Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal conclut que la Commission de l’assurance-emploi du Canada n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire en refusant la prorogation du délai pour présenter une demande de révision. Le Tribunal estime toutefois que le prestataire n’a pas satisfait aux critères énoncés à l’article 1 du Règlement sur les demandes de révision (Règlement sur les DR) qui permet d’accorder à l’appelant un délai supplémentaire pour interjeter appel.

Aperçu

[2] Le prestataire a réactivé sa période de prestations pour une demande de prestations d’assurance-emploi (AE) débutant le 7 décembre 2015; il a toutefois quitté le Canada le 11 janvier 2016. Dans une lettre datée du 30 janvier 2016, la Commission a informé le prestataire qu’il était exclu des prestations d’AE à compter du 11 janvier 2016 puisqu’il était en vacances à l’extérieur du Canada À son retour, le prestataire a présenté une demande de réactivation de sa période de prestations et la Commission l’a informé dans une lettre datée du 30 juin 2016 qu’il était exclu du bénéfice des prestations d’AE. Après sa troisième demande de réactivation de sa période de prestations présentée le 7 décembre 2016, le prestataire a déposé deux demandes de révision les 23 et 25 janvier 2017. La Commission a déterminé que les demandes de révision ont été présentées au-delà du délai de trente jours prévu à l’article 112 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). Le prestataire a interjeté appel devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Question préliminaire

[3] Si une partie omet de se présenter à l’audience, le Tribunal peut procéder en son absence, s’il est convaincu qu’elle a été avisée de la tenue de l’audience au titre du paragraphe 12(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

[4] Les renseignements provenant de Postes Canada démontrent que le représentant du prestataire a accusé réception l’avis d’audience le 14 janvier 2018. La même journée, le représentant a aussi signé l’avis d’audience destiné au prestataire. En se basant sur cette preuve, le Tribunal est convaincu que le prestataire et son représentant ont reçu l’avis d’audience. Par conséquent, le Tribunal a tenu l’audience en l’absence du prestataire. Le Tribunal remarque aussi que le prestataire n’a pas communiqué avec le Tribunal dès la fin de l’audience afin de demander un ajournement ou d’exprimer son désir de participer à l’audience.

Question en litige

  1. À quel moment la décision de la Commission a-t-elle été communiquée au prestataire?
  2. La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a rejeté la demande de prorogation du délai de trente jours pour présenter une demande de révision du prestataire?

Analyse

[5] Les dispositions législatives pertinentes sont présentées à l’annexe de la décision en l’espèce.

[6] Alors que la Commission a refusé de proroger le délai pour présenter une demande de révision, la seule question dont est saisi le Tribunal est à savoir si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en refusant de proroger le délai. Si le Tribunal conclut que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, le Tribunal peut rendre la décision que le Commission aurait dû rendre.

[7] Le Tribunal doit d’abord déterminer si la demande prorogation du délai pour présenter une demande de révision du prestataire a bel et bien été présentée en retard. Un prestataire peut demander la révision d’une décision dans les trente jours suivant la date où la décision lui a été communiquée au titre de l’alinéa 112(1)a) de la Loi sur l’AE.

1. À quel moment la décision de la Commission a-t-elle été communiquée au prestataire?

[8] Le Tribunal reconnaît qu’il y a une importante confusion au dossier et que ni la Commission ni le Tribunal n’ont été en mesure de communiquer avec le prestataire. La Commission a rendu deux décisions. Le 30 janvier 2016, elle a rejeté la demande de prestations d’AE puisqu’il était à l’extérieur du Canada. Le 30 juin 2016, sa demande a été réactivée à compter du 22 mai 2016, mais il a été exclu du bénéfice des prestations d’AE puisque la Commission n’a pas pu trancher la fin des vacances du prestataire. Le prestataire a présenté deux demandes de révision les 23 et 25 janvier 2017. Les deux demandes sont similaires et contiennent des renseignements semblables. Étant donné que le prestataire n’a pas participé à l’audience, le Tribunal n’a pas été en mesure de déterminer quelle décision la Commission doit examiner.

[9] Dans ses demandes de révision, le prestataire mentionne ne pas avoir reçu de lettre et qu’il a uniquement pris connaissance des décisions lorsqu’il s’est connecté pour consulter les rapports. Toutefois, il a aussi mentionné qu’il est retourné au Canada le 20 mai 2016 et qu’il était au pays pendant la production des rapports.

[10] La Commission a soutenu que les lettres concernant la décision dataient du 30 janvier et du 30 juin 2016 et qu’elles ont été expédiées à l’adresse actuelle du prestataire. Il s’agit de la même adresse énoncée dans les trois demandes de prestations d’AE, ses deux demandes de révision et son avis d’appel. La Commission affirme qu’aucune lettre n’a été retournée au destinateur puisqu’elle ne pouvait pas être livrée par Postes Canada.

[11] Le Tribunal conclut que la déclaration du prestataire selon laquelle il n’a pas reçu les lettres n’est pas crédible puisqu’elle était de retour au Canada au moment de l’envoi de la deuxième lettre concernant la décision et il a mentionné avoir continué à présenter ses rapports. Le Tribunal n’a aucune raison de douter de la preuve de la Commission selon laquelle aucune lettre n’a été retournée au destinateur puisqu’elle ne pouvait pas être livrée, et à tout le moins, le prestataire était au fait des décisions lorsqu’il a rempli ses rapports en ligne.

[12] Par conséquent, le Tribunal est convaincu que la première décision a été communiquée au prestataire à son retour au Canada, soit le 20 mai 2016, et la seconde l’a été le 30 juin 2016. Le Tribunal conclut que le prestataire a présenté des demandes de révision tardives.

2. La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a rejeté la demande de prorogation du délai de trente jours pour présenter une demande de révision du prestataire?

[13] Une décision rendue par la Commission concernant une prorogation du délai pour présenter une demande de révision est discrétionnaire (Daley c. Procureur général du Canada, 2017 CF 297). Toutefois, la décision de la Commission peut seulement être modifiée si cette dernière n’a pas exercé son pouvoir de façon judiciaire (Canada (Procureur général) v. Knowler, A-445-05). Un pouvoir discrétionnaire n’est pas exercé de façon judiciaire si l’on parvient à établir que le décideur a agi de mauvaise foi, ou dans un but ou pour un motif irrégulier, qu’il a pris en compte un facteur non pertinent ou ignoré un facteur pertinent ou qu’il a agi de manière discriminatoire (Canada (Procureur général) c. Purcell, 1 CF 644).

[14] Les critères auxquels doit satisfaire le prestataire afin de se voir accorder une prorogation de délai est énoncé à l’article 1 du Règlement sur les DR. Lorsque les circonstances énoncées aux paragraphes 1(2) du Règlement sur les DR s’appliquent, le prestataire peut alors satisfaire aux quatre critères prévus aux paragraphes 1(1) et 1(2) du Règlement sur les DR qui sont :

  1. Le prestataire doit démontrer qu’il a une explication raisonnable pour justifier son retard à présenter sa demande;
  2. Il doit démontrer l’intention constante de demander une révision;
  3. Si la demande de révision est présentée par un prestataire qui a soumis une autre demande de prestations d’AE après que la décision lui ait été communiquée, puis la Commission doit aussi être convaincue que la demande de révision a une chance raisonnable de succès;
  4. Si cela ne porte pas préjudice à la Commission ou à aucune autre partie.

[15] Le Tribunal conclut que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. La Commission a affirmé que de proroger le délai de trente jours pour présenter une demande de révision porterait préjudice aux autres prestataires qui se sont vus refuser une prorogation puisqu’ils n’ont pas satisfait aux mêmes conditions. Toutefois, au titre du paragraphe 1(2) du Règlement sur les DR, la Commission doit aussi être convaincue que l’autorisation du délai supplémentaire ne lui porte pas préjudice ni d’ailleurs à aucune autre partie. Le Tribunal conclut que tous les autres prestataires qui se sont vus refuser la prorogation ne sont pas des parties dans le cadre de l’appel en espèce ni la Commission. Par conséquent, le Tribunal conclut que la Commission a tenu compte d’information impertinente.

[16] Étant donné que le Tribunal conclut que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, il doit déterminer si le prestataire a satisfait les exigences énoncées au Règlement sur les DR afin de déterminer s’il faut accorder une prorogation au délai de trente jours.

a) Explication raisonnable du retard

[17] Le Tribunal conclut que le prestataire n’a pas prouvé qu’il ait une explication raisonnable pour justifier son retard lorsqu’on lui a communiqué les décisions les 20 mai et 30 juin 2016, ainsi que les 23 et 25 janvier 2017 soit lorsqu’il a présenté ses demandes de révision.

[18] Le prestataire a mentionné qu’il est retourné au Canada le 20 mai 2016 et il s’est rapporté en ligne. Il précise qu’il est retourné au travail et qu’il a continué à remplir ses rapports en ligne, mais que les questions étaient différentes. On lui a demandé : [traduction] « Êtes-vous retourné au Canada durant la période relative à ce rapport? » Ce à quoi il a répondu « non » à chaque occasion puisqu’il ne s’est pas de nouveau absenté du Canada; par conséquent, comment peut-il être retourné? Toutefois, le Tribunal conclut que le 29 mai 2016, le prestataire a présenté une demande de réactivation de sa période de prestations pour une demande de prestations régulières d’AE. Par conséquent, le Tribunal n’est pas convaincu que le prestataire a rempli le rapport mentionnant qu’il était retourné au Canada.

[19] À la suite de la présentation de sa demande de prestations du 29 mai 2016, la Commission a tenté de communiquer avec le prestataire les 27 et 28 juin 2016; elle a laissé des messages, mais le prestataire n’a jamais répondu. Le 30 juin 2016, la Commission a envoyé la lettre concernant la décision dans laquelle elle rejette la demande de prestations d’AE du prestataire à compter du 22 mai 2016 puisqu’il n’a pas rendu les deux appels et que la Commission n’a pas été en mesure de trancher la fin des vacances du prestataire. Puis, le 7 décembre 2016, le prestataire a présenté une demande de réactivation de sa période de prestations pour des prestations régulières d’AE. Il a mentionné dans sa demande qu’il a travaillé du 3 juin au 6 décembre 2016. La Commission a envoyé une lettre datée du 20 février 2017 dans laquelle elle demande au prestataire de communiquer avec elle. Le 2 mars 2017, la Commission a communiqué avec le prestataire et son épouse a mentionné qu’il se trouvait à l’extérieur du Canada. La Commission a conclu qu’elle ne réexaminerait pas sa décision puisque le délai de trente jours était écoulé.

[20] Le prestataire a mentionné dans son avis d’appel que son emploi est très demandant et qu’il dispose de courtes pauses pendant ses longues journées de travail, ce qui l’empêche d’effectuer des appels au cours desquels il devrait passer de longs moments en attente. Il ajoute que son épouse a essayé d’appeler, mais qu’elle n’a rien trouvé en son nom.

[21] Le Tribunal conclut que les raisons données par le prestataire selon lesquelles il était très occupé au travail ou qu’il s’est absenté du pays ne constituent pas des motifs raisonnables pour justifier le retard. Il incombe au prestataire de veiller à ce qu’il satisfasse aux exigences énoncées dans la Loi sur l’AE afin qu’il touche les prestations d’AE. Le prestataire a continué de remplir ses rapports et il a admis que les questions étaient différentes de celles des autres années, mais il n’a pas déployé d’effort pour communiquer avec la Commission ou se rendre dans un centre de Service Canada. Il a aussi omis de rendre les appels de la Commission ou de répondre à la lettre lui demandant de communiquer avec elle. Par conséquent, le Tribunal conclut que le prestataire n’a pas fourni une explication raisonnable pour expliquer le retard.

b) Le prestataire a-t-il manifesté l’intention constante de présenter une demande de révision?

[22] Le Tribunal estime que le prestataire n’a pas agi avec la diligence à laquelle on peut s’attendre de la part d’un prestataire qui demande la révision de la décision de la Commission. Bien que le prestataire a rempli ses rapports et présenté de nouvelles demandes de réactivation de sa période de prestations, il n’a pas déployé d’effort pour communiquer avec la Commission afin de clarifier les différences aux questions du rapport ou la façon de procéder s’il est en désaccord avec les décisions rendues par la Commission. La preuve démontre que le prestataire n’a rien déposé jusqu’à ce qu’il présente une demande de réactivation de sa demande de prestations d’AE. Par conséquent, le Tribunal estime que le prestataire n’a pas manifesté l’intention constante de demander la révision.

Conclusion

[23] Le critère juridique exige que les quatre facteurs prévus dans le Règlement sur les DR soient respectés afin que la demande de prorogation de délai du prestataire pour présenter une demande de révision à la Commission soit accueillie. Étant donné que le prestataire n’a pas satisfait aux deux premiers critères, le Tribunal conclut que l’appel du prestataire est voué à l’échec.

[24] Le Tribunal conclut que la demande de prorogation du délai de trente jours pour présenter une demande de révision au titre du paragraphe 112(1) de la Loi sur l’AE est rejetée.

[25] L’appel est rejeté.

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

112(1) Quiconque fait l’objet d’une décision de la Commission, de même que tout employeur d’un prestataire faisant l’objet d’une telle décision, peut, dans les trente jours suivant la date où il en reçoit communication, ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorder, et selon les modalités prévues par règlement, demander à la Commission de réviser sa décision.

(2) La Commission est tenue d’examiner de nouveau sa décision si une telle demande lui est présentée.

(3) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, préciser les cas où la Commission peut accorder un délai plus long pour présenter la demande visée au paragraphe (1). »

Règlement sur les demandes de révision

1(1) Pour l’application du paragraphe 112(1) de la Loi sur l’assurance-emploi et sous réserve du paragraphe (2), la Commission peut accorder un délai plus long pour la présentation d’une demande de révision, si elle est convaincue, d’une part, qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai et, d’autre part, que l’intéressé a manifesté l’intention constante de demander la révision.

(2) Dans les cas ci-après, la Commission doit aussi être convaincue que la demande de révision a des chances raisonnables de succès et que l’autorisation du délai supplémentaire ne lui porte pas préjudice ni d’ailleurs à aucune autre partie :

  1. a) la demande de révision est présentée après l’expiration du délai de trois cent soixante-cinq jours suivant le jour où l’intéressé a reçu communication de la décision;
  2. b) elle est présentée par une personne qui a fait une autre demande de prestations après que la décision lui a été communiquée;
  3. c) elle est présentée par une personne qui a demandé à la Commission d’annuler ou de modifier la décision en vertu de l’article 111 de la Loi sur l’assurance-emploi.
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