Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Aperçu

[1] L’appelant était employé à titre de couvreur lorsqu’il a subi une chirurgie au cœur. Il a présenté une demande de prestations de maladie de l’assurance-emploi (AE) et a établi la période de période de prestations au début de 2016. Il a demandé des renseignements auprès de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (intimée) relativement à son admissibilité aux prestations après avoir été autorisé à retourner travailler en décembre 2016, mais il a obtenu des renseignements erronés qui ont causé le dépôt hâtif de sa demande. L’appelant a tenté de réactiver sa période de prestations en mars 2017, et l’intimée a conclu qu’il était incapable de faire parce que la période de prestations avait pris fin. L’appelant souhaite que sa demande soit antidatée au 19 décembre 2016 étant donné qu’il s’agit de la date à laquelle il a été capable de retourner travailler pour la première fois. Le Tribunal doit déterminer si sa demande peut être antidatée.

Décision

[2] L’appel est accueilli. L’appelant a démontré qu’il avait un motif valable pendant toute la période pour justifier le dépôt tardif de sa demande de prestations.

Question en litige

[3] L’appelant a-t-il démontré l’existence d’un motif valable pour le dépôt tardif de sa demande?

Analyse

[4] Le paragraphe 10(5) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) prévoit que lorsque le prestataire présente une demande de prestations, autre qu’une demande initiale, après le délai prévu par règlement pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si celui-ci démontre qu’il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.

[5] Le paragraphe 50(4) de la Loi prévoit que toute demande de prestations pour une semaine de chômage comprise dans une période de prestations est présentée dans le délai prévu par règlement. Le « délai prévu » est défini au paragraphe 26(2) du Règlement sur l’assurance-emploi, qui prévoit que le prestataire qui n’a pas demandé de prestations durant quatre semaines consécutives ou plus et qui en fait la demande par la suite pour une semaine de chômage présente sa demande dans la semaine qui suit cette dernière.

L’appelant a-t-il démontré l’existence d’un motif valable pour justifier le dépôt tardif de sa demande?

[6] Oui, l’appelant a démontré qu’il avait un motif valable pendant toute la période pour justifier le dépôt tardif de sa demande.

[7] L’appelant doit démontrer qu’il avait un motif valable justifiant son omission de présenter une demande de prestations pendant toute la période du retard, soit du 19 décembre 2016, date à laquelle l’appelant était en mesure de retourner travailler, jusqu’au 17 mars 2017, date à laquelle il a présenté une demande de prestations.

[8] Le motif valable n’est pas la même chose que le fait d’avoir un bon motif ou une justification pour le retard. Afin d’établir l’existence d’un motif valable, l’appelant doit démontrer qu’il a fait ce qu’une personne raisonnable et prudente aurait fait dans la même situation pour s’enquérir de ses droits et de ses responsabilités prévus par la Loi (Canada (Procureur général) c. Mauchel, 2012 CAF 202).

[9] L’appelant était employé à titre de couvreur lorsqu’il a subi une chirurgie au cœur en janvier 2016. Il a établi le début de la période de prestations au 14 février 2016 et il a touché des prestations de maladie jusqu’au 11 juin 2016. Lorsque le versement de ses prestations de maladie a pris fin, l’intimée a informé l’appelant qu’il ne pourrait pas demander des prestations régulières avant qu’il soit capable de retourner travailler sur le plan médical. Le médecin de l’appelant a autorisé son retour au travail le 19 décembre 2016, date à laquelle il s’est rendu à un bureau de Service Canada pour réactiver sa période de prestations.

[10] L’appelant a fourni à l’intimée un billet de son médecin daté du 12 décembre 2016 selon laquelle il était capable de commencer un retour progressif au travail à partir du 19 décembre 2016. Son médecin a déclaré qu’il serait autorisé à retourner travailler à temps plein après avoir travaillé quatre heures par jour pendant cinq jours, puis six heures par jour pendant cinq jours. Il n’était pas nécessaire que les journées de travail soient consécutives.

[11] L’appelant a déclaré que, lorsqu’il s’est rendu à Service Canada en décembre 2016, l’intimée l’a informé qu’il était incapable de présenter une demande avant d’avoir terminé son retour progressif au travail et d’être retourné travailler à pleine capacité. L’intimée n’a pas consigné cette conversation, mais elle ne conteste pas la déclaration de l’appelant selon laquelle il a reçu des renseignements erronés. Étant donné que le seul élément de preuve constitue le témoignage de l’appelant et que l’intimée ne conteste pas la version des faits de celui-ci, le Tribunal estime que l’appelant a bel et bien reçu ce renseignement erroné.

[12] L’appelant fait valoir que son retour progressif au travail a pris 12 semaines en raison de son horaire de travail saisonnier. L’appelant a déclaré que la nature de son emploi de couvreur dépend beaucoup des conditions météorologiques et que son employeur l’appelait seulement lorsque le temps lui permettait de travailler. Cela a entraîné un calendrier de travail interrompu dans lequel l’appelant a travaillé pendant un nombre d’heures limité et 10 jours non consécutifs pour effectuer son retour progressif à un horaire de travail régulier le 8 mars 2017. À l’appui de cette prolongation de son retour progressif à un horaire de travail régulier, l’appelant a fourni au Tribunal un autre billet de son médecin daté du 5 septembre 2017 selon lequel l’appelant a suivi les instructions du médecin en travaillant pendant un nombre d’heures limité les 10 premiers jours à partir du 19 décembre 2016 avant qu’il soit considéré comme étant apte sur le plan médical à retourner travailler pendant huit heures par jour le 8 mars 2017.

[13] L’appelant soutient que, après être devenu apte à travailler à pleine capacité de nouveau, il a présenté une demande de prestations en fonction des renseignements fournis précédemment par l’intimée. Celle-ci a ensuite conclu qu’il ne pouvait pas toucher de prestations étant donné que sa période de prestations avait pris fin le 11 février 2017.

[14] Le Tribunal estime que l’appelant a agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans sa situation en s’informant sur ses droits et obligations selon la Loi lorsqu’il a communiqué directement avec l’intimée en décembre 2016 afin de se renseigner sur la demande de prestations après que son médecin a conclu qu’il était apte sur le plan médical à retourner travailler. L’appelant a communiqué avec l’intimée en décembre 2016 et a reçu des renseignements erronés selon lesquels il ne pouvait pas présenter une demande de prestations régulières avant d’avoir terminé son retour progressif au travail et de travailler huit heures par jour de nouveau. Le fait que l’appelant s’est fondé sur cette information est la seule raison du délai du 19 décembre 2016 au 17 mars 2017 pour présenter sa demande.

[15] L’intimée fait valoir que l’appelant était bien informé au sujet du régime de l’AE et qu’il savait comment convertir ses demandes en un différent type de prestations, comment diriger les questions et les demandes à l’intimée et comment utiliser son dossier Service Canada, selon lequel la date de fin de la période de prestations de l’appelant était le 11 février 2017. L’appelant a déclaré s’être fondé de façon saisonnière sur les prestations d’AE en raison de la nature de son travail et avoir reçu des prestations auparavant. Même si l’intimée ne conteste pas le fait qu’elle a donné des renseignements erronés à l’appelant en décembre 2016, elle fait valoir qu’il aurait dû avoir un peu plus de jugement au lieu de se fier aux renseignements reçus en raison de ses antécédents en tant que prestataire.

[16] Le Tribunal n’estime pas que cet argument est convaincant, car une personne raisonnable et prudente se fierait aux renseignements de l’intimée et s’en remettrait à leurs connaissances présumées supérieures de la Loi. Le Tribunal estime que l’argument de l’intimée est sans fondement parce qu’il incombe un fardeau supérieur à l’appelant, en raison de son expérience à titre de bénéficiaire antérieur de prestations d’AE, que le critère juridique relatif au motif valable, soit celui d’agir comme une personne raisonnable l’aurait fait dans la même situation.

[17] Un motif valable peut être constaté si une erreur commise par les renseignements de l’intimée constitue la cause du retard et si le retard n’est pas attribuable à l’appelant (Pirotte c. Commission d’assurance-chômage et autres, A-108-76). Une erreur ou une omission de la part de l’intimée de fournir des renseignements exacts ne constituent pas nécessairement un motif valable; les renseignements doivent être jugés nécessaires à la partie appelante afin de rendre une décision intelligible (Bradford c. Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2012 CAF 120). Le Tribunal reconnait que les renseignements erronés fournis à l’appelant par l’intimée étaient nécessaires à l’appelant afin que celui-ci puisse s’enquérir de ses droits et obligations selon la Loi et présenter une demande de prestation dans les délais prévus.

[18] À défaut de circonstances exceptionnelles, il est attendu qu’une personne raisonnable prendrait des mesures rapidement pour comprendre ses droits et ses obligations reconnus par la Loi (Canada (Procureur général) c. Somwaru, 2010 CAF 336). Aucune preuve n’appuie l’allégation selon laquelle il existait une situation exceptionnelle, mais le Tribunal estime que l’appelant a pris des mesures assez rapidement pour se renseigner au sujet de son admissibilité aux prestations en décembre 2016. L’appelant a été informé qu’il était apte sur le plan médical à retourner travailler et il s’est rapidement rendu au bureau de Service Canada pour se renseigner sur son admissibilité aux prestations.

[19] Un motif valable comprend des circonstances dans lesquelles il est raisonnable qu’un prestataire retarde consciemment la présentation d’une demande (Procureur général du Canada c. Ehman, A-360-95). Le Tribunal estime que l’appelant a agi comme une personne raisonnable en se fondant sur les renseignements de l’intimée et en retardant la présentation de sa demande prestations jusqu’à la fin de son retour progressif au travail.

[20] L’appelant a fait des demandes de renseignements directement auprès de l’intimée relativement à son admissibilité aux prestations et il a pris des mesures raisonnablement rapides pour vérifier ses droits et obligations selon la Loi en se rendant à un bureau de Service Canada. Le fait qu’il se soit fondé sur des renseignements erronés fournis par l’intimée était la raison du dépôt tardif de sa demande de prestations, car les renseignements étaient nécessaires afin qu’il prenne la décision intelligible de présenter une demande. Par conséquent, le Tribunal estime que les mesures prises par l’appelant satisfaisaient au critère juridique relatif au motif valable pendant toute la période du retard, car il a démontré avoir agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans une situation semblable. Le Tribunal accueille la demande d’antidatation de l’appelant afin que la demande de prestations d’assurance-emploi de celui-ci prenne effet le 19 décembre 2016, conformément au paragraphe 10(5) de la Loi.

Conclusion

[21] L’appel est accueilli.

Mode d’audience

Comparutions

Téléconférence

R. N., appelant

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

10 (5) Lorsque le prestataire présente une demande de prestations, autre qu’une demande initiale, après le délai prévu par règlement pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si celui-ci démontre qu’il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.

50 (4) Toute demande de prestations pour une semaine de chômage comprise dans une période de prestations est présentée dans le délai prévu par règlement.

Règlement sur l’assurance-emploi

26 (1) Sous réserve du paragraphe (2), le prestataire qui demande des prestations pour une semaine de chômage comprise dans une période de prestations présente sa demande dans les trois semaines qui suivent cette semaine.

(2) Le prestataire qui n’a pas demandé de prestations durant quatre semaines consécutives ou plus et qui en fait la demande par la suite pour une semaine de chômage présente sa demande dans la semaine qui suit cette dernière.

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