Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal conclut que l’appelant a volontairement quitté son emploi sans justification, car il n’a pas démontré que son départ était la seule solution raisonnable.

Aperçu

[2] L’appelant occupait deux emplois à temps partiel. Il a démissionné à l’un d’eux en raison du niveau de stress élevé qu’il y éprouvait, puis il a été licencié de son autre emploi puisqu’il s’agissait d’un poste saisonnier. L’intimée a déterminé qu’il était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi (AE) puisqu’elle a tranché qu’il a volontairement quitté son emploi sans justification. L’appelant a présenté une demande de révision au motif qu’il devait quitter le poste pour des raisons médicales. L’intimée a maintenu sa décision. Le Tribunal doit déterminer si l’appelant était fondé à quitter son emploi.

Questions en litige

[3] Question 1 : L’appelant a-t-il quitté volontairement son emploi?

[4] Question 2 : Si tel est le cas, l’appelant était-il fondé à quitter volontairement son emploi?

[5] Question 3 : L’inadmissibilité de l’appelant doit-elle s’appliquer aux heures d’emploi assurable accumulées dans le cadre de ses deux postes?

Analyse

[6] Le paragraphe 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) prévoit qu’une exclusion du bénéfice des prestations d’AE s’applique au prestataire qui quitte volontairement son emploi sans justification.

[7] L’intimée détient le fardeau de prouver que l’appelant a quitté son emploi volontairement. Il incombe ensuite à l’appelant de prouver qu’il était fondé à agir ainsi en démontrant que, compte tenu de toutes les circonstances, selon la prépondérance des probabilités, son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas (Canada (Procureur général) c. White, 2011 CAF 190). Le terme « fardeau » vise à décrire quelle partie doit fournir la preuve nécessaire relativement à sa preuve afin de satisfaire au critère juridique. Le fardeau de la preuve en l’espèce repose sur la prépondérance des probabilités, ce qui signifie qu’il est « plus probable qu’improbable » que les événements sont survenus tels qu’ils ont été décrits.

Question 1 : L’appelant a-t-il quitté volontairement son emploi?

[8] Au moment de déterminer si l’appelant a volontairement quitté son emploi, la question à laquelle il faut répondre est la suivante : l’employé avait-il le choix de conserver ou de quitter son emploi (Canada (Procureur général) c. Peace, 2004 CAF 56)?

[9] L’appelant ne conteste pas le fait qu’il a volontairement quitté son emploi. L’employeur a présenté la lettre de démission de l’appelant dont ce dernier confirme avoir remis à l’employeur en mars 2017. En fonction de la preuve, l’appelant avait le choix de rester à l’emploi de l’employeur, mais il a choisi de démissionner. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’appelant a quitté volontairement son emploi.

Question 2 : Si tel est le cas, l’appelant était-il fondé à quitter volontairement son emploi?

[10] Non, le Tribunal estime que l’appelant n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi puisqu’il n’a pas démontré, compte tenu de l’ensemble des circonstances, que la seule solution raisonnable était de quitter son emploi.

[11] Le critère relatif à la justification est de déterminer si l’appelant, après avoir considéré toutes les circonstances, n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi (White, précité).

Les conditions de travail de l’appelant sont-elles dangereuses pour sa santé ou sa sécurité?

[12] Une liste non exhaustive de circonstances qui doivent être prises en considération pour déterminer si une personne était fondée à quitter son emploi se trouve à l’alinéa 29c) de la Loi sur l’AE. L’une des circonstances énumérées est une modification importante des fonctions (sous-alinéa 29c)(ix)).

[13] L’appelant a affirmé que son diagnostic d’hypertension reçu en avril ou en mai 2016 constituait la raison principale de sa démission. Il prétend que cela est attribuable à une hausse de la charge de travail à son poste au sein de l’agence de placement. Il ajoute que le nombre de contrats et de programmes gérés par l’agence a graduellement augmenté depuis le début de son emploi il y a cinq ans. Il mentionne qu’au cours de la dernière année à l’emploi de l’agence, la charge de travail a atteint un niveau qu’il serait incapable d’accomplir en raison de son horaire à temps partiel. Il précise qu’il se sentait accablé et très stressé par la charge de travail.

[14] L’appelant a présenté une copie d’un reçu de prescription de médicaments en appui de son argument selon lequel il a démissionné pour des raisons médicales. Le Tribunal n’accorde aucune importance à ce reçu à titre de preuve des problèmes de santé de l’appelant puisqu’il n’énonce pas le motif médical lié à la prescription et qu’il n’est pas signé par un médecin. L’appelant a décliné la demande de l’intimée qui consistait à lui fournir une note médicale à l’appui de son motif de démission puisqu’il concède que son médecin ne lui a pas recommandé de quitter son emploi.

[15] L’employeur a mentionné en entrevue avec l’intimée que l’appelant n’a jamais soulevé de préoccupation concernant la charge de travail avant de démissionner et que la charge de travail a diminué au cours de la dernière année en raison de l’échéance de deux contrats qui n’ont pas été renouvelés. L’appelant reconnaît qu’il n’a pas discuté de ses préoccupations auprès de l’employeur puisqu’il croyait que l’agence n’aurait rien pu faire pour l’aider. Il fait valoir que le nombre de contrats et les programmes accordés à l’agence varient pendant l’année, et rien ne semblait indiquer que l’échéance des deux contrats atténuerait la charge de travail de façon significative.

[16] Il est de la responsabilité de l’appelant de discuter de ses conditions de travail avec son employeur et d’explorer la possibilité que la nature ou les conditions de travail de son emploi soient modifiées pour pallier ses inquiétudes (Canada (Procureur général) c. Hernandez, 2007 CAF 320). Si l’on se fie au témoignage de l’appelant et aux déclarations de l’employeur, l’appelant n’a pris aucune mesure afin d’informer son employeur de ses préoccupations concernant la charge de travail et sur les effets qu’elle avait selon lui sur sa santé.

[17] L’appelant a affirmé pendant les entrevues avec l’intimée qu’il a discuté d’un changement de style de vie avec son docteur, mais il n’a pas précisément réglé ses préoccupations au travail et son médecin ne lui a pas recommandé de quitter son emploi. L’appelant fait valoir que le stress qu’il éprouvait entraînait son hypertension; toutefois, le Tribunal estime que l’appelant en est arrivé à cette conclusion par lui-même et n’a pas fourni de preuve médicale à l’appui de cette affirmation. Le Tribunal conclut que de demander un avis médical ou de l’aide pour régler ses problèmes liés au stress constitue des mesures raisonnables qui auraient dû être prises avant de quitter son emploi.

[18] En vertu de la preuve présentée, le Tribunal conclut que l’appelant n’a pas prouvé qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi, parce qu’il n’a pas démontré que le stress qu’il éprouvait posait un danger pour sa santé et sa sécurité.

L’appelant avait-il d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi?

[19] L’employeur a affirmé dans ses entrevues avec l’intimée qu’un congé pour des raisons médicales avec un régime d’assurance-salaire aurait été approuvé pour l’appelant si ce dernier avait informé l’employeur qu’il devait s’absenter du travail pour des raisons médicales. L’appelant soutient qu’il n’était pas au fait du programme au moment de présenter sa démission et qu’il ne s’est pas informé du congé de maladie puisqu’il pensait qu’on le lui refuserait en raison de son statut d’employé à temps partiel et qu’aucun autre emploi n’est formé pour le remplacer.

[20] L’appelant soutient qu’il a pris la décision de démissionner en janvier 2017, puis il a retardé sa démission jusqu’en mars 2017 afin d’attendre que son employeur revienne de ses vacances prolongées. L’appelant a témoigné qu’il a décidé de démissionner afin d’éviter la hausse de la charge de travail qui caractérise la fin de l’exercice financier. L’appelant affirme durant ses entrevues avec l’intimée qu’il n’a pas postulé pour un autre emploi jusqu’à ce qu’il soumette sa démission. L’appelant fait valoir qu’en raison de son emploi à temps partiel, il devenait très difficile de trouver un autre poste à temps partiel qui coïnciderait avec les jours de disponibilité restants à son horaire hebdomadaire et qu’il ne pouvait pas augmenter ses heures de travail chez son autre employeur.

[21] L’appelant a l’obligation, dans la plupart des cas, de démontrer des efforts afin de trouver un autre emploi avant de prendre la décision unilatérale de quitter le sien (White, précité). Le Tribunal conclut que le retard dans la présentation de la lettre de démission de l’appelant appuie l’argument selon lequel il n’y avait aucune urgence de quitter son poste. Le Tribunal tient compte qu’il est généralement raisonnable de continuer de travailler jusqu’à ce que l’on trouve un nouvel emploi et que l’appelant aurait pu trouver un autre emploi après qu’il a pris la décision de quitter son emploi.

[22] La question ne consiste pas à savoir s’il était raisonnable pour l’appelant de quitter son emploi, mais bien à savoir si la seule solution raisonnable était qu’il quitte son emploi (Canada (Procureur général) c. Laughland,2003 CAF 129).

[23] Le Tribunal conclut qu’au lieu de quitter son emploi, l’appelant détenait d’autres solutions. L’appelant aurait pu discuter de mesures d’accommodement concernant ses problèmes de santé avec son employeur et demander de l’aide ou une réduction de sa charge de travail. L’appelant aurait aussi pu demeurer à son poste jusqu’à ce qu’il trouve un autre emploi. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’appelant n’a pas prouvé qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi, compte tenu des circonstances, puisque d’autres solutions raisonnables s’offraient à lui.

Question 3 : L’inadmissibilité de l’appelant doit-elle s’appliquer aux heures d’emploi assurable accumulées dans le cadre de ses deux postes?

[24] L’appelant fait valoir que puisqu’il occupait simultanément deux postes à temps partiel, sa démission d’un employeur ne devrait pas avoir de répercussions sur sa demande étant donné qu’il a accumulé suffisamment d’heures pour être admissible au bénéfice des prestations en vertu de son autre emploi à temps partiel. L’intimée soutient que puisque l’appelant a quitté volontairement un de ses emplois, il est exclu du bénéfice des prestations, sauf si depuis qu’il a perdu cet emploi, il a occupé un emploi lui permettant d’atteindre le seuil d’heures d’emploi assurable pour être admissible aux prestations au titre de l’alinéa 30(1)a) de la Loi sur l’AE.

[25] Le paragraphe 30(5) de la Loi sur l’AE énonce clairement que lorsqu’une personne quitte volontairement son emploi, les heures d’emploi assurable accumulées dans tout emploi avant la date de la perte d’emploi sont exclues du calcul du nombre d’heures requises pour obtenir des prestations (Canada (Procureur général) c. Trochimchuk, 2011 CAF 268).

[26] L’appelant a quitté son emploi chez une agence de placement le 20 avril 2017, mais il a continué de travailler à son autre poste jusqu’au 2 juin 2017. L’appelant avait accumulé 135 heures d’emploi assurable du 20 avril au 2 juin 2017. L’intimée n’a pas énoncé le seuil d’heures d’emploi assurable à satisfaire afin que l’appelant soit admissible en vertu du tableau des prestations et du taux de chômage pour les régions économiques de l’AE pendant la période relative à la demande de l’appelant; toutefois, les 135 heures d’emploi assurable accumulées ne sont pas suffisantes pour qu’il soit admissible aux prestations régulières d’AE dans l’ensemble des régions économiques de l’AE pendant la période en question.

[27] Le Tribunal estime qu’aucune disposition dans la Loi sur l’AE ne permet à l’appelant d’utiliser ses heures d’emploi assurable accumulées avant le 20 avril 2017 dans le cadre de son autre poste. Le Tribunal sympathise avec l’appelant; toutefois, le Tribunal n’a pas la compétence ni le pouvoir discrétionnaire requis pour faire abstraction de la législation telle qu’elle est libellée actuellement ou pour la modifier.

Conclusion

[28] L’appel est rejeté.

 

Mode d’instruction 

Comparutions

Téléconférence

H. H., appelant

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi
  1. 29  Pour l’application des articles 30 à 33 :
    1. a) « emploi » s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
    2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
    3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
      1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
      2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
      3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
    4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
      1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
      2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
      3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
      4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
      5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
      6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
      7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
      8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
      9. (ix) modification importante des fonctions,
      10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
      11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
      12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
      13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
      14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.
  2. 30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :
    1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
    2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.
  3. (2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.
  4. (3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.
  5. (4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.
  6. (5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.
    1. a) les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire;
    2. b) les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, tel qu’énoncé dans le paragraphe (1).
  7. (6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12 (2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.
  8. (7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations — qu’elle soit initiale ou non — n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.
Règlement sur l’assurance-emploi
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