Assurance-emploi (AE)

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Décision et Motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) travaillait comme plongeuse à temps partiel dans un restaurant. Elle s’est blessée à la main peu après son dernier quart de travail, le 9 août 2015. Elle n’est jamais retournée travailler. Le 20 octobre 2015, la défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission), l’a informée qu’elle était admissible à des prestations de maladie mais qu’elle serait exclue du bénéfice des prestations régulières puisqu’elle avait quitté son emploi sans justification. La prestataire a affirmé qu’elle n’avait jamais quitté son emploi et a demandé à la Commission de réviser sa décision. La Commission a annoncé le maintien de sa décision dans une lettre datée du 28 janvier 2016, et la prestataire a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a rejeté son appel le 28 juillet 2017, après avoir conclu qu’elle avait quitté volontairement son emploi alors que son départ ne constituait pas sa seule solution raisonnable. La prestataire demande maintenant la permission d’en appeler à la division d’appel.

[3] La permission d’en appeler est refusée. La prestataire n’est pas parvenue à montrer qu’il était défendable que la division générale a manqué à un principe de justice naturelle, commis une erreur de droit, ou fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Questions en litige

[4] Est-il défendable que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle?

[5] Est-il défendable que la division générale ait fondé sa décision, à savoir que la prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justification, sur une conclusion de fait erronée ne tenant pas compte du témoignage de la prestataire, voulant que son employeur exigeait qu’elle travaille en dépit de sa blessure?

Analyse

Principes généraux

[6] La division générale doit examiner et apprécier les éléments de preuve portés à sa connaissance, et tirer des conclusions de fait. Elle doit également appliquer le droit, qui comprend les dispositions de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) et du Règlement sur l’assurance-emploi qui sont pertinentes aux questions en litige, et peut aussi inclure des décisions judiciaires ayant interprété ces dispositions législatives. Enfin, la division générale doit appliquer le droit aux faits pour tirer ses conclusions quant aux questions qu’elle doit trancher.

[7] La division d’appel ne peut toucher à une décision de la division générale que si des erreurs de types précis ont été commises par la division générale; ces erreurs sont appelées les « moyens d’appel ».

[8] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] L’appel ne peut être accueilli à moins que la division générale ait commis l’une de ces erreurs, et ce, même si la division d’appel n’est pas d’accord à d’autres points de vue avec sa conclusion et l’issue de l’affaire.

[10] À ce stade, pour pouvoir accorder la permission d’en appeler et permettre à l’appel d’être poursuivi, je dois conclure qu’au moins l’un des motifs d’appel confère à l’appel une chance raisonnable de succès. Il a été établi qu'une chance raisonnable de succès signifie de disposer d’une cause défendable.Note de bas de page 1

[11] Après un premier examen de la demande de permission d’en appeler de la prestataire, je n’étais pas convaincu que la prestataire comprenait la nature de cet appel ni ce qu’il lui fallait démontrer. J’ai lui donc envoyé une lettre, datée du 4 janvier 2018, lui demandant de préciser ses moyens d’appel. Le 7 février 2018, la prestataire y a répondu en réitérant qu’elle s’inquiétait de la justice naturelle et croyait que la division générale avait tiré une conclusion de fait erronée.

Justice naturelle

[12] Dans sa demande de permission d’en appeler originale comme dans sa réponse à la lettre du Tribunal lui demandant de préciser ses moyens d’appel, la prestataire a affirmé que le [traduction] « bureau de l’AE n’avait pas jugé la justice naturelle pour une travailleuse inapte ». Elle n’a apporté aucune précision à ce propos. 

[13] La justice naturelle fait référence à l’équité du processus et comprend les protections procédurales telles que le droit d’avoir un décideur impartial et le droit d’une partie d’être entendue et de connaître les preuves à réfuter. La prestataire n’a jamais fait part de préoccupations quant à la conformité de son avis pour l’audience devant la division générale, à la divulgation des documents avant la tenue de l’audience, à la manière dont la division générale a tenu l’audience, à sa compréhension du processus, ou à toute autre action ou procédure qui aurait nui à son droit d’être entendue et de réfuter la preuve contre elle. Elle n’a pas non plus laissé entendre que le membre de la division générale avait été partial ou qu’il avait préjugé de l’issue de l’affaire.

[14] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était défendable que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle.

Conclusion de fait erronée

[15] Conformément au paragraphe 30(1) de la Loi sur l’AE, un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd son emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification. Par application de l’alinéa 29c), le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas.

[16] La division générale a tiré deux conclusions fondamentales : elle a conclu que la prestataire avait quitté volontairement son emploi, et qu’elle n’avait pas été fondée à le faire. Comme l’a noté la division générale, la Commission était tenue d’établir que la prestataire avait quitté volontairement son emploi. Si ce fait est établi, c’est alors la prestataire qui doit démontrer qu’elle a été fondée à quitter son emploi.

Départ volontaire

[17] Voici les faits non contestés :

  • La prestataire s’est blessée à la main quelque temps avant le 15 août 2015, mais n’a pas consulté de médecin pour obtenir un diagnostic ni fourni à son employeur une excuse ou un certificat médical.
  • La prestataire savait qu’elle devait travailler le 15 août 2015 mais ne s’est pas présentée pour son quart de travail ce jour-là.
  • La prestataire n’avait pas reçu d’autorisation pour manquer son quart de travail du 15 août : soit l’employeur ignorait que la prestataire avait l’intention de ne pas travailler, soit il était au courant mais ne lui avait pas donné la permission de manquer son quart.
  • Après le 15 août, la prestataire n’a pas appelé l’employeur, n’a pas vérifié l’horaire de travail et ne s’est jamais présentée au travail.

[18] La division générale a conclu que la prestataire avait pris un congé sans autorisation et pour une durée indéterminée sans en aviser son employeur (paragraphe 48) et que, avec ce congé non autorisé, ses actions démontraient qu’elle avait volontairement choisi de mettre fin à son emploi. Cette conclusion est appuyée par les faits non contestés à eux seuls. Par conséquent, je n’accepte pas qu’il soit défendable que la division générale puisse avoir erré en ne tenant pas compte du fait que l’employeur exigeait que la prestataire travaille en dépit de ses blessures.

« Justification » au départ

[19] La preuve de la prestataire voulant que son employeur exigeait qu’elle travaille en dépit de sa blessure à la main est pertinente pour savoir si elle avait été « fondée » à quitter son emploi. L’une des circonstances particulières dont la division générale doit tenir compte est celle prévue au sous-alinéa 29c)(iv) de la Loi sur l’AE, à savoir, des conditions de travail dangereuses pour la santé ou la sécurité.

[20] Toutefois, je n’accepte pas que la division générale ait ignoré ou mal interprété la preuve de la prestataire. En lisant la décision de la division générale, je juge qu’il est évident qu’elle comprenait la preuve de l’appelante voulant qu’elle avait une blessure à la main, qu’elle estimait ne pas pouvoir travailler avec cette blessure, et que l’employeur ne lui permettait pas de prendre du temps pour se rétablir. La prestataire n’a pas soulevé un élément de preuve précis qui aurait été ignoré ou mal interprété, et je n’en ai décelé aucun en examinant le dossier.

[21] La division générale a apprécié la preuve de la prestataire, conjointement aux déclarations de l’employeur, et a conclu ultimement qu’elle n’avait pas été fondée à quitter son emploi puisque son départ ne constituait pas la seule solution raisonnable dans son cas. Je comprends que la prestataire n’est pas d’accord avec la conclusion de la division générale ni avec la façon dont elle a apprécié et analysé la preuve; cependant, le simple fait d’être en désaccord avec ces conclusions ne représente pas un moyen d’appel pour l’application du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS.Note de bas de page 2 En réclamant d’apprécier la preuve de nouveau, un prestataire n’invoque pas non plus un moyen d’appel qui aurait une chance raisonnable de succès.Note de bas de page 3 La prestataire ne m’a pas convaincu qu’il soit possible de soutenir que la division générale a commis l’erreur décrite à l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS.

[22] Je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[23] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Représentant :

S. T., pour son propre compte

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