Assurance-emploi (AE)

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Décision et Motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli, et la question relative à l'antidatation est renvoyée à la division générale aux fins de réexamen.

Apercu

[2] L'appelant, J. C., a quitté son emploi en date du 31 juillet 2015 et, le 15 août 2011, il a quitté le Canada pour se rendre en Afrique, où son frère était souffrant. Son absence a été de nature prolongée étant donné qu'il est lui-même tombé malade et que son frère est décédé le 30 mars 2016. L'appelant est revenu au Canada le 17 avril 2016 ou vers cette date et il a présenté une demande de prestations d'assurance-emploi (AE) le 20 avril 2016. L'intimée, la Commission de l'assurance-emploi du Canada, a conclu que l'appelant n'avait pas accumulé suffisamment d'heures d'emploi assurable dans les 52 semaines précédentes afin d'être admissible aux prestations, ce que l'appelant ne conteste pas. La Commission a également conclu que la demande de l'appelant ne pouvait pas être antidatée (considérée comme ayant été présentée à une date antérieure).

[3] La division générale du Tribunal de la sécurité sociale a rejeté l'appel interjeté par l'appelant contre la décision de la Commission. La permission d’en appeler devant la division d’appel a été accordée en avril 2017. J'accueille l'appel de l'appelant au motif que la division générale a commis une erreur dans son interprétation du paragraphe 10(4) de la Loi sur l'assurance-emploi (Loi sur l’AE) et qu'il n'a pas tenu compte de la question de savoir si la demande de l'appelant pouvait être datée à une date antérieure à celle de l'interruption de la rémunération.

Participation à l'appel

[4] La Commission n'a pas comparu à l'audience initiale relative à l'appel, et l'appelant n'a pas comparu à la nouvelle audience mise au rôle relativement à l'appel. Étant convaincue dans les deux cas que les parties avaient reçu un avis, l'audience a continué en l'absence de la Commission (le 6 décembre 2017) et en l'absence de l'appelant (le 19 mars 2018), conformément au paragraphe 12(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions en litige

[5] La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée relativement au nombre d'heures requis aux fins d'admissibilité aux prestations?

[6] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en rendant sa décision, particulièrement en ce qui concerne l'interprétation du paragraphe 10(4) de la Loi sur l'AE?

[7] Si la division générale a commis une erreur, quelle est la réparation appropriée?

Analyse

Nombre d'heures requis aux fins d'admissibilité aux prestations

[8] La permission d'en appeler a été accordée parce qu'une possible erreur de fait aurait été commise au sujet du nombre d'heures requis afin que l'appelant soit admissible aux prestations en avril 2016. Un des moyens d’appel prévu à l'alinéa 58(1)c) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) est celui selon lequel la division générale « a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ».

[9] La Commission a présenté à la division générale une preuve sous forme de tableau représentant le taux de chômage de chômage et les prestations pour la région économique de l'AE du Sud de l'Alberta (GD4-2). Comme il est énoncé dans le tableau figura à l'alinéa 7(2)b) de la Loi sur l'AE, ce taux de chômage correspond à une exigence de 595 heures d'emploi assurable au cours de la période de référence. La division générale a convenu que 595 heures d'emploi assurable étaient requises. Je conviens avec la Commission que la division générale n'a pas fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée relativement aux heures assurables requises aux fins d'admissibilité aux prestations.

Interprétation du paragraphe 10(4) de la Loi sur l'AE

[10] Un autre moyen d’appel prévu à l’alinéa 58(1)b) de la Loi sur le MEDS, est celui selon lequel la division générale « a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier. Selon le libellé catégorique de l'alinéa 58(1)b) et conformément aux observations de la Commission, aucune déférence n'est due à l'endroit de la division générale en ce qui a trait aux erreurs de droit.

[11] Les faits en l’espèce sont clairs. L'appelant n'a pas présenté une demande de prestations d'AE après avoir quitté son emploi le 31 juillet 2015 parce qu'il était sur le point de quitter le pays. Il avait saisi qu'il ne pouvait pas toucher de prestations alors qu'il se trouvait en Afrique et il avait l'intention de présenter une demande à son retour au Canada. Toutefois, l'appelant est demeuré en Afrique plus longtemps que prévu. Il a été atteint d'une maladie, son frère est décédé le 30 mars 2016, il est revenu chez lui un peu plus de deux semaines plus tard, et il a présenté une demande de prestations d'AE trois jours après son retour, le 20 avril 2016.

[12] Il est important de reconnaître qu'il n'y a aucune obligation prévue par la loi selon laquelle l'appelant devait présenter une demande de prestations d'AE en août 2015, car il ne demandait pas de prestations à ce moment-là. En effet, il semble que l'appelant aurait eu suffisamment d'heures assurables afin d'être admissible aux prestations d'AE s'il avait présenté une demande à n'importe quel moment avant le 16 avril 2016Note de bas de page 1 (avec un nombre de semaines de prestations différent, selon la date de la demande initiale et le taux de chômage). Cependant, au moment où il a présenté une demande le 20 avril 2016, il n'était plus admissible aux prestations parce qu'il avait moins de 595 heures d'emploi assurable au cours des 52 semaines précédentes.

[13] L'antidatation est un mécanisme permettant d'établir la date de demande initiale à une date antérieure. Elle est régie par le paragraphe 10(4) de la Loi sur l'AE :

Lorsque le prestataire présente une demande initiale de prestations après le premier jour où il remplissait les conditions requises pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si le prestataire démontre qu’à cette date antérieure il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations et qu’il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard. [mis en évidence par la soussignée]

[14] La Commission a maintenu sa décision initiale de ne pas verser les prestations d'AE après avoir tenu compte de la possibilité d'une antidatation de la demande sans élaborer : la décision découlant de la révision et datée du 11 juillet 2016 fait seulement état de ce qui suit : [traduction] « Question en litige : antidatation; Nous avons le regret de vous informer que nous n'avons pas modifié notre décision [...] » Étant donné que cette décision ne renvoie pas à une ou des dates particulières pour l'antidatation, je suppose que l'antidatation de la demande initiale présentée le 20 avril 2016 a été refusée. Il s'agissait de la question en litige devant la division générale.

[15] La division générale a conclu que l'appelant devait avoir raisonnablement cherché à obtenir des renseignements sur son admissibilité à l'AE avant d'avoir quitté le Canada ou pendant séjour en Afrique, et qu'il n'avait pas un motif valable au cours du délai de huit mois, d'août 2015 à avril 2016. Je conviens avec la Commission qu'il n'existe aucune erreur de fait susceptible de révision à cet égard dans la décision de la division générale relativement à une antidatation au 1er août 2015. Cependant, de façon générale, la question de l'antidatation faisait l'objet de l'appel, mais la division générale a seulement tenu compte de la question de savoir si la demande initiale de prestations de l'appelant pouvait être antidatée en août 2015, et non à une autre « date antérieure ». Pour introduire la question de l'antidatation pendant l'audience, la membre a informé l'appelant que la Loi sur l'AE prévoyait qu'il devait présenter une demande aussitôt qu'il devient admissible au versement de prestations et qu'il n'avait pas démontré l'existence d'un motif valable concernant l'ensemble du délai. Étant donné que l'appelant était non représenté, cela l'a effectivement empêché de discuter d'une antidatation ultérieure au cours de l'audience. Les observations de la Commission présentées à la division d'appelant abordaient semblablement la question de l'antidatation au 1er août 2015 seulement. Lorsqu'on lui a demandé des observations sur la prise en considération d'une autre antidatation de la part de la division générale, la représentante de la Commission était d'avis qu'aucune erreur n'avait été commise, car le paragraphe 10(4) de la Loi sur l'AE prévoit l'antidatation seulement jusqu'à l'interruption de la rémunération, et qu'il faut un motif valable pour toute la période remontant jusqu'en août 2015.

[16] Le libellé du paragraphe 10(4) de la Loi sur l'AE est sans équivoque. Il prévoit l'antidatation à « une date antérieure », et non seulement à l'interruption de la rémunération ou à la date à laquelle la partie prestataire a commencé à être admissible aux prestations. En l'espèce, l'appelant ne cherchait clairement pas à obtenir des prestations à partir d'août 2015. Même s'il n'était pas familier avec la période de référence et les heures, il a compris avec raison qu'il n'était pas admissible au versement de prestations d'AE pendant son absence du Canada (article 37 de la Loi sur l'AE). Il n'a pas demandé une antidatation précise, et la Commission a refusé l'antidatation en général dans sa décision. À mon avis, l'omission par la division générale de tenir compte de l'antidatation à une date antérieure à laquelle l'appelant était admissible au versement des prestations ainsi que l'explication par la membre de l'antidatation de l'appelant démontre que la membre a interprété le paragraphe 10(4) comme une disposition permettant seulement d'antidater la demande au moment de l'interruption de la rémunération. Cela correspond à une mauvaise interprétation du paragraphe 10(4) et constitue une erreur de droit.

[17] En raison de cette erreur, l'appel de la décision relative à l'antidatation a été rejeté sans tenir compte d'autres dates. Bien qu'il n'incombe pas à la division générale de tenir compte par elle-même de chaque « date antérieure » possible pour une antidatation, elle aurait dû préciser la portée de la question relative à l'antidatation auparavant en examinant la question des autres antidatations en collaboration directe avec l'appelant à la lumière des circonstances de l'espèce : l'antidatation a été refusée dans son ensemble par la Commission; l'appelant n'a pas demandé une antidatation à la date d'interruption de la rémunération; il avait prévu présenter une demande à une date ultérieure à l'interruption de la rémunération; une antidatation à la date d'interruption de la rémunération risquait d'être désavantageuse étant donné que la période de prestations se serait terminée plus tôt; il existait d'autres dates évidentes d'antidatation qui auraient pu être prises en considération.

Réparation

[18] L'appelant n'a pas participé à la nouvelle audience mise au rôle, et la représentante de la Commission a refusé de fournir une observation concernant la question de savoir si une antidatation à une date précise autre que cette du 1er août 2015 devrait être accordée au titre du paragraphe 10(4) de la Loi sur l'AE. Par conséquent, j'estime qu'il est convenable de renvoyer l'affaire à la division générale aux fins de réexamen, conformément à l'article 59 de la Loi sur le MEDS. La division générale doit déterminer la position de l'appelant sur une antidatation à une ou à des dates antérieures (autres que celle du 1er août 2015), et de décider si la demande initiale du 20 avril 2016 doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure (c.‑à‑d. antidatée) au titre du paragraphe 10(4) de la Loi sur l'AE.

Conclusion

[19] L’appel est accueilli relativement à la question de l'antidatation. Cette question est renvoyée à la division générale aux fins de réexamen, conformément à la directive susmentionnée.

Date de l’audience :

Mode d'instruction :

Comparutions :

Les 6 décembre 2017 et 19 mars 2018

Téléconférence

J. C., appelant (6 décembre 2017)
S. Prud'homme, représentante de l'intimée (19 mars 2018)

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