Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est accueilli. Eu égard à l’ensemble de la preuve, la demande de révision n’a pas été présentée en retard.

Aperçu

[2] L’appelant travaillait comme pompier dans une communauté éloignée. Lorsqu’il a quitté son emploi, il a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi (AE). La Commission de l’assurance-emploi du Canada (intimée) a établi une période de prestations, qui a ensuite donné lieu à un trop-payé conséquemment au constat que l’appelant avait présenté son revenu d’emploi de façon inexacte et quitté volontairement son emploi. Un trop-payé a été établi à l’égard de l’appelant, mais celui-ci prétend qu’il n’avait pas connaissance de la somme due comme il n’avait jamais reçu les messages téléphoniques ni les lettres à ce sujet. L’appelant a demandé à l’intimée de procéder à une révision de sa décision, mais cette dernière a rejeté sa demande de révision comme elle avait été présentée plus de 30 jours après la communication de sa décision. L’appelant interjette maintenant appel auprès du Tribunal dans le but de faire infirmer la décision concernant la prorogation du délai de présentation de la demande de révision.

Questions en litige

[3] La demande de révision a-t-elle été présentée en retard?

[4] L’intimée a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en refusant d’accorder à l’appelant un délai supplémentaire pour présenter une demande de révision?

Analyse

[5] Conformément au paragraphe 112(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi), un prestataire peut demander à la Commission de réviser sa décision dans les 30 jours suivant la date où il en reçoit communication. La Commission a le pouvoir discrétionnaire d’accepter une demande de révision présentée après ce délai de 30 jours (Daley c. Canada (Procureur général), 2017 CF 297).

[6] Le Règlement sur les demandes de révision (Règlement) énonce le critère à considérer pour déterminer s’il convient de proroger le délai de présentation d’une demande de révision. Le paragraphe 1(1) édicte que l’intimée peut accorder un délai plus long pour la présentation d’une demande de révision « si elle est convaincue, d’une part, qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai » et, d’autre part, que le demandeur « a manifesté l’intention constante de demander la révision ».

[7] Dans les cas où la demande de révision est présentée après l’expiration du délai de 365 jours suivant le jour où le demandeur a reçu communication de la décision, le paragraphe 1(2) prévoit deux conditions additionnelles : l’intimée « doit aussi être convaincue que la demande de révision a des chances raisonnables de succès » et que « l’autorisation du délai supplémentaire ne lui porte pas préjudice ni d’ailleurs à aucune autre partie ».

[8] Les décisions discrétionnaires méritent une déférence considérable et le Tribunal ne peut toucher à une décision de l’intimée que s’il conclut que celle-ci n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire « de façon judiciaire » (Canada (Procureur général) c. Sirois, A-600-95). Selon l’interprétation des cours, « de façon judiciaire » signifie que l’intimée a agi de bonne foi, en tenant compte de tous les facteurs pertinents et en ignorant les facteurs non pertinents (Sirois, supra).

Question 1 : La demande de révision a-t-elle été présentée en retard?

[9] La demande de révision n’a pas été présentée en retard. La décision initiale de l’intimée a été rendue au moyen d’une lettre datée du 27 mai 2016. L’appelant a présenté une demande de révision le 22 août 2017. Même si la demande de révision a été présentée plus de 365 jours après la date où la décision avait été postée à l’appelant, la loi édicte qu’un prestataire peut demander la révision d’une décision dans les 30 jours suivant la date où il en reçoit communication.

[10] L’appelant a affirmé, durant l’audience de cette affaire, qu’il avait quitté son emploi en Alberta pour retourner en Colombie-Britannique lorsqu’il y avait eu un manque de travail, mais il avait déménagé de nombreuses fois après son retour. Il estimait être retourné en Colombie-Britannique vers le milieu ou la fin de 2015, même s’il ne se souvenait plus de la date exacte. Il a déclaré que, lorsqu’il était retourné en Colombie-Britannique, il avait habité brièvement avec ses parents, pour faire le pont entre d’autres appartements. L’appelant a affirmé qu’il avait plusieurs fois emménagé avec ses parents pour quelques semaines à la fois, en se préparant à déménager ailleurs. Il a déclaré qu’il avait conservé l’adresse de ses parents à titre d’adresse domiciliaire pour permettre une certaine continuité dans le courrier et pour ne pas devoir modifier son adresse auprès de chaque fournisseur de services chaque fois qu’il changeait d’endroit physiquement. Malheureusement, même s’il a affirmé qu’il ne voulait pas blâmer sa famille, il a aussi dit que son père avait souffert de plusieurs accidents vasculaires cérébraux et que sa mémoire faisait souvent défaut. L’appelant ne sait pas si l’état de santé de son père a quelque chose à voir avec le fait qu’il n’avait pas reçu son courrier, mais il soupçonne que ses lettres ont parfois été accidentellement égarées ou jetées.

[11] L’appelant a affirmé que ses parents ne le prévenaient pas s’ils recevaient des lettres qui lui étaient adressées et, même s’il avait reçu certaines lettres, on ne lui avait jamais dit qu’il avait des lettres de l’Agence du revenu du Canada (ARC) ou de l’intimée. De plus, il n’avait connaissance d’aucun message téléphonique, bien que la preuve de la Commission révèle que deux messages lui avaient été laissés après un enregistrement l’identifiant clairement comme le propriétaire de la boîte vocale. L’intimée a aussi soutenu que l’appelant avait toujours indiqué le même numéro de téléphone, soit son celui de son cellulaire, dans sa demande initiale de prestations, sa demande de révision ainsi que son avis d’appel, ce qui va à l’encontre de la prétention de l’appelant selon laquelle il n’aurait reçu aucun message dans sa boîte vocale à ce sujet. L’appelant a affirmé qu’il ne se rappelait avoir reçu aucun message téléphonique, et a réitéré qu’il ignorait les problèmes liés à son dossier d'AE jusqu’à ce que le service de comptabilité de son nouvel emploi l’informe que le gouvernement saisissait son salaire et qu’il appelle pour en connaître la raison. Il n’avait pas pu expliquer pourquoi il n’avait pas reçu les messages vocaux de l’intimée, mais a répété au Tribunal qu’il ne les avait jamais reçus.

[12] Le Tribunal juge que l’appelant est un témoin fiable puisqu’il a livré un témoignage crédible et cohérent. L’appelant a fourni des explications raisonnables à l’appui de ses affirmations concernant la non-réception de son courrier. L’appelant a témoigné qu’il avait fréquemment déménagé après avoir quitté son emploi en Alberta et, comme il ignorait le problème concernant sa demande d’AE, il ne savait pas qu’il devait effectuer un suivi auprès de l’intimée. L’appelant a agi de façon raisonnable en se rendant au centre local de Service Canada après avoir eu vent de sa dette pour la première fois par l’entremise de son employeur et en présentant alors une demande de révision. Même si l’appelant a dit à l’intimée qu’elle avait dû avoir un mauvais numéro de téléphone ou avoir envoyé son courrier à la mauvaise adresse, le Tribunal juge que rien ne révèle qu’il aurait délibérément voulu le tromper.

[13] L’affaire dont est saisi le Tribunal est de savoir si l’intimée a communiqué sa décision à l’appelant. Bien qu’il n’existe pas de jurisprudence interprétant le sens de « communication » dans le cadre de la Loi, la Cour d’appel fédérale a statué, dans Bartlett c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 230, que c’est au décideur qu’il incombe de démontrer qu’il y a eu communication de la décision :

[39] […] À mon avis, si la lettre du 2 février 2009 devait être considérée comme fixant le point de départ du délai dont l’appelante disposait pour déposer une demande de contrôle judiciaire, il appartenait alors à l’intimé de démontrer que l’appelante avait bel et bien reçu la lettre, c’est-à-dire que le représentant de la ministre avait effectivement communiqué la décision à l’appelante […]. Il n’incombait pas à l’appelante de prouver qu’elle n’avait pas reçu la décision en cause, mais plutôt à l’intimé d’établir que celle-ci avait effectivement été communiquée à l’appelante. (mis en évidence par la soussignée)

[14] La communication suppose une action concrète de la part du décideur dans le but d’informer une partie du contenu et des conséquences d’une décision. Le fardeau de prouver cette communication repose sur le décideur. Il n’est pas nécessaire, dans le cadre de la communication, que tous les détails soient transmis à la partie ni que celle-ci soit informée de son droit de faire appel ou de demander une révision.

[15] L’intimée soutient que l’appelant avait seulement pris contact afin de demander une révision à la suite de la saisie de son salaire. Bien que l’intimée ait aussi affirmé qu’il était [traduction] « difficile d’imaginer » que l’appelant n’ait reçu aucun avis en dépit des nombreux moyens auxquels elle avait recouru pour communiquer avec lui, c’est précisément ce que soutient l’appelant – il ignorait qu’il avait un trop-payé et n’avait jamais été informé de son existence. Compte tenu de la preuve au dossier et du témoignage livré durant l’audience de cette affaire, le Tribunal admet que l’appelant ignorait l’existence du trop-payé jusqu’à la saisie de son salaire. Lorsque le service de comptabilité de sa compagnie l’a avisé de la saisie de son salaire, l’appelant a communiqué avec l’intimée et demandé une révision. L’intimée n’a pas prouvé qu’il y avait eu communication de la décision; elle ne s’est donc pas acquittée de son fardeau et la demande de révision ne peut être considérée comme ayant été présentée en retard.

Question 2 : L’intimée a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en refusant d’accorder à l’appelant un délai supplémentaire pour présenter une demande de révision?

[16] Vu la conclusion du Tribunal relativement à la première question en litige, il lui est inutile d’examiner cette seconde question.

Conclusion

[17] L’appel est accueilli. Le Tribunal conclut que la demande de révision n’a pas été présentée en retard et qu’elle doit être examinée comme si elle avait été présentée dans les délais.

Mode d’audience :

Comparutions :

Téléconférence

A. M., appelant

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