Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Aperçu

[1] Le 16 février 2016, l’appelant a établi une période de prestation et a touché 40 semaines de prestations. Le 1er décembre 2016, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (intimée) a rendu une décision concernant des revenus non déclarés, une pénalité et une violation. Le 7 septembre 2017, l’appelant a présenté une demande de révision; l’intimée a tranché que la demande a été présentée en retard et a refusé la prorogation des délais prévus. L’appelant vise une annulation de la décision rendue par l’intimée dans laquelle elle refuse la prorogation des délais prévus pour présenter une demande de révision. Le Tribunal doit déterminer si l’intimée a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire en rejetant la demande de prorogation des délais prévus de l’appelant.

Décision

[2] L’appel est rejeté. Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, l’intimée a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire en rejetant la demande de prorogation des délais prévus de 30 jours afin de présenter une demande de révision.

Questions en litige

[3] Question 1 : L’appelant a-t-il présenté sa demande de révision en retard?

[4] Question 2 : L’intimée a-t-elle exercé adéquatement son pouvoir discrétionnaire en rejetant la demande de prorogation des délais prévus de l’appelant pour présenter une demande de révision?

Analyse

[5] Le paragraphe 112(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) prévoit que quiconque fait l’objet d’une décision de l’intimée peut, dans les trente jours suivant la date où il en reçoit la communication, ou dans le délai supplémentaire que l’intimée peut accorder, demander une révision de la décision.

[6] Au titre du paragraphe 1(1) du Règlement sur les demandes de révision (Règlement sur les DR), l’intimée peut accorder un délai plus long pour la présentation d’une demande de révision d’une décision si elle est convaincue qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai et que l’intéressé a manifesté l’intention constante de demander la révision.

Question 1 : L’appelant a-t-il présenté sa demande de révision en retard?

[7] Au titre du paragraphe 112(1) de la Loi sur l’AE, l’appelant doit présenter une demande de révision dans les trente jours suivant la date où il en reçoit communication. Le Tribunal doit d’abord tenir compte de la date à laquelle l’appelant a reçu la décision de l’intimée.

[8] L’intimée soutient qu’une lettre concernant la décision a été postée à l’appelant le 1er décembre 2016. La lettre concernant la décision énonçait les revenus non déclarés pendant la demande de l’appelant qui a entraîné un trop-payé, et incluait une pénalité monétaire et un avis de violation. L’intimée fait valoir que puisque la lettre a été envoyée par Postes Canada et qu’elle n’a jamais été retournée au destinataire parce qu’elle n’a pu être distribuée, l’appelant a dû la recevoir. Le 3 décembre, on a envoyé un relevé de compte énonçant la somme que l’appelant devra rembourser ainsi que le montant de la pénalité.

[9] Lors d’une entrevue avec l’intimée, l’appelant a confirmé que son adresse postale en date de décembre 2016 correspondait à celle où l’intimée a posté la lettre. L’appelant y a aussi mentionné que le 11 mai 2016, il a reçu une lettre provenant de l’intimée à la même adresse. Lors de la même entrevue, l’appelant a affirmé qu’il a reçu le relevé de compte énonçant la dette attribuable au trop-payé et la pénalité qui a été envoyé à la même adresse plusieurs jours après la lettre concernant la décision en décembre 2016.

[10] L’appelant fait valoir qu’il n’a jamais reçu la lettre concernant la décision datée du 1er décembre 2016 et qu’il n’était pas au fait de la pénalité et de la violation imposées par l’intimée. L’appelant a témoigné qu’il a eu une conversation téléphonique avec l’intimée en décembre 2016 pour l’informer que ses prochains versements de prestations seront amputés afin de rembourser le trop-payé et la pénalité. L’appelant a aussi témoigné qu’il n’a pas reçu le relevé de compte du 3 décembre 2016, ce qui contredit ses déclarations précédentes recueillies par l’intimée.

[11] L’intimée a fourni les registres téléphoniques du système ministériel des comptes débiteurs de l’Agence du revenu du Canada (ARC) qui mentionne que l’appelant a communiqué avec l’ARC le 23 février 2017, et elle a souligné que l’appelant avait reçu son relevé de compte, mais qu’il serait incapable de prendre une entente de paiement puisqu’il était sans emploi et qu’il ne touchait pas d’autre revenu. L’ARC a confirmé son adresse postale avec lui pour s’assurer qu’il s’agissait de la même adresse inscrite au dossier en décembre 2016. Selon les registres, l’appelant a appelé de nouveau l’ARC le 31 août 2017 et a conclu une entente de paiement sur son compte qui prendrait effet en octobre 2017. L’appelant a témoigné qu’il se souvenait d’avoir communiqué avec l’ARC à deux reprises en 2017, mais ne se rappelle pas des dates ni des raisons de ses appels.

[12] Le mot « communiqué » n’est pas défini par la Loi sur l’AE; toutefois, les tribunaux l’ont interprété de façon à exercer une action positive de la part du décideur pour aviser la partie du contenu et de la répercussion de la décision. Une communication ne requiert pas que les détails complets soient divulgués à une partie ou qu’une partie soit avisée d’un droit d’appel ou de révision (R & S Industries Inc. v. Ministre du Revenu national, 2007 CF 469). Il incombe au décideur de prouver que le prestataire a reçu la communication; en l’espèce, l’intimée (Bartlett c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 230).

[13] L’intimée a soutenu que l’appelant était au fait de la décision en décembre 2016 en fonction du non-retour au destinataire de la lettre concernant la décision par Postes Canada et de la communication suivante de l’appelant avec l’ARC qui traitait du remboursement de sa dette. L’appelant a soutenu qu’il n’a jamais reçu la lettre concernant la décision, mais bien un appel téléphonique de l’intimée en décembre pour l’informer de son trop-payé et de la pénalité à son compte. Les déclarations contradictoires de l’appelant concernant la réception de son relevé de compte remettent en question ses souvenirs de l’événement. Ainsi, le Tribunal a favorisé la preuve de l’intimée selon laquelle l’appelant a bel et bien reçu le relevé de compte, ce qui est appuyé par son appel à l’ARC en février 2017, et qui énonce que ce dernier l’a reçu.

[14] La décision de l’intimée comprend un avis de revenus non déclarés, une pénalité et une violation. Rien ne démontre que l’appelant était au fait de la violation qui lui a été imposée en marge de sa conversation téléphonique avec l’intimée en décembre, et le relevé de compte ne comprend pas de renseignement concernant cette violation. Même si la conversation téléphonique avec l’intimée et le relevé de compte n’énoncent pas la violation imposée dans le cadre de sa décision, l’appelant était au fait que le contenu de la décision consistait en revenus non déclarés. La conversation téléphonique et le relevé de compte énoncent également qu’il avait une pénalité monétaire rattachée au trop-payé puisque l’intimée a déterminé qu’il ne s’agissait pas de la première fois que l’appelant faisait des déclarations inexactes pendant sa période de prestations. Par conséquent, l’appelant était au fait au moment de la réception des communications des répercussions de la décision; notamment qu’il devrait rembourser sa dette et qu’elle entraînerait d’autres conséquences, telle une pénalité monétaire.

[15] Le Tribunal conclut que la conversation téléphonique de l’intimée avec l’appelant et la réception du relevé de compte par l’appelant étaient insuffisantes pour satisfaire au fardeau de communiquer le contenu et la répercussion de la décision de l’intimée. La conversation de l’appelant avec l’ARC en février 2017 démontre qu’il était au moins au fait de la dette et de la pénalité sur son compte à ce moment précis. S’il n’était pas au fait des raisons pour lesquelles une dette et une pénalité lui ont été imposées, il est évident que l’appelant aurait communiqué avec l’intimée pour s’informer de la décision à ce moment.

[16] Le Tribunal conclut que l’intimée a informé l’appelant de sa décision en décembre 2016 en fonction de leur conversation téléphonique et le relevé de compte reçu par l’appelant. En conséquence, la demande de révision de la décision du 7 septembre 2017 a été déposée par l’appelant au-delà des délais prévus de 30 jours pour présenter une demande de révision d’une décision au titre du paragraphe 112(1) de la Loi sur l’AE.

Question 2 : L’intimée a-t-elle exercé adéquatement son pouvoir discrétionnaire?

[17] Le Tribunal remarque que la décision de l’intimée concernant les revenus non déclarés, y compris la pénalité et la violation, ne sont pas des questions dont il est saisi. Le Tribunal doit plutôt déterminer s’il y a lieu d’accorder  la demande de l’appelant visant à obtenir une prolongation des délais prévus de 30 jours pour demander la révision de la décision rendue par l’intimée en tranchant si cette dernière a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire lorsqu’elle a refusé la demande de l’appelante. Si le Tribunal conclut que l’intimée n’a pas exercé sa discrétion de manière judiciaire, il pourra ainsi rendre la décision que l’intimée aurait dû rendre.

[18] La décision de l’intimée visant à proroger les délais prévus pour présenter une demande de révision est discrétionnaire (Daley c. Canada (Procureur général), 2017 CF 297). Les décisions discrétionnaires demandent un haut degré de déférence et le Tribunal ne peut pas interférer dans la décision de l’intimée à moins qu’il conclue que cette dernière n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire (Canada (Procureur général) c. Sirois, A-600-95).

[19] En l’espèce, le Tribunal doit donc décider si l’intimée a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a refusé la demande de l’appelant pour proroger la période de 30 jours prévue pour la révision de sa décision. En d’autres termes, le Tribunal doit déterminer si l’intimée a agi de bonne foi et dans un but ou pour des motifs appropriés, si elle a pris en compte tous les facteurs pertinents, si elle a fait abstraction des facteurs non pertinents et si elle a agi de manière non discriminatoire (Canada (Procureur général) c. Sirois, A-600-95; Canada (Procureur général) c. Purcell, A-694-94).

[20] L’appelant a présenté une demande initiale de prestations le 1er septembre 2017 et l’intimée a tranché qu’il n’avait pas accumulé suffisamment d’heures assurables pour établir une période de prestations vu son nombre d’heures majoré requis en raison de la violation à son compte. Le 7 septembre 2017, l’appelant a présenté une demande de révision de la décision rendue par l’intimée en décembre 2016.

[21] En appui à cette demande, l’appelant a soutenu devant l’intimée qu’il a présenté sa demande en retard puisqu’il avait été licencié, qu’il était sur le point de conclure une entente de paiement avec l’ARC et qu’il ne connaissait pas les démarches visant à présenter une révision de la décision de l’intimée.

[22] En l’espèce, le Tribunal conclut qu’il n’a aucune raison d’intervenir dans la décision de l’intimée pour les motifs qui suivent.

[23] Tout d’abord, l’intimé a tenu compte des critères énoncés au paragraphe 1(1) du Règlement sur les DR. L’intimée a tenu compte de l’explication de l’intimée selon laquelle il a tardé à demander une révision parce qu’il n’a pas reçu la lettre concernant la décision, et qu’il n’était pas au fait de la décision et de son droit de demander une révision. L’intimée a soutenu que même si l’appelant n’a pas reçu la lettre concernant la décision par la poste, il était au fait de la décision lorsqu’il a reçu le relevé de compte en décembre 2016 et qu’il a communiqué avec l’ARC à propos du remboursement en février 2017. L’intimée doit donc conclure que l’argument de l’appelant selon lequel il n’était pas au fait de la décision ne fournit pas d’explication raisonnable, tout comme son motif justifiant qu’il est sans emploi ne constitue pas une des circonstances spéciales pouvant motiver une prorogation de la période de réexamen.

[24] De plus, l’intimée a tenu compte de l’explication de l’appelant selon laquelle il ne connaissait pas les démarches visant à présenter une demande de révision et elle soutient que l’appelant n’a pas déployé d’effort pour communiquer avec elle et s’informer du processus puisqu’il a pris connaissance de la décision; c’est uniquement après que l’appelant n’ait pas réussi à établir une nouvelle période de prestations en septembre 2017 que ce dernier a communiqué avec l’intimée pour réexaminer la décision. Pour ces motifs, l’intimée a conclu que l’appelant n’a pas démontré une intention continue de faire une demande de révision de la décision.

[25] Deuxièmement, l’appelant n’a pas fourni de nouveaux éléments de preuve à l’audience qui n’avaient pas déjà été présentés à l’intimée lorsqu’elle a pris la décision de refuser une prorogation de la période de 30 jours pour demander une révision. Aucun autre motif justifiant le retard n’a été fourni au Tribunal et aucune circonstance atténuante ou particulière n’a été relevée. L’appelant a réitéré les raisons pour lesquelles il souhaitait interjeter appel de la décision initiale. Toutefois, le Tribunal constate que l’intimée avait tenu compte de ces raisons lorsqu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de rejeter la demande de prorogation de l’appelant.

[26] Le Tribunal conclut que l’intimée a agi de bonne foi, a tenu compte de tous les critères pertinents et n’a pas considéré ceux qui ne l’étaient pas lorsqu’elle a refusé la demande de prorogation de la période de 30 jours de l’appelant en vue de faire réviser sa décision du 1er décembre 2016 au titre de l’article 112 de la Loi sur l’AE et de l’article 1 du Règlement sur les DR. Le Tribunal conclut que l’intimée a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire et il ne peut donc pas intervenir à l’égard de cette décision.

Conclusion

[27] L’appel est rejeté.

 

Mode d’audience :

Comparutions :

Téléconférence

A. T., appelant

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

112 (1) Quiconque fait l’objet d’une décision de la Commission, de même que tout employeur d’un prestataire faisant l’objet d’une telle décision, peut, dans les trente jours suivant la date où il en reçoit communication, ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorder, et selon les modalités prévues par règlement, demander à la Commission de réviser sa décision.

  1. a) dans les trente jours suivant la date où il en reçoit communication,
  2. b) ou dans le délai supplémentaire que l’intimée peut accorder.

Nouvel examen

(2) La Commission est tenue d’examiner de nouveau sa décision si une telle demande lui est présentée.

Règlement

(3) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, préciser les cas où la Commission peut accorder un délai plus long pour présenter la demande visée au paragraphe (1).

Règlement sur les demandes de révision

Cas de nature générale

1(1) Pour l’application du paragraphe 112(1) de la Loi sur l’assurance-emploi et sous réserve du paragraphe (2), la Commission peut accorder un délai plus long pour la présentation d’une demande de révision, si elle est convaincue, d’une part, qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai et, d’autre part, que l’intéressé a manifesté l’intention constante de demander la révision.

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