Assurance-emploi (AE)

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Décision et Motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Apercu

[2] La demanderesse (prestataire) a quitté son emploi à la fin du mois de décembre 2016, après avoir accepté, en avril 2016, une offre d’indemnité de départ volontaire à la retraite. Au moment où elle a accepté l’indemnité de départ offerte, la prestataire était aux prises avec de nombreux problèmes de santé et craignait de ne pas savoir composer avec l'alourdissement de sa charge de travail. Elle a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi, mais sa demande a été rejetée sur le fondement qu’elle avait quitté volontairement son emploi sans justification. La prestataire a demandé une révision. Dans une lettre datée du 7 avril 2017, la défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a confirmé le maintien de sa décision. La prestataire a ensuite interjeté appel auprès de la division générale du Tribunal, mais celle-ci a confirmé que son départ n’avait pas été la seule solution raisonnable dans son cas, et a rejeté son appel. La prestataire demande maintenant la permission d’en appeler à la division d’appel.

[3] L’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Je ne puis conclure que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle, a commis une erreur de droit, ou a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Questions en litige

[4] Est-il défendable que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle?

[5] Est-il défendable que la division générale a commis une erreur de droit?

[6] Est-il défendable que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée selon laquelle le départ de la prestataire n’avait pas été la seule solution raisonnable dans son cas, et qu'elle a tiré cette conclusion de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

Analyse

Principes généraux

[7] La division générale doit examiner et apprécier les éléments de preuve portés à sa connaissance, puis tirer des conclusions de fait. Elle doit également tenir compte du droit applicable, qui comprend les dispositions de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) et du Règlement sur l’assurance-emploi qui sont pertinentes aux questions en litige, ainsi que les décisions judiciaires ayant interprété ces dispositions législatives. Enfin, la division générale doit appliquer le droit aux faits pour tirer ses conclusions quant aux questions qu’elle doit trancher.

[8] La prestataire n’a pas eu gain de cause devant la division générale, et la division d’appel est maintenant saisie de sa demande. La division d’appel ne peut infirmer une décision de la division générale que si celle-ci a commis des erreurs de types précis, qui sont appelées les « moyens d’appel ».

[9] Au titre du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] L’appel ne peut être accueilli à moins que l’une de ces erreurs n’eût été commise par la division générale, et ce, même si la division d’appel ne souscrit pas à la conclusion de la division générale ou à l’issue de l’affaire.

[11] À cette étape, pour pouvoir accorder la permission d’en appeler et permettre à l’appel d’être poursuivi, il me faut conclure qu’au moins l’un des moyens d’appel confère à l’appel une chance raisonnable de succès. Il a été établi qu’une chance raisonnable de succès équivaut à une cause défendable.Note de bas de page 1

[12] Dans sa demande de permission d’en appeler, la prestataire a sélectionné, comme raisons pour la présentation de sa demande, les trois moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Elle a aussi joint à sa demande une lettre expliquant pourquoi elle n’était pas d’accord avec la conclusion de la division générale. La division d’appel y a donné suite en transmettant à la prestataire une lettre datée du 9 janvier 2018, qui spécifiait davantage ce que suppose la preuve de chacun de ces moyens d’appel et lui demandait de préciser ses moyens d’appel. Le 16 janvier 2018, la prestataire a discuté de cette lettre avec un agent du Tribunal, qui a souligné qu’il lui fallait exposer une erreur qui cadre avec l’un des moyens d’appel. Le 29 janvier 2018, la prestataire a répondu en développant les préoccupations qu’elle avait initialement soulevées par rapport à la décision.

Justice naturelle

[13] Dans sa réponse à la demande de clarification, la prestataire a soutenu que la division générale n’avait pas bien traité de certaines questions, qu’elle dit représenter des [traduction] « observations de la justice naturelle » (AD1A-3).

[14] Le concept de justice naturelle fait référence à l’équité du processus et inclut des protections procédurales telles que le droit de bénéficier d’un décideur impartial et le droit d’une partie d’être entendue et de connaître les arguments avancés contre elle. La prestataire n’a soulevé aucune question relativement à la conformité de l’avis d’audience, à la divulgation de documents avant l’audience, à la façon dont l’audience a été tenue ou à sa compréhension de l’instance, ni à toute autre action ou procédure qui aurait pu brimer son droit d’être entendue ou de se défendre. Elle n’a pas non plus laissé entendre que le membre de la division générale aurait été partial ou qu’il aurait préjugé l’affaire.

[15] J’estime qu’il n’existe pas de cause défendable sous le prétexte que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle. Je vais examiner ci-dessous l’argument de la prestataire, selon lequel la division générale n’a pas bien traité des questions qu’elle a soulevées, à l’égard du troisième moyen d’appel, et déterminer si la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Erreur de droit

[16] La prestataire n'a pas soulevé d’erreurs de droit, et aucune erreur de ce type ne ressort à la lecture du dossier. Il n’existe pas de cause défendable au motif que la division générale aurait commis une erreur de droit.

Conclusion selon laquelle un départ n’était pas la seule solution raisonnable de la prestataire

[17] Les arguments de la prestataire laissent croire qu'elle pense que son départ avait constitué la seule solution raisonnable dans son cas. Elle affirme que la division générale n’a pas tenu compte de sa preuve, notamment des éléments suivants :

  • L’employeur cherchait des circonstances opportunes pour réduire ses effectifs (ou [traduction] « se départir » d’effectifs);
  • Elle était dans un stade avancé de sa carrière et l’indemnité de départ lui avait permis de partir dignement;
  • Son niveau de stress aggravait ses problèmes de santé;
  • Elle avait besoin de se reposer et de récupérer avant de chercher un emploi moins stressant;
  • Elle tient à protéger sa vie privée, et c’est pour des raisons culturelles qu’elle n’a pas informé son employeur de sa situation personnelle, notamment de ses problèmes de santé;
  • Elle avait peur de divulguer des renseignements médicaux et de prendre un congé autorisé comme cela aurait des conséquences sur son poste à son retour;
  • Elle avait essayé de chercher un emploi avant que ses problèmes de santé l’en rendent incapable.

[18] En application de l’article 30 de la Loi sur l’AE, un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement un emploi sans justification. En l’espèce, le fait que la prestataire a quitté volontairement son emploi n’a pas été contesté. Je dois déterminer s’il est défendable que la prestataire l’a quitté « sans justification ».

[19] Le concept de justification est décrit à l’alinéa 29c) de la Loi sur l’AE. Cette disposition prévoit que « le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances […], son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas ». Ainsi, les circonstances de la prestataire qui sont pertinentes relativement à la décision de la division générale sont celles qui influenceraient l’existence de solutions raisonnables autres que son départ.

[20] Je souligne que la division générale a reconnu et accepté que la prestataire était atteinte d’importants problèmes de santé, qu’elle avait été assujettie à des attentes et à une charge de travail accrues durant plusieurs années avant son départ, que la pression et sa charge de travail aggravaient ses problèmes de santé, et qu’elle avait accepté l’indemnité de départ parce qu’elle avait besoin de récupérer avant de trouver un poste moins stressant. Par conséquent, la division générale a accepté que la prestataire avait était soumise à une modification importante de ses fonctions (pour l’application de l’al. 29c)(ix) de la Loi sur l’AE) et à des conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité (pour l’application de l’al. 29c)(iv) de la Loi sur l’AE).

[21] La division générale a aussi admis la preuve de la prestataire voulant que l’employeur était intéressé à voir ses employés parfaire leur éducation, mais elle a constaté que l’employeur n’avait pas obligé la prestataire à le faire. La division générale a admis la preuve de l’employeur voulant que la prestataire aurait vraisemblablement continué à travailler pour lui jusqu’en 2020 si elle n’avait pas accepté l’indemnité de départ. Elle a jugé que l’employeur n’avait pas exercé une pression indue sur la prestataire pour qu’elle parte.

[22] Il semble que la division générale a non seulement tenu compte de l’ensemble de la preuve se rapportant aux circonstances relatives à l’emploi de la prestataire et à son départ, mais qu’elle a aussi ajouté foi à la plus grande partie de cette preuve. Qui plus est, la division générale a compris la plupart des éléments de preuve de la même manière que la prestataire. Celle-ci l’a reconnu et a affirmé ceci : [traduction] « Le Tribunal comprend la situation difficile dans laquelle je me trouvais et la décision difficile que je dois prendre en raison de mon problème de santé persistant » (AD1-4).

[23] En évaluant les solutions raisonnables dont disposait la prestataire, la division générale semble avoir pris en considération toutes les circonstances que la preuve laissait entrevoir. Par conséquent, elle a conclu que la prestataire aurait pu parler à son employeur de ses difficultés pour savoir si des changements pouvaient être apportés, ou obtenir une note médicale qu’elle aurait pu remettre à son employeur dans le but de prendre un congé de maladie ou de  bénéficier de tâches adaptées.

[24] La prestataire n’a invoqué aucune erreur possible à cet égard, si ce n’est que pour dire que la division générale n’a pas tenu compte de sa tradition culturelle de maintien d’une [traduction] « séparation de la vie privée», qu’elle avait invoquée pour justifier de ne pas avoir recouru aux autres « options » (solutions raisonnables). Elle prétend que sa culture et ses traditions l’auraient empêchée de parler de ses problèmes de santé à son employeur.

[25] Si la division générale ne tient pas expressément compte d’une prédisposition culturelle chez la prestataire en matière de protection de la vie privée, il n’y a aucune raison évidente pour qu’elle le fasse. La division générale ne disposait d’aucune preuve étayant la présente prétention de la prestataire voulant qu’elle ne pouvait pas parler de ses problèmes de santé pour des raisons culturelles. Au contraire, la preuve donnait plutôt à penser qu’elle avait fait part de ses problèmes de santé à son employeur, du moins dans une certaine mesure. Elle avait mentionné ses problèmes de santé à un employé des ressources humaines (paragraphe 20 de la décision), de même qu’à son gestionnaire (paragraphe 22 de la décision). De plus, lorsqu’elle avait expliqué à la division générale pourquoi elle n’avait pas voulu que son employeur soit au courant de ses problèmes de santé, elle avait avancé d’autres motifs. Elle avait dit que c’était parce qu’elle [traduction] « essayait de régler le problème elle-même » et [traduction] « estimait que ce n’était pas nécessaire » (paragraphe 25 de la décision). Elle a aussi affirmé qu’elle n’avait pas parlé de sa santé parce qu’elle craignait que son employeur la pousse à partir ou qu’on la fasse partir hâtivement (paragraphes 17 et 27[b]), et parce qu’elle ne voulait pas que cela nuise à ses antécédents professionnels.

[26] Je ne peux pas conclure qu’il existe une cause défendable au motif que la division générale a erré en ne tenant pas compte des préoccupations liées à la culture de la prestataire ou à la protection de sa vie privée pour évaluer les solutions raisonnables à son départ. La prestataire n’a présenté à la division générale aucune preuve qui lui aurait permis de conclure que ces circonstances étaient pertinentes.

[27] J’ai examiné le dossier afin de déterminer si la division aurait ignoré ou mal interprété certains éléments de preuve, selon la directive fournie par la Cour fédérale.Note de bas de page 2 Par contre, je n’ai trouvé aucun élément de preuve qui aurait été ignoré ou mal interprété, et aucune autre erreur évidente non plus.

[28] Je comprends que la prestataire n’est pas d’accord avec les conclusions tirées dans cette décision ni avec son résultat, et qu’elle souhaiterait que j’apprécie de nouveau la preuve pour arriver à une conclusion différente. Par contre, lorsqu’il me faut déterminer si j’accorde la permission d’en appeler, mon rôle ne consiste pas à apprécier de nouveau la preuve ni à soupeser de nouveau les facteurs qui ont déjà été considérés dans le but d’arriver à une conclusion différente.Note de bas de page 3

[29] Je conclus donc que la prestataire n’est pas parvenue à soutenir de manière défendable que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[30] L’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[31] La demande est rejetée.

Représentants :

Y. C., non représentée

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