Assurance-emploi (AE)

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Décision et Motifs

Comparutions

Appelante : A. L., et sa représentante, R. L.

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal estime que l’appelante n’a pas quitté volontairement son emploi le 4 août 2017, et qu’elle n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi au sens de l’article 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

Aperçu

[2] L’appelante a travaillé comme consultante dans une entreprise (employeur) jusqu’au 4 août 2017. Elle a présenté une demande initiale de prestations régulières d’assurance‑emploi (AE).

[3] L’appelante soutient qu’elle a quitté son emploi en raison d’un manque de travail occasionné par la vente de l’entreprise de son employeur. L’employeur soutient que l’appelante a été congédiée de son emploi.

[4] L’intimée a déterminé au stade initial que l’appelante a été congédiée de son emploi en raison de son inconduite et, après révision, l’intimée a déterminé que l’appelante est exclue des prestations d’assurance‑emploi parce qu’elle a quitté volontairement son emploi sans motif valable alors que le départ volontaire de son emploi ne constituait pas la seule solution raisonnable dans son cas. L’appelante a interjeté appel de la décision de l’intimée devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Mode d’audience

[5] L’audience a été tenue par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. Les renseignements figurant au dossier et le besoin d’obtenir des renseignements supplémentaires;
  2. Le mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[6] L’appelante a-t-elle quitté volontairement son emploi sans motif valable au sens des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi, ce qui justifie une exclusion du bénéfice des prestations d’AE?

Preuve

[7] Dans sa demande de prestations d’AE (GD3-3), l’appelante a inscrit qu’elle avait travaillé du 26 février 2016 au 4 août 2017 à titre de consultante dans une entreprise qui était à vendre, et qu’elle a quitté en raison d’un manque de travail lorsque l’entreprise a été vendue.

[8] L’employeur a produit un relevé d’emploi (RE) pour l’appelante et a inscrit que la raison de la production d’un RE était le code E, [traduction] « démission » (GD3-15), puis a ensuite modifié le RE pour inscrire congédiement comme raison de la cessation d’emploi.

[9] L’employeur a dit à l’intimée que l’appelante était cupide, et qu’elle avait essayé de faire chanter l’employeur (GD3-17). L’employeur a reconnu que l’entreprise a été vendue, que la date de prise de possession était le 30 septembre 2017, et que l’employeur et l’appelante négociaient des conditions de la cessation d’emploi (GD3-20).

[10] L’appelante a dit à l’intimée qu’elle nie avoir essayé de faire chanter l’employeur, mais qu’elle était au courant de la vente de l’entreprise en date du 30 septembre 2017, et qu’elle négociait les conditions de la cessation d’emploi avec l’employeur tout en offrant d’aider à la transition de l’entreprise au nouveau propriétaire (GD3-18).

[11] Plusieurs courriels ont été échangés entre l’employeur et l’appelante concernant la négociation des conditions de la cessation d’emploi de l’appelante.

[12] Le 26 juillet 2017, l’appelante était au courant de la vente de l’entreprise de l’employeur en date du 30 septembre 2017, et elle a exprimé des inquiétudes, dans un courriel daté du 26 juillet 2017, au sujet de son emploi au sein de l’entreprise dans le futur et a demandé un montant précis d’argent pour aider à la transition de l’entreprise au nouveau propriétaire (GD2A‑24). Dans le courriel, elle a affirmé : [traduction] « Si nous ne parvenons pas à une entente, malheureusement, je n’ai d’autres choix que de donner mes deux semaines d’avis ».

[13] L’appelante a dit à l’intimée qu’elle n’avait pas l’intention de donner à l’employeur un avis de départ dans le courriel du 26 juillet 2017, qu’elle avait l’intention de négocier avec son employeur des conditions de cessation d’emploi et qu’elle n’avait pas l’intention de démissionner avant de trouver un autre emploi. Elle a affirmé que son employeur a interprété le courriel comme une démission de manière à réaliser potentiellement des économies sur le plan financier en lui versant une indemnité de cessation d’emploi moins élevée (GD3‑29).

[14] Dans une série de courriels du 28 juillet 2017 au 31 juillet 2017 entre l’appelante et l’employeur, il est devenu évident qu’ils ne sont pas parvenus à s’entendre sur les conditions de la cessation d’emploi de l’appelante (FG2A‑26, GD3‑23 et GD2A‑27).

[15] Un courriel de l’employeur, daté du 28 juillet 2017, mentionne que l’employeur a décidé d’interpréter le courriel du 26 juillet 2017 de l’appelante comme une démission, de payer à l’appelante une indemnité de cessation d’emploi de deux semaines et de l’aviser que sa dernière journée de travail était le 4 août 2017 (GD2A‑27). L’employeur a affirmé : [traduction] « Il est évident que nous ne pouvons pas parvenir à une entente et j’accepte tes deux semaines d’avis ».

[16] L’intimée a déterminé au stade initial que l’appelante avait perdu son emploi en raison de son inconduite et a imposé une exclusion du bénéfice des prestations d’AE (GD3‑28). Dans son rejet de la demande de reconsidération de l’appelante, l’intimée a déclaré qu’il y avait eu exclusion du bénéfice des prestations d’AE parce que l’appelante avait quitté volontairement son emploi le 4 août 2017 alors que des solutions raisonnables autres que le départ s’offraient à elle compte tenu de l’ensemble des circonstances (GD3‑94). 

[17] Dans son témoignage, l’appelante a déclaré que lorsqu’elle a écrit un courriel en date du 26 juillet 2017 à l’employeur, elle espérait encore pouvoir s’entendre avec lui au sujet des conditions de la cessation d’emploi. Elle est d’avis qu’elle a été congédiée de son emploi, mais que ce n’est pas en raison de son inconduite.

Observations

[18] L’appelante a fait valoir ce qui suit :

  1. Elle a été employée jusqu’au 4 août 2017 et a quitté son emploi en raison d’un manque de travail attribuable à la vente de l’entreprise de son employeur;
  2. Elle n’avait pas l’intention de démissionner de son emploi avant d’avoir trouvé un autre emploi, mais elle a quitté son emploi lorsqu’elle et son employeur ne sont pas parvenus à négocier une entente relative aux conditions de sa cessation d’emploi.

[19] L’intimée a fait valoir ce qui suit :

  1. L’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’AE parce que le 4 août 2017, elle a quitté volontairement son emploi sans motif valable au sens de la Loi;
  2. L’appelante a pris une décision personnelle de quitter volontairement son emploi sans motif valable en démissionnant lorsque les négociations ne se déroulaient pas comme elle le voulait et elle s’est placée en situation de chômage;
  3. L’appelante avait d’autres solutions raisonnables que celle de quitter son emploi au moment où elle l’a fait, par exemple celle de conserver son poste jusqu’au moment de trouver un autre emploi.

Analyse

[20] Les dispositions législatives pertinentes sont présentées à l’annexe de la présente décision.

[21] L’objectif de la Loi est l’indemnisation des personnes dont l’emploi s’est terminé involontairement et qui se retrouvent sans travail (Canada (Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada) c. Gagnon, [1988] 2 R.C.S. 29).

[22] Le paragraphe 30(1) de la Loi prévoit l’exclusion du bénéfice des prestations si un prestataire a quitté volontairement son emploi sans motif valable. C’est à la Commission qu’il incombe de démontrer que la prestataire a quitté volontairement son emploi, puis il y a renversement du fardeau de la preuve et il incombe ensuite à la prestataire de démontrer qu’elle a été fondée à le faire (Green c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 313).

[23] Le Tribunal doit d’abord déterminer si l’appelante a quitté volontairement son emploi. La question qu’il faut se poser est la suivante : l’employée avait-elle le choix de rester ou de quitter? (Canada (Procureur général) c. Peace, 2004 CAF 56).

[24] Le Tribunal estime que l’employeur a choisi de mettre fin à l’emploi de l’appelante en raison de la vente de l’entreprise de l’employeur, et que ce n’est pas l’appelante qui a choisi de quitter son poste.

[25] Lorsqu’un prestataire quitte son emploi en raison d’un malentendu, la question importante est de savoir si la cessation d’emploi peut être considérée comme volontaire (Bedard c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 76).

[26] L’appelante soutient qu’elle a quitté son emploi en raison d’un manque de travail occasionné par la vente de l’entreprise de son employeur. Elle fait valoir que l’employeur a mal interprété son courriel du 26 juillet 2017 comme étant une démission alors qu’elle n’avait pas l’intention de démissionner et a plutôt tenté sans succès de négocier des conditions de cessation d’emploi.

[27] Le Tribunal estime que dans le courriel du 26 juillet 2017 de l’appelante à l’employeur, l’appelante a exprimé une intention de négocier des conditions de cessation d’emploi avec son employeur tout en sachant que l’entreprise de l’employeur était vendue en date du 30 septembre 2017. Cela est confirmé par sa déclaration à l’employeur : [traduction] « Si nous ne parvenons pas à une entente, malheureusement, je n’ai d’autres choix que de donner mes deux semaines d’avis ».

[28] L’employeur soutient, dans un courriel envoyé à l’appelante le 28 juillet 2017 (GD2A‑27), que le courriel du 26 juillet 2017 de l’appelante constituait une démission de son emploi, et a prétendu accepter sa démission; cependant, le Tribunal estime que la cessation d’emploi a été occasionnée par le manque de travail découlant de la vente de l’entreprise de l’employeur et l’indication à l’appelante son dernier jour de travail serait le 4 août 2017.

[29] Le Tribunal estime que l’appelante a exprimé son intention de négocier des conditions acceptables de cessation d’emploi avec l’employeur dans un courriel daté du 26 juillet 2017, et que les négociations ont échoué le 28 juillet 2017 lorsque l’employeur a choisi d’aviser l’appelante que sa dernière journée de travail serait le 4 août 2017, ce à quoi elle s’est conformée.

[30] L’employeur a déclaré : [traduction] « Il est évident que nous ne pouvons pas parvenir à une entente et j’accepte tes deux semaines d’avis », ce que le Tribunal considère comme la décision de l’employeur de mettre fin à l’emploi de l’appelante. 

[31] Le Tribunal estime que l’intimée ne s’est pas acquittée du fardeau relatif au départ volontaire (Green); c’est l’employeur qui a mis fin à l’emploi de l’appelante compte tenu de la vente de l’entreprise de l’employeur et d’une incapacité de négocier avec succès les conditions de cessation d’emploi avec l’appelante. L’appelante n’a pas quitté volontairement son emploi par suite de son propre choix (Peace).

[32] Compte tenu de la conclusion du Tribunal selon laquelle l’appelante n’a pas quitté volontairement son emploi, il n’est pas nécessaire pour le Tribunal d’aborder la question du motif valable pour lequel elle a quitté son emploi ou d’examiner si des solutions raisonnables autres que le départ s’offraient à l’appelante compte tenu de toutes les circonstances.

Conclusion

[33] Le Tribunal estime que l’appelante n’a pas quitté volontairement son emploi le 4 août 2017 et qu’une exclusion du bénéfice des prestations d’AE au sens de l’article 30 de la Loi sur l’assurance-emploi n’est pas justifiée.  

[34] L’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 26 avril 2018

Téléconférence

A. L., appelante
R. L., représentante de l’appelante

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

29  Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) « emploi » s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci‑après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

(3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.

(4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.

(5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.

(6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.

(7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations — qu’elle soit initiale ou non — n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.

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