Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal conclut, après avoir examiné l’ensemble des circonstances, que l’appelant avait volontairement quitté son emploi sans justification, car il n’a pas démontré que son départ était la seule solution raisonnable. 

Aperçu

[2] L’appelant a quitté son emploi en avril 2017 afin de déménager dans une autre province avec sa conjointe. L’appelant a trouvé un emploi dans sa nouvelle province, mais il a fait une crise de santé mentale plusieurs mois plus tard, et il n’a pas été capable de continuer à travailler. L’appelant a établi une période de prestations pour des prestations de maladie de l’assurance-emploi (AE). Après avoir reçu le nombre maximal de semaines de prestations de maladie, l’appelant a demandé que sa demande soit convertie en prestations régulières. L’intimé a déterminé qu’il était exclu du bénéfice de prestations régulières puisqu’il avait volontairement quitté son emploi en avril 2017 sans justification. L’appelant a fait une demande de révision fondée sur ses antécédents de problèmes de santé mentale. L’intimée a maintenu sa décision initiale. Le Tribunal doit déterminer si l’appelant a volontairement quitté son emploi sans justification.

Questions en litige

[3] Question en litige no 1 : L’appelant a-t-il volontairement quitté son emploi?

[4] Question en litige no 2 : Si tel est le cas, l’appelant était-il fondé à volontairement quitter son emploi?

[5] Question en litige no 3 : Depuis que l’appelant a quitté son emploi en avril 2017, a-t-il accumulé suffisamment d’heures assurables pour être admissible au bénéfice de prestations?

Analyse

[6] Un prestataire est exclu du bénéfice de prestations d’AE s’il a volontairement quitté son emploi sans justification (paragraphe 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi)).

[7] L’intimée détient le fardeau de prouver que l’appelant a quitté son emploi volontairement. Il incombe ensuite à l’appelant de prouver qu’il était fondé à agir ainsi en démontrant que, compte tenu de toutes les circonstances, selon la prépondérance des probabilités, son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas (Canada (Procureur général) c White, 2011 CAF 190). Le terme « fardeau » est employé pour décrire quelle partie doit fournir suffisamment d’éléments de preuve à l’appui de sa position pour répondre au critère juridique. Le fardeau de la preuve, en l’espèce, repose sur la prépondérance des probabilités, ce qui signifie qu’il est « plus probable que non » que les événements soient survenus tels qu’ils ont été décrits.

Question en litige no 1 : L’appelant a-t-il volontairement quitté son emploi?

[8] Au moment de déterminer si l’appelant avait volontairement quitté son emploi, la question à laquelle il faut répondre est la suivante : l’employé avait-il le choix de conserver ou de quitter son emploi? (Canada (Procureur général) c Peace, 2004 CAF 56).

[9] Il est indéniable que l’appelant a volontairement quitté son emploi. L’appelant est d’accord avec le fait qu’il a démissionné de son poste afin de déménager dans une autre province pour habiter avec sa conjointe. De plus, le relevé d’emploi émis par son employeur affichait qu’il avait démissionné. Par conséquent, le Tribunal estime que l’appelant avait eu le choix de conserver son emploi et qu’il a choisi de démissionner. Par conséquent, il a volontairement quitté son emploi.

Question en litige no 2 : L’appelant était-il fondé à volontairement quitter son emploi?

[10] Afin d’établir qu’il avait été fondé à quitter son emploi, l’appelant doit démontrer que compte tenu de l’ensemble des circonstances et selon la prépondérance des probabilités, il n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi. Une liste non exhaustive des circonstances que doit prendre en considération le Tribunal au moment de déterminer si l’appelant avait été fondé à quitter son emploi se trouve à l’alinéa 29c) de la Loi.

[11] L’appelant soutient que la raison principale de sa démission était dans le but de déménager dans une autre province avec sa conjointe. Il a témoigné que sa conjointe avait pris l’avion jusqu’à sa province en avril 2017 et qu’ils avaient pris la décision subite de déménager ensemble dans la province où elle demeure. L’appelant a déclaré qu’il avait avisé son employeur de son intention de démissionner et qu’il avait donné une semaine de préavis. Après avoir arrêté de travailler, lui et sa conjointe sont retournés en voiture jusqu’à sa province afin de déménager ensemble.

Était-il nécessaire que l’appelant accompagne sa conjointe de fait?

[12] La nécessité d’accompagner un époux ou conjoint de fait vers un autre lieu de résidence est l’une des circonstances énumérées dont il faut tenir compte au moment de déterminer si l’appelant avait été fondé à quitter son emploi (sous-alinéa 29c)(ii) de la Loi). L’appelant a témoigné avoir cohabité avec sa conjointe pendant une période d’environ six mois à l’automne 2016, et qu’ils avaient également cohabité en 2017 après être retournés vivre dans sa province. La Loi exige que l’appelant ait cohabité avec sa conjointe depuis au moins un an pour que ce soit considéré comme étant une union de fait (paragraphe 2(1)). Par conséquent, le Tribunal estime que l’appelant et sa conjointe n’étaient pas en union de fait à l’époque où il a donné sa démission et par conséquent, il n’avait pas l’obligation de suivre sa conjointe de fait et de déménager avec elle dans une nouvelle demeure. Par conséquent, le Tribunal estime que la circonstance énumérée au sous-alinéa 29c(ii) de la Loi ne s’applique pas à l’appelant.

L’appelant avait-il l’obligation d’accompagner sa conjointe de fait qui était enceinte?

[13] L’obligation d’accompagner une personne avec qui il vit dans une relation conjugale depuis moins d’un an et qu’ils sont dans l’attente de la naissance d’un enfant constitue l’une des circonstances énoncées au sous-alinéa 29c)(xiv) de la Loi, énumérée au sous-alinéa 51.1a)(ii) du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement).

[14] L’appelant a présenté une demande initiale de prestations le 31 juillet 2017, et dans sa demande, il a écrit qu’il avait quitté son emploi à temps partiel en avril 2017 pour [traduction] « commencer une nouvelle vie avec sa copine qui est tombée enceinte récemment ». L’appelant a témoigné que sa conjointe était tombée enceinte au cours de sa visite dans sa province en avril 2017, ou peu de temps après, et qu’elle a accouché en février 2018. Il a également affirmé qu’au moment où il a donné sa démission, il ne savait pas que sa conjointe était enceinte. Les raisons pour lesquelles l’appelant a quitté son emploi peuvent uniquement être celles dont il était au courant, car il s’agit des raisons qui l’ont poussé à quitter son emploi. Alors, même si elle était bel et bien enceinte à cette époque, s’il ne le savait pas à ce moment-là, alors cela n’aurait pas pu être une circonstance qui l’a mené à prendre la décision de quitter son emploi (Canada (Procureur général) c Lamonde, 2006 CAF 44). Le Tribunal estime que puisque l’appelant ne savait pas que sa conjointe était enceinte à l’époque où il a volontairement quitté son emploi, sa nécessité d’accompagner une autre personne avec qui il attendait un enfant n’est pas une circonstance qui s’applique à l’appelant. 

Autres circonstances

[15] L’appelant a soutenu dans sa demande initiale de prestations que la raison de son départ en avril 2017 était pour commencer une vie avec sa copine nouvellement enceinte dans une autre province. Dans la demande de révision, il a affirmé avoir quitté son emploi en avril 2017 pour des raisons médicales, car il avait fait une crise de santé mentale vers la fin de l’année 2016 et avait été hospitalisé. À l’appui de sa demande de révision, il a fourni à l’intimée des certificats médicaux datant de septembre 2017. Au cours de l’audience, l’appelant a précisé avoir été confus au sujet de l’échéancier de la décision de l’intimée et a fourni ces documents à l’appui de son incapacité à travailler au cours de la période où il a été hospitalisé. Puisque les documents médicaux sont datés de cinq mois après que l’appelant ait volontairement quitté son emploi, ils ne sont pas pertinents à l’affaire dont est saisi le Tribunal.

[16] L’appelant a soutenu qu’il souffre d’une condition médicale grave et que ses symptômes s’aggravent au cours de périodes de stress élevé. Il soutient que le poste qu’il a quitté en avril 2017 lui causait du stress en raison des menaces continues de l’employeur de le congédier et de sa peur que toute erreur mènerait à son congédiement. Il décrit une situation en particulier où son employeur lui a assigné un contrat spécial qui était différent de ses tâches habituelles de travail. L’appelant ne s’était pas présenté au travail cette journée-là, et l’employeur l’a congédié, mais quelques jours plus tard, il a appelé l’appelant pour lui dire qu’il avait changé d’idée et qu’il voulait que l’appelant retourne travailler. L’appelant a témoigné que, en rétrospective, il croit avoir vécu un épisode de maladie mentale au cours de cette période en raison du haut niveau de stress et que cela a influencé sa décision de quitter son emploi. L’appelant a affirmé ne pas avoir consulté de professionnel de la santé à l’époque, car il n’était pas encore habitué à reconnaitre les signes de son problème de santé mentale. Compte tenu du témoignage de l’appelant, le Tribunal estime qu’il a pris la décision de quitter son emploi, en partie, afin d’échapper au stress qu’il ressentait en occupant ce poste.

Les exigences nécessaires pour satisfaire au critère relatif à la justification

[17] La preuve de l’appelant démontre qu’il a pris la décision de quitter son emploi en avril 2017 afin de déménager dans une autre province avec sa conjointe et d’échapper au stress qu’il ressentait en occupant son poste. Le Tribunal estime que, même si la décision de l’appelant de quitter son emploi pourrait être un bon choix personnel dans ce contexte, cela ne suffit malheureusement pas pour établir une justification au sens de l’article 29 de la Loi (Canada (Procureur général) c Graham, 2011 CAF 311).

[18] Le terme « justification » n’est pas synonyme de « raison valable ». La question n’est pas de savoir s’il était raisonnable que l’appelant quitte son emploi, mais plutôt si quitter son emploi était la seule solution raisonnable qui s’offrait à lui, compte tenu de l’ensemble des circonstances (Canada (Procureur général) c Imran, 2008 CAF 17; Canada (Procureur général) c Laughland, 2003 CAF 129).

[19] Le Tribunal compatit avec les problèmes de santé auxquels l’appelant a fait face, mais se fonde sur la jurisprudence qui indique qu’il ne suffit pas à l’appelant de prouver qu’il lui était raisonnable de quitter son emploi, mais plutôt, l’appelant doit prouver qu’après avoir considéré l’ensemble des circonstances, il n’avait aucune autre solution raisonnable que de quitter son emploi.

[20] Le Tribunal estime que l’appelant avait à sa disposition des solutions de rechange raisonnables avant de quitter son emploi, notamment discuter avec son médecin afin de déterminer si le médecin estimait qu’il lui était nécessaire de prendre un congé de maladie ou de quitter son emploi. Il aurait également pu discuter avec son employeur afin de déterminer si les mesures d’adaptations pourraient être prises relativement à son horaire de travail afin de réduire son niveau de stress. De plus, l’appelant aurait pu avoir cherché un autre emploi convenable avant de démissionner. L’appelant n’a pas démontré qu’il n’avait aucune autre solution raisonnable de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait. Par conséquent, il n’avait pas été fondé à volontairement quitter son emploi.

Question en litige no 3 : Depuis que l’appelant a quitté son emploi en avril 2017, a-t-il accumulé suffisamment d’heures assurables pour être admissible au bénéfice de prestations?

[21] L’appelant n’est pas exclu du bénéfice de prestations si, depuis son départ de son emploi, il a occupé un emploi assurable et a accumulé le nombre d’heures requis pour être admissible à des prestations (alinéa 30(1)a) de la Loi).

[22] L’appelant a quitté son emploi le 20 avril 2017. Il s’est trouvé un nouvel emploi après avoir déménagé dans sa nouvelle province, et il a accumulé 316 heures d’emploi assurable du 20 avril 2017 au 16 septembre 2017. L’intimée a soutenu que l’appelant avait besoin de 630 heures assurables, en vertu du tableau des prestations et du taux de chômage pour les régions économiques de l’AE pendant la période relative à la demande de l’appelant. Par conséquent, l’appelant n’a pas accumulé suffisamment d’heures pour être admissible au bénéfice de prestation en vertu de l’article 7 de la Loi et ne répond pas à l’exigence pour ne pas être exclu des prestations prévues à l’alinéa 30(1)a).

Conclusion

[23] L’appel est rejeté. Le Tribunal conclut que l’appelant n’a pas réussi à démontrer qu’il n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait. De plus, il n’a pas accumulé suffisamment d’heures assurables depuis qu’il a quitté son emploi pour être admissible à des prestations, et est par conséquent exclu du bénéfice de prestations.

Mode d’instruction :

Comparutions :

Téléconférence

G. D., appelant

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

29 Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) « emploi  » s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre, (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

(3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.

(4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.

(5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.

(6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.

(7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations — qu’elle soit initiale ou non — n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.

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