Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal conclut que le prestataire a prouvé qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi et il ne sera pas exclu du bénéfice des prestations.

Aperçu

[2] Le prestataire a présenté une demande renouvelée de prestations d’assurance-emploi en raison de manque de travail. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (intimée) a rejeté sa demande de prestations, car elle a conclu qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification. À la suite d’une demande de révision, l’intimée a modifié sa décision et a annulé l’exclusion. L’appelant (employeur) a contesté la décision et a interjeté appel en faisant valoir que le prestataire a démissionné en raison de son refus de suivre leurs méthodes et techniques de vente éprouvées, et par conséquent, ce dernier devrait être exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Questions préliminaires

[3] L’appelant ne s’est pas présenté à l’audience. Le reçu de livraison de Postes Canada démontre que l’avis d’audience a été livré avec succès à l’appelant le 16 janvier 2018. Le Tribunal était convaincu que la partie a reçu l’avis d’audience et a tenu l’audience selon les pouvoirs qui lui sont conférés au titre du paragraphe 12(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions en litige

[4] Question 1 : Le prestataire a-t-il volontairement quitté son emploi?

[5] Question 2 : Le prestataire était-il fondé à quitter volontairement son emploi, car son employeur a changé ses conditions d’emploi?

Analyse

[6] Les dispositions législatives pertinentes sont présentées à l’annexe de la décision en l’espèce.

[7] Le paragraphe 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) prévoit qu’un prestataire doit être exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi s’il quitte volontairement son emploi sans justification.

Question 1 : Le prestataire a-t-il volontairement quitté son emploi?

[8] Oui. Le Tribunal conclut que le prestataire a volontairement quitté son emploi.

[9] Il incombe à l’intimée de prouver que le départ était volontaire (White, 2011 CAF 190).

[10] Le Tribunal conclut que l’intimée a démontré que le prestataire a quitté volontairement son emploi. L’appelant concède que le prestataire a quitté son emploi, car son employeur a changé ses conditions d’emploi en lui imposant de voyager à trois heures de sa maison s’il souhaitait continuer à y travailler.

Question 2 : Le prestataire était-il fondé à quitter volontairement son emploi, car son employeur a changé ses conditions d’emploi?

[11] Oui. Le Tribunal a conclu que le prestataire a démontré qu’il n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi lorsque son employeur a modifié de manière significative ses conditions d’emploi.

[12] Il incombe au prestataire qui a volontaire quitté son emploi de prouver qu’il avait un motif valable de le faire, car il n’existait aucune autre solution raisonnable de quitter son emploi à ce moment-là. Compte tenu de toutes les circonstances, le critère à appliquer se rapporte à la question de savoir si, selon la prépondérance des probabilités, le départ du prestataire constitue la seule solution raisonnable (Rena-Astronomo (A-141-97).

[13] L’alinéa 29c) de laLoi sur l’AE prévoit qu’un employé est fondé à quitter son emploi si, compte tenu des circonstances énumérées dans une liste, notamment celles du sous-alinéa (ix) : modification importante des fonctions.

[14] L’intimée a conclu que le prestataire était fondé à quitter son emploi au titre du sous-alinéa 29c)(ix) : modification importante des fonctions. Toutefois, l’employeur conteste cette décision.

[15] L’intimée a communiqué avec l’employeur afin d’obtenir des renseignements visant à déterminer si le prestataire devait voyager jusqu’à X pour accomplir son travail.

[16] L’employeur a affirmé que le prestataire doit être exclu du bénéfice des prestations puisqu’il a démissionné pour des motifs personnels puisqu’il souhaitait travailler à sa façon et mener ses ventes différemment. Il n’a fourni aucun avis faisant état qu’il y avait du travail pour le prestataire. L’employeur a mentionné qu’il n’a pas à fournir de renseignements relatifs au fait que le prestataire s’est vu retirer sa clientèle à X et qu’il devait dorénavant travailler à X.

[17] Le prestataire a précisé que les allégations de l’employeur selon lesquelles il a refusé de suivre les méthodes et techniques de vente éprouvées de l’entreprise sont fausses, tout comme celle selon laquelle il n’a jamais demandé d’aide supplémentaire. Il fait valoir que son gestionnaire l’abusait verbalement et le réprimandait, ce qui l’a poussé à se plaindre auprès du directeur des ventes; toutefois, ce dernier lui a mentionné que le gestionnaire rapportait beaucoup d’argent à l’entreprise et qu’il ne comptait rien faire à propos de sa situation. Le prestataire rapporte qu’il a tenté de faire en sorte que ça fonctionne, mais on lui a dit qu’il n’y avait plus de suffisamment de clientèle à X, et que s’il souhaitait demeurer dans l’entreprise, il devrait faire le trajet jusqu’à X pour travailler et il ne disposait d’aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi. Il ajoute que puisque son employeur lui retirait sa clientèle à X et que le trajet vers X prenait trois heures, il était impossible pour lui de demeurer dans l’entreprise. Le prestataire fait aussi valoir qu’il s’agissait d’une modification importante de ses conditions d’emploi puisqu’il a été embauché pour travailler dans la région de X où il vivait et auprès de la clientèle fournie par l’employeur.

[18] Un employé est en droit de s’attendre à ce que l’employeur respecte les conditions de son contrat de travail et qu’il ne procède pas unilatéralement à des modifications importantes de ses tâches. La Loi sur l’AE n’exige pas que ce soit une situation d’urgence qui mène à la rupture de l’emploi, mais il faut que ce soit une modification importante et que dans les circonstances, le départ constitue la seule raison raisonnable.

[19] Lorsque des modifications importantes sont apportées aux conditions d’emploi, un prestataire est fondé à quitter son emploi. Le mot « importantes » au sous-alinéa (ix) a été interprété comme « de grande portée, supérieur à la normale ». En examinant si les modifications constituent un motif valable, il faut noter que ceux-ci doivent provenir de l’employeur.

[20] Le Tribunal estime que les modifications provenaient de l’employeur puisque retirer la clientèle à X au prestataire et lui imposer d’effectuer un trajet de trois heures de sa résidence pour continuer à travailler constitue une modification importante des fonctions.

[21] Le Tribunal estime que le prestataire, selon la prépondérance des probabilités, ne disposait d’aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi comme il l’a fait lorsque son employeur a décidé de lui retirer sa clientèle à X et s’attendait à ce qu’il modifie immédiatement son lieu de travail à X, qui est située à trois heures de sa résidence. Compte tenu de toutes les circonstances, le Tribunal estime que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi.

Conclusion

[22] L’appel est rejeté.

 

Mode d’instruction 

Comparutions

Téléconférence

T. M., prestataire

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi
  1. 29 Pour l’application des articles 30 à 33 :
    1. a) « emploi » s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
    2. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
      1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
      2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
      3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
      4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
      5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
      6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
      7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
      8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
      9. (ix) modification importante des fonctions,
      10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
      11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
      12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
      13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
      14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.
  2. 30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :
    1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
    2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.
  3. (2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.
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