Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. La prestataire n’a pas démontré qu’elle avait été fondée à quitter son emploi. Il en résulte un trop-payé qui doit être remboursé.

Aperçu

[2] La prestataire touchait des prestations d’assurance-emploi (AE) tout en travaillant à temps partiel dans un restaurant. Elle a quitté son emploi à temps partiel, sans informer la Commission de l’assurance-emploi (Commission) de son départ, et a continué à toucher des prestations d’AE. La prestataire a alors présenté une nouvelle demande de prestations d’AE et la Commission a conclu que ses heures d’emploi à temps partiel ne pouvaient être utilisées pour la rendre admissible à une nouvelle période de prestations puisqu’elle avait quitté volontairement son emploi sans justification. Conséquemment, la Commission lui a aussi imposé une exclusion pour sa période de prestations précédente, donnant lieu à un trop-payé. La prestataire n’est pas d’accord pour dire qu’elle a quitté volontairement son emploi et souhaite faire réduire le montant du trop-payé.

Question en litige

  1. La prestataire a-t-elle quitté volontairement son emploi à temps partiel?
  2. Si tel est le cas, la prestataire a-t-elle prouvé qu’elle avait été fondée à quitter volontairement son emploi?
  3. La prestataire est-elle tenue de rembourser la dette qu’elle a accumulée du fait qu’elle a été exclue du bénéfice des prestations d’AE?

Analyse

[3] Les dispositions législatives pertinentes figurent en annexe de la présente décision.

[4] Conformément au paragraphe 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi), le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’AE s’il quitte volontairement un emploi sans justification.

[5] C’est à la Commission qu’il incombe de prouver que la prestataire a quitté volontairement son emploi. Il y a ensuite renversement du fardeau, et c’est la prestataire qui doit alors démontrer qu’elle a été fondée à quitter son emploi (Green c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 313).

1. La prestataire a-t-elle quitté volontairement son emploi?

[6] La question qu’il faut se poser, pour déterminer si la prestataire a quitté volontairement son emploi, est la suivante : avait-elle eu le choix de rester ou de quitter? (Canada (Procureur général) c. Peace, 2004 CAF 56).

[7] Le Tribunal estime que la Commission s’est acquittée du fardeau de prouver que la prestataire a quitté volontairement son emploi.

[8] La prestataire a affirmé qu’elle ne travaillait plus en raison d’un manque de travail. Elle a expliqué qu’elle n’avait ni démissionné ni été licenciée de manière officielle, et qu’il n’y avait simplement pas d’heures. Il est écrit sur le relevé d’emploi daté du 8 juillet 2017 que la prestataire avait commencé à travailler le 17 décembre 2015 et qu’elle avait démissionné le 20 juin 2016. L’employeur a affirmé qu’il n’y avait pas eu de manque de travail vers l’époque où la prestataire était partie. L’employeur a fourni la lettre de démission de la prestataire, dans laquelle il était écrit qu’elle quittait son emploi pour se consacrer à la recherche d’un emploi de bureau permanent et que son dernier jour de travail serait le 29 juin 2016.

[9] Le Tribunal accepte le témoignage et les déclarations de la prestataire voulant qu’elle aurait dû continuer à travailler jusqu’à ce que ses heures de travail eurent été réduites au point où elle n’avait plus d’horaire. Elle a aussi affirmé qu’il était plus honnête et honorable de sa part qu’elle démissionne. Le Tribunal en conclut que la prestataire a volontairement quitté son emploi même si elle avait eu le choix de rester.

2. La prestataire a-t-elle prouvé qu’elle avait été fondée à quitter volontairement son emploi?

[10] Pour savoir si un prestataire a été fondé à quitter volontairement un emploi, il faut déterminer, selon la prépondérance des probabilités, si son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas, compte tenu de toutes les circonstances (MacNeil c. Canada (Commission de l’assurance-emploi), 2009 CAF 306; Canada (Procureur général) c. Imran, CAF 306).

[11] L’alinéa 29c) de la Loi présente une liste non exhaustive de circonstances que le Tribunal doit prendre en considération pour déterminer si un prestataire a été fondé à quitter son emploi. Après avoir examiné les raisons pour lesquelles la prestataire a quitté son emploi à temps partiel, le Tribunal juge que les circonstances qui s'appliquent à l’espèce sont celles prévues aux sous-alinéas 29c)(ix) et 29c)(x), soit, respectivement, une modification importante des fonctions et des relations conflictuelles avec un superviseur, dont la cause n’est pas essentiellement imputable à la prestataire.

Relations conflictuelles

[12] Lorsqu’un prestataire soutient qu’il a quitté son emploi à cause de relations conflictuelles, il lui incombe de démontrer que cette situation s’était produite indépendamment de sa volonté ou qu’il n’y avait pas participé et qu’il n’y pouvait rien (Smith c. Canada (Procureur général) A-875-96).

[13] Le Tribunal estime que la prestataire n’a pas démontré qu’elle avait des relations conflictuelles avec un superviseur dont la cause ne lui était pas essentiellement imputable.

[14] La prestataire a expliqué qu’elle avait recommencé à travailler à temps partiel pour cet employeur pour la quatrième fois. Elle aimait travailler là parce que les propriétaires faisaient preuve d’une grande flexibilité relativement à son horaire, ce qui lui permettait de continuer à chercher un autre emploi. Par contre, un nouveau gérant n’était pas prêt à faire preuve d’autant de flexibilité et ils avaient commencé à ne [traduction] « pas bien s’entendre ».

[15] La prestataire a dit à la Commission que le nouveau gérant lui avait dit que ses heures seraient réduites et qu’il finirait par ne plus avoir assez d’heures pour elle. Le gérant ne lui avait pas expliqué pourquoi ses heures seraient réduites mais elle savait que cela était dû à leur mauvaise relation de travail. La prestataire a affirmé que leur rapport n’était pas hostile mais qu’ils ne voyaient simplement jamais les choses de la même façon.

[16] La prestataire a témoigné durant l’audience que le gérant avait nié avoir dit que ses heures seraient réduites, et elle est incapable de produire une preuve d’un milieu hostile. Interrogée sur ce milieu hostile, la prestataire a affirmé qu’il était entendu dans le passé qu’elle cherchait un emploi et que son horaire était adapté en conséquence pour l’aider. Le nouveau gérant ne s’en préoccupait pas du tout et, chaque fois qu’elle devait quitter le travail hâtivement, on lui disait qu’elle était [traduction] « une mauvaise employée », [traduction] « je ne comprends même pas pourquoi tu es revenue », [traduction] « comment t’attends-tu à ce qu’on s’arrange avec ces contraintes ». La prestataire a aussi affirmé que le gérant était rancunier, qu’il était désagréable avec elle au travail, et qu’il ne l’aidait pas sur le plancher. Le ton du gérant [traduction] « changeait ensuite du tout au tout » et il se montrait gentil envers elle, mais il redevenait désagréable dès qu’elle faisait quelque chose qui le fâchait.

[17] Le Tribunal n’est pas convaincu que la prestataire avait des conflictuelles relations conflictuelles avec un superviseur ni que leur cause ne lui était pas essentiellement imputable. La prestataire s’attendait à ce que le nouveau gérant se comporte de la même façon à son endroit que les anciens gérants en ce qui concerne son horaire. Même si le nouveau gérant n’était pas aussi flexible, une relation conflictuelle n’en découle pas automatiquement. Même si le Tribunal pouvait dire qu’il existait des relations conflictuelles, il ne pourrait conclure que leur cause n’était pas essentiellement imputable à la prestataire puisque ce sont ses demandes pour quitter le travail hâtivement et bénéficier d’un horaire flexible qui avaient engendré les problèmes avec son gérant. Le Tribunal conclut donc que le prétendu milieu hostile n’était pas indépendant de la volonté de la prestataire.

Modification des fonctions

[18] C’est à la prestataire qu’il incombe de démontrer qu’il y a eu une modification importante de ses fonctions (Canada (Procureur général) c. White, 2011 CAF 190).

[19] Le Tribunal juge que la prestataire n’a pas démontré qu’il y a une modification importante de ses fonctions. La prestataire a affirmé que le gérant lui avait dit que ses heures seraient réduites et qu’il finirait par ne plus avoir assez d’heures pour elle. Par contre, la prestataire a informé la Commission que ses heures n’avaient pas encore été réduites quand elle avait remis sa lettre de démission. Elle a aussi confirmé que ses heures n'avaient pas été réduites entre le moment où elle avait remis sa lettre de démission et son dernier jour de travail. Elle a déclaré qu’elle travaillait généralement trois jours par semaine et que c’était souvent la même chose.

[20] La prestataire a témoigné qu’elle avait été embauchée pour travailler à temps partiel et qu’on ne s’attendait aucunement à ce qu’elle fasse du temps plein. Elle a aussi affirmé qu’elle avait seulement eu deux quarts de travail en février 2016, une période peu achalandée en restauration. Lorsque c’était occupé, elle travaillait cinq quarts par semaine, mais elle ne travaillait plus que trois quarts par semaine depuis qu’il y avait de la [traduction] « friction » avec son gérant. Elle a affirmé qu’elle ne l’avait pas clairement expliqué à la Commission lors de leurs conversations téléphoniques puisqu’elle faisait trois quarts par semaine depuis un certain temps, et que rien n’avait donc vraiment changé. Elle a ajouté qu’elle travaillait plus d’heures auparavant et que leur nombre avait ensuite été réduit drastiquement.

[21] La Commission a parlé au gérant de la prestataire. Le gérant a nié avoir dit à la prestataire que ses heures seraient réduites et a confirmé que les heures de la prestataire n’avaient pas changé. Le gérant a affirmé qu’ils avaient une bonne relation de travail.

[22] Le Tribunal n’est pas convaincu que les heures de la prestataire avaient été réduites au point où elle n’avait d’autre choix que de quitter son emploi. La prestataire avait été embauchée pour travailler à temps partiel, et on peut qualifier de temps partiel le fait de travailler à raison de trois quarts par semaine. Il n’est pas déraisonnable qu’un employeur assigne plus de quarts à un employé à temps partiel lorsque les besoins opérationnels sont en hausse, et qu’il les réduise ensuite lorsque les besoins sont à la baisse. De plus, la prestataire soutient d’une part que le nouveau géant ne voulait pas faire preuve de flexibilité quant à son horaire pour qu’elle puisse trouver un autre emploi, mais elle se plaint d’autre part de la réduction drastique de ses heures de travail. Le Tribunal en conclut que la prestataire n’a pas prouvé que le fait de travailler trois quarts par semaine représentait une modification importante de ses fonctions.

Solutions raisonnables

[23] Pour prouver qu’elle a été fondée à quitter volontairement son emploi, la prestataire doit démontrer que son départ représentait la seule solution raisonnable dans son cas. La prestataire a l’obligation de résoudre les conflits de travail avec l’employeur ou de démontrer qu’elle a fait des efforts pour trouver un autre emploi avant de prendre la décision unilatérale de quitter son emploi (Canada (Procureur général) c. White, 2011 CAF 190).

[24] Le Tribunal estime que le prestataire disposait d’autres solutions raisonnables. Elle aurait pu faire part de ses préoccupations à son employeur dans le but de résoudre le conflit avec son gérant. Elle aurait également pu conserver son emploi jusqu’à ce qu’elle en ait décroché un autre. De plus, si les heures de la prestataire avaient fini par être réduites, elle aurait pu garder son emploi et simplement indiquer zéro heure de travail sur ses déclarations, ce qui n'aurait pas eu d'incidence sur son admissibilité aux prestations de l’AE.

[25] La prestataire a affirmé qu’elle n’avait pas été voir les propriétaires pour parler de ses heures ou de sa relation avec son gérant parce qu’ils avaient ouvert un autre restaurant et n’étaient pas souvent présents. Elle a aussi affirmé qu’elle n’aimait pas les conflits et qu’elle ne voulait donc pas impliquer les propriétaires. La prestataire a témoigné qu’elle n’avait pas fait part de ses préoccupations à son employeur parce qu’elle entretenait de très bonnes relations avec tous les autres employés et espérait simplement que cela se réglerait. Même si le Tribunal comprend que le prestataire a trouvé difficile de se plaindre au sujet d’un gérant, elle était dans l’obligation d’essayer de résoudre les conflits de travail avec un employeur. Elle ne l’a pas fait.

[26] Le Tribunal accepte les déclarations et le témoignage de la prestataire voulant qu’elle avait constamment cherché un emploi mais qu’elle n’avait reçu aucune offre d’emploi avant de démissionner. Le Tribunal conclut que le départ de la prestataire n’avait pas constitué sa seule solution raisonnable; par conséquent, elle n’a pas démontré qu’elle avait été fondée à quitter volontairement son emploi en vertu de l’alinéa 29c) de la Loi.

3. La prestataire est-elle tenue de rembourser la dette accumulée du fait qu’elle a été exclue du bénéfice des prestations d’AE?

[27] Conformément à l’article 43 de la Loi, un prestataire est tenu de rembourser une somme qui lui est versée par la Commission pour des prestations qu’il a touchées au titre d’une période pour laquelle il est exclu.

[28] Le Tribunal juge que la prestataire est tenue de rembourser le trop-payé découlant de l’exclusion qui lui a été imposée du fait qu’elle avait quitté volontairement son emploi sans justification. La prestataire n’avait pas fait savoir à la Commission qu’elle avait quitté son emploi. L’eut-elle fait, la Commission aurait enquêté et probablement mis fin au versement de ses prestations d’AE à ce moment-là, et il n’y aurait ainsi jamais eu de trop-payé.

[29] La prestataire a soutenu qu’elle implore la clémence comme le montant du trop-payé correspond au quart de son salaire annuel. Elle a affirmé que, même si la dette était réduite, cela l’aiderait énormément comme elle ne gagne pas beaucoup d’argent et retourne à l’école. Bien que le Tribunal comprenne la situation de la prestataire, elle a touché des prestations d’AE alors qu’elle en était exclue et, conformément à la Loi, elle est tenue de rembourser la somme du trop-payé. Le Tribunal n’est pas autorisé à réécrire la loi ni à l’interpréter d’une manière contraire à son sens ordinaire (Canada (Procureur général) c. Knee, 2011 CAF 301). 

Conclusion

[30] Le Tribunal conclut que, selon la prépondérance des probabilités, la prestataire n’a pas démontré qu’elle avait été fondée à quitter volontairement son emploi le 20 juin 2016, pour l’application de l’alinéa 29c) de la Loi. La Commission a eu raison de l’exclure du bénéfice des prestations pour une période indéfinie à compter du 26 juin 2016, en vertu du paragraphe 30(1) de la Loi. Ainsi, les prestations d’AE que la prestataire a reçues à la suite de son exclusion doivent être remboursées conformément à l’alinéa 43b) de la Loi.

[31] L’appel est rejeté.

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

  1. 29 Pour l’application des articles 30 à 33 :
    1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
    2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
    3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
      1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
      2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
      3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
    4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
      1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
      2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
      3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
      4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
      5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
      6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
      7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
      8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
      9. (ix) modification importante des fonctions,
      10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
      11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
      12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
      13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
      14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.
  2. 30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :
    1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
    2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.
  3. (2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.
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