, l’appelant sait qu’il doit rembourser un trop-payé important à l’intimée à la suite de la répartition de son assurance-salaire collective. L’appelant aurait dû alors négocier un montant supplémentaire avec son employeur afin de rembourser sa dette à l’assurance-emploi ou, à tout le moins, obtenir une quittance finale quant au trop-payé.

[36] D’autant plus que dans l’entente du 21 mai 2015, l’appelant « atteste que l’employeur n’a pas fourni de représentation ou de garantie quant à la façon dont la présente entente ou les sommes qui en découlent seront traitées aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu, la Loi sur l’assurance-emploi, ou de toute autre loi ».

[37] De plus, l’appelant convient que ladite entente « constitue un règlement complet et définitif des griefs et de toute autre forme d’action, cause d’action, demande, plainte, enquête, poursuite et requêtes pouvant ou ayant pu découler de l’emploi du plaignant à EDSC et à la cessation de son emploi, ainsi que les événements qui ont mené à la cessation de son emploi à EDSC. Le plaignant exonère et décharge à tout jamais Sa Majesté la Reine du chef du Canada, le ministère EDSC, les ministres de la Couronne et leurs agents, fonctionnaires et employés actuels et passés des dommages, obligations, coûts, frais, réclamations, plaintes, causes d’action et de toute autre affaire ou procédure découlant de son emploi au ministère EDSC ou reliés à ceux-ci, sans exception ».

[38] Malheureusement pour l’appelant, rien dans cette entente ne prévoit que l’employeur remboursera les prestations qui lui ont été versées en plus de l’indemnité que l’employeur lui a versée, ou ne le dispense de rembourser les prestations ayant été versées, ou à tout le moins, le montant du trop-payé ayant découlé du versement de ces prestations.

[39] L’appelant fait finalement valoir que le milieu de travail instauré par l’employeur s’avère être à l’origine de ses problèmes de santé. Malgré qu’il a été reconnu après un certain temps qu’il pouvait reprendre un travail hors du milieu initial, soit l’équipe de travail à l’origine de ses problèmes de santé, l’employeur a refusé de le muter dans un autre département, et ce malgré, les avis médicaux et les expertises déposés par lui.

[40] L’appelant demande donc au Tribunal de recommander la défalcation de la réclamation comme élément compensateur pour les impacts négatifs sur sa santé et l’absence de requalification à un poste approprié.

[41] Il a maintes fois été dit qu’un juge est tenu d’appliquer et non de modifier la Loi. La Loi prévoit spécifiquement que les prestataires doivent rembourser les montants excédentaires qu’ils ont pu recevoir. C’est le but du législateur en édictant les articles 45 et 46 de la Loi.

[42] Cependant, compte tenu des faits très particuliers du présent dossier, le Tribunal ne peut que recommander à l’intimée de reconsidérer sa demande de remboursement.

Conclusion

[43] L’appel est rejeté.

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