Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal conclut que l’appelant a quitté volontairement son emploi sans justification.  

Aperçu

[2] L’appelant a d’abord été engagé par l’employeur pour du travail saisonnier, consistant à tondre la pelouse de routes municipales secondaires. Alors que son contrat pour tondre la pelouse approchait à sa fin, l’appelant a accepté une offre d’emploi continu de l’employeur pour des tâches variées et a emménagé sur le chantier principal de l’employeur pour exercer ses nouvelles fonctions. Le lendemain de ses débuts sur le chantier principal, il a laissé à l’employeur une note dans le pavillon-dortoir, puis est parti. L’appelant n’est jamais revenu au travail et, après trois jours, l’employeur a considéré que l’appelant avait abandonné son poste. Trois mois plus tard, l’appelant a demandé des prestations d’assurance-emploi, prétendant qu’il était au chômage en raison d’un manque de travail.

Questions préliminaires

[3] Le Tribunal a pris l’initiative de mettre l’employeur en cause dans cet appel, en vertu du paragraphe 10(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale. L’appelant ainsi que deux représentants de l’employeur ont comparu et témoigné sous affirmation solennelle. L’intimée n’a pas participé à l’audience même si elle avait dûment été avisée de sa tenue.

[4] L’appelant a demandé au Tribunal d’admettre d’office que l’intimée avait refusé de communiquer par courriel, et de se prononcer sur l’autorité et les conséquences de la preuve produite par les représentants de l’employeur. Comme cela a été expliqué durant l’audience, le Tribunal n’a pas compétence pour tirer de telles conclusions. La compétence du Tribunal repose sur l’application de la Loi sur l’assurance emploi et du Règlement sur l’assurance emploi (Règlement).

Questions en litige

[5] Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L’appelant a-t-il quitté volontairement son emploi?
  2. Si tel est le cas, l’appelant a-t-il prouvé qu’il avait été fondé à quitter volontairement son emploi?

Analyse

[6] Si le Tribunal conclut que l’appelant a quitté volontairement son emploi sans justification, ce dernier sera exclu du bénéfice des prestations de l’assurance-emploi par application du paragraphe 30(1) de la Loi.

[7] C’est à l’intimée qu’il incombe de démontrer que l’appelant a quitté volontairement son emploi. Il y a ensuite renversement du fardeau de la preuve, car l’appelant devra alors démontrer qu’il a été fondé à quitter son emploi (Green c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 313; Canada (Procureur général) c. White, 2011 CAF 190; Canada (Procureur général) c. Patel, 2010 CAF 95).

Départ volontaire

[8] Le Tribunal juge que l’intimée a prouvé que l’appelant a quitté volontairement son emploi. Pour parvenir à cette conclusion, le Tribunal a cherché à savoir si l’appelant avait eu le choix de conserver ou de quitter son emploi. Le Tribunal préfère la preuve de l’intimée selon laquelle l’appelant avait eu le choix de continuer à travailler mais avait choisi de partir et de mettre fin à son emploi (Canada (Procureur général) c. Peace, 2004 CAF 56).

[9] La preuve de l’intimée comprenait une copie de la note que l’appelant avait laissée dans le pavillon-dortoir à l’intention de son employeur. L’employeur avait trouvé cette note le 27 septembre 2017 au matin. En voici un extrait :

[traduction]  

Je m’excuse que nous ne sommes pas parvenus à nous entendre. Je voulais seulement être payé un peu moins. Je veux que vous sachiez que j’ai acquis une expérience intéressante et que j’ai bien gagné ma vie en travaillant pour [nom de l’employeur]. Autrement dit, ça n’a rien à voir avec le travail, c’est juste une question personnelle. 

P. S. La douche n’avait pas d’eau chaude…

[10] L’appelant a témoigné que, après avoir discuté avec son employeur le 26 septembre 2016 au sujet de l’impôt sur le revenu prélevé sur sa paye, il avait terminé sa journée de travail et était resté dans le pavillon-dortoir ce soir-là. L’appelant a affirmé qu’il avait laissé la note dans le pavillon-dortoir le lendemain matin, puis qu’il était parti et n’était jamais revenu au travail.

[11] L’employeur a déclaré qu’il avait envoyé un courriel à l’appelant lui demandant s’il allait revenir au travail. Après trois jours sans réponse de sa part, l’employeur a considéré que l’appelant avait abandonné son poste, conformément à la politique de l’entreprise, déposée en preuve.  

[12] L’appelant a confirmé qu’il avait reçu le courriel de l’employeur et a soutenu qu’il n’y avait pas répondu dans le délai de trois jours parce qu’il l’avait seulement vu après ce délai. Il a confirmé qu’il ne serait pas retourné au travail même s’il avait vu le courriel plus tôt.

[13] L’appelant a soutenu qu’il n’a pas quitté volontairement son emploi pour les raisons suivantes : a) il avait été embauché sous contrat pour une période déterminée; b) son emploi avait pris fin lorsque son contrat pour la municipalité avait pris fin; et c) il était parti après des négociations infructueuses avec l’employeur alors qu’il était mis à l’essai de façon informelle pour un emploi continu.

a) L’appelant avait-il été embauché pour une période déterminée?

[14] Le Tribunal constate que l’appelant ne travaillait pas sous contrat de travail pour une période déterminée. L’appelant a témoigné qu’il avait été engagé sous contrat par l’employeur pour tondre la pelouse de routes secondaires. Il a aussi admis, en fournissant des précisions, qu’il n’avait pas conclu de contrat par écrit avec l’employeur pour une période déterminée. L’appelant a plutôt affirmé que l’employeur l’avait embauché pour effectuer la tonte de la pelouse, dans le cadre d’un contrat que l’employeur avait lui-même obtenu auprès de la municipalité.

[15] L’employeur a témoigné qu’il avait obtenu un contrat auprès de la municipalité pour faire l’entretien saisonnier de toutes ses pelouses. L’employeur affirme qu’il avait engagé l’appelant à titre de travailleur saisonnier pour tondre la pelouse, et qu’il avait offert à l’appelant un emploi continu, qu’il avait accepté, lorsque son contrat pour tondre la pelouse avait pris fin. L’employeur affirme que l’appelant n’avait pas été engagé sous contrat et qu’il n’y avait pas eu cessation d’emploi lorsque sa tâche de tonte des pelouses avait pris fin. L’appelant avait plutôt continué à travailler comme employé jusqu’au 26 septembre 2016, après quoi il avait abandonné son poste.

[16] Le Tribunal préfère la preuve documentaire prépondérante déposée par l’intimée comme elle est crédible et que l’appelant ne l’a pas contestée. La preuve comprend les documents suivants qui ont été signés par l’appelant, et qui le décrivent comme un employé et ne font aucune mention d’une période d’emploi déterminée.

  • Un formulaire TD1 de Déclaration des crédits d’impôt personnels pour 2018 de l’Agence du revenu du Canada (ARC), signé par l’appelant en date du 14 août 2015.
  • Un formulaire de renseignements sur la rémunération de l’employé, signé par l’appelant le 11 juillet 2016.
  • Le formulaire de renseignements sur l’employé énumérant les certificats de sécurité obligatoires et signé par l’employé en date du 11 juillet 2016.
  • Le relevé d’emploi émis le 12 octobre 2016, faisant état des gains pour chaque période de paye, et précisant que l’appelant avait quitté son emploi.

b) L’emploi de l’appelant a-t-il pris fin au terme du contrat avec la municipalité?

[17] Le Tribunal n’accepte pas l’observation de l’appelant voulant que son emploi avait pris fin lorsque le contrat avec la municipalité avait pris fin. Le Tribunal constate plutôt que l’appelant avait occupé un emploi continu du 11 juillet 2016 au 26 septembre 2016. Le Tribunal préfère la preuve de l’intimée qui comprend un relevé d’emploi faisant état de ses gains pour chaque période de paye pour son emploi en 2016.

[18] Comme il l’a précisé plus haut, le Tribunal estime que l’appelant n’avait pas été embauché pour une période déterminée; par conséquent, on ne peut pas affirmer que son emploi a pris fin lorsque sa tâche de tonte des pelouses a pris fin. Le Tribunal admet le témoignage de l’employeur selon lequel la tonte des pelouses était tributaire des conditions météorologiques et qu’une date d’achèvement précise n’avait donc pas été prévue. Le Tribunal accepte aussi la preuve de l’employeur voulant qu’un emploi continu avait été offert à l’appelant après qu’il eût terminé sa tâche de tonte des pelouses et que l’appelant avait accepté cet emploi.

[19] L’appelant a admis sans hésitation qu’il avait accepté l’offre de l’employeur pour continuer de travailler après qu’il eût terminé de tondre les pelouses. L’appelant a témoigné qu’il avait continué à travailler pour l’employeur : il réparait des ponceaux, effectuait l’entretien annuel du tracteur, aidait à transporter l’équipement vers le chantier principal de l’employeur pour qu’il soit entreposé durant l’hiver, et il avait commencé à travailler sur le chantier principal le 26 septembre 2016; il était prévu qu’il continue de travailler en nettoyant les véhicules devant être vendus à l’encan.

[20] Le Tribunal n’accepte pas l’argument de l’appelant voulant que son emploi avait pris fin parce qu’il ne travaillait plus à temps plein. L’appelant affirme qu’il n’avait pas du tout travaillé pendant plusieurs jours du 14 au 21 septembre et les 24 et 25 septembre aussi. L’appelant a confirmé que la tonte des pelouses était tributaire des conditions météorologiques et que lorsqu’il faisait beau, il travaillait plusieurs longues journées de suite, et qu’il ne travaillait pas quand il pleuvait et reprenait seulement le travail quand il ne pleuvait plus. Même si les heures de travail de l’appelant ont pu être réduites durant le mois de septembre 2016, cela n’est pas la preuve d’une cessation d’emploi.

[21] L’appelant a admis que son superviseur l’avait approché au moment où sa tâche de tonte des pelouses tirait à sa fin et qu’il lui avait demandé s’il aimerait continuer de travailler. L’appelant a témoigné qu’il avait accepté l’offre d’emploi continu. Ainsi, même s’il n’avait pas travaillé pendant quelques jours, la preuve démontre que l’appelant avait conservé un emploi dans le cadre d’un emploi continu.

c) L’appelant était-il en « période d’essai » pour son emploi?

[22] Le Tribunal n’accepte pas l’argument de l’appelant selon lequel il aurait été en période d’essai pour son emploi. Le Tribunal conclut plutôt que l’appelant occupait un emploi continu et qu’il avait décidé de quitter cet emploi. Cette conclusion est appuyée par la preuve non contestée montrant que l’emploi de l’appelant n’avait pas pris fin au terme de sa tâche de tonte des pelouses puisqu’il avait continué à travailler en effectuant d’autres tâches. Ceci est également appuyé par le relevé d’emploi qui fait état de ses gains pour chaque période de paye jusqu’à son dernier jour de travail, le 26 septembre 2016.

[23] Le Tribunal n’accepte pas l’argument de l’appelant voulant qu’il était en « période d’essai » simplement parce que le contrat de l’employeur avec la municipalité était échu. Le Tribunal n’accepte pas non plus qu’il était en période d’essai du fait qu’il n’avait pas rempli une feuille de temps pour le 26 septembre 2016. Le Tribunal conclut plutôt que l’appelant occupait un emploi continu et, d’après la note qu’il a laissée à l’intention de l’employeur le 27 septembre 2016, qu’il a lui-même décidé de quitter volontairement cet emploi.

Justification

[24] Le Tribunal doit tenir compte de toutes les circonstances et déterminer si le départ de l’appelant avait constitué la seule solution raisonnable dans son cas, aux termes de l’alinéa 29c) de la Loi. Cette disposition présente une liste non exhaustive de circonstances particulières qui doivent être prises en considération pour déterminer si le prestataire a été fondé à quitter son emploi. Parmi ces circonstances figure la modification importante des fonctions, prévue au sous-alinéa 29c)(ix) de la Loi.

[25] La présence de l’une des circonstances énumérées à l’article 29 de la Loi ne prouve pas forcément que l’appelant a été fondé à quitter son emploi. En effet, l’appelant demeure tenu de prouver que son départ consistait la seule solution raisonnable dans son cas.

[26] Après avoir examiné toutes les circonstances de l’espèce, le Tribunal conclut que, selon la prépondérance des probabilités, l’appelant n’a pas démontré que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas, au moment où il a quitté volontairement son emploi. Par conséquent, l’appelant n’a pas prouvé qu’il avait été fondé à quitter son emploi.

[27] L’appelant a soutenu qu’il avait été fondé à quitter son emploi en raison des circonstances suivantes : 1) il avait été congédié de manière constructive lorsque ses fonctions avaient été modifiées; 2) l’employeur avait insisté sur le fait qu’il devait déduire de l’impôt sur sa paye; 3) il était obligé de vivre sur place dans un pavillon-dortoir; 4) il devait assumer les coûts de certificats de sécurité.

1) L’appelant avait-il été congédié de manière constructive?

[28] Le Tribunal n’accepte pas l’argument de l’appelant voulant qu’il avait été congédié de manière constructive du simple fait que ses fonctions avaient été modifiées. L’appelant a reconnu qu’il avait accepté l’offre d’emploi continu de l’employeur, supposant des tâches variées, lorsque sa tâche saisonnière de tonte des pelouses avait pris fin. L’appelant a témoigné que, dans le cadre de son travail continu, il réparait des ponceaux, effectuait l’entretien annuel du tracteur, transportait et entreposait de l’équipement, et nettoyait l’équipement sur le chantier principal de l’employeur. Le Tribunal reconnaît que ces nouvelles fonctions étaient différentes du travail saisonnier de l’appelant, qui consistait à tondre les pelouses; cela dit, l’appelant avait consenti à ces nouvelles fonctions quand l’employeur lui avait offert un emploi continu.

[29] Même si une modification importante des fonctions est prévue par la Loi à titre de circonstance particulière au sous-alinéa 29c)(ix), un appelant n’est pas automatiquement fondé à quitter son emploi à la suite d'une modification importante de ses fonctions. L’appelant demeure tenu de prouver que, eu égard à toutes les circonstances, son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas (Tanguay c. Canada (Commission de l’assurance-emploi), A-1458-84).

[30] L’appelant n’a pas contesté la preuve de l’employeur voulant que, même si ses fonctions avaient été modifiées à la suite de l’offre d’emploi continu, son salaire horaire substantiel, lui, n’avait pas changé. De son côté, l’appelant s’est simplement fondé sur plusieurs décisions du juge-arbitre du Canada sur les prestations (décisions CUB) afin de soutenir qu’il avait été congédié de manière constructive sur le fondement d’une modification de ses fonctions. Comme nous l’avons expliqué durant l’audience, le Tribunal n’est pas lié par les décisions CUB bien qu’il puisse être d’accord avec certaines d’elle.

[31] Le Tribunal préfère les observations de l’intimée voulant que les décisions CUB invoquées par l’appelant ne sont pas pertinentes en l’espèce. Les CUB 61466, 33370¸ 18009, 15680, 46699 et 54092 sont des causes impliquant des prestataires qui avaient subi des modifications importantes et inacceptables de leurs fonctions et avaient essayé de régler la situation avec leurs employeurs respectifs avant de quitter leur emploi, ce qui n’est pas le cas de l’appelant. Le Tribunal accepte l’argument de l’intimée selon lequel ces causes ne sont pas pertinentes à l’appel de l’appelant puisque celui-ci avait accepté la modification de ses fonctions et avait abandonné les pourparlers avec son employeur qui visaient résoudre les problèmes concernant les retenues d’impôt à la source. L’appelant a simplement fait le choix personnel de quitter son emploi et ne jamais revenir.

2) Les retenues d’impôt à la source étaient-elles une condition d’emploi obligatoire?

[32] Le Tribunal est d’accord avec l’appelant pour dire qu’il est valable que l’imposition fasse l’objet de questions et d’approfondissements dans le cadre de la négociation ou de la renégociation d’un emploi. Cependant, le Tribunal estime que de telles préoccupations ne justifient ni son départ volontaire ni le fardeau que représente son chômage.

[33] L’employeur a témoigné qu’il avait avisé l’appelant par courriel ainsi qu’en personne, le 26 septembre 2016, qu’il devrait commencer à retenir de l’impôt sur sa paye à compter du 30 septembre 2016. Une copie dudit courriel a été déposée en preuve par l’intimée. Il y est notamment écrit que les gains de l’appelant avaient dépassé le montant personnel de base et que l’employeur devrait désormais déduire de l’impôt sur ses payes. L’employeur a témoigné que l’appelant n’était pas content de sa décision de respecter les tables d’impôt de l’ARC. L’employeur a affirmé que l’appelant avait terminé sa journée de travail, le 26 septembre 2016, puis qu’il était parti le  lendemain matin.

[34] L’appelant a confirmé que l’employeur l’avait approché durant l’après-midi du 26 septembre 2016 pour lui dire qu’il déduirait de l’impôt sur sa paye. Il a soutenu que l’employeur lui avait dit qu’il retiendrait sa paye presque en entier et qu’il ne considérerait pas les autres options qu’il avait proposées.

[35] L’appelant affirme qu’il avait suggéré à l’employeur de le muter à l’une de ses sociétés sœurs pour qu’il puisse remplir un nouveau TD1 et éviter qu’on prélève de l’impôt sur sa paye. L’appelant a affirmé qu’il avait également proposé de travailler comme travailleur autonome pour qu’il ne soit pas assujetti à des déductions, ou comme bénévole et qu’on paye ses dépenses pour le reste de l’année. L’appelant affirme que l’employeur n’avait voulu considérer aucune possibilité et qu’il avait donc laissé une note dans le pavillon-dortoir et était parti le lendemain matin.

[36] L’appelant a l’obligation de résoudre les conflits de travail avec l’employeur ou de démontrer qu’il a fait des efforts pour trouver un autre emploi avant de prendre la décision unilatérale de quitter son emploi (Canada (Procureur général) c. White, 2011 CAF 190).

[37] La question ne consiste pas à savoir s’il était raisonnable que l’appelant quitte son emploi, mais bien de savoir si la seule solution raisonnable était qu’il quitte son emploi (Canada (Procureur général) c. Laughland, 2003 CAF 129).

[38] Le Tribunal juge que l’appelant a accepté sans réserve ses nouvelles fonctions et que ni la modification de ses fonctions ni l’obligation de déduire de l’impôt sur sa paye n’étaient intolérables au point où il lui fallait quitter son emploi avant même d’en avoir décroché un autre. Le départ de l’appelant ne constituait pas la seule solution raisonnable dans son cas. L’appelant aurait pu conserver son emploi jusqu’à ce qu’il obtienne un autre emploi, pour ne pas imposer à autrui le fardeau de son chômage.

3) L’appelant était-il obligé de vivre sur place?

[39] Le Tribunal juge que l’appelant n’est pas parvenu à prouver que ses conditions d’emploi l’obligeaient à vivre sur le chantier principal de l’employeur. De plus, le Tribunal n’admet pas son observation selon laquelle on lui avait dit, durant les négociations pour son emploi continu, que l’employeur voulait qu’il emménage dans le pavillon-dortoir.

[40] Le Tribunal admet la preuve de l’employeur voulant qu’il n’était pas obligatoire, dans le cadre de son emploi continu, que l’appelant habite sur le chantier principal. L’employeur lui avait plutôt offert de vivre gratuitement dans le pavillon-dortoir, afin de lui faciliter la vie. En effet, l’employeur savait comment l’appelant se rendait au travail et où il vivait, et que cette situation n’était peut-être pas idéale durant les mois d’hiver.

[41] Le Tribunal n’accepte pas l’argument de l’appelant, qui soutient qu’il avait été fondé à quitter son emploi puisqu’il trouvait le logement inadéquat. Si le logement était effectivement inadéquat, l’appelant aurait plutôt dû faire part de ses préoccupations à son employeur et chercher à trouver une solution qui ne supposait pas qu’il doive quitter son emploi. L’appelant ne peut pas simplement quitter son emploi sans davantage de pourparlers et ensuite soutenir que l’employeur ne lui avait pas offert une autre solution, comme une indemnité de séjour ou un véhicule de fonction.

[42] L’employeur a admis avec sincérité que la cuisine, la salle de bains et le pavillon-dortoir ne se trouvaient pas tous sous le même toit; cela dit, cela ne prouve pas que l’hébergement était inadéquat. Le Tribunal estime plutôt que la preuve photographique produite par l’employeur montre une cuisine convenable, équipée d’un évier, de deux micro-ondes, d’une cuisinière complète incluant un four, d’une table, d’armoires et d’une machine distributrice.  

[43] Même si l’appelant avait trouvé que l’hébergement était inacceptable ou qu’il n’y avait pas d’eau chaude dans la douche, il demeurait tenu d’envisager toutes les solutions raisonnables avant de quitter son emploi. Il aurait notamment pu continuer à vivre sur place jusqu’à ce qu’il trouve un logement ailleurs, faire part de ses préoccupations à l’employeur afin de rectifier la situation tout en conservant son emploi, ou encore décrocher un autre emploi avant de quitter le sien.

4) L’appelant avait-il été obligé d’obtenir des certificats de sécurité?

[44] Selon la preuve non contestée, l’appelant avait été obligé d’obtenir certains certificats de sécurité. L’appelant a confirmé qu’il était au courant, au moment de son embauche, des exigences relatives à ces certificats et de l’offre de son employeur de faire des déductions sur sa paye pour l’aider à obtenir ces certificats.

[45] Le Tribunal estime que l’appelant n’a pas produit une preuve suffisante pour démontrer qu’il avait dû quitter son emploi parce que son employeur l’avait obligé à obtenir des certificats de sécurité trop coûteux compte tenu du salaire qu’il gagnait. L’appelant affirme qu’il a fondé cet argument sur sa connaissance des certificats exigés des travailleurs du secteur pétrolier. L’appelant n’a fourni aucune preuve documentaire montrant que l’exercice de ses fonctions sur le chantier principal de l’employeur nécessitait qu’il obtienne les mêmes certificats que ceux qu’il qualifie d'obligatoires pour les travailleurs du secteur pétrolier et qui coûtent plus de 3000 $.

[46] Le Tribunal accepte les observations de l’employeur voulant que les certificats de sécurité que l’appelant devait obtenir étaient énoncés dans le formulaire de renseignements sur l’employé auquel l’appelant avait consenti en le signant en date du 11 juillet 2016. Le Tribunal accepte aussi la preuve de l’employeur selon laquelle l’appelant aurait pu obtenir ces certificats en ligne au cours de sa période d’emploi. L’employeur lui avait offert un plan de retenue sur son salaire afin de payer les cours, qui coûtaient environ 150 $ chacun, d’après son expérience.

[47] Le Tribunal estime que l’ensemble de la preuve révèle que l’appelant a fait le choix personnel de quitter son emploi parce qu’il n’aimait pas que l’employeur déduise de l’impôt sur son salaire, comme il était légalement tenu de le faire. Le Tribunal n’accepte pas l’argument de l’appelant voulant qu’il avait dû quitter son emploi en raison de l’hébergement inacceptable ou des exigences en matière de formation auxquelles il avait déjà consenti, ou qu’il avait été congédié de manière constructive.

[48] Même si un choix personnel peut constituer un motif valable, cela n’équivaut pas aux exigences permettant de prouver qu’un appelant a été fondé à quitter son emploi, faisant ainsi assumer par d’autres le fardeau de son chômage (Canada (Procureur général) c. White, 2011 CAF 190; Tanguay c. Canada (Commission d’assurance-chômage), A-1458-84).

[49] Le Tribunal est d’accord avec l’intimée pour dire que l’appelant n’a pas exploité toutes les solutions raisonnables avant de quitter son emploi. Il aurait notamment pu trouver un autre logement tout en conservant son emploi sur le chantier principal ou trouver un autre emploi avant de quitter le sien.

Conclusion

[50] L’appelant n’est pas parvenu à démontrer que son départ avait été la seule solution raisonnable dans son cas. L’appelant n’a donc pas prouvé qu’il avait été fondé à quitter son emploi et se trouve donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi par application de l’article 30 de la Loi.

[51] L’appel est rejeté.

 

Mode d’instruction

Comparutions

Téléconférence

M. W., appelant

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi
  1. 29 Pour l’application des articles 30 à 33 :
    1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
    2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
    3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
      1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
      2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
      3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
    4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
      1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
      2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
      3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
      4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
      5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
      6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
      7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
      8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
      9. (ix) modification importante des fonctions,
      10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
      11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
      12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
      13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
      14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.
  2. 30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :
    1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
    2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.
  3. (2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.
  4. (3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.
  5. (4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.
  6. (5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.
  7. (6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.
  8. (7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations — qu’elle soit initiale ou non — n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.