Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal conclut que la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a rendu une décision en utilisant uniquement les renseignements pertinents et qu’elle n’a pas ignoré de renseignements importants. Par conséquent, le Tribunal conclut que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire lorsqu’elle a refusé de proroger le délai pour déposer une demande de révision de sa décision en vertu de l’article 112 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) et d’article 1 du Règlement sur les demandes de révision (Règlement).

Aperçu

[2] Le prestataire recevait des prestations d’assurance-emploi (AE) lorsqu’il s’est trouvé un emploi du 20 février au 27 mars 2011. La Commission a avisé le prestataire dans une lettre datée du 28 mars 2012 que selon leurs dossiers, le prestataire n’avait pas signalé qu’il avait travaillé et qu’il avait touché une rémunération. Cela a entraîné un trop-payé, et une pénalité et une violation ont également été imposées. Le prestataire a présenté sa demande de révision le 31 janvier 2017. Il a expliqué qu’il était à l’extérieur du Canada pendant plus de quatre ans. La Commission a déterminé que la demande de révision avait été présentée 1740 jours en retard, et que cela était au-delà du délai prescrit de 30 jours. La Commission a refusé de réviser sa décision, car le prestataire ne leur avait pas fourni d’explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai. Le prestataire a interjeté appel auprès du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) afin de demander une prorogation de délai pour que sa demande soit révisée par la Commission.

Question en litige

[3] La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a rejeté la demande du prestataire de prolonger le délai de trente jours pour présenter une demande de révision?

Analyse

[4] Alors que la Commission a refusé de proroger le délai pour présenter une demande de révision, la seule question dont est saisi le Tribunal est à savoir si une prorogation de délai pour présenter une demande de révision devrait être accordée. Les questions relatives au trop-payé, à la pénalité et à la violation du prestataire ne sont pas des questions que peut trancher le Tribunal. Le Tribunal ne peut intervenir que s’il détermine que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.

[5] Un prestataire peut demander la révision d’une décision dans les 30 jours suivant la date où la décision lui a été communiquée, conformément à l’article 112 de la Loi. Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer le moment où la décision datée du 28 mars 2012 a été communiquée au prestataire.

[6] Pour accorder une prorogation de délai afin de présenter une demande de révision en vertu du paragraphe 1(1) du Règlement, la Commission doit être convaincue que les quatre facteurs suivants sont respectés avant d’accorder la prorogation :

  1. Le prestataire doit démontrer qu’il a une explication raisonnable pour justifier son retard à présenter sa demande;
  2. Il doit démontrer l’intention constante de demander une révision;
  3. Si la demande de révision est présentée après l’expiration du délai de trois cent soixante-cinq jours suivant le jour où la décision a été communiquée au prestataire, la Commission doit aussi être convaincue que cela ne causera aucun préjudice à la Commission ou à une autre partie;
  4. La demande de révision doit avoir une chance raisonnable de succès.

[7] La Commission doit uniquement tenir compte des renseignements pertinents, mais tous les renseignements importants (Chartier c. Canada (Commission de l’emploi et de l’immigration), A-42-90).

Quel est le moment où la décision de la Commission a été communiquée au prestataire?

[8] Il incombe à la Commission d’aviser le prestataire de décisions relatives à sa demande de prestations d’AE et de leurs conséquences. La Commission a le fardeau de prouver que le prestataire a reçu communication de la décision (Bartlett c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 230).

[9] Le Tribunal est d’accord avec la Commission sur le fait que la décision datée du 28 mars 2012 a été communiquée au prestataire le 16 juillet 2013 ou plus tôt.

[10] Il règne une certaine confusion à l’égard de la chronologie, car le prestataire avait d’abord affirmé avoir quitté le Canada pendant plus de quatre ans en septembre 2013, mais dans son avis d’appel, il a affirmé avoir quitté le Canada en novembre 2012. Le Tribunal accepte le témoignage du prestataire selon lequel il est retourné en Afrique à deux reprises : il a quitté le Canada en novembre 2012 pendant environ six mois, et il est retourné au Canada en avril 2013, puis il est reparti en septembre 2013 et était de retour en décembre 2016.

[11] La Commission a envoyé une demande de précision des renseignements relatifs à l’emploi en date du 2 février 2012. Cependant, le prestataire n’a répondu à cette lettre que le 15 avril 2013. Il a expliqué que la raison de son retard est qu’il était à l’extérieur du Canada et qu’il n’a reçu la lettre qu’à son retour. Le prestataire a ensuite communiqué avec la Commission le 13 juin 2013 afin de faire un suivi. La Commission a communiqué avec lui le 16 juillet 2013 et l’a avisé qu’il n’avait présenté aucun fait nouveau. Par conséquent, la décision serait maintenue, et il devait interjeter appel de cette décision. À partir de cela, le Tribunal conclut que le prestataire était au courant de la décision le 16 juillet 2013.

Le prestataire avait-il une explication raisonnable pour demander une prorogation de délai?

[12] Le Tribunal estime que la Commission a agi de façon judiciaire lorsqu’elle a déterminé que le prestataire n’avait pas d’explication raisonnable pour justifier son délai du 16 juillet 2013 au 31 janvier 2017, date à laquelle sa demande de révision a été reçue.

[13] Le prestataire a affirmé qu’il n’avait pas présenté de demande de révision plus tôt, car il a déménagé en juin 2012, il est allé à l’étranger en septembre 2013 et il était de retour uniquement en décembre 2016. La Commission lui a demandé pourquoi il n’a pas présenté de demande de révision après sa conversation avec la Commission en juillet 2013; il a répondu qu’il était occupé et qu’il n’avait pas le temps, mais qu’il a maintenant le temps de le faire. Le prestataire a témoigné qu’il était de retour au Canada en avril 2013 et qu’il s’est trouvé un emploi où il devait travailler la nuit, mais qu’il n’a pas eu le temps de soumettre la demande, car il était très occupé au travail.

[14] La Commission a déterminé que le prestataire aurait eu le temps de prendre quelques instants pour remplir un formulaire à un moment donné au cours des années qui se sont écoulées. Il aurait pu le faire lorsqu’il se trouvait à l’extérieur du pays, et ce, par Internet ou certainement avant de quitter le Canada.

[15] Il incombe au prestataire de protéger sa demande de prestations d’AE. Même si le prestataire avait pris connaissance de la décision et connaissait son droit d’appel, il a choisi d’ignorer la décision, la dette et les délais prévus par la Loi. Le Tribunal comprend que le prestataire travaillait de nuit. Cependant, cela n’est pas inhabituel, car beaucoup de gens travaillent de nuit. Par conséquent, le Tribunal estime que la Commission a agi de façon judiciaire lorsqu’elle a conclu que l’explication du prestataire pour justifier son retard, selon laquelle il était très occupé au travail ou qu’il se trouvait à l’extérieur du pays, n’était pas raisonnable.

Le prestataire a-t-il manifesté l’intention constante de présenter une demande de révision?

[16] L’on s’attend à ce qu’un prestataire poursuive l’appel avec la diligence qui peut raisonnablement être exigée de lui (Grewal c. Canada (Procureur général), 85-A-55).

[17] Le Tribunal estime que le prestataire n’a pas agi avec la diligence à laquelle on peut s’attendre de la part d’un prestataire qui demande la révision de la décision de la Commission. Le prestataire avait été avisé par un agent de la Commission en juillet 2013 de son droit de demander à la Commission de réviser sa décision, mais il n’a donné suite à ces renseignements que plusieurs années plus tard. Le prestataire a communiqué avec la Commission le 29 décembre 2016 et a demandé que les lettres relatives à la décision lui soient envoyées à nouveau, et il a soumis une demande de révision le 31 janvier 2017. Par conséquent, le Tribunal estime que la Commission a agi de façon judiciaire en concluant qu’au cours de la période de juillet 2013 à janvier 2017, le prestataire n’a pas démontré qu’il avait l’intention continue de poursuivre l’appel.

Cela porterait-il préjudice aux autres parties?

[18] Il y a une incertitude et une absence de caractère définitif que risque d’entraîner tant pour le ministre que pour toutes les parties à l’instance, le fait d’autoriser des appels, sans raisons convaincantes, longtemps après l’expiration du délai. (Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 883).

[19] Le Tribunal estime que la Commission a agi de façon judiciaire lorsqu’elle a déterminé que d’accorder une prorogation de délai pour présenter une demande de révision de la décision de la Commission causerait un préjudice à une autre partie, c’est-à-dire à la Commission.

[20] Le Tribunal reconnait que le prestataire recevait des prestations d’AE pour une demande qui avait été faite en mai 2010 et qu’il occupait un emploi alors qu’il recevait des prestations d’AE en février et en mars 2011. La Commission a affirmé qu’un préjudice serait causé en accordant une prorogation de délai pour présenter la demande, car la rémunération, ainsi que d’autres documents et faits pertinents ne seraient pas accessibles puisque trop de temps s’est écoulé depuis que la décision a été rendue. Le prestataire n’a fourni aucune preuve contraire.

[21] Le délai imparti par la Loi et le Règlement sont importants afin d’assurer une équité pour toutes les parties et pour le processus. Si une prorogation de délai était automatiquement accordée, alors le délai de 30 jours perdrait tout son sens, et cela aurait des répercussions sur l’équité du processus. La demande a été présentée il y a de cela près de huit ans, le prestataire travaillait tout en recevant des prestations d’AE il y a de cela sept ans et la décision a été communiquée au prestataire il y a de cela près de cinq ans. Le Tribunal estime qu’il s’agit d’une période de temps assez importante pour que l’on s’attende à ce que la Commission fournisse des éléments de preuve afin de prouver le bien-fondé de son affaire.

La demande de révision a-t-elle une chance raisonnable de succès?

[22] La loi exige que les quatre facteurs prévus dans le Règlement soient respectés afin que la demande de prorogation de délai du prestataire pour présenter une demande de révision à la Commission soit accueillie. Puisque la Commission a agi de façon judiciaire en déterminant que le prestataire ne répondait pas aux trois premiers facteurs, le Tribunal estime que l’appel du prestataire ne peut pas être accueilli. Par conséquent, il ne tentera pas de déterminer si la demande de révision du prestataire a une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[23] Le Tribunal conclut que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, car elle a tenu compte de l’ensemble des renseignements pertinents et n’a pas tenu compte de renseignements non pertinents au moment de rejeter la demande du prestataire de proroger le délai de 30 jours pour présenter une demande de révision en vertu du paragraphe 112(1) de la Loi et de l’article 1 du Règlement. Par conséquent, le Tribunal n’est pas en mesure de modifier la décision de la Commission.

[24] L’appel est rejeté.

 

Mode d’audience

Comparutions

Téléconférence

S. H., appelant

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi
  1. 112 (1) Quiconque fait l’objet d’une décision de la Commission, de même que tout employeur d’un prestataire faisant l’objet d’une telle décision, peut, dans les trente jours suivant la date où il en reçoit communication, ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorder, et selon les modalités prévues par règlement, demander à la Commission de réviser sa décision.
  2. (2) La Commission est tenue d’examiner de nouveau sa décision si une telle demande lui est présentée.
  3. (3) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, préciser les cas où la Commission peut accorder un délai plus long pour présenter la demande visée au paragraphe (1).
Règlement sur les demandes de révision
  1. 1(1) Pour l’application du paragraphe 112(1) de la Loi sur l’assurance- emploi et sous réserve du paragraphe (2), la Commission peut accorder un délai plus long pour la présentation d’une demande de révision, si elle est convaincue, d’une part, qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai et, d’autre part, que l’intéressé a manifesté l’intention constante de demander la révision.
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