Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal conclut que la prestataire n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable pendant toute la période du retard en présentant une demande de prestations d’assurance-emploi (AE); toutefois, la demande d’antidatation est rejetée.

Aperçu

[2] Le 22 novembre 2016, l’appelante (prestataire) a présenté une demande de prestations d’AE; le 30 novembre 2016, elle a demandé que celle-ci soit antidatée à son dernier jour du travail. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a rejeté la demande d’antidatation puisqu’on a déterminé que la prestataire n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable pendant toute la période du retard en présentant une demande de prestations d’assurance-emploi (AE). Elle a affirmé qu’elle n’a pas présenté sa demande immédiatement puisqu’elle comptait se lancer en affaire et se concentrait sur son travail indépendant. Toutefois, la prestataire a mentionné dans l’avis d’appel et pendant l’audience qu’elle attribuait le retard à ce qu’elle considérait comme étant un diagnostic de maladie mentale qui altérait son comportement.

Question en litige

[3] La prestataire est-elle admissible à l’antidatation de sa demande au 30 novembre 2015?

Analyse

[4] L’antidatation ou le fait de considérer une demande d’AE comme ayant été présentée à une date antérieure est prévu au titre du paragraphe 10(4) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). La prestataire doit prouver :

  1. elle est admissible aux prestations d’AE à une date antérieure, ou;
  2. elle avait un motif valable pour son retard durant toute la période écoulée.

[5] L’obligation de présenter avec célérité sa demande de prestations est considérée comme étant très exigeante et très stricte. C’est la raison pour laquelle l’exception relative au « motif valable justifiant le retard » est appliquée parcimonieusement (Canada (Procureur général) c. Brace, 2008 CAF 118).

[6] Le fardeau de la preuve incombe au prestataire (Canada (Procureur général) c. Kaler, 2011 CAF 266).

La prestataire a-t-elle accumulé suffisamment d’heures pour être admissible au bénéfice de prestations d’AE à une date antérieure?

[7] L’Agence du revenu du Canada (ARC) détient la compétence exclusive de déterminer le nombre d’heures d’emploi assurable accumulées par la prestataire au titre de la Loi sur l’AE (Canada (Procureur général) c. Romano, 2008 CAF 117).

[8] Le Tribunal conclut que la prestataire était admissible au bénéfice des prestations d’AE à la date antérieure, soit le 30 novembre 2015. Bien que la Commission ait initialement déterminé que la prestataire était exclue à la date antérieure, un jugement de l’ARC a conclu que les heures d’emploi de la prestataire étaient assurables.

[9] Les parties ont convenu que la prestataire avait besoin de 700 heures d’emploi assurable afin d’être admissible et qu’elle en a accumulé 2080. Par conséquent, le Tribunal conclut que la prestataire était admissible au bénéfice des prestations d’AE à une date antérieure.

La prestataire avait-elle un motif valable pendant toute la période du retard?

[10] Pour démontrer un motif valable pour avoir retardé la présentation de sa demande initiale, le prestataire doit démontrer qu’il a fait ce qu’une personne raisonnable et prudente aurait fait dans les mêmes circonstances pour s’acquitter de leurs obligations et faire valoir leurs droits au titre de la Loi sur l’AE (Kamgar c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 157).

[11] Le Tribunal conclut que la prestataire n’a pas démontré qu’elle a fait ce qu’une personne raisonnable et prudente aurait fait dans les mêmes circonstances.

[12] La raison initiale présentée par la prestataire pour justifier le retard était qu’elle comptait se lancer en affaire, ce pour quoi elle n’a pas présenté de demande de prestations d’AE à la fin de son contrat, soit le 30 novembre 2015. Lorsqu’elle a réalisé en février 2016 qu’elle ne deviendrait pas propriétaire de l’entreprise, elle n’a pas présenté de demande de prestations d’AE puisqu’elle pensait que la période de présentation était échue. C’est seulement en novembre 2016, alors que la prestataire visitait un bureau de Service Canada pour son passeport qu’elle a songé à s’informer à propos des prestations d’AE et qu’on lui a recommandé de présenter une demande. Le Tribunal conclut que la prestataire a retardé la présentation de plus d’un an sur son dernier jour de travail lorsqu’elle a présenté sa demande de prestations d’AE et au cours de cette même année, elle n’a pas communiqué avec la Commission ou Service Canada pour s’enquérir de ses droits et responsabilités concernant les prestations d’AE.

[13] Le 25 mai 2017, la prestataire a communiqué avec la Commission et a de nouveau expliqué qu’elle n’a pas présenté de demande de prestations d’AE à la fin de son emploi puisqu’elle souhaitait investir pour devenir partenaire d’affaires et mettre l’accent sur sa carrière à titre de travailleuse indépendante. La prestataire a alors affirmé qu’elle consultait un thérapeute afin de soigner plusieurs problèmes, tout en précisant que cela ne l’a pas empêché de communiquer avec la Commission ou de présenter une demande de prestations d’AE répétant qu’elle pensait qu’elle deviendrait partenaire, ce pour quoi elle n’a pas présenté de demande de prestations d’AE.

[14] Le motif valable n’est pas la même chose que le fait d’avoir un bon motif ou une justification pour le retard. Le Tribunal conclut que l’intention de la prestataire de devenir partenaire ou le fait qu’elle pensait que la période présentation d’une demande était échue pourrait constituer une bonne raison, mais pas un motif valable pour justifier le retard dans la présentation de sa demande de prestations d’AE. Il incombe au prestataire de protéger sa demande prestations d’AE et s’il y a confusion, il doit communiquer avec la Commission rapidement afin de s’enquérir de ses droits et de ses obligations en vertu de la Loi sur l’AE. Une personne raisonnable dans sa situation aurait demandé des renseignements sur son admissibilité aux prestations par téléphone, en personne ou en ligne.

[15] Toutefois, les tribunaux ont établi le critère de la personne raisonnable en notant que si un prestataire n’a pas agi comme l’aurait fait une personne raisonnable et prudente, il faut tenir compte de la possibilité de l’existence de circonstances exceptionnelles (Canada (Procureur général) c. Caron, A-395-85).

[16] Le 20 juin 2017, la prestataire a présenté un avis d’appel devant le Tribunal mentionnant qu’elle a attendu jusqu’en novembre 2016 pour présenter sa demande de prestations d’AE puisqu’elle a reçu un diagnostic de trouble de la personnalité limite. Elle a précisé que ce trouble de santé mentale a des répercussions sur notre façon de penser, ainsi que sur notre perception de soi et celles des autres personnes sur nous-mêmes, ce qui entraîne des troubles du fonctionnement au quotidien. Elle mentionne qu’un des symptômes consiste en des changements rapides d’identité et d’image de soi, y compris une modification de nos objectifs et de nos valeurs, et c’est pourquoi elle n’a pas présenté de demande.

[17] La prestataire a affirmé que l’ensemble de sa cause porte sur un trouble de la personnalité limite et de la façon que cela pourrait affecter son jugement. Elle affirme que son problème de santé mentale signifie qu’elle peut fonctionner normalement; elle doit s’efforcer afin de vivre sa vie normalement en dépit de ses changements d’émotions intenses. Elle mentionne que ses pensées étaient vraiment troublées et que son jugement était altéré.

[18] Bien que le Tribunal comprenne que le problème de santé mentale de la prestataire puisse troubler ses pensées, il n’est pas convaincu que cela s’inscrit dans la définition de circonstances exceptionnelles qui l’empêcherait d’agir de la façon qu’une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblables. La prestataire était au fait des prestations d’AE. Elle a rempli son relevé d’emploi et elle comprenait qu’en raison de son changement de statut d’emploi vers celui de travailleuse indépendante, elle n’était pas admissible au bénéfice de prestations d’AE. Elle a informé la Commission qu’à compter de février 2016, elle savait qu’elle deviendrait propriétaire et qu’elle devrait dénicher une autre source de revenus, mais elle n’a pas présenté de demande de prestations d’AE puisqu’elle pensait que la période de présentation prévue était échue. La prestataire a affirmé qu’elle s’est attachée émotivement à l’idée de devenir propriétaire. Elle ajoute qu’elle a fait preuve de diligence en cherchant du travail. Le Tribunal conclut que si la prestataire était en mesure de chercher un travail, elle n’était plus émotivement attachée à l’idée de devenir propriétaire; par conséquent, elle était capable de communiquer avec la Commission ou Service Canada afin de s’enquérir des prestations d’AE ou de présenter une demande à cet effet.

[19] La prestataire a mentionné à la Commission qu’elle consultait une thérapeute, mais que cela ne l’empêchait pas de s’enquérir des prestations d’AE ou de présenter une demande à cet effet. Elle affirme qu’elle a mentionné cela à la Commission puisqu’elle avait les moyens de présenter une demande, c’est-à-dire qu’elle pouvait conduire [jusqu’au bureau désigné] ou le faire en ligne, mais que son jugement n’était pas sain. Toutefois, les prestataires ont un devoir de prudence afin de déployer les efforts nécessaires pour obtenir les renseignements relatifs aux prestations (Pirotte c. Commission d’assurance-chômage et autres, A-108-76). Étant donné que la prestataire détenait les moyens de communiquer avec la Commission et qu’elle devait trouver une autre source de revenus ce qui l’a forcé à chercher du travail, le Tribunal conclut que la décision de la prestataire de ne pas s’enquérir des prestations d’AE ou d’en présenter une demande n’était pas attribuable à son problème de santé mentale, mais plutôt au fait qu’elle pensait qu’elle était exclue du bénéfice des prestations puisque la période prévue pour la présentation était échue.

[20] La prestataire soutient qu’elle ne cherche qu’à bénéficier des mêmes prestations auxquelles les autres Canadiens ont droit pendant qu’elle tente de trouver un emploi. Elle affirme qu’elle a appris dans les nouvelles et auprès d’autres bénéficiaires qui reçoivent des prestations d’AE qu’elle pouvait proroger la période de prestations et elle est d’avis qu’il serait juste d’antidater sa demande. Le Tribunal respecte ces arguments; toutefois, cela ne change rien au fait que la prestataire n’a pas présenté de demande de prestations d’AE au cours de l’année suivant la fin de son contrat de travail, et qu’à aucun moment au cours de cette période elle n’a communiqué avec la Commission. De plus, la prestataire n’a pas démontré de circonstance exceptionnelle qui l’aurait empêché de s’enquérir de ses droits et de ses obligations en vertu de la Loi sur l’AE.

Conclusion

[21] Le Tribunal conclut que bien que la prestataire était admissible au bénéfice des prestations d’AE pour une date antérieure, elle n’a pas démontré de motif valable justifiant la présentation tardive de sa demande de prestations d’AE. Par conséquent, elle n’a pas droit à l’antidatation de sa demande au titre du paragraphe 10(4) de la Loi sur l’AE.

[22] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 14 février 2018

Téléconférence

R. R.

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

10(4) Lorsque le prestataire présente une demande initiale de prestations après le premier jour où il remplissait les conditions requises pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si le prestataire démontre qu’à cette date antérieure il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations et qu’il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.

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