Assurance-emploi (AE)

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Motifs et décision

Aperçu

[1] L’appelant a fait établir une période de prestations d’assurance-emploi (AE) à son profit, laquelle a pris effet le 14 septembre 2014. Il a cependant omis de déclarer avoir séjourné à l’étranger à deux reprises pendant sa période de prestations et alors qu’il touchait des prestations d’AE : du 18 novembre 2014 au 10 février 2015 et à nouveau du 17 avril 2015 jusqu’à la fin de sa période de prestations de 42 semaines, le 25 juillet 2015. La Commission l’a déclaré inadmissible aux prestations d’AE pendant les deux périodes parce qu’il était à l’extérieur du Canada et parce qu’il n’était pas disponible pour travailler alors qu’il se trouvait à l’étranger. La Commission a également infligé une pénalité pour fausses déclarations et émis un avis de violation très grave en lien avec sa demande. Ces décisions ont entraîné un trop-payé de 13 570 $ en prestations d’AE versées à l’appelant et une pénalité de 4071 $ à l’égard de sa demande. L’appelant a demandé à la Commission de réviser sa décision au motif qu’il avait fourni les documents nécessaires pour [traduction] « excuser » son absence, qui ne devait pas dépasser deux semaines. La Commission a toutefois maintenu toutes les décisions. L’appelant a fait appel de la décision de révision à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada, mais a tardé à le faire. La division générale a initialement rejeté sa demande de prorogation du délai pour interjeter appel. Il a ensuite fait appel à la division d’appel du Tribunal et l’affaire a été renvoyée à la division générale pour un réexamen de la question du dépôt tardif de son appel. La division générale a accordé une prorogation du délai pour interjeter appel.   

[2] Le Tribunal doit décider de ce qui suit :

  1. L’appelant est-il inadmissible aux prestations d’AE du 18 novembre 2014 au 10 février 2015 et à nouveau du 17 avril 2015 jusqu’à la fin de sa période de prestations de 42 semaines, le 25 juillet 2015, parce qu’il se trouvait à l’extérieur du Canada et qu’il n’a pas prouvé sa disponibilité pour travailler?
  2. Doit-on infliger une pénalité à l’appelant pour avoir sciemment fait de fausses déclarations en lien avec sa demande et, dans l’affirmative, la Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire en infligeant la pénalité de 4071 $?
  3. Doit-on infliger une violation à l’appelant et, dans l’affirmative, la Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire en émettant l’avis de violation très grave?

[3] L’appelant a assisté à l’audience par téléconférence le 6 avril 2018. L’audience a eu lieu par téléconférence parce que ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent. L’appelant a eu l’aide de M. Fahim Zaywari, un interprète dont les services ont été retenus par le Tribunal. M. Zaywari a traduit entre l’anglais et le farsi.

[4] Le Tribunal constate que l’appelant était à l’extérieur du Canada du 18 novembre 2014 au 10 février 2015 et à nouveau du 17 avril 2015 jusqu’à la fin de sa période de prestations de 42 semaines, le 25 juillet 2015, Il est, par conséquent, inadmissible aux prestations d’AE au cours de ces périodes, aux termes de l’article 37 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) et conformément à l’article 55 du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE). Le Tribunal constate également que le prestataire est inadmissible aux prestations d’AE pendant ces périodes parce qu’il n’a pas prouvé sa disponibilité pour travailler conformément à l’article 18 de la Loi sur l’AE. En conséquence, l’appelant est responsable d’un trop-payé parce qu’il a reçu des prestations d’AE sans y avoir droit au cours des périodes d’inadmissibilité imposées à l’égard de sa demande.

[5] Le Tribunal estime que l’appelant a sciemment fait de fausses déclarations à la Commission lorsqu’il a omis de déclarer ses absences du Canada dans ses déclarations du prestataire pendant sa période de prestations, et qu’ainsi une pénalité peut être infligée en vertu de l’article 38 de la Loi sur l’AE. Toutefois, le Tribunal estime que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire correctement en infligeant à l’appelant une pénalité de 4071 $. Le Tribunal a donc réduit la pénalité à 3393 $. Enfin, le Tribunal estime que la Commission a exercé correctement son pouvoir discrétionnaire quand elle a infligé une violation « très grave ». Les motifs de la présente décision sont décrits ci-dessous.

Preuve

[6] L’appelant a demandé des prestations d’AE (GD3-3 à GD3-10) et a fait établir une période de prestations à son profit commençant le 14 septembre 2014 (GD4-1).

[7] Dans sa demande, l’appelant a confirmé qu’il avait lu, compris et accepté ses responsabilités relatives à sa demande de prestations d’AE, qui étaient énumérées dans le formulaire de demande et comprenaient expressément la responsabilité de [traduction] « déclarer tout séjour à l’extérieur du Canada » (GD3-6 et GD3-7).

[8] L’appelant a soumis électroniquement des déclarations du prestataire toutes les deux semaines grâce au service Internet de déclaration à l’intention des prestataires d’assurance-emploi du gouvernement du Canada (déclarations électroniques). Ses déclarations électroniques pour les périodes allant du 16 novembre 2014 au 21 février 2015 et du 5 avril 2015 au 25 juillet 2015 sont transcrites aux pages GD3-14 à GD3-89.

[9] L’appelant a présenté avec succès ses déclarations électroniques pour demander des prestations d’AE pour les périodes pendant lesquelles il était à l’étranger. Dans chacune de ces déclarations électroniques, on demandait à l’appelant s’il avait séjourné à l’extérieur du Canada pendant la période de deux semaines visée par la déclaration.

[10] Dans chaque déclaration électronique de quinzaine, l’appelant a répondu « Non » à cette question.

[11] Dans chaque déclaration électronique de quinzaine, on demandait également à l’appelant s’il était [traduction] « prêt et disposé à travailler, et capable de le faire chaque jour, du lundi au vendredi, pendant chacune des semaines visées par la présente déclaration ».

[12] Dans chaque déclaration électronique de quinzaine, l’appelant a répondu « OUI » à cette question.

[13] À la fin de chaque déclaration électronique de quinzaine, l’appelant devait confirmer son acceptation de la déclaration suivante :

[traduction]

« Je déclare que les réponses fournies aux questions de la déclaration en ligne de l’assurance-emploi sont véridiques au meilleur de ma connaissance. Je comprends que l’information que je fournis sera utilisée pour déterminer mon admissibilité aux prestations d’assurance-emploi. Je comprends que l’information que je fournis est sujette à vérification et que de faire de fausses déclarations en mon nom ou au nom d’autrui constitue une fraude. Je comprends également qu’il existe des pénalités si j’ai sciemment fait des déclarations fausses. »

[14] Dans chaque déclaration électronique, l’appelant a répondu [traduction] « J’accepte » et a soumis le formulaire électronique aux fins de traitement.

[15] La période de prestations du prestataire a pris fin le 25 juillet 2015 et il a reçu la totalité des 42 semaines de prestations d’AE auxquelles il était admissible (GD3-93).

[16] La Commission a avisé l’appelant que l’Agence des services frontaliers du Canada lui avait indiqué qu’il avait séjourné à l’étranger du 18 novembre 2014 au 10 février 2015, et elle a informé l’appelant du fait que son admissibilité à des prestations d’AE pendant cette période faisait l’objet d’une enquête (GD3-90 et GD3-91). On a demandé à l’appelant de remplir un questionnaire en annexe pour expliquer son absence.

[17] L’appelant a téléphoné à la Commission le 13 août 2015 au sujet de son absence du Canada (voir le feuillet de renseignements relatifs à l’enquête à GD3-92 et GD3-93) et a déclaré ce qui suit :

  1. Il ne pouvait pas rester au Canada parce que sa fille était atteinte d’une maladie mentale et il devait être avec elle parce que le médecin avait dit qu’on ne devait pas la laisser seule.
  2. Il ne savait pas que c’était si grave d’être à l’étranger pendant sa période de prestations. Il avait prévu de rentrer, mais il n’avait pas pu le faire.
  3. Il avait vraiment besoin des prestations d’AE, puisqu’il s’agit du seul revenu dont sa famille dispose. Son épouse est une étudiante qui suit un cours et elle obtiendra son diplôme en octobre seulement.

L’appelant a par la suite envoyé une lettre à la Commission (à GD3-94), qui comprenait les détails complémentaires suivants sur son absence du Canada :

[traduction]

Parce que la maladie de ma fille est grave et que sa vie est peut-être en danger, son médecin a recommandé fortement qu’on ne la laisse pas seule. Comme c’était une situation d’urgence pour ma famille, j’ai fait l’erreur de ne pas vous informer de mon départ du Canada, et mon plan était de reprendre l’avion pour revenir le plus tôt possible, mais parce que je ne peux pas laisser ma fille seule et que ma femme est une étudiante à temps plein au Canada, je suis pris ici. Je voudrais vous remercier pour l’aide et m’excuser pour mon erreur.  

[18] L’appelant a aussi rempli le questionnaire concernant son absence du Canada (GD3-97 et GD3-98), dans lequel il a confirmé qu’il était allé en Iran du 18 novembre 2014 au 10 février 2015. L’appelant a déclaré que le but de son voyage était la maladie de sa fille, qui [traduction] « mettait sa vie en danger ». Il a également déclaré ne pas avoir signalé son absence du Canada parce qu’il était impliqué dans cette urgence dans sa famille et [traduction] « Je ne pensais pas que ça aurait de l’importance » (GD3-98), et parce qu’on l’avait mis à pied et qu’il n’avait aucun revenu.

[19] L’appelant a aussi déclaré qu’il se trouvait à l’étranger pour la période additionnelle allant du 17 avril 2015 au 7 octobre 2015 (GD3-98).

[20] En ce qui concerne la question de sa disponibilité alors qu’il était à l’étranger, l’appelant a mentionné la maladie de sa fille et a dit que la réponse était [traduction] « Parfois oui, parfois non » (GD3-98).

[21] L’appelant a joint divers documents médicaux sur l’état de santé de sa fille (GD3-99 à GD3-101).

[22] Une agente de la Commission a parlé à l’appelant par téléphone à deux (2) reprises (voir les feuillets de renseignements relatifs à l’enquête aux pages GD3-95 et GD3-96, et à GD3-102 et GD3-103). L’agente a noté que l’appelant avait déclaré ce qui suit :

  1. Sa fille a 17 ans. Elle vivait au Canada avec lui. Son grand-père est décédé et elle voulait vraiment aller le voir. Ses médecins ne veulent pas qu’elle soit seule; il doit donc rester avec elle (GD3-95).
  2. Il savait qu’il devait signaler ses absences du Canada, mais ne pensait pas que c’était important (GD3-102).
  3. Il n’a pas vérifié auprès de Service Canada avant de quitter le pays parce qu’il ne croyait pas que c’était grave (GD3-102).
  4. Il a communiqué avec un de ses amis qui travaillait aussi dans son domaine et lui a demandé de l’informer si une possibilité d’emploi se présentait. Il a aussi demandé à son épouse de revenir en Iran dès qu’elle le pourrait, mais elle fréquentait l’université jusqu’en octobre 2015. Il ignorait s’il aurait pu rentrer au pays dans un délai de 24 à 48 heures si une possibilité d’emploi s’était présentée. Sa fille n’allait pas bien, mais c’était possible si l’emploi était vraiment très bon (GD3-103).
  5. Il ne peut pas dire qu’il avait toujours été disponible pour travailler parce qu’il n’était pas dans un état normal. Il était physiquement capable de travailler et aurait pu le faire, n’eût été la situation avec sa fille.
  6. Il n’avait aucune autre option. Il regrette l’erreur et veut résoudre cette situation.

[23] L’agente a préparé un rapport de décision pour la pénalité (GD3-105), dans lequel elle a noté qu’une pénalité serait infligée comme suit :

[traduction]

Le prestataire a déclaré qu’il a omis de signaler son absence du Canada parce qu’il ne pensait pas que c’était important et avait besoin de l’argent. Comme il a répondu NON à une question directe, claire et facile à comprendre qui lui demandait s’il se trouvait à l’extérieur du Canada pendant la période visée quand il ou elle a rempli ses 15 rapports, ceci constitue une fausse déclaration faite sciemment. Le prestataire a reçu 42 semaines de prestations et était en Iran pendant 25 des 42 semaines. Une sanction sera infligée.

et

[traduction]

Le prestataire a également fait une fausse déclaration quand il a répondu OUI à la question de la disponibilité alors qu’en fait il ne l’était pas. Une sanction sera infligée. Le prestataire a affirmé qu’il était « pris » en Iran parce qu’il ne pouvait pas laisser sa fille seule.

Comme circonstances atténuantes, la Commission a souligné ceci :

[traduction]

La pénalité pécuniaire du prestataire sera réduite de 20 % étant donné le motif de son absence et sa forme mentale à l’époque. Le prestataire vivait aussi une situation financière difficile. Il est désolé de son erreur.

La Commission a signalé que le trop-payé de prestations d’AE à l’appelant était de 13 570 $, et a fixé la pénalité à 4071 $.

[24] L’agente a également préparé un rapport de décision pour la violation (GD3-106), dans lequel elle a noté qu’une violation très grave serait infligée comme suit :

[traduction]

La Commission a pris en considération la situation personnelle du prestataire où il a omis de signaler deux absences du Canada, ce qui a engendré un trop-payé de 13 570 $ et une pénalité de 4071 $. Après avoir tenu compte des répercussions globales pour le prestataire, de l’imposition d’une violation, y compris des circonstances atténuantes données, et de l’incidence sur la capacité du prestataire d’être admissible lors de ses prochaines demandes, il est établi qu’une violation s’applique dans ce cas en raison de la gravité de l’infraction. La Commission soutient par conséquent que sa décision d’infliger une violation est justifiée et qu’elle a judicieusement exercé son pouvoir discrétionnaire puisque toutes les circonstances pertinentes ont été examinées avant d’émettre la violation.

[25] Une lettre, datée du 22 octobre 2015 (GD3-107 à GD3-109), informait l’appelant des inadmissibilités imposées à l’égard de sa demande pour les périodes allant du 18 novembre 2014 au 10 février 2015 et du 17 avril 2015 jusqu’à la fin de sa période de prestations de 42 semaines, le 25 juillet 2015, et de la pénalité de 4071 $ infligée par la Commission pour ses 15 fausses déclarations en lien avec les déclarations soumises relativement à sa demande, ainsi qu’une violation très grave. La lettre avisait également l’appelant qu’il devrait rembourser les prestations d’AE qu’il avait reçues sans y avoir droit. Un avis de dette (GD3-110) de 17 641 $ a ensuite été émis à l’appelant relativement à son trop-payé de 13 570 $ en prestations d’AE, et une pénalité de 4071 $ a été infligée à l’égard de sa demande.

[26] L’appelant a présenté une demande de révision (GD3-111 à GD3-113), dans laquelle il déclarait être en désaccord avec les décisions concernant sa demande pour les raisons suivantes :

[traduction]

J’ai fourni tous les documents pour prouver que j’ai fait une erreur, quand je vivais une situation très difficile. Ma fille était gravement malade et j’ai dû partir immédiatement avec elle parce que ce n’était pas possible pour mon épouse. Je n’ai jamais prévu de rester en Iran pendant trop longtemps, c’est pourquoi dans mes déclarations j’ai répondu disponible pour travailler. Cette erreur n’a pas été faite « sciemment », et ce n’était qu’une erreur. (GD3-113)

L’appelant a aussi mentionné sa situation financière difficile et son incapacité de rembourser le trop-payé et la pénalité à l’égard de sa demande.

[27] Une autre agente de la Commission a tenté de parler à l’appelant au sujet de sa demande de révision, mais n’a pas pu communiquer avec lui (voir le formulaire de Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations à GD3-114 et le rappel à GD3-118). Dans une lettre datée du 27 janvier 2016 (GD3-115 et GD3-116), on a avisé l’appelant du maintien par la Commission des décisions concernant l’inadmissibilité, la pénalité et la violation à l’égard de sa demande.

[28] Dans son avis d’appel (GD2), l’appelant a déclaré que ses erreurs de déclaration avaient été faites [traduction] « inconsciemment sans aucune tentative délibérée d’enfreindre la loi » (GD2-3), et comprenait des documents médicaux additionnels concernant l’état de santé de sa fille (GD2-5 à GD2-11).

À l’audience

[29] L’appelant a livré le témoignage suivant concernant son séjour à l’extérieur du Canada pendant sa période de prestations :

  1. Quelques jours après sa mise à pied, le père de son épouse est décédé. Sa fille, qui avait un [traduction] « problème psychologique » et avait traversé [traduction] « une période très difficile », a insisté pour retourner en Iran après le décès de son grand-père parce qu’elle l’aimait beaucoup et qu’elle voulait passer du temps en Iran avec sa grand-mère.
  2. Sa fille et lui ont convenu qu’ils se rendraient en Iran pour une courte période pour ensuite rentrer au Canada. Ils sont partis ensemble pour l’Iran le 16 novembre 2014. Son épouse, qui était étudiante, est restée au Canada.
  3. Après leur arrivée en Iran, il a essayé de convaincre sa fille de rentrer au Canada parce qu’il n’avait ni emploi, ni argent, ni maison en Iran. Mais sa fille voulait rester là-bas.
  4. Il a rempli ses déclarations électroniques alors qu’il était en Iran. L’appelant a déclaré ceci :
    [traduction]
    J’étais certain d’avoir payé l’assurance-emploi et que c’était mon droit de la recevoir n’importe où.
  5. Il ne veut rien faire qui soit [traduction] « illégal », mais depuis qu’il a présenté les documents médicaux au sujet de l’état de santé de sa fille [traduction] « on me traite comme un criminel ».
  6. Personne ne lui a dit qu’il n’était pas autorisé à voyager à l’étranger alors qu’il recevait des prestations d’AE.
  7. Il est rentré au Canada le 21 février 2015 parce qu’un ami l’avait joint en Iran pour l’informer qu’il pouvait avoir la chance de travailler à nouveau avec son ancien employeur. L’appelant est retourné au Canada pour faire le suivi là-dessus et parce qu’il voulait voir son épouse.
  8. Sa fille est demeurée en Iran avec sa grand-mère.
  9. Il s’est de nouveau rendu en Iran le 5 avril 2015 parce qu’il s’est rendu compte que son ancien employeur ne le réembaucherait pas et parce que la santé mentale de sa fille n’était pas très bonne. Sa fille était malade en Iran, sa femme étudiait au Canada, et il était [traduction] « déchiré entre ces deux personnes ».
  10. Il est rentré au Canada le 25 juillet 2015 parce que [traduction] « cette affaire était déjà commencée », et parce qu’il n’avait pas d’emploi en Iran et voulait être au Canada.
  11. Sa fille est restée en Iran après son départ, et a continué à y vivre pendant deux (2) autres années, où elle a fini par obtenir [traduction] « son diplôme ». Sa fille a séjourné en Iran trois (3) ans en tout avant de rentrer au Canada, où elle est actuellement aux études.

[30] L’appelant a livré le témoignage suivant concernant ses recherches d’emploi pendant son séjour en Iran :

  1. Il s’est inscrit à Workopolis alors qu’il était en Iran et a cherché du travail à l’aide de ce service en ligne.
  2. Certains emplois correspondaient à son profil, mais ils étaient à l’extérieur de X et pour de bas salaires.
  3. Il était occupé à prendre soin de sa fille alors qu’il se trouvait en Iran. Elle avait un [traduction] « problème psychologique » et, soumise au stress et laissée seule, elle [traduction] « grattait le dos de sa main avec l’ongle de son autre main ». Son médecin avait dit à l’appelant de ne pas la laisser seule.
  4. S’il avait trouvé sur Workopolis un emploi dans son domaine, qui payait bien, il serait revenu au Canada dès que possible, mais cela ne s’est pas produit. Il aurait pu amener sa fille avec lui, mais une telle offre d’emploi ne s’est pas concrétisée.
  5. Sa fille a fini par [traduction] « aller mieux » et il aurait pu revenir alors.

[31] L’appelant a dit ce qui suit concernant la pénalité infligée à l’égard de sa demande :

  1. Ce qu’il a fait ne l’a pas été volontairement. Il ne voulait pas enfreindre la loi.
  2. Il veut que le Tribunal [traduction] « me pardonne » et veut [traduction] « ne pas payer cette pénalité ».

[32] On a demandé à l’appelant pourquoi il avait demandé un interprète pour l’audience du présent appel alors qu’il avait communiqué précédemment en anglais avec la Commission, et ce, sans l’aide d’un interprète. L’appelant a déclaré qu’il comprend l’anglais et a été capable de lire et de remplir à la fois le formulaire initial de demande de prestations d’AE et ses déclarations du prestataire depuis l’Iran. Cependant, les termes [traduction] « judiciaires » ou [traduction] « juridiques » sont difficiles pour lui; il a donc demandé qu’un interprète soit présent à l’audience. L’appelant a déclaré qu’il ne voulait rien dire qui soit [traduction] « inexact ».

[33] On a renvoyé l’appelant à sa première déclaration du prestataire à GD3-16 et on lui a demandé d’expliquer pourquoi il avait répondu « NON » à la question [traduction] « Avez-vous séjourné à l’extérieur du Canada? » pendant la période de déclaration. L’appelant a répondu qu’il pensait que c’était son [traduction] « droit » de toucher des prestations même s’il se trouvait à l’étranger, et que c’est la raison pour laquelle il a répondu « NON » à la question, même lorsqu’il était à l’extérieur de l’Iran. Il a déclaré qu’il [traduction] « ne savai[t] pas que c’était contraire à la loi ».

[34] L’appelant a ajouté qu’il aime le Canada, qu’il aime travailler, qu’il n’est pas très fier de ce qui s’est passé et qu’il est vraiment désolé des gestes qu’il a posés. Il a 55 ans et a une carte de crédit et d’autres dettes à payer, y compris ses propres prêts étudiants pour des cours de technicien gazier qu’il a suivis. Son frère l’aide financièrement, mais il demande au Tribunal [traduction] « l’annulation de la pénalité et de la dette » parce qu’il n’est pas en mesure de les rembourser.

Observations

[35] L’appelant a soutenu qu’il avait quitté le Canada parce que sa fille voulait se rendre en Iran, mais elle était malade et ne pouvait être laissée seule. Il n’avait pas eu l’intention d’enfreindre la loi. Il croyait plutôt qu’il avait le droit de recevoir des prestations d’AE même s’il était à l’étranger, et c’est pourquoi il a omis de déclarer absences. Il n’a aucun moyen de rembourser le trop-payé et la pénalité à l’égard de sa demande, et demande l’annulation du montant intégral de son endettement.

[36] La Commission a fait les observations suivantes :

  1. L’appelant est inadmissible aux prestations d’AE du 18 novembre 2014 au 10 février 2015 et du 17 avril 2015 jusqu’à la fin de sa période de prestations de 42 semaines, le 25 juillet 2015, parce qu’il était à l’extérieur du Canada et qu’il ne satisfait à aucune des exceptions prévues à l’article 55 du Règlement sur l’AE. La situation du prestataire ne peut correspondre à l’exception prévue à l’article 55(1)(d) du Règlement sur l’AE, c’est-à-dire visiter, pendant une période ne dépassant pas sept jours consécutifs, un proche parent qui est gravement malade ou blessé, parce qu’il n’était pas sans cela disponible pour travailler au Canada — ce qui est une condition à respecter pour l’application des exceptions de l’article 55 du Règlement sur l’AE.
  2. L’appelant est inadmissible de la même manière parce qu’il n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler alors qu’il était en Iran. Il n’avait pas activement cherché un emploi convenable, et son absence du Canada pour prendre soin de sa fille était une condition personnelle qui réduisait indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.
  3. Elle s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver que l’appelant a sciemment fait de fausses déclarations en lien avec sa demande. L’appelant a omis de déclarer à 15 reprises qu’il se trouvait à l’étranger et n’était pas disponible pour travailler alors qu’il était à l’extérieur du Canada. Il devait savoir qu’il faisait une fausse déclaration chaque fois qu’il a répondu « NON » à la question de savoir s’il était à l’étranger pendant la période de déclaration. Une pénalité peut, par conséquent, être infligée.
  4. Elle a décidé d’infliger une pénalité de 4071 $ de manière judiciaire, ayant pris en compte l’ensemble des circonstances pertinentes lors de l’évaluation du montant de pénalité. Toutefois, après examen de l’appel, la Commission recommande une réduction additionnelle de 5 % du trop-payé du fait de la situation financière de l’appelant. La pénalité serait ainsi réduite à 3393 $.
  5. Elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire en émettant l’avis de violation, après avoir tenu compte des circonstances atténuantes, des infractions antérieures et de l’incidence sur la capacité de l’appelant à être admissible lors de ses prochaines demandes.

Analyse

[37] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites dans l’annexe jointe à la présente décision.

À l’extérieur du Canada

[38] L’article 37 de la Loi sur l’AE indique clairement que des prestations ne sont pas payables aux personnes qui ne sont pas au Canada, sauf dans les cas prévus expressément à l’article 55 du Règlement sur l’AE (Procureur général du Canada c Bendahan, 2012 CAF 237). Il revient à une partie prestataire de prouver qu’elle satisfait aux exigences d’au moins une des exceptions du Règlement sur l’AE (Procureur général du Canada c Peterson, A-370-95). De plus, pour bénéficier d’une exception prévue à l’article 55(1) du Règlement sur l’AE, la partie prestataire doit quand même prouver sa disponibilité pour travailler.  

[39] L’appelant admet qu’il était à l’extérieur du Canada du 18 novembre 2014 au 10 février 2015 et à nouveau du 17 avril 2015 jusqu’à la fin de sa période de prestations de 42 semaines, le 25 juillet 2015. L’appelant a toujours dit très clairement qu’il était à l’extérieur du Canada pendant cette période pour prendre soin de sa fille, qui était atteinte d’une maladie mentale et voulait se rendre en Iran, mais qui, selon l’avis de médecins, ne devait pas être laissée seule. Bien que l’article 55(1)(d) du Règlement sur l’AE permette à une partie prestataire d’être à l’étranger pour une période de sept jours pour visiter un proche parent qui est gravement malade ou blessé, la partie prestataire doit, sans cela, être disponible pour travailler, c’est-à-dire rechercher et être disposée à accepter un emploi convenable, afin de bénéficier d’une des exceptions de l’article 55(1) du Règlement sur l’AE. Les preuves de disponibilité dans un tel contexte peuvent inclure le fait de démontrer qu’elle avait pris les moyens pour être jointe durant son absence du Canada si un emploi lui était offert et la capacité de rentrer chez elle dans un délai de 24 à 48 heures si une possibilité d’emploi se présente (voir Canada (Procureur général) c Elyoumni, 450 N.R. 175 (CAF)). Dans la présente affaire, l’appelant a déclaré n’avoir eu d’autre choix que d’être à l’extérieur du Canada avec sa fille parce qu’elle avait insisté pour se rendre en Iran, mais elle était atteinte d’une maladie mentale et ne pouvait être laissée seule. L’appelant a indiqué que lorsqu’il était en Iran, il s’est chargé de prendre soin de sa fille. Il ne pouvait pas revenir au Canada dans un délai de 24 à 48 heures, même s’il avait eu une entrevue d’embauche ou une offre d’emploi, parce qu’il devait se trouver avec sa fille en tout temps et qu’elle était en Iran et souhaitait y demeurer. De son propre aveu, il n’a pas réussi à la convaincre de rentrer au Canada après un court séjour initial en Iran, et n’a pu revenir au Canada que des mois plus tard. L’appelant, par conséquent, ne peut pas prouver qu’il était, sans cela, disponible pour travailler afin de bénéficier d’une des exemptions de l’article 55(1)(d) du Règlement sur l’AE.

[40] L’appelant n’a fourni aucun élément de preuve ou fait d’observations pour faire en sorte que sa situation corresponde à l’une ou l’autre des exceptions prévues à l’article 55(1) du Règlement sur l’AE.

[41] Les dispositions sur l’inadmissibilité de l’article 37 de la Loi sur l’AE et de l’article 55 du Règlement sur l’AE sont très précises, et le Tribunal n’a aucun pouvoir ni pouvoir discrétionnaire pour modifier les dispositions claires de la Loi sur l’AE ou du Règlement sur l’AE. Le Tribunal conclut que l’appelant n’a pas fait en sorte de démontrer que sa situation correspond à l’une ou l’autre des exceptions prévues à l’article 55(1) du Règlement sur l’AE. En conséquence, il est inadmissible au bénéfice des prestations d’AE du 18 novembre 2014 au 10 février 2015 et de nouveau du 17 avril 2015 jusqu’ la fin de sa période de prestations de 42 semaines, le 25 juillet 2015, aux termes de l’article 37(b) de la Loi sur l’AE parce qu’il n’était pas au Canada.

Disponibilité

[42] L’appelant a demandé des prestations régulières d’AE et, pour qu’une partie prestataire ait droit à de telles prestations, elle doit démontrer qu’elle est capable de travailler et disponible pour le faire et incapable de trouver un emploi convenable (Procureur général du Canada c Bois, 2001 CAF 175; Procureur général du Canada c Cornelissen-O’Neil, A-652-93; Procureur général du Canada c Bertrand, A-631-81).

[43] La Loi sur l’AE ne donne pas de définition de disponibilité, mais la Cour d’appel fédérale a maintes fois affirmé que la disponibilité devait se vérifier par l’analyse des trois (3) facteurs suivants :

  1. le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable est offert;
  2. l’expression de ce désir par des efforts pour trouver cet emploi convenable;
  3. l’absence de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail.

(Procureur général du Canada c Faucher, A56-96; Procureur général du Canada c Poirier, A57-96). De plus, la disponibilité s’apprécie par jour ouvrable de la période de prestations du prestataire (Cloutier, 2005 CAF 73).

[44] Le Tribunal signale que l’appelant a fait preuve de cohérence dans ses déclarations à la Commission et dans son témoignage à l’audience : au cours de ses deux périodes d’absence du Canada, il prenait soin de sa fille qui était malade et qu’on ne pouvait pas laisser seule. Bien que l’appelant ait déclaré aimer le Canada et aimer travailler, ses recherches d’emploi alors qu’il était à l’extérieur du Canada ont consisté en la surveillance d’un (1) site d’emploi en ligne (Workopolis) et au maintien de la communication avec un ancien collègue. L’appelant n’a fourni aucun élément de preuve vérifiable démontrant des recherches d’emploi légitimes et de bonne foi entreprises pendant qu’il se trouvait en Iran au cours des périodes en question.

[45] La Cour d’appel fédérale a statué qu’une partie prestataire doit chercher un emploi convenable et doit prouver cette disponibilité pour tout jour ouvrable d’une période de prestation afin d’être admissible au bénéfice des prestations d’AE et que seules les personnes qui sont réellement en chômage et qui cherchent activement un emploi toucheront des prestations d’AE (Cornelissen-O’Neil, supra). Le Tribunal signale l’abondante jurisprudence selon laquelle le facteur déterminant de l’évaluation de la disponibilité est une recherche d’emploi sérieuse, continue et intensive, comme le démontre un compte-rendu vérifiable de demandes d’emploi (voir CUB 12 381, 18 243, 17 843, 18 691 et Cutts c Canada (PG), A-239-90). Pour être admissible au bénéfice des prestations d’AE, il est indispensable qu’une partie prestataire recherche activement un emploi, et des démarches passives ou compter sur d’autres personnes pour trouver du travail ne suffit pas.

[46] L’appelant n’a fourni aucune preuve indiquant que, alors qu’il était à l’extérieur du Canada entre le 18 novembre 2014 et le 10 février 2015 et à nouveau du 17 avril 2015 jusqu’à la fin de sa période de prestations de 42 semaines, le 25 juillet 2015, il a effectué l’une ou l’autre des démarches habituelles et raisonnables pour se trouver un emploi convenable, comme l’évaluation de possibilités d’emploi spécifiques; la rédaction d’un curriculum vitae ou d’une lettre de présentation; l’inscription à des outils de recherche d’emploi ou auprès de banques d’emplois électroniques ou d’agences de placement; la participation à des ateliers sur la recherche d’emploi ou à des salons de l’emploi; le réseautage; la communication avec des employeurs éventuels; la présentation de demandes d’emploi ou la participation à des entrevues. Le Tribunal estime que les démarches de l’appelant sont très loin de celles exigées pour faire la preuve d’une recherche active d’emploi.

[47] Le Tribunal estime en outre qu’en s’imposant la condition de prendre soin de sa fille malade alors qu’elle demeurait en Iran, il a limité indûment ses chances de retourner sur le marché du travail au Canada. Même s’il touchait déjà des prestations d’AE lorsqu’il a décidé d’aller en voyage en Iran avec sa fille, l’exigence de l’article 18(1) de la Loi sur l’AE demeure pour être admissible à des prestations régulières d’AE.

[48] Le Tribunal conclut que, exception faite de l’expression de sa volonté de retourner sur le marché du travail, l’appelant ne répond pas aux deuxième et troisième facteurs énoncés dans l’arrêt Faucher, supra pour les périodes au cours desquelles il se trouvait à l’extérieur du Canada pendant sa période de prestations. Le Tribunal conclut par conséquent qu’il ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de démontrer qu’il était capable de travailler et disponible pour le faire et incapable de trouver un emploi convenable du 18 novembre 2014 au 10 février 2015 et à nouveau du 17 avril 2015 jusqu’à la fin de sa période de prestations de 42 semaines, le 25 juillet 2015, comme l’exige l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE.

Responsabilité du trop-payé

[49] L’appelant n’était pas admissible au bénéfice des prestations d’AE du 18 novembre 2014 au 10 février 2015 et de nouveau du 17 avril 2015 jusqu’à la fin de sa période de prestations de 42 semaines, le 25 juillet 2015, parce qu’il était à l’étranger et incapable de prouver sa disponibilité pour travailler. L’appelant n’a ni contesté le montant de 13 570 $ ni fourni d’éléments de preuve pour le réfuter.

[50] Toutefois, malheureusement pour l’appelant, l’article 43 de la Loi sur l’AE prévoit explicitement que le prestataire est tenu de rembourser le trop-payé. De plus, l’article 44 de la Loi sur l’AE prévoit clairement que la personne qui a reçu des prestations d’AE supérieures à celles auxquelles elle est admissible doit immédiatement renvoyer la somme excédentaire. Les articles 43 et 44 s’appliquent tous deux à la situation de l’appelant, et le Tribunal n’a pas le pouvoir discrétionnaire de renoncer à la responsabilité d’un trop-payé ou de modifier autrement le libellé clair des dispositions législatives, quel que soit le bien-fondé des circonstances. Le Tribunal est appuyé dans son analyse par la déclaration de la Cour suprême du Canada dans Granger c Canada (CEIC), [1989] 1 R.C.S. 141, selon laquelle le juge est lié par la loi et ne peut, même pour des raisons d’équité, refuser de l’appliquer.

[51] Le Tribunal reconnaît le témoignage de l’appelant concernant sa situation et ses finances personnelles, et l’encourage à demander une remise de créance en communiquant avec le service de recouvrement des créances de l’Agence du revenu du Canada.

Pénalité

[52] L’article 38 de la Loi sur l’AE indique que lorsqu’elle prend connaissance de faits qui, à son avis, démontrent que le prestataire ou une personne agissant pour son compte a perpétré l’un des actes délictueux qui y sont énoncés, l’un étant de faire sciemment une déclaration fausse ou trompeuse à l’occasion d’une demande de prestations, la Commission peut lui infliger une pénalité pour chacun de ces actes (article 38(1)(a) de la Loi sur l’AE).

[53] Il incombe initialement à la Commission de prouver qu’un prestataire a fait sciemment une déclaration ou une affirmation fausse ou trompeuse. Il incombe alors au prestataire de fournir une explication raisonnable afin de démontrer qu’il n’a pas sciemment fait cette fausse déclaration ou affirmation (Purcell A-694-94, Gates A-600-94).

[54] Dans la présente affaire, personne ne conteste le fait que l’appelant a répondu « NON » à plusieurs reprises lorsqu’on lui a demandé s’il était à l’étranger, dans ses déclarations électroniques visant les périodes allant du 18 novembre 2014 au 10 février 2015 et du 17 avril 2015 jusqu’à la fin de sa période de prestations de 42 semaines, le 25 juillet 2015. Le Tribunal estime par conséquent que l’appelant a menti sur son absence du Canada pendant ces périodes.

[55] Il s’agit alors de décider si l’appelant a fait « sciemment » de fausses déclarations concernant ses absences du Canada. Aux fins de l’article 38 de la Loi sur l’AE, « sciemment » signifie que, selon la prépondérance des probabilités, la preuve montre que le prestataire a fait une déclaration objectivement fausse qui induit la Commission en erreur et entraîne le versement réel ou potentiel de prestations d’AE auxquelles le prestataire n’avait pas droit, et que le prestataire savait que les renseignements étaient erronés lorsqu’il les a fournis. Il n’y a pas d’élément d’intention dans cette considération.

[56] Puisque la Commission porte d’abord le fardeau de la preuve, le Tribunal a examiné les observations de la Commission selon lesquelles l’appelant savait qu’il était à l’extérieur du pays et avait pourtant fait de fausses déclarations de façon répétée concernant son absence dans 15 déclarations électroniques, et qu’il a fallu attendre que les renseignements initiaux de l’Agence des services frontaliers du Canada soient portés à son attention pour qu’il indique qu’il y avait eu, en fait, une autre période pendant laquelle il avait été à l’extérieur du Canada alors qu’il touchait des prestations d’AE. La Commission a également déclaré que, dans sa demande de prestations, l’appelant avait confirmé avoir lu, compris et accepté ses droits et responsabilités, dont l’un était de signaler son absence du Canada, et qu’on lui rappelait chaque fois qu’il remplissait une déclaration électronique de répondre aux questions honnêtement et l’avertissait que le fait de donner de faux renseignements constitue une fraude et peut entraîner des pénalités. Néanmoins, à la question simple [traduction] « Étiez-vous à l’extérieur du Canada entre le lundi et le vendredi de la période visée par cette déclaration? », l’appelant a répondu « NON » à maintes reprises.

[57] Le Tribunal a ensuite examiné la question de savoir si l’appelant avait une explication raisonnable pour les fausses déclarations faites dans ses déclarations électroniques. L’appelant a déclaré de façon répétée qu’il était au courant de son obligation de déclaration, mais qu’il ne pensait pas qu’il était grave qu’il se trouve à l’extérieur du Canada alors qu’il recevait des prestations (GD3-92 et GD3-93, GD3-98 et GD3-103). Il a ajouté qu’il croyait avoir le droit de toucher des prestations d’AE même s’il était à l’étranger. L’appelant a également indiqué que la non-divulgation de ses séjours à l’extérieur du Canada était une erreur, et qu’il n’a pas délibérément trompé la Commission afin d’obtenir des prestations d’AE.

[58] Le Tribunal a souligné le libellé clair employé dans la demande de prestations de l’appelant : [traduction] « Vous devez déclarer tout séjour à l’extérieur du Canada ». Le Tribunal a également noté les termes clairs de la question de la déclaration électronique : [traduction] « Étiez-vous à l’extérieur du Canada entre le lundi et le vendredi de la période visée par cette déclaration? », ainsi que le témoignage de l’appelant quant à sa maîtrise de la langue anglaise. La déclaration subséquente de l’appelant pendant son témoignage et selon laquelle personne ne lui avait dit qu’il ne pouvait pas se rendre à l’extérieur du Canada alors qu’il recevait des prestations n’est pas crédible étant donné ses aveux antérieurs à la Commission. Par ailleurs, le Tribunal est profondément préoccupé par son mépris intentionnel à l’égard de la question claire et évidente de ses déclarations électroniques parce qu’il croyait personnellement qu’il avait droit à des prestations d’AE qu’il soit au Canada ou non. Le Tribunal estime que l’appelant savait essentiellement que les renseignements qu’il donnait (lorsqu’il disait ne pas séjourner à l’étranger) étaient faux lorsqu’il les a fournis. À ce titre, l’appelant n’a pas donné d’explication raisonnable ni prouvé que les fausses déclarations faites à la Commission n’ont pas été faites sciemment.

[59] Le Tribunal estime que, selon la prépondérance des probabilités, l’appelant a sciemment fait de fausses déclarations à la Commission en omettant de déclarer son séjour à l’extérieur du Canada au cours des périodes allant du 18 novembre 2014 au 10 février 2015 et à nouveau du 17 avril 2015 jusqu’à la fin de sa période de prestations de 42 semaines, le 25 juillet 2015. Le Tribunal estime par conséquent qu’une pénalité peut être infligée conformément à l’article 38 de la Loi sur l’AE.

[60] Le Tribunal reconnaît qu’en établissant le montant de la pénalité, la Commission doit exercer son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire. En d’autres termes, elle doit agir de bonne foi, dans un but et pour un motif régulier; elle doit prendre en compte tout facteur pertinent, ignorer les facteurs non pertinents et agir de manière non discriminatoire (Dunham A-708-95, Purcell A-694-94).

[61] Dans la présente affaire, la Commission a reconnu que le but du voyage de l’appelant était de prendre soin de sa fille, de même que sa situation financière et le fait qu’il s’agissait d’une première infraction (voir GD3-105), et a réduit le montant de la pénalité pour le faire passer de 50 % à 30 % du trop-payé en raison de ces facteurs atténuants.

[62] Le Tribunal a alors examiné la question de savoir si l’appelant avait relevé des circonstances atténuantes dans son témoignage à l’audience qui n’avaient pas été portées à l’attention de la Commission quand elle a rendu sa décision d’infliger une pénalité dans le présent cas. Bien que l’appelant ait manifesté des remords à l’égard de ses erreurs de déclaration et qu’il ait demandé au Tribunal de prendre en considération sa situation personnelle actuelle, y compris son chômage qui persiste et d’autres dettes qu’il a accumulées, le Tribunal est conscient de la nécessité de préserver l’intégrité du régime d’assurance-emploi et, en particulier, de l’obligation d’une partie prestataire de présenter des rapports fidèles pendant une période de prestations. Même si certains de ces détails n’avaient pas été portés à l’attention de la Commission lorsque la décision concernant la pénalité a été rendue, on ne peut cependant pas affirmer qu’elle avait pris en considération l’ensemble des facteurs pertinents. Le Tribunal estime donc que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire dans sa décision quant au montant de la pénalité à infliger à l’appelant (4071 $), et est d’accord avec l’observation de la Commission sur cet appel (à GD4-8) selon laquelle une réduction additionnelle de la pénalité est justifiée. Le Tribunal est d’avis qu’une pénalité d’un montant de 3393 $ est appropriée étant donné les facteurs atténuants additionnels au sujet desquels l’appelant a témoigné à l’audience.

Avis de violation

[63] La Cour d’appel fédérale a statué que la Commission a le pouvoir discrétionnaire de décider s’il y a lieu ou non d’émettre un avis de violation, et que ce dernier n’est ni obligatoire ni automatique aux termes de l’article 7.1(4) de la Loi sur l’AE. Bien que le Tribunal ait compétence pour annuler un avis de violation, il ne peut le faire que s’il conclut que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire (Gill A-483-08).

[64] Le Tribunal a examiné le rapport de décision pour la violation (GD3-106) et a souligné que la Commission avait explicitement pris en compte les facteurs atténuants ayant mené à une réduction de la pénalité infligée (de 50 % à 30 % du trop-payé), mais avait jugé que ces mêmes facteurs ne l’empêchaient pas d’infliger une violation. La Commission a soutenu avoir exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire, ayant tenu compte des répercussions globales, pour l’appelant, de l’imposition d’une violation, du fait qu’il s’agissait de la première infraction de l’appelant, et de l’incidence sur la capacité de l’appelant d’être admissible à des prestations d’AE lors de ses prochaines demandes. Le Tribunal estime que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire lorsqu’elle a émis un avis de violation et, par conséquent, ne peut intervenir dans le cadre de cette décision.

[65] Le Tribunal estime en outre que le fait de qualifier de « très grave » la violation émise à l’appelant est la qualification correcte. Dans le présent cas, le montant du trop-payé de l’appelant est de 13 570 $ et, en conformité avec les articles 7.1(5) et (6) de la Loi sur l’AE, une violation de 5000 $ ou plus est une violation « très grave ».

Conclusion

[66] Le Tribunal conclut ce qui suit :

  1. l’appelant était à l’extérieur du Canada au cours des périodes allant du 18 novembre 2014 au 10 février 2015 et à nouveau du 17 avril 2015 jusqu’à la fin de sa période de prestations de 42 semaines, le 25 juillet 2015, et est, par conséquent, inadmissible au bénéfice des prestations d’AE pour ces périodes par application de l’article 37 de la Loi sur l’AE et de l’article 55 du Règlement sur l’AE;
  2. l’appelant n’a pas prouvé sa disponibilité pendant les périodes au cours desquelles il était à l’extérieur du Canada (énoncées au paragraphe 64 a) ci-dessus) et est, par conséquent, inadmissible au bénéfice des prestations d’AE pendant ces périodes par application de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE;
  3. l’appelant est responsable d’un trop-payé d’un montant de 13 570 $ en raison des prestations d’AE qu’il a touchées au cours des périodes d’inadmissibilité de sa période de prestations, soit du 18 novembre 2014 au 10 février 2015 et à nouveau du 17 avril 2015 jusqu’à la fin de sa période de prestations de 42 semaines, le 25 juillet 2015;
  4. l’appelant a sciemment fait de fausses déclarations à la Commission en lien avec les déclarations concernant sa demande et, en conséquence, une pénalité peut être infligée en vertu de l’article 38 de la Loi sur l’AE;
  5. la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire dans sa décision quant au montant de la pénalité à infliger à l’appelant, et une pénalité d’un montant réduit de 4071 $ à 3393 $ est appropriée étant donné les facteurs atténuants additionnels relevés par l’appelant dans son appel et pendant son témoignage à l’audience;
  6. l’appelant est responsable d’une pénalité d’un montant de 3393 $ pour avoir sciemment fait de fausses déclarations à la Commission concernant sa demande;
  7. la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a émis un avis de violation très grave à l’appelant.

[67] L’appel est rejeté, en modifiant le montant de la pénalité.

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

Règlement sur l’assurance-emploi

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