Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal conclut, après avoir examiné l’ensemble des circonstances, que l’appelante avait volontairement quitté son emploi sans justification, car elle n’a pas démontré que son départ était la seule solution raisonnable. L’appelante n’avait pas accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable depuis qu’elle avait volontairement quitté son emploi sans justification pour être admissible à des prestations.

Aperçu

[2] L’appelante travaillait comme préposée aux soins continus dans une maison de soins lorsqu’elle a quitté son poste pour étudier à l’université en août 2016. L’année suivante, elle a présenté une demande aux termes d’un programme provincial qui permettait aux personnes fréquentant l’école à temps plein de recevoir des prestations d’assurance-emploi (AE), mais l’intimée avait déterminé qu’elle était exclue du bénéfice de prestations, car elle avait volontairement quitté son emploi sans justification en août 2016 et n’avait pas accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable pour être admissible au bénéfice de prestations. L’appelant a demandé la révision de cette décision compte tenu de sa demande de participation au programme provincial. L’intimée a maintenu sa décision initiale. Le Tribunal doit déterminer si l’appelante avait volontairement quitté son emploi sans justification, et si tel est le cas, si elle avait accumulé suffisamment d’heures assurables depuis ce temps afin d’être admissible au bénéfice de prestations.

Questions préliminaires

[3] L’appelante a demandé la tenue d’une audience par questions et réponses écrites. Ce mode d’audience respecte les exigences énoncées dans le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, selon lesquelles il faut procéder de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent. Par conséquent, l’audience a été menée par questions et réponses écrites.

[4] Un avis d’audience par questions et réponses a été envoyé aux parties dans une lettre datée du 26 février 2018. Le Tribunal est convaincu que l’appelante avait reçu cet avis d’audience, car le récépissé de livraison de Postes Canada a été signé par l’appelante le 7 mars 2018.

[5] Aucune des parties n’a fourni de réponses ou d’éléments de preuve supplémentaire en réponse à la lettre du Tribunal datée du 26 février 2018. Par conséquent, cet appel a été tranché en se fondant sur la preuve et les observations existantes.

Questions en litige

[6] Question en litige no 1 : L’appelante a-t-elle volontairement quitté son emploi?

[7] Question en litige no 2 : Si tel est le cas, l’appelante était-elle fondée à volontairement quitter son emploi?

[8] Question en litige no 3 : Si l’appelante n’était pas fondée à quitter volontairement son emploi, a-t-elle, depuis son départ, occupé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis pour être admissible au bénéfice de prestations?

Analyse

[9] L’alinéa 30(1)a) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) prévoit qu’une prestataire est exclue du bénéfice de prestations d’AE si elle a volontairement quitté son emploi sans justification à moins que, depuis qu’elle a quitté son emploi, elle ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis à l’article 7 ou 7.1 pour être admissible au bénéfice de prestations.

[10] Il incombe à l’intimée de démontrer que l’appelante a volontairement quitté son emploi. Il incombe ensuite à l’appelante de prouver qu’elle était fondée à agir ainsi en démontrant que, compte tenu de toutes les circonstances, selon la prépondérance des probabilités, son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas (Canada (Procureur général) c. White, 2011 CAF 190). Le terme « fardeau » est utilisé pour décrire le fait qu’une partie doit fournir une preuve à l’appui de sa position afin de répondre au critère juridique. En l’espèce, le fardeau de la preuve correspond à la balance des probabilités, ce qui signifie qu’il est « plus probable que non » que les événements se soient produits comme cela a été décrit.

Question en litige no 1 : L’appelante a-t-elle volontairement quitté son emploi?

[11] Oui. Compte tenu de la preuve dont il était saisi, le Tribunal conclut que l’appelante avait volontairement quitté son emploi. Le relevé d’emploi rempli par son ancien employeur révèle que l’appelante a démissionné et qu’elle avait confirmé qu’elle avait démissionné de son poste.

[12] Au moment de déterminer si l’appelante avait volontairement quitté son emploi, la question à laquelle il faut répondre est la suivante : l’employée avait-elle le choix de conserver ou de quitter son emploi? (Canada (Procureur général) c. Peace, 2004 CAF 56).

[13] Le fait que l’appelante avait quitté son emploi pour fréquenter l’université n’est pas contesté. Par conséquent, le Tribunal estime que l’appelante avait le choix de conserver son emploi et qu’elle avait volontairement quitté son emploi.

Question en litige no 2 : L’appelante avait-elle été fondée à volontairement quitter son emploi?

[14] Non. Le Tribunal estime que l’appelante n’avait pas été fondée à quitter volontairement son emploi.

[15] Afin d’établir qu’elle avait été fondée à quitter son emploi en vertu de l’article 29 de la Loi, l’appelante doit démontrer que, compte tenu de l’ensemble des circonstances et selon la prépondérance des probabilités, son départ de son emploi constituait la seule solution raisonnable dans son cas (White, ci-dessus).

[16] L’appelante soutient que son départ de son emploi constituait la seule solution raisonnable, car elle avait fait des plans pour fréquenter l’université.

[17] L’intimée soutient que l’appelante avait volontairement quitté son emploi pour aller à l’école, ce qui ne répond pas aux exigences de justification prévues par la Loi.

[18] L’appelante soutient qu’elle devrait être admissible à des prestations d’AE, car elle a présenté une demande de participation à un programme provincial qui permettait aux personnes fréquentant l’école à temps plein de recevoir des prestations d’AE. Sa participation au programme a été approuvée le 27 juillet 2017. L’intimée a soumis des entrevues avec l’appelante au cours desquelles elle avait affirmé qu’elle aurait demandé la permission de démissionner en août 2016, mais qu’elle n’était pas au courant de l’existence du programme provincial à cette époque. L’appelante soutient qu’elle a appris l’existence du programme l’année suivante et qu’elle a présenté sa demande de participation au programme à ce moment-là.

[19] L’intimée soutient que ce programme provincial exige que le demandeur soit admissible à des prestations d’AE ou qu’il reçoive déjà des prestations d’AE, et que l’appelante n’était pas admissible au bénéfice de prestations parce qu’elle en avait été exclue pour avoir volontairement quitté son emploi sans justification.

[20] L’intimée a soumis des courriels provenant de l’administrateur du programme provincial, dans lesquels l’administrateur a précisé que la participation de l’appelante au programme avait été approuvée en juillet 2017, mais puisqu’elle n’était pas inscrite au programme en août 2016, elle ne pouvait pas recevoir l’autorisation de quitter son emploi à ce moment-là.

[21] L’appelante a quitté son emploi le 28 août 2016 et soutient qu’elle a entendu parler de ce programme pour la première fois en mai 2017, huit mois après qu’elle ait quitté son emploi, et sa participation a été approuvée en juillet 2017. À l’époque où l’appelante avait quitté son emploi en août 2106, elle ne connaissait pas l’existence de ce programme. Par conséquent, le Tribunal estime que sa participation à ce programme n’aurait pas pu influencer la décision de l’appelante de quitter son emploi.

[22] Compte tenu de l’ensemble de la preuve dont il est saisi, le Tribunal conclut que l’appelante a quitté son emploi pour fréquenter l’école. Les tribunaux ont bien établi que de quitter un emploi pour parfaire des études non autorisées par la Commission, n’est pas justifiée de ce faire au sens de la Loi (Canada (Procureur général) c. Côté, 2006 CAF 219).

[23] La décision de l’appelante de retourner aux études est un choix personnel, et même si un choix personnel peut être un motif valable, cela n’est pas synonyme avec le fait qu’elle est tenue de prouver qu’elle était fondée à quitter son emploi et avec le fait de faire supporter par d’autres le fardeau du chômage de l’appelante (White, ci-dessus; Tanguay c. Canada (Commission d’assurance-chômage), A-1458-84).

[24] Le terme « justification » n’est pas synonyme de « raison valable ». La question ne consiste pas à déterminer s’il était raisonnable de la part de l’appelante de quitter son emploi, mais bien à déterminer si sa seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, était qu’elle quitte son emploi (Canada (Procureur général) c. Laughland, 2003 CAF 129).

[25] L’appelante a la responsabilité de prouver qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi et de démontrer que son départ de son emploi, au moment où elle l’a fait, était sa seule solution raisonnable. Compte tenu de l’ensemble des circonstances, l’appelante avait d’autres solutions raisonnables, comme obtenir l’approbation nécessaire pour quitter son emploi et pour participer à son cours, pour repousser sa formation jusqu’à ce qu’elle reçoive une telle approbation et ne pas faire le choix personnel de quitter son emploi pour fréquenter l’école de sa propre initiative.

Question en litige no 3 : Si l’appelante n’était pas fondée à quitter volontairement son emploi, a-t-elle, depuis son départ, occupé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis pour être admissible au bénéfice de prestations?

[26] L’article 7 de la Loi prévoit, en partie, si une personne est admissible au bénéfice de prestations. Pour recevoir des prestations, une personne doit avoir accumulé, au cours de sa période de référence, un nombre minimal d’heures d’emploi assurable.

[27] Le paragraphe 7(2) de la Loi établit le nombre d’heures d’emploi assurable devant être accumulées au cours d’une période de référence afin d’établir la période de prestations. Le nombre minimal d’heures est fondé sur la région où réside la personne ainsi que sur le taux régional de chômage dans cette région.

[28] Pour que l’appelante puisse recevoir des prestations régulières, elle doit avoir accumulé le nombre minimal d’heures d’emploi assurable depuis qu’elle a volontairement quitté son emploi sans justification. L’appelante a présenté une demande initiale de prestations le 21 mai 2017. L’intimée a imposé à l’appelante une inadmissibilité de durée indéfinie parce qu’elle a quitté volontairement son emploi sans justification le 28 août 2016. Elle a ensuite obtenu l’approbation par l’entremise du programme provincial pour sa formation débutant le 10 septembre 2017, et même si elle a été autorisée à quitter son emploi le 24 août 2017, elle ne pouvait pas avoir été autorisée à quitter son emploi le 28 août 2016. L’appelante a présenté deux demandes renouvelées de prestations supplémentaires le 22 juin 2017 et le 10 septembre 2107, dans lesquelles elle a affirmé qu’elle avait travaillé depuis qu’elle avait rempli sa dernière demande de prestations d’AE.

[29] L’intimée soutient que l’appelante avait besoin d’avoir accumulé 420 heures d’emploi assurable pour établir une demande de prestations. Le relevé d’emploi soumis par l’employeur révèle que l’appelante avait accumulé 211 heures d’emploi assurable lorsqu’elle travaillait en 2017, et par conséquent, elle n’est pas admissible à des prestations.

Conclusion

[30] Après avoir tenu compte de l’ensemble des circonstances, le Tribunal conclut que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle avait été fondée à volontairement quitter son emploi et est exclue du bénéfice de prestations, conformément aux articles 29 et 30 de la Loi.

[31] L’appelante n’a pas accumulé suffisamment d’heures d’emploi assurable depuis qu’elle a volontairement quitté son emploi sans justification afin qu’elle soit admissible au bénéfice de prestations, conformément à l’article 7 de la Loi.

[32] L’appel est rejeté.

 

Mode d’instruction :

Comparutions :

Téléconférence

R. E., appelante

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi
  1. 29 Pour l’application des articles 30 à 33 :
    1. a) « emploi » s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
    2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
    3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
      1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
      2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
      3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
    4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
      1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
      2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
      3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
      4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
      5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
      6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
      7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
      8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
      9. (ix) modification importante des fonctions,
      10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur
      11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
      12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
      13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
      14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.
  2. 30(1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :
    1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
    2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.
  3. (2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.
  4. (3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.
  5. (4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.
  6. (5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.
  7. (6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.
  8. (7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations — qu’elle soit initiale ou non — n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.
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