Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est rejeté. L’appelante n’a pas démontré qu’elle avait été fondée à quitter volontairement son emploi.

Aperçu

[2] L’appelante a travaillé comme commise de cuisine pendant environ trois ans lorsque l’entreprise appartenait à l’ancien propriétaire. Trois mois après que l’entreprise ait changé de propriétaires, l’appelante a soumis son préavis de deux semaines, a volontairement quitté son emploi et a déménagé dans une autre ville, plus près de son petit-fils. L’appelante ne s’est pas trouvé un autre emploi avant de quitter le sien, et elle a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi. L’intimée avait déterminé que l’appelante était exclue du bénéfice de prestations, car elle avait volontairement quitté son emploi sans justification.

Question en litige

[3] L’appelante a-t-elle prouvé qu’elle avait été fondée à volontairement quitter son emploi?

Analyse

[4] L’appelante est exclue du bénéfice de prestations d’assurance-emploi si elle a volontairement quitté son emploi sans justification, conformément au paragraphe 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

[5] L’intimée a le fardeau de prouver que l’appelante avait volontairement quitté son emploi. Puis, il incombe à l’appelante de démontrer qu’elle avait été fondée à quitter son emploi (Green c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 313).

Départ volontaire

[6] Pour déterminer si l’appelante a volontairement quitté son emploi, la question suivante est posée : l’appelante avait-elle le choix de conserver ou de quitter son emploi (Canada (Procureur général) c. Peace, 2004 CAF 56)?

[7] L’appelante ne conteste pas le fait qu’elle ait choisi de volontairement quitter son emploi. Plutôt, l’appelante admet que lorsqu’elle a décidé de quitter son conjoint et de déménager plus près de son petit-fils, elle a soumis son préavis de deux semaines à son employeur. Elle a continué de travailler jusqu’à la fin de la période de deux semaines. Ainsi, puisque l’appelante a admis qu’elle avait volontairement quitté son emploi, l’intimée s’est acquittée de son fardeau.

Justification

[8] Au moment de déterminer si un prestataire était fondé à volontairement quitter son emploi, le Tribunal doit examiner l’ensemble des circonstances. Le Tribunal doit également déterminer si d’autres solutions raisonnables s’offraient à l’appelante, conformément à l’alinéa 29c) de la Loi.

[9] Une liste non exhaustive de circonstances qui doivent être prises en considération pour déterminer si une personne était fondée à quitter son emploi se trouve à l’alinéa 29c) de la Loi. La simple présence de l’une des circonstances énumérées à l’article 29 de la Loi ne prouve pas automatiquement que l’appelante avait été fondée à quitter son emploi. L’appelante doit quand même prouver que sa seule solution raisonnable était de quitter son emploi.

Ensemble des circonstances

[10] Après avoir tenu compte de l’ensemble des circonstances, le Tribunal estime que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle avait été fondée à quitter son emploi, car il ne s’agissait pas de sa seule solution raisonnable.

[11] L’appelante a soutenu qu’elle avait été fondée à quitter son emploi en raison des circonstances suivantes :

  1. elle avait des relations conflictuelles avec la gestionnaire de la cuisine;
  2. le nouveau propriétaire réduisait ses heures de travail;
  3. elle a dû quitter une relation violente;
  4. lorsqu’elle a déménagé, elle n’avait plus de moyen de transport à sa disposition pour se rendre au travail.
a) Relations conflictuelles avec le gestionnaire

[12] Des relations conflictuelles est un facteur énuméré au sous-alinéa 29c)(x) de la Loi et peut être considéré comme une justification si la cause n’est pas essentiellement imputable à l’appelante.

[13] L’appelante a l’obligation de résoudre les conflits de travail avec l’employeur ou de démontrer qu’elle a fait des efforts pour trouver un autre emploi avant de prendre la décision unilatérale de quitter son emploi (Canada (Procureur général) c. White, 2011 CAF 190).

[14] L’appelante a soutenu que la gestionnaire de la cuisine lui adressait la parole de manière irrespectueuse en la qualifiant de plusieurs noms et en l’injuriant devant les autres employés de la cuisine. Elle a témoigné qu’elle n’a pas parlé au gestionnaire principal du comportement de la gestionnaire de la cuisine, car elle avait peur que la gestionnaire de la cuisine se venge.

[15] L’appelante a fourni des éléments de preuve contradictoires au cours de son témoignage lorsqu’elle a affirmé que six mois avant de quitter son emploi, elle a tenu tête à la gestionnaire de la cuisine et, après avoir été injuriée par cette dernière, l’a injuriée à son tour. L'appelante a affirmé qu'à partir de ce jour-là, la gestionnaire de la cuisine ne lui a plus parlé de manière irrespectueuse.

[16] Le Tribunal estime que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle avait dû quitter son emploi en raison du comportement de la gestionnaire de la cuisine. Plutôt, l’appelante avait admis volontiers que le problème avait été réglé six mois avant qu’elle ne donne son préavis de démission. Par conséquent, l’appelante n’a pas réussi à prouver qu’elle avait quitté son emploi en raison des relations conflictuelles qu’elle avait avec sa gestionnaire.

b) Réduction des heures de travail

[17] Une modification importante des conditions de rémunération est également une circonstance dont le Tribunal doit tenir compte, comme cela est énuméré au sous-alinéa 29c)(vii) de la Loi.

[18] L’appelante a témoigné qu’elle ne pouvait pas se permettre de continuer à travailler après que les nouveaux propriétaires aient réduit ses heures de travail de 70 à 40 heures toutes les deux semaines. Elle a soutenu que sa rémunération n’était plus suffisante pour payer ses factures courantes. Elle a également soutenu que ses heures réduites ne suffisaient pas à payer son loyer toute seule puisqu’elle avait mis fin à sa relation avec son conjoint. 

[19] L’intimée a soutenu que lorsqu’elle a dit à l’appelante que son relevé d’emploi (RE) révélait qu’elle travaillait en moyenne 65 heures toutes les deux semaines, l’appelante a affirmé qu’elle avait quitté son emploi parce qu’elle voulait se rapprocher de son petit-fils. L’intimée a soutenu que l’appelante avait fourni plusieurs raisons personnelles pour expliquer pourquoi elle avait quitté son emploi, et que la raison pour laquelle elle avait subi une réduction de ses heures de travail n’était pas appuyée par la preuve.

[20] Le Tribunal estime que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle avait quitté son emploi en raison de la réduction de ses heures de travail. Plutôt, le Tribunal est d’accord avec l’intimée sur le fait que le RE soumis en preuve révèle que l’appelante avait effectué de 61 à 65 heures de travail toutes les deux semaines avant de donné son préavis de démission, ce qui vient appuyer le fait qu’il n’y a pas eu de modification importante de sa rémunération.

c) Problèmes personnels

[21] La justification porte sur l’emploi en tant que tel et non sur la situation personnelle de l’appelante. Aucune disposition de la Loi ne prévoit que l’appelante peut prouver qu’elle était fondée à quitter son emploi en raison de problèmes de relations personnelles ou du choix personnel de quitter son emploi pour déménager plus près de son petit-fils.

[22] L’appelante a témoigné qu’elle avait fait le choix de mettre fin à sa relation de 23 ans avec son partenaire, car il avait un comportement abusif envers elle. Elle a soutenu qu’environ deux ans et demi avant de mettre fin à sa relation, son conjoint avait perdu son emploi, avait commencé à boire beaucoup et à avoir un comportement abusif. Elle a confirmé qu’elle n’était pas allée chercher de l’aide d’un organisme externe afin de gérer cette relation abusive, qu’elle n’a pas discuté de sa situation avec son employeur et qu’elle n’a pas demandé de congé. Elle a soutenu qu’elle ne pouvait pas faire de demande de congé, car elle devait travailler pour être en mesure de payer ses factures. Elle a également soutenu qu’elle a fait le choix de quitter son emploi afin de déménager plus près de son petit-fils. 

[23] L’appelante a confirmé qu’elle ne s’était pas trouvé un autre emploi avant de déménager. Elle a affirmé qu’elle s’était consacrée à sortir de sa relation abusive et à trouver un endroit où s’établir qui serait près de son petit-fils et de son fils. L’appelante a soutenu qu’elle ne pouvait pas habiter dans la même ville qu’où elle travaillait, car elle n’avait pas les moyens financiers pour payer le loyer toute seule. Elle a témoigné qu’elle avait décidé de louer une chambre chez un ami à son fils qui habite à une distance de marche de son fils et de son petit-fils.

[24] Le Tribunal compatit avec l’appelante, compte tenu des circonstances qu’elle a décrites au cours de l’audience. Cependant, le Tribunal doit appliquer les exigences prescrites par la loi et ne peut pas ignorer, réadapter, contourner ou réécrire la Loi, même par compassion (Canada (Procureur général) c. Knee, 2011 CAF 301).

[25] La preuve appuie le fait que l’appelante a pris le choix personnel de quitter son emploi. Même si un choix personnel peut constituer une justification, ce n’est pas synonyme avec les exigences selon lesquelles il faut prouver que le prestataire avait été fondé à quitter son emploi et à faire supporter par les autres le fardeau de son chômage (Canada (Procureur général) c. White, 2011 CAF 190; Tanguay c. Canada (Commission d’assurance-chômage), A-1458-84).

d) Problèmes de transport

[26] L’appelante a soutenu qu’elle voulait passer plus de temps avec son fils et son petit-fils de quatre mois, et que par conséquent, elle avait décidé de déménager plus près d’eux. L’appelante a affirmé qu’une fois déménagée, elle ne pouvait plus continuer à travailler pour le même employeur, car il n’y avait pas de transports publics pour se rendre jusqu’à son milieu de travail la fin de semaine. 

[27] Au moment de déterminer si l’appelante avait été fondée à quitter son emploi, les circonstances qu’il faut considérer en vertu de l’alinéa 29c) de la Loi sont celles qui existaient à l’époque où l’appelante a démissionné de son emploi (Canada (Procureur général) c. Lamonde, 2006 CAF 44). Le problème de transport de l’appelante ne peut pas être pris en considération au moment de déterminer si elle avait une justification, car il ne s’agit pas d’une circonstance qui existait au moment où elle a quitté son emploi.

Solutions raisonnables

[28] Au moment de tenir compte des circonstances présentées par l’appelante, le Tribunal estime qu’elle n’a pas réussi à prouver que sa seule solution raisonnable avait été de quitter son emploi. La question ne consiste pas à déterminer s’il était raisonnable de la part de l’appelante de quitter son emploi, mais bien à déterminer si la seule solution raisonnable était qu’elle quitte son emploi (Canada (Procureur général) c. Laughland, 2003 CAF 129).

[29] Les circonstances présentées par l’appelante ne prouvent pas qu’il y avait eu une urgence à quitter son emploi au moment où elle l’a fait. L’appelante a confirmé que le comportement conflictuel de la gestionnaire de la cuisine avait pris fin six mois avant son départ, et elle ne contestait pas le fait que le RE présenté en preuve appuie le fait que ses heures de travail n’avaient pas été réduites de manière significative. Même s’il se peut que l’appelante fût dans une relation abusive, elle admet que son partenaire avait un comportement abusif depuis plus de deux ans et qu’elle a continué à vivre avec lui tout en travaillant au cours de sa période de préavis de deux semaines.

[30] Le Tribunal n’est pas convaincu que la seule solution raisonnable qui s’offrait à l’appelante était de donner sa démission. Plutôt, il aurait été raisonnable de la part de l’appelante de demander de l’aide à un organisme externe comme son médecin ou un organisme qui fournit de l’aide aux femmes qui vivent dans une relation de violence. Aussi, l’appelante aurait pu avoir demandé un congé sans solde à son employeur afin qu’elle puisse se trouver un autre emploi avant de quitter son emploi et de se retrouver sur le chômage.

Conclusion

[31] Le Tribunal conclut que l’appelante n’a pas réussi à prouver que, compte tenu de l’ensemble des circonstances, quitter son emploi constituait la seule solution raisonnable. Par conséquent, elle n’a pas prouvé qu’elle avait été fondée à volontairement quitter son emploi.

[32] L’appel est rejeté.

Façon de procéder :

Comparutions :

En personne

J. M., appelante

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

29 Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

30(1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

(3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.

(4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.

(5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.

(6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.

(7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations — qu’elle soit initiale ou non — n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.

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