Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté. La demande de l’appelante ne peut pas être antidatée étant donné qu’elle n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable pendant toute la période du retard dans la présentation de sa demande initiale de prestations.

Aperçu

[2] L’appelante travaillait comme serveuse dans un restaurant lorsque son employeur a arrêté de lui donner des quarts de travail, en novembre 2016. Lors de ses nombreuses communications avec son employeur, celui-ci refusait de dire qu’elle avait été congédiée. Elle attendait qu’on l’inscrive de nouveau à l’horaire, ce qui n’est jamais arrivé. L’appelante a présenté une demande initiale de prestations en juillet 2017, et l’intimée a déterminé qu’elle n’avait pas accumulé un nombre suffisant d’heures d’emploi assurable pour établir une période de prestations. L’appelante a demandé à l’intimée d’antidater sa demande au 21 novembre 2016, date qui correspond à sa dernière journée de travail. L’intimée a rejeté sa demande d’antidatation, car elle a établi que l’appelante n’avait pas de motif valable pour avoir retardé la présentation de sa demande initiale. Le Tribunal doit déterminer si sa demande peut être antidatée.

Questions en litige

[3] Question en litige no 1 : l’appelante a-t-elle démontré qu’elle avait un motif valable pendant toute la période qui s’est écoulée avant qu’elle ne remplisse sa demande initiale?

[4] Question en litige no 2 : si l’appelante avait un motif valable pour justifier le retard, aurait-elle été admissible au versement de prestations le 21 novembre 2016?

Analyse

[5] L’antidatation des demandes initiales est expliquée au paragraphe 10(4) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi). La Loi prévoit que lorsque le prestataire présente une demande initiale de prestations après le premier jour où il remplissait les conditions requises pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si le prestataire démontre qu’à cette date antérieure il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations et qu’il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.

Question en litige no 1 : l’appelante a-t-elle démontré qu’elle avait un motif valable pendant toute la période qui s’est écoulée avant qu’elle ne remplisse sa demande initiale?

[6] Non. Le Tribunal estime que l’appelante n’a pas démontré qu’elle avait une raison valable pendant toute la période du retard.

[7] L’appelante doit démontrer qu’elle avait un motif valable justifiant le fait qu’elle n’a pas présenté de demande de prestations pendant toute la période du retard, soit du 21 novembre 2016, jour qui correspond à la dernière journée de travail de l’appelante, au 17 juin 2017, jour où elle a présenté sa demande initiale de prestations.

[8] Le motif valable n’est pas la même chose que le fait d’avoir une bonne raison ou une justification pour le retard. Afin d’établir l’existence d’un motif valable, l’appelante doit démontrer qu’elle a fait ce qu’une personne raisonnable et prudente aurait fait dans les mêmes circonstances pour s’enquérir de ses droits et de ses responsabilités selon la Loi (Canada (Procureur général) c. Mauchel, 2012 CAF 202).

[9] L’appelante soutient qu’elle a travaillé au restaurant pendant sept ans et qu’elle avait habituellement trois ou quatre quarts de travail par semaine. Son gestionnaire établissait l’horaire, et elle n’avait aucun contrôle sur le choix des jours ou des quarts de travail qui lui étaient attribués. Elle a déclaré dans son témoignage qu’elle a vécu une échec matriomonial à l’automne 2016 et qu’elle a pris trois jours de congé pour déménager ses effets personnels de sa résidence familiale à la maison de son fils. Après cela, elle a téléphoné à son gestionnaire pour connaître son horaire de la semaine suivante, et ce dernier lui a dit que ce n’était pas occupé et qu’il n’avait pas eu besoin de l’inscrire à l’horaire. Elle a déclaré qu’elle avait continué d’appeler une ou deux fois par semaine pour savoir si elle avait été de nouveau inscrite à l’horaire et qu’elle obtenait la même réponse. Elle a demandé si elle avait été congédiée, et son gestionnaire lui a dit qu’elle n’avait pas été congédiée, que ce n’était simplement pas assez occupé pour qu’il l’inscrive à l’horaire.

[10] L’appelante a présenté l’horaire produit par son employeur qui montre qu’elle était encore inscrite à l’horaire hebdomadaire au moins jusqu’en avril 2017 et que tous ses quarts de travail portaient la mention [traduction] « ABSENTE ». L’appelante a fait valoir qu’elle croyait que son gestionnaire la punissait en la faisant attendre d’être inscrite à l’horaire, et qu’il avait fait cela une fois au cours de l’année précédente. Elle a affirmé qu’il ne l’avait pas inscrite à l’horaire pendant trois semaines au cours de l’année précédente et que lorsqu’elle avait demandé s’il avait mis fin à son poste, il avait répondu par la négative et l’avait de nouveau inscrite à l’horaire. Elle fait valoir qu’elle croyait que ce serait la même chose cette fois-ci, puisque son gestionnaire lui a dit à plusieurs reprises qu’elle n’avait pas été congédiée.

[11] L’intimée a présenté des entrevues avec l’appelante dans lesquelles elle mentionne que ses appels hebdomadaires ont continué jusqu’en février 2017, moment où elle a perdu espoir d’être inscrite à nouveau à l’horaire et où elle a arrêté d’appeler son employeur. Lors d’entrevues ultérieures, l’appelante mentionne qu’elle a arrêté d’appeler son employeur en mars 2017. L’appelante a déclaré lors de son audience qu’elle a arrêté de téléphoner en mai 2017, et qu’elle a finalement réalisé, en juin 2017, qu’on ne la rappellerait plus pour effectuer ce travail. Interrogée à propos de ses réponses différentes à cette question, l’appelante a convenu qu’elle ne pouvait pas se rappeler la chronologie exacte et qu’elle n’avait pas de registre d’appels facilement accessible afin de vérifier l’information. Elle a déclaré qu’il est possible que ses souvenirs des événements aient été justes au cours des premières entrevues, puisqu’ils étaient plus frais à sa mémoire à ce moment-là. Le Tribunal accepte cette explication et privilégie les déclarations fournies par l’appelante à l’intimée selon lesquelles elle a arrêté de communiquer avec son ancien employeur en mars 2017.

[12] Le Tribunal estime que le refus de l’employeur de l’informer de son congédiement, même lorsque la question lui était posée directement, a sérieusement empêché l’appelante d’entreprendre assez rapidement des démarches pour connaître et comprendre ses droits et obligations concernant les prestations d’assurance-emploi. L’appelante croyait l’employeur lorsqu’il lui disait qu’elle n’avait pas été congédiée, et elle pensait être toujours à son emploi pendant cette période. Il est évident que l’appelante a réalisé, en mars 2017, que son employeur ne la rappellerait pas pour travailler, car c’est à ce moment-là qu’elle a cessé de communiquer régulièrement avec lui. D’après le témoignage de l’appelante et les observations écrites, le Tribunal estime que l’appelante avait un motif raisonnable de croire qu’elle serait rappelée au travail de novembre 2016 à mars 2017 et, par conséquent, avait un motif valable de présenter sa demande initiale de prestations en retard.

[13] Lors d’entrevues avec l’intimée, l’appelante a déclaré qu’elle voulait trouver un autre travail et ne voulait pas toucher de prestations d’assurance-emploi (AE). Elle croyait aussi qu’elle ne pourrait pas présenter de demande de prestations d’AE sans le relevé d’emploi (RE) de son employeur, qui n’avait pas encore été produit. L’appelante convient qu’elle a commencé à chercher un autre travail en mai 2017 et qu’elle avait espéré trouver un autre emploi rapidement, sans avoir recours à l’AE. D’après les observations de l’intimée et le témoignage de l’appelante, le Tribunal estime que l’appelante a commencé à chercher du travail en mai 2017 et que le retard dans la présentation de sa demande était attribuable au fait qu’elle espérait trouver un nouvel emploi et à sa présomption erronée selon laquelle elle devait avoir son relevé d’emploi pour pouvoir présenter une demande de prestations.

[14] L’intimée soutient que le manque de connaissances de l’appelante au sujet du processus d’AE ne constitue pas une justification du retard dans la présentation de sa demande initiale de prestations et que, même après avoir réalisé qu’on ne la rappellerait pas pour qu’elle reprenne son poste, l’appelante n’a pas pris de mesures concrètes pour s’enquérir de ses droits et obligations concernant son admissibilité aux prestations d’AE. L’appelante convient qu’elle n’a pas communiqué avec l’intimée pour s’enquérir de l’AE avant le 20 juin 2017, jour où elle a présenté sa demande initiale de prestations par téléphone.

[15] Le Tribunal est d’avis que la présomption erronée de l’appelante selon laquelle elle ne pouvait pas présenter de demande de prestations sans avoir une copie de son RE ne peut pas servir à prouver l’existence d’un motif valable, car elle n’a pris aucune mesure pour vérifier sa présomption pendant toute la période du retard dans la présentation de sa demande de prestations. Une personne raisonnable dans sa situation aurait demandé des renseignements sur son admissibilité aux prestations, et il est déraisonnable d’avoir omis de le faire alors qu’il existe tellement de moyens disponibles pour se renseigner : par téléphone, en personne, en ligne.

[16] L’intimée a fourni au Tribunal une note de son conseiller en santé mentale, datée du 1er novembre 2017, selon laquelle l’appelante a eu des problèmes de santé et a vécu des transitions de vie au cours de la dernière année qui ont fait qu’il était difficile pour elle de se concentrer et de suivre le processus de présentation de sa demande de prestations d’AE en temps opportun. L’appelante a déclaré dans son témoignage qu’un de ses parents était décédé à l’automne 2016 et qu’elle s’était occupée du nettoyage de la maison de ce parent et de la succession pendant plusieurs mois. Peu de temps avant qu’elle perde son emploi, elle s’était séparée de son époux après 37 ans de mariage. Son époux a vendu la résidence familiale, ce qui l’a obligée à aller vivre chez l’un de ses enfants. Elle a déclaré dans son témoignage qu’il s’agissait d’une période chargée en émotions et qu’elle a souffert de dépression, mais elle admet qu’elle n’a pas demandé de soins médicaux, à part ses rencontres avec son conseiller en santé mentale.

[17] À défaut de circonstances exceptionnelles, il est attendu qu’une personne raisonnable prendrait des mesures rapidement pour comprendre ses droits et ses obligations reconnus par la Loi (Canada (Procureur général) c. Somwaru, 2010 CAF 336).

[18] L’appelante fait valoir que son état mental était perturbé par le stress psychologique qu’elle vivait et qui avait une incidence sur sa capacité de prendre des décisions et de composer avec la situation. Le Tribunal accepte le témoignage de l’appelante et la note de son conseiller en santé mentale selon lesquels elle vivait un niveau de stress accablant au moment de sa cessation d’emploi, mais estime qu’il n’y a pas de preuve démontrant que les circonstances qui se sont produites pendant toute la période du retard ou que les problèmes de santé et les transitions de vie ont empêché l’appelante de communiquer avec l’intimée. L’appelante a aussi déclaré dans son témoignage que son rendement au travail ne s’est pas détérioré en raison des bouleversements survenus dans sa vie personnelle, qu’elle s’est absentée du travail seulement pendant trois jours en raison de sa séparation, et qu’elle avait téléphoné à son employeur pour s’informer de son horaire de travail immédiatement après cela.

[19] Le Tribunal reconnaît les problèmes vécus par l’appelante au cours de la dernière année; cependant, il estime que si ces situations n’ont pas eu d’incidence sur sa capacité de fonctionner dans sa vie quotidienne, alors ces situations n’étaient pas exceptionnelles au point qu’elles l’auraient empêchée de s’informer au sujet de son admissibilité aux prestations après avoir accepté la perte de son emploi en mars 2017. Le Tribunal estime qu’aucun élément de preuve n’appuie le fait que ses problèmes l’ont empêchée de communiquer avec l’intimée si elle était capable de demeurer en contact avec son ancien employeur et de chercher un autre travail pendant la période du retard.

[20] Le Tribunal est d’avis que l’appelante n’a pas agi comme une personne raisonnable et prudente se trouvant dans la même situation l’aurait fait pour se renseigner sur ses droits et obligations après avoir réalisé qu’elle ne serait pas rappelée au travail en mars 2017. En conséquence de quoi le Tribunal conclut que l’appelante n’avait pas de motif valable justifiant la période du retard d’avril 2017 au 20 juin 2017. Par conséquent, le Tribunal estime que l’appelante ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait de démontrer qu’elle avait un motif valable pour justifier toute la période du retard.

Question en litige no 2 : si l’appelante avait un motif valable pour justifier le retard, aurait-elle été admissible au versement de prestations le 21 novembre 2016?

[21] Étant donné que le Tribunal a conclu que l’appelante n’a pas démontré l’existence d’un motif valable pour justifier le retard dans la présentation de sa demande initiale pendant toute la période, du 21 novembre 2016 au 17 juin 2017, la question de savoir si elle aurait été admissible aux prestations à la date antérieure n’a pas besoin de faire l’objet d’un examen, car l’appel ne peut pas être accueilli sans que ces deux facteurs soient respectés. Pour cette raison, le Tribunal ne tirera pas une autre conclusion sur l’admissibilité de l’appelante aux prestations à la date antérieure.

Conclusion

[22] La demande ne peut pas être antidatée, car l’appelante n’a pas démontré que, pendant toute la période du retard, elle a fait ce qu’une personne raisonnable dans sa situation aurait fait pour s’enquérir de ses droits et de ses obligations. Il n’était pas nécessaire de tenir compte de la question de savoir si l’appelante aurait été admissible à la date antérieure.

[23] L’appel est rejeté.

 

Mode d’instruction :

Comparutions :

Téléconférence

M. M, appelante

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

10 (4) Lorsque le prestataire présente une demande initiale de prestations après le premier jour où il remplissait les conditions requises pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si le prestataire démontre qu’à cette date antérieure il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations et qu’il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.

Règlement sur l’assurance-emploi
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.