Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Motifs et décision

Aperçu

[1] L’appelante a présenté une demande initiale de prestations d’assurance-emploi le 27 juin 2017. Le 28 juillet 2017, l'intimée a exclu l'appelante du bénéfice des prestations après avoir conclu qu'elle avait perdu son emploi en raison de son inconduite. L'appelante a demandé la révision de cette décision, et, le 1er novembre 2017, l'intimée a maintenu sa décision initiale. L’appelante a interjeté appel de la décision issue de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale le 1er décembre 2017.

[2] Le Tribunal doit déterminer si l'appelante est exclue du bénéfice des prestations conformément à l'article 30 de la Loi sur l'assurance-emploi (Loi) parce qu'elle a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[3] L’audience a été tenue par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. la complexité de la question en litige;
  2. le fait que la crédibilité ne semble pas être une question déterminante;
  3. le fait que l’appelante sera la seule partie présente;
  4. le fait que l’appelante ou d’autres parties sont représentées;
  5. le mode d’audience respecte les dispositions du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale voulant que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[4] Les personnes suivantes ont participé à l'audience : l'appelante M. N. et son représentant, Paul Lagace, du X [X].

[5] Le Tribunal conclut que l'appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite et qu'elle est ainsi exclue du bénéfice des prestations au titre de l'article 30 de la Loi. Les motifs de la présente décision sont décrits ci-dessous.

Preuve

[6] Le 27 juin 2017, l'appelante a présenté une demande initiale de prestations régulières d'assurance-emploi dans laquelle elle a déclaré avoir travaillé pour la X (employeur) du 6 juin 2016 au 8 juin 2017 et avoir été congédiée parce que son employeur l'avait accusé d'avoir consommé de l'alcool ou de la drogue. Elle explique qu'elle était fâchée parce qu'elle avait l'impression d'être ciblée au travail et qu'elle n'avait pas eu d'augmentation de salaire, contrairement aux autres membres du personnel. Elle avait donc pris un verre dans un contexte social chez elle, et sa gestionnaire a été mise au courant. D'autres membres du personnel prenaient un verre dans un contexte social; ils n'ont eu aucune conséquence ou ils ont été avertis ou suspendus. Cependant, elle n'était pas traitée comme les autres membres du personnel et on ne lui a jamais donné une chance. Elle avait discuté de la situation avec la superviseure, et on l'a informé qu'on ne lui donnait pas un avertissement ou une suspension étant donné que ce n'était pas la première fois (GD3-3 à GD3-18).

[7] Selon un relevé d'emploi (RE) produit par l'employeur le 14 juin 2017, l'appelante a été congédiée pour la raison suivante : [traduction] « manquement au règlement no 1 » (GD3-19 et GD3-20).

[8] Le 24 juillet 2017, l'intimée a discuté avec l'employeur, qui a confirmé que l'appelante avait été congédiée pour manquement au règlement no 1, à savoir l'interdiction de consommer de l'alcool dans la réserve. Il s'agit d'une réserve sans alcool. L'appelante a reçu le règlement no 1 à l'écrit, et le personnel reçoit un document à signer. Une condition d'emploi prévoit que le personnel ne peut pas consommer d'alcool dans la réserve, et ce, peu importe l'endroit. Elle n'effectuait pas un quart à ce moment-là, mais il a été signalé à sa gestionnaire qu'elle avait consommé de l'alcool, car elle se trouvait sur la route en état d'intoxication (GD3-21).

[9] L'employeur a fourni à l'intimée des copies du règlement no 1 de X en matière d'alcool (règlement no 1), qui prévoit à la section 3 que quiconque se trouvant en état d'intoxication dans la réserve de X est coupable d'une infraction punissable par procédure sommaire et que quiconque trouvé en possession de substances intoxicantes est coupable d'une infraction punissable par procédure sommaire (section 4) (GD3-24).

[10] Le 7 juillet 2016, l'appelante a signé la déclaration de compréhension de la politique du personnel de la X selon laquelle elle avait lu et compris les modalités de la politique du personnel de la X (GD3-25).

[11] Le 7 juillet 2016, l'appelante a également signé un document intitulé [traduction] « Orientation ». Ce document informe le personnel qu'il doit respecter le règlement no 1, à savoir l'interdiction de consommer de l'alcool ou des drogues illégales dans la communauté et l'interdiction de possession ou de consommation de boissons alcoolisées ou de médicaments sans ordonnance pendant un quart de travail ou à l'extérieur de celui-ci. Il est également prévu qu'aucune capacité affaiblie ne sera tolérée chez le personnel (GD3-26).

[12] Le 8 juin 2017, l'employeur a produit une lettre (lettre de congédiement) à l'intention de l'appelante dans laquelle il est déclaré qu'il avait reçu une plainte d'intoxication en public dans laquelle il était déclaré que l'appelante était en état d'ébriété le samedi 3 juin 2017. Toujours selon la lettre, l'employeur avait discuté avec l'appelante le 9 mai 2017 d'un rapport produit le 28 avril 2017 selon lequel elle avait été aperçue en état d'ébriété. Toujours dans le cadre de cette discussion, on avait passé en revue la politique du personnel de la X, et l'appelante avait été informée que, si une autre plainte était reçue, cela constituerait un motif de congédiement. La lettre confirme que le congédiement de l'appelante entre en vigueur dès maintenant (GD3-27).

[13] L'intimée a discuté avec l'appelante le 26 juillet 2017 au sujet de la demande de cette dernière. L'appelante a confirmé qu'elle consommait de l'alcool et qu'elle était au courant du règlement no 1, mais qu'elle ne travaillait pas à ce moment-là et que c'était pendant la fin de semaine. L'appelante a déclaré qu'il existe un tout autre aspect à sa demande et que l'employeur est censé donner des avertissements et des suspensions. Les autres membres du personnel ont reçu des avertissements ou se sont fait suspendre, et ils sont maintenant de retour au travail. Elle n'a pas eu d'avertissement, et on lui a remis la lettre de congédiement. L'appelante a répété qu'on doit donner des avertissements et une suspension, et que l'intimée l'a invitée à soumettre tout document démontrant que cela est prévu par la politique de l'employeur (GD3-28).

[14] Un extrait du manuel de la politique du personnel de l'employeur, adopté le 12 septembre 2011, prévoit à la section 16 les enjeux relatifs à la discipline. Cette section prévoit en détail une série d'avertissements (à l'oral, à l'écrit, suspension ou probation) et les renvois fondés (GD3-19 à GD3-30).

[15] L'intimée a parlé à l'appelante le 27 juillet 2017 et elle informé cette dernière que la politique de l'employeur concernant la discipline prévoit que les mesures disciplinaires progressives [traduction] « peuvent comprendre ». Par conséquent, cela ne signifie pas que l'employeur doit suivre les mesures d'avertissements disciplinaires. L'époux de l'appelante a informé l'intimée que l'appelante se trouvait à son domicile au moment où elle a consommé de l'alcool. L'intimée a informé l'appelante qu'elle avait signé la déclaration de compréhension qui l'avise que, si elle ne respectait pas les modalités de la politique, elle serait assujettie à des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu'au congédiement. Ce sont les actions de l'appelante qui ont entraîné son congédiement (GD3-31).

[16] Le 28 juillet 2017, l'intimée a informé l'appelante à l'écrit qu'elle n'était pas en mesure de lui verser ses prestations régulières d'assurance-emploi du 4 juin 2017 parce qu'elle a perdu son emploi chez l'employeur le 8 juin 2017 en raison de son inconduite (GD3-32).

[17] Le 28 juillet 2017, l'intimée a également informé l'appelante à l'écrit que ses prestations de maladie de l'assurance-emploi avaient été accordées du 23 juillet 2017 au 23 septembre 2017. Elle a également été informée que, après avoir reçu l'ensemble de ses prestations spéciales, l'appelante ne toucherait pas de prestations régulières d'assurance-emploi parce qu'elle a perdu son emploi chez son employeur en raison de son inconduite.

[18] L'employeur a fourni à l'intimée une lettre datée du 4 mai 2017 selon laquelle l'appelante avait été aperçue ivre le matin du samedi 28 avril 2017, à 9 h. Le nom du destinateur du message avait été caviardé aux fins de confidentialité (GD3-36).

[19] Le 2 octobre 2017, l'appelante a demandé la révision de la décision rendue par l'intimée le 28 juillet 2017 qui excluait l'appelante du bénéfice des prestations d'assurance-emploi parce qu'elle avait perdu son emploi en raison de son inconduite. Le représentant de l'appelante a expliqué que celle-ci avait des problèmes de santé mentale qui ont retardé sa demande de révision et que, quoi qu'il en soit, elle n'était pas au courant de la décision de refuser les prestations qui a été rendue le 1er septembre 2017 (GD3-37 à GD3-49).

[20] L'intimée a discuté avec le représentant de l'appelante le 1er novembre 2017, et celui-ci a été informé que la présentation tardive de la demande de révision avait été acceptée. Le représentant a informé l'intimée qu'il avait demandé le dossier de l'appelante chez son ancien employeur. L'intimée l'a informé qu'elle avait versé des documents au dossier selon lesquels l'appelante avait été avertie à l'écrit quant à sa consommation d'alcool dans la réserve auparavant, que les infractions ultérieures entraineraient son congédiement et que, si cela se produisait de nouveau, elle serait congédiée. L'intimée a informé le représentant que les faits versés au dossier confirment l'existence d'une inconduite et que la décision d'exclure l'appelante du bénéfice des prestations serait maintenue (GD3-50).

[21] Le 1er novembre 2017, l'intimée a informé l'appelante et son représentant à l'écrit que la décision d'exclure l'appelante du bénéfice des prestations d'assurance-emploi parce qu'elle a perdu son emploi en raison de son inconduite a été maintenue (GD3-52 et GD3-53).

[22] Au cours de l'audience, l'appelante a déclaré qu'elle travaillait à temps partiel pour l'employeur depuis 2010, puis qu'elle est partie en congé de maladie, mais qu'elle aidait encore à l'occasion et que, en 2015, elle a été embauchée à temps plein. Elle a seulement signé les documents d'orientation en 2016 et, à ce moment-là, elle avait compris que le règlement no 1 signifiait que la consommation d'alcool était interdite dans la réserve et elle a compris qu'il pouvait y avoir des mesures disciplinaires, comme un avertissement, un avertissement écrit ou une suspension si ce règlement n'était pas respecté. Elle a également déclaré que, le 9 mai 2017, elle a eu une conversation avec son employeur, qui a discuté avec elle de rumeurs et d'un appel qu'il a reçu au sujet de sa consommation d'alcool, mais qu'elle n'a pas reçu d'avertissement ou quelque chose du genre et qu'elle n'avait pas reçu un avertissement ou une mesure disciplinaire après cette réunion. Quand elle a été convoquée le 8 juin 2017 pour discuter de sa consommation d'alcool, elle n'a pas dit beaucoup de choses, simplement [traduction] « D'accord ». On lui a dit qu'une plainte avait été formulée selon laquelle elle était en état d'ébriété, et elle croyait qu'elle ne devait rien dire à ce moment-là parce qu'elle était en train d'être renvoyée. Elle avait l'impression d'être en état de choc parce qu'elle n'avait jamais reçu un avertissement auparavant. L'appelante a déclaré qu'elle avait l'impression d'être prise pour cible en raison de la façon dont la situation était gérée, parce qu'elle venait d'être congédiée et que l'employeur n'avait pas agi de la même façon avec d'autres membres du personnel de la bande. Le jour où elle a été vue, elle ne faisait que retourner chez elle à la marche après avoir été chez un ami dans sa rue où elle avait pris un verre la veille et où elle avait passé la nuit. Finalement, elle a déclaré que la première fois qu'elle a entendu parler de la lettre de congédiement était lorsqu'une personne chez l'intimée lui a lue; l'employeur ne lui a jamais donné la lettre.

Observations

[23] L'appelante a soutenu qu'elle n'a rien fait dans la période menant au congédiement que pourrait être interprété comme une inconduite. Même si elle a consommé de l'alcool dans une réserve des Premières Nations, ce qui contrevient à un règlement de la bande qui interdit la consommation sur la réserve, il n'est pas prétendu qu'elle l'a fait pendant ses heures de travail ou qu'elle a tendance de travailler sous l'influence de l'alcool. La consommation d'alcool, même en dehors du travail (ce qui n'est jamais une infraction digne de renvoi à l'extérieur de la réserve ne devrait pas être, au titre de ce règlement, une infraction justifiant un renvoi dans la réserve. Elle soutient également que l'employeur n'a pas suivi une politique de mesures disciplinaires progressive, comme il est prévu dans ses politiques, et qu'elle a subi un traitement différent que celui des autres membres du personnel.

[24] L'intimée a soutenu que, lorsque l'appelante a signé l'entente selon laquelle elle respecterait le règlement no 1, elle a accepté cette condition d'emploi et elle a compris que cette violation du règlement ne serait pas tolérée. L'appelante a bel et bien reçu des mesures disciplinaires progressives prenant la forme d'un avertissement verbal et d'un avertissement selon lequel il y aurait un motif de congédiement si une autre plainte était reçue. L'intimé n'a pas le fardeau de déterminer la gravité de la mesure disciplinaire. La consommation d'alcool dans la réserve par l'appelante constituait une inconduite au sens de la Loi, car elle avait accepté au moment de l'embauche de suivre le règlement no 1 concernant l'interdiction de possession ou de consommation de substances intoxicantes dans le territoire de la réserve.

Analyse

[25] Les dispositions législatives pertinentes sont présentées à l’annexe de la présente décision.

[26] Le paragraphe 30(1) de la Loi prévoit qu’une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations d'assurance-emploi si elle perd son emploi en raison de son inconduite.

[27] La Loi ne définit pas l’inconduite. La notion juridique de l'inconduite pour les besoins de l'article 30(1) de la Loi est donc définie dans la jurisprudence, dans laquelle il a été conclu qu'il y a inconduite lorsque le comportement de la partie prestataire est délibéré, dans le sens où les gestes ayant mené au congédiement étaient conscients, délibérés ou intentionnels et où la partie prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l'exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu'elle soit congédiée (Canada (procureur général) c Tucker, A-381-85 [Tucker ]; Mishibinijima c Canada (Procureur général), 2007 CAF 36 [Mishibinijima]).

[28] Dans les cas d'inconduite, le farde incombe à l'intimée de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la perte d'emploi était « en raison de son inconduite ». Pour ce faire, le Tribunal doit être convaincu que l’inconduite était le motif et non l’excuse du congédiement (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration c. Bartone, A-369-88; Davlut c Canada (Procureur général), A-241-82).

[29] Finalement, si la partie appelante commet une inconduite, il doit être prouvé qu'il y a un lien de causalité entre l'inconduite reprochée au membre de personnel et son emploi. L’inconduite doit être commise par la partie appelante alors qu’elle était à l’emploi de l’employeur et cette inconduite doit constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail (Canada (Procureur général) c Brissette, A‑1342-92; Canada (Procureur général) c Cartier, 2001 CAF 274).

[30] Le premier facteur dont le Tribunal doit tenir compte est la raison pour laquelle l'appelante a été congédiée de son emploi.

[31] L'intimée fait valoir que l'appelante a été congédiée après qu'il a été conclu qu'elle avait consommé de l'alcool dans la réserve de la X, ce qui contrevient au règlement no 1.

[32] L'appelante soutient qu'elle a été prise pour cible par ses employeurs et qu'elle a été congédiée parce qu'elle a pris un verre chez elle dans un contexte social.

[33] Selon la lettre de congédiement produite par l'employeur le 8 juin 2017, l'appelante a été congédiée parce qu'elle avait été aperçue en état d'ébriété le 28 avril 2017 et qu'elle avait été informée qu'une seconde plainte constituerait un motif de congédiement. Son employeur avait reçu un autre rapport selon lequel elle avait été aperçue en état d'ébriété le 3 juin 2017, et elle a donc été congédiée (GD3-27).

[34] Selon le RE produit par l'employeur, le motif de la cessation est [traduction] « manquement au règlement no 1 » (GD3-19).

[35] D'après cette preuve, le Tribunal estime que le motif du congédiement de l'appelante était qu'on avait signalé qu'elle avait été aperçue en état d'ébriété, ce qui contrevient au règlement no 1.

[36] La prochaine question que le Tribunal doit trancher est celle de savoir si l'appelante a adopté le comportement ayant mené à son congédiement.

[37] L'appelante a confirmé avoir consommé de l'alcool sur le territoire de la réserve, mais pas durant son travail : c'était pendant la fin de semaine, durant ses temps libres, et elle ne s'est pas présentée au travail sous l'influence de l'alcool.

[38] Étant donné que l'appelante a conformé cela dans ses discussions précédentes avec l'intimée et encore une fois directement dans le cadre de son témoignage devant le Tribunal, celui-ci estime qu'elle a bel et bien consommé de l'alcool dans la réserve. D'après le libellé du règlement no 1, le Tribunal souligne que toute personne trouvée en possession de produits intoxicants contrevient au règlement. Elle a donc violé le règlement.

[39] Après avoir conclu que l'appelante a été congédiée pour avoir contrevenu au règlement no 1 et également après avoir conclu que l'appelante a admis avoir consommé de l'alcool dans une propriété de la bande, ce qui contrevient à ce règlement, la prochaine question que le Tribunal doit trancher est celle de savoir si le comportement de l'appelante constituait une inconduite selon la Loi.

[40] Dans l'arrêt Canada (Procureur général) c Lemire, 2010 CAF 314, la Cour d'appel fédérale renvoie aux arrêts Tucker et Mishibinijima pour souligner que la notion juridique de l'inconduite pour les besoins de l'article 30(1) de la Loi a été définie comme étant une inconduite délibérée dont la partie prestataire savait ou aurait dû savoir qu'elle était de nature à entraîner son congédiement.

[41] La notion d’inconduite délibérée, selon sa définition dans la jurisprudence, n’implique pas qu’il soit nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable ; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle (Canada (Procureur général) c Secours, A-325-94).En l'espèce, le Tribunal estime que, même si l'appelante n'avait pas une intention coupable en consommant de l'alcool dans la réserve, ses actions étaient délibérées, et elle savait ou aurait dû savoir qu'elles étaient de nature à entraîner son congédiement.

[42] L'intimée soutient que les actions de l'appelante constituaient une inconduite au sens de la Loi, car, lorsqu'elle a signé l'entente selon laquelle elle respecterait le règlement no 1, l'appelante a accepté cette condition d'emploi et a compris que cette action ne serait pas tolérée.

[43] Le représentant de l'appelante a fait valoir dans l'avis d'appel que la consommation d'alcool en dehors du travail (qui ne constitue jamais une infraction donnant lieu à un congédiement à l'extérieur de la réserve) ne devrait pas, au titre du règlement, constituer une infraction donnant lieu à un congédiement dans la réserve. Il se demande si le manquement à un règlement d'une communauté constitue une inconduite au sens de la Loi.

[44] Le Tribunal souligne que le témoignage donné par l'appelante devant le Tribunal n'est pas compatible avec les déclarations présentées précédemment à l'intimée. Plus particulièrement, à l'audience, l'appelante a déclaré que, au moment où elle aurait été aperçue en état d'ébriété par la partie ayant déposé la plainte à l'employeur de l'appelante, elle retournait en fait chez elle depuis la maison de son ami où elle avait passé la nuit après avoir pris quelques consommations la veille. Cela ne correspond pas à ses déclarations présentées à l'intimée selon lesquelles elle avait pris un verre dans un contexte social chez elle pendant la soirée en question.

[45] Peu importe cette contradiction, le Tribunal souligne que, dans les deux cas, l'appelante admet avoir consommé de l'alcool à un endroit dans la réserve. Même si l'appelante insiste sur le fait que la consommation a eu lieu dans une résidence privée, le règlement no 1 n'exclut pas un secteur de la réserve de l'application du règlement. Par conséquent, nous pouvons conclure que, étant donné que l'appelante a admis avoir consommé de l'alcool dans la réserve et qu'elle était au courant du règlement, elle a délibérément violé le règlement.

[46] De plus, le Tribunal fait remarquer que l'appelante a bel et bien signé, le 7 juillet 2016, un document intitulé [traduction] « Orientation » dans lequel il est clairement fait état que le personnel doit respecter le règlement no 1 et que la possession ou la consommation de boissons alcoolisées ou de médicaments sans ordonnance dans le milieu de travail ou à l'extérieur de celui-ci dans la communauté ne seront pas tolérérées. Ce document prévoit également une tolérance zéro pour les facultés affaiblies (GD3-26).

[47] Le Tribunal estime que, en ne respectant pas les conditions de l'entente intitulée [traduction] « Orientation » et signée par l'appelante, la consommation d'alcool contrevenant au règlement no 1 constituait un manquement évident à une obligation explicite résultat du contrat d'emploi, comme il est prévu dans l'arrêt Canada (Procureur général) c Cartier, 2001 CAF 274. Même si le manquement à un règlement communautaire ne pourrait pas constituer un motif de congédiement à l'extérieur de la réserve en l'espèce, le respect du règlement représentant une condition d'emploi explicite acceptée par l'appelante. Par conséquent, la violation du règlement constitue une violation du contrat d'emploi et représente ainsi une inconduite au sens de la Loi.

[48] Le Tribunal estime également que le document intitulé [traduction] « Orientation » prévoit expressément que l'interdiction de consommation de boissons alcoolisées n'est pas limitée au milieu de travail, mais bien qu'elle n'est pas tolérée, peu importe si le membre du personnel est au travail ou non.

[49] L'appelante a également fait valoir que son congédiement n'était pas approprié, car l'employeur n'a pas respecté sa politique de mesures disciplinaires progressives et que, par conséquent, elle ne pouvait pas savoir qu'elle risquait d'être congédiée.

[50] Le représentant de l'appelante a fait valoir à l'audience que, selon la section 34 du manuel sur la politique du personnel, au paragraphe f) (GD6-4), un manquement au règlement no 1 est un motif de mesure disciplinaire, et cette mesure est prévue à la section 16 du manuel sur la politique du personnel intitulée [traduction] « Discpline ». (GD3-29 et GD3-30). Pour ce motif, l'employeur aurait dû appliquer une procédure disciplinaire progressive, comme il est prévu à la section 16 de la politique. En n'agissant pas ainsi, il a agi de manière inéquitable avec l'appelante en la congédiant sans avoir donné d'avertissements préalables.

[51] Le Tribunal n'est pas d'accord avec l'argument de l'appelante selon lequel l'employeur était obligé de suivre les mesures disciplinaires progressives en l'espèce.

[52] Tout d'abord, la Cour d’appel fédérale confirme dans l'arrêt Canada (Procureur général) c Marion, 2002, CAF 185, que le rôle du Tribunal (conseil arbitral à l'époque) n'est pas de déterminer si la gravité de la sanction imposée par l'employeur est justifiée ou si le comportement du membre du personnel était un motif valable de congédiement, mais plutôt de déterminer si le comportement du membre du personnel correspondait à une inconduite au sens de la Loi. Il n'incombe donc pas au Tribunal de déterminer si l'appelante aurait dû être suspendue au lieu d'être congédiée, ou si le congédiement était la sanction appropriée (Canada (Procureur général) c. Caul, 2006 CAF 251).

[53] Ensuite, le Tribunal estime que les mots de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Jolin, 2009 CAF 303, s'appliquent en l'espèce lorsqu'il est déclaré ce qui suit :

En l’instance, il ne peut faire de doute que la conduite du prestataire était délibérée et que le prestataire était conscient que ce comportement pouvait avoir des conséquences disciplinaires sérieuses. [...] Ce n’est pas parce que la sanction disciplinaire s’avère plus sévère que celle prévue par le prestataire que son comportement n’est pas de l’inconduite.

[54] Après avoir entendu l'argument de l'appelante, le Tribunal n'est pas convaincu que l'employeur était obligé de suivre les différentes étapes des mesures disciplinaires progressives. Selon un examen de l'article 16 intitulé [traduction] « Discipline », il est clairement prévu que les mesures disciplinaires progressives peuvent consister en un avertissement verbal, un avertissement écrit, une suspension ou une probation, et finalement un congédiement justifié. Cependant, ce document fait également état qu'un membre du personnel peut être congédié avec justification et sans préavis, indemnité de départ ou de préavis, et prévoit une liste non limitée de situations qui semble être incomplète. Le Tribunal conclut donc que l'employeur n'était pas tenu de suivre les mesures disciplinaires progressives et qu'il lui était loisible de procéder à un congédiement avec justification sans préavis, indemnité de départ ou indemnité de préavis.

[55] Finalement, l'appelante a également fait valoir que d'autres membres du personnel avaient commis des infractions semblables et qu'ils n'avaient pas été congédiés. Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Namaro, A-834-82, la Cour d'appel fédérale a déclaré que le fait que d'autres membres du personnel déclarés coupables d'une inconduite semblable n'ont pas été congédiés n'est pas pertinent pour décider si la partie appelante a commis une inconduite selon la Loi. Le traitement d'autres membres du personnel n'est donc pas pertinent en l'espèce.

[56] Pour tous les motifs énoncés ci-dessus, le Tribunal estime que l'intimée s'est acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer que l'appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite au sens de la Loi, comme l'interprète la jurisprudence. En consommant de l'alcool dans une propriété de la bande, l'appelante a délibérément violé le règlement no 1 et elle n'a pas respecté les conditions explicites de son contrat de travail. Elle a donc commis une inconduite au titre de la Loi. Elle est donc exclue du bénéfice des prestations d'assurance-emploi en application de l'article 30(1) de la Loi.

Conclusion

[57] L’appel est rejeté.

Annexe

Droit applicable

Loi sur l'assurance-emploi

29 Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

(3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.

(4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.

(5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.

(6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.

(7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations — qu’elle soit initiale ou non — n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.