Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Comparutions

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal conclut que le prestataire a perdu son emploi et que l’employeur n’est pas parvenu à prouver une inconduite.

Aperçu

[2] Le prestataire a présenté une demande initiale de prestations d’assurance-emploi, déclarant qu’il avait perdu son emploi de camionneur parce que son employeur s'était emparé de son camion et l'avait vendu. L’employeur fait appel de la décision de révision de l’intimée statuant que le prestataire est admissible à des prestations. L’employeur soutient que le prestataire a quitté son emploi et qu’il ne devrait pas être admissible à des prestations. L’employeur soutient également que le prestataire aurait été congédié pour vol s’il n’avait pas démissionné.

Questions préliminaires

Défaut de comparution

[3] Personne n’a comparu à l’audience du 8 février 2018, même si toutes les parties avaient dûment été avisées de sa tenue. Conformément au paragraphe 12(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement), si une partie omet de se présenter à l’audience, le Tribunal peut procéder en son absence, s’il est convaincu qu’elle a été avisée de la tenue de l’audience.

[4] Le Tribunal est convaincu que l’employeur a reçu l’avis d’audience qui a été envoyé le 8 novembre 2017, puisqu’il a signé le reçu de livraison de Postes Canada en date du 15 novembre 2017.

[5] Le Tribunal est aussi convaincu que le prestataire, qui a été mis en cause dans cet appel compte tenu de son intérêt direct, a été avisé de l’audience fixée. En effet, lorsque le Tribunal a communiqué avec le prestataire le 8 janvier 2018 au sujet d’une lettre renvoyée qui contenait l’avis d’audience, le prestataire a fait savoir au Tribunal qu’il ne voulait pas lui fournir son adresse actuelle. Il est donc raisonnable de conclure que le prestataire a été avisé de l’audience de vive voix et qu’il a décidé de ne pas recevoir l’avis écrit et de ne pas se présenter à l’audience.

[6] Ayant déterminé que toutes les parties avaient été informées de la tenue de l’audience, le Tribunal a instruit cet appel sur le fond en se basant sur la preuve au dossier, en vertu du paragraphe 12(1) du Règlement.

Observations présentées après l’audience

[7] Le 23 février 2018, l’aide-comptable de l’employeur a envoyé un courriel au Tribunal affirmant qu’elle avait seulement vu l’avis d’audience quand elle avait commencé à travailler pour le nouveau propriétaire. Elle a expliqué que l’entreprise avait changé de propriétaire en janvier 2018 et que le nouveau propriétaire l’avait engagée à titre d’aide-comptable en février 2018. Elle n’a pas précisé la date jusqu’à laquelle elle avait travaillé pour le propriétaire précédent ni la date exacte à laquelle elle avait commencé à travailler pour le nouveau propriétaire.

[8] L’aide-comptable affirme aussi que les camionneurs ont continué à travailler durant le transfert de propriété. Elle soutient que ni le prestataire ni un autre camionneur n’avait ouvert l’avis d’audience quand l’ancien propriétaire l’avait reçu en novembre 2017. L’aide-comptable affirme que les camionneurs avaient caché l’avis pour qu’elle ne le voie pas. Elle n’a pas précisé le nom de l’autre camionneur et n’a pas expliqué comment le prestataire aurait eu accès au courrier de l’employeur en novembre 2017. Elle n’a pas non plus précisé si, ni quand, le prestataire était retourné travailler pour l’ancien employeur. Cependant, dans la déclaration qu’elle a soumise conjointement à l’appel, l’aide-comptable a affirmé que le prestataire avait demandé de ravoir son poste en janvier 2017 et qu’on lui avait dit qu’il n’y avait aucune chance qu’il soit réembauché. Elle affirme aussi que le prestataire avait obtenu un emploi auprès d’un concurrent.

[9] Comme susmentionné, le Tribunal conclut qu’il y avait une preuve suffisante pour démontrer que l’employeur avait été avisé de la tenue de l’audience, d’après le reçu de livraison signé le 15 novembre 2017, soit deux mois avant la date à laquelle l’entreprise aurait été vendue, selon l’aide-comptable. De plus, le Tribunal constate, d’après les déclarations faites par cette dernière, que l’employeur avait vendu l’entreprise et que le nouveau propriétaire l’avait seulement engagée récemment comme aide-comptable, et qu’il n’y a donc pas suffisamment de preuves pour démontrer que l’aide-comptable aurait l’autorité nécessaire pour représenter l’ancien employeur (employeur) dans le cadre de cet appel.

Questions en litige

[10] Le Tribunal doit trancher les questions en litige suivantes :

  1. Le prestataire a-t-il perdu ou quitté volontairement son emploi?
  2. Si le prestataire a perdu son emploi, l’employeur a-t-il prouvé son inconduite?
  3. Si le prestataire a quitté volontairement son emploi, disposait-il d’une justification?

Analyse

[11] Les dispositions législatives pertinentes figurent en annexe de la présente décision.

[12] C’est sur l’intimée que repose le fardeau de démontrer que le prestataire a quitté volontairement son emploi (Green c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 313; Canada (Procureur général) c. White, 2011 CAF 190).

[13] Si l’intimée ne parvient pas à démontrer que le prestataire a quitté volontairement son emploi, l’intimée aura toujours la charge de la preuve et devra démontrer que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite (Canada (Procureur général) c. Bartone, A-369-88; Davlut c. Canada (Procureur général), A-241-82).

[14] En l’espèce, l’intimée a conclu que le prestataire avait été congédié et que son inconduite n’avait pas été établie. Cependant, l’employeur a soutenu que le prestataire avait quitté son emploi et qu’il ne devrait pas être admissible à des prestations. En interprétant les faits un peu différemment de façon à conclure que cette affaire est celle d’un départ volontaire non fondé plutôt que d’un congédiement, le Tribunal ne s’éloigne pas de la question qu’il doit trancher, soit celle de l’exclusion en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) (Canada (Procureur général) c. Easson, A-1598-92).

Départ volontaire ou perte d’emploi

[15] Le Tribunal juge que le prestataire a perdu son emploi puisqu’il n’a pas eu le choix de garder ou de quitter son emploi le 14 décembre 2016. L’employeur s’est rendu à sa résidence et a pris possession de sa dépanneuse, mettant ainsi fin à l’emploi du prestataire. De plus, la preuve est insuffisante pour prouver que le prestataire avait quitté son emploi, comme le prétend l’employeur. L’employeur a aussi admis dans sa demande de révision que le prestataire allait être congédié pour vol (Canada (Procureur général) c. Peace, 2004 CAF 56).

[16] Ayant conclu que le prestataire a perdu son emploi, le Tribunal doit maintenant déterminer si l’intimée a démontré que sa perte d’emploi était attribuable à son inconduite.

Inconduite

[17] C’est à l’employeur qu’il incombe de prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Si l’inconduite est démontrée, le prestataire sera exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi en application du paragraphe 30(1) de la Loi sur l’AE.

[18] La Loi sur l’AE ne définit pas l’inconduite; cependant, l’employeur est tenu de démonter, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il était réellement possible qu’il soit congédié en raison de sa conduite (Mishibinijima c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 36).

[19] Il doit y avoir un lien de causalité entre l’inconduite reprochée au prestataire et la perte d’emploi. Autrement dit, l’inconduite doit causer la perte d’emploi du prestataire (Canada (Procureur général) c. Cartier, 2001 CAF 274; Smith c. Canada (Procureur général), A-875-96; Canada (Procureur général) c. Nolet, A-517-91).

[20] Le Tribunal estime que l’employeur n’a pas présenté suffisamment de preuves pour démontrer que le prestataire avait commis un vol ou que ce supposé vol aurait été la cause de sa perte d’emploi. L’employeur n’est donc pas parvenu à prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. L’employeur affirme que le prestataire n’avait pas remis de l’argent comptant qu’il avait recueilli pour un service rendu, et qu’il avait volé de l’essence ainsi que du matériel se trouvant à bord de la dépanneuse. Cependant, l’employeur n’a fourni aucune preuve pour appuyer ces allégations. À titre de preuves, il aurait pu produire des registres de répartition, des reçus d’essence ou des factures pour prouver que le prestataire avait été payé en espèces pour le supposé service, et des registres de dépôt confirmant que le prestataire n’avait pas remis la somme à l’employeur. De plus, l’employeur n’a pas fourni de preuve montrant qu’un rapport de police aurait été produit pour appuyer son allégation que le prestataire avait volé de l’argent et de l’équipement, et il n’a pas témoigné.

[21] D’après les déclarations écrites de l’aide-comptable de l’employeur et du prestataire, il est manifeste que la relation employeur-employé s’était envenimée. Il existe une preuve montrant qu’une discussion animée avait eu lieu entre l’employeur et le prestataire le 14 décembre 2016, date où l’employeur s’était rendu à la résidence du prestataire pour s’emparer de la dépanneuse. Selon les observations de l’employeur, le prestataire avait voulu savoir, durant cette conversation, quand il recevrait son prochain chèque de paye, alors que l’employeur avait exprimé ses inquiétudes quant à certaines pièces d’équipement qui n’étaient pas dans la dépanneuse. Cependant, il n’y a pas suffisamment de preuves pour démontrer que le prestataire avait commis un vol ou qu’il avait perdu son emploi à cause de ce prétendu vol. La preuve au dossier révèle plutôt que l’employeur s’était rendu chez l’appelant le 14 décembre 2016, qu’il s’était emparé de la dépanneuse, et que l’entreprise avait plus tard été vendue.

[22] L’aide-comptable affirme dans son courriel du 23 février 2018 que l’entreprise a été vendue en janvier 2018. Cependant, la preuve ne permet pas d’établir la date à laquelle la dépanneuse que conduisait le prestataire avait été vendue. L’employeur aurait très bien pu vendre cette dépanneuse en décembre 2016 ou quelque temps en 2017, peu après s’en être emparée, mettant ainsi un terme à l’emploi du prestataire, puis continuer à exploiter son entreprise jusqu’à la vente de celle-ci, en janvier 2018.

[23] Comme nous l’avons précisé plus tôt, c’est à l’employeur qu’il incombe de démontrer que le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il était réellement possible qu’il soit congédié en raison de sa conduite, ce qu’il n’est pas parvenu à faire. L’employeur n’a pas produit assez de preuves pour démontrer que le prestataire avait commis un vol; par conséquent, on ne peut pas affirmer que le prestataire savait que sa conduite mènerait à la perte de son emploi.

[24] De plus, le Tribunal juge que la preuve ne permet pas d’établir un lien de causalité entre le vol reproché et la perte d’emploi. Le Tribunal admet plutôt que le prestataire a perdu son emploi en raison des gestes posés par l’employeur, qui s’est emparé de la dépanneuse que le prestataire avait en sa possession. Par conséquent, il n’y a pas suffisamment de preuves pour prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Le prestataire n’est donc pas exclu du bénéfice des prestations en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l’AE.

Conclusion

[25] Le Tribunal conclut que le prestataire a perdu son emploi et que l’employeur n’a pas réussi à prouver que cette perte d'emploi était due à son inconduite. L’appel est donc rejeté.

 

Mode d’audience

Comparutions

Téléconférence

Aucune

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi
  1. 29 Pour l’application des articles 30 à 33 :
    1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
    2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
    3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
      1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
      2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
      3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
    4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
      1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
      2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
      3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
      4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
      5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
      6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
      7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
      8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
      9. (ix) modification importante des fonctions,
      10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
      11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
      12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
      13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
      14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.
  2. 30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :
    1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
    2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.
  3. (2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.
  4. (3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.
  5. (4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.
  6. (5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.
  7. (6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.
  8. (7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations — qu’elle soit initiale ou non — n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.
  9. 49 (2) La Commission accorde le bénéfice du doute au prestataire dans la détermination de l’existence de circonstances ou de conditions ayant pour effet de le rendre inadmissible au bénéfice des prestations aux termes des articles 31, 32 ou 33, ou de l’en exclure aux termes de l’article 30, si les éléments de preuve présentés de part et d’autre à cet égard sont équivalents.
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