Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal conclut que l’intimée a eu raison d’imposer une pénalité à l’appelante puisque celle-ci a sciemment fait une déclaration fausse ou trompeuse en soumettant ses déclarations Télédec et n’a pas avisé la Commission du fait qu’elle était à l’étranger durant les périodes visées par les déclarations.

Aperçu

[2] Une période de prestations d’assurance-emploi a été établie au profit de l’appelante, et une enquête réalisée par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (intimée) a révélé que l’appelante s'était trouvée à l’étranger alors qu’elle touchait des prestations. L’intimée a informé l’appelante qu’une pénalité lui avait été imposée puisqu’elle avait fait une fausse déclaration en omettant de déclarer qu’elle se trouvait à l’étranger. L’appelante a admis qu’elle avait quitté le pays pour rendre visite à un proche malade et qu’elle avait seulement rempli ses déclarations à son retour au Canada. Elle soutient qu’elle n’avait pas sciemment fait de fausses déclarations et qu’elle ignorait qu’un séjour à l’étranger pour voir ses parents et ses grands-parents aurait pour effet d’invalider sa demande. Elle affirme qu’elle avait appelé Service Canada plusieurs fois avant de partir à l’étranger puisqu’il y avait du retard dans le traitement de sa demande, et qu’on ne l’avait jamais informée du fait qu’elle ne pouvait pas voyager.

Question en litige

[3] Une pénalité doit-elle être imposée à l’appelante?

[4] L’appelante a-t-elle fait une déclaration fausse ou trompeuse? Si tel est le cas, l’a-t-elle faite sciemment?

[5] L’intimée a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire adéquatement en ce qui concerne le montant de la pénalité imposée?

Analyse

[6] Les dispositions législatives pertinentes figurent en annexe de la présente décision.

Question 1 : Une pénalité doit-elle être imposée à l’appelante?

[7] Des pénalités peuvent être imposées pour de fausses déclarations ayant été faites « sciemment », ce qui est déterminé selon la prépondérance des probabilités en fonction des circonstances ou des éléments de preuve de chaque affaire (Gates,A-600-94).

[8] Le Tribunal conclut que l’imposition d’une pénalité est justifiée puisque, selon la prépondérance des probabilités, l’appelante a sciemment fait des déclarations fausses ou trompeuses quand elle a rempli ses déclarations Télédec en sachant qu’elle s’était trouvée à l’étranger pendant les périodes visées par les déclarations.

Question 2 : L’appelante a-t-elle fait une déclaration fausse ou trompeuse et l’a-t-elle faite sciemment?

[9] Pour qu’une pénalité soit applicable, il ne suffit pas qu’une déclaration soit fausse ou trompeuse; le prestataire doit l’avoir faite en sachant sciemment qu’elle était fausse ou trompeuse (Mootoo, A-438-02). Il n’est pas nécessaire de démontrer qu’il y avait un élément moral, comme une intention de tromper, pour conclure qu’une fausse déclaration a été faite sciemment (Gates, A-600-94).

[10] Il incombe à l’intimée de prouver que l’appelante a fait sciemment une déclaration fausse ou trompeuse.

[11] L’intimée a produit en preuve les questions posées par le système Télédec pour la production de déclarations et les réponses fournies par l’appelante qui prouvent qu’elle a sciemment fait une déclaration fausse ou trompeuse (Lavoie, A-83-04; Caverly, A-211-0).

[12] Le Tribunal juge que l’intimée s’est acquittée du fardeau qui lui incombait parce qu’elle a prouvé que l’appelante a fait de fausses déclarations dans les déclarations qu’elle a remplies pour les semaines allant du 3 juillet 2016 au 31 juillet 2016. Une question simple lui avait été posée : [traduction] « Étiez-vous ailleurs qu’au Canada entre le lundi et le vendredi compris dans la période visée par cette déclaration? » Elle a répondu « non » à cette question, sachant pourtant, en remplissant ses déclarations à son retour au Canada, qu’elle avait voyagé à l’étranger.

[13] Le Tribunal constate que les déclarations Télédec démontrent que l’appelante a fait sciemment une déclaration fausse ou trompeuse en déclarant qu’elle ne s’était pas trouvée à l’étranger alors qu’elle savait qu’elle l’avait été.

[14] Il y a donc maintenant déplacement du fardeau de la preuve et c’est à l’appelante qu’il incombe de démontrer qu’elle n’a pas fait ces déclarations sciemment et de fournir une explication raisonnable pour justifier les renseignements inexacts.

[15] Le Tribunal juge, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante savait qu’elle soumettait des déclarations inexactes puisqu’elle a admis qu’elle s’était trouvée à l’étranger.

[16] Le Tribunal doit rendre une décision fondée sur les faits présentés relativement à la question dont il est saisi et il conclut que l’appelante a fait sciemment de fausses déclarations en remplissant ses déclarations. Elle n’a pu fournir aucune explication raisonnable justifiant sa réponse inexacte à la simple question suivante : [traduction] « Étiez-vous ailleurs qu’au Canada entre le lundi et le vendredi compris dans la période visée par cette déclaration? » L’appelante a admis avoir rempli les déclarations après son retour au Canada et savoir que les déclarations visaient des périodes précises. 

[17] L’appelante soutient qu’elle ne connaissait pas les règlements et qu’elle avait essayé de communiquer avec Service Canda plusieurs fois avant son départ à l’étranger comme il y avait déjà un retard dans le traitement de sa demande. Néanmoins, elle a fait des déclarations contradictoires selon lesquelles elle avait essayé de communiquer plusieurs fois avec Service Canada, mais en vain. Son représentant a plus tard affirmé que l’appelante avait discuté de sa situation avec Service Canada alors qu’elle était à l’étranger, ce qui contredit les déclarations de l’appelante.

[18] Que l’appelante ait réussi ou non à entrer en contact avec Service Canada, le Tribunal estime que cela ne change rien au fait qu’elle a mal rempli ses déclarations et n’a pas avisé Service Canada de son séjour à l’étranger.

[19] Le représentant de l’appelante remet en cause la pénalité et fait référence à une lettre qu’ils avaient reçue précisant qu’il n’y avait pas de pénalité et que l’appelante se voyait accordé le bénéfice du doute.

[20] Je constate que la lettre à laquelle le représentant fait référence est la décision de révision et que cette lettre précise de façon claire que la pénalité avait été réduite et que c’était l’avis de violation qui était retiré. De plus, l’appelante s’était vu accordé le bénéfice du doute en ce qui a trait à sa disponibilité pour travailler alors qu’elle était à l’étranger, ce qui n’est pas une question dont le Tribunal est saisi.

Question 3 : La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire adéquatement en ce qui concerne le montant de la pénalité imposée?

[21] Oui, le Tribunal estime que la Commission a jugé à juste raison qu’une pénalité devait être imposée en application de l’article 38 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

[22] La Commission soutient avoir rendu sa décision en l’espèce de manière judiciaire, comme elle a tenu compte de toutes les circonstances pertinentes pour déterminer le montant de la pénalité (Canada (Procureur général) c. Uppal, 2008 CAF 388; Canada (Procureur général) c. Tong, 2003 CAF 28).

[23] L’intimée a imposé une pénalité pécuniaire dont le montant a été calculé comme suit :

[traduction]

Le trop-payé était de 1497 $. Comme il s’agit de sa première fausse déclaration, l’appelante pourrait être sujette à une pénalité correspondant à 50 % de cette somme (749 $). Cependant, l’intimée a tenu compte des circonstances atténuantes de l’appelante, notamment de sa situation financière et de son devoir envers sa famille, et a réduit à 400 $ le montant de sa pénalité.

[24] Si le Tribunal conclut qu’une pénalité est justifiée, il doit ensuite déterminer si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière judiciaire lorsqu’elle en a déterminé le montant.

[25] Le Tribunal estime que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. En effet, elle a tenu compte des motifs de l’époque et des nouvelles circonstances atténuantes concernant ses finances et son devoir envers sa famille, qui étaient pertinentes pour établir la réduction encore plus importante de la pénalité à 400 $ (Morin, A-681-96).

[26] Le Tribunal compatit à la situation de l’appelante; cependant, une personne ne peut se soustraire à la loi simplement parce qu’elle a cotisé au régime. Le Tribunal a tenu compte de l’accord du représentant quant aux droits de la personne; par contre, le Tribunal juge que l’appelante n’a pas été traitée de façon injuste et qu’on ne l’a pas non plus empêchée d’une quelconque façon de communiquer avec Service Canada si elle ne comprenait pas bien ses droits et ses obligations, soit au moment où elle a présenté sa demande ou lorsqu’elle a rempli ses déclarations à son retour au Canada.

[27] Le Tribunal constate que l’appelante a rempli une demande de prestations, et a ainsi confirmé qu’elle comprenait ses droits et ses obligations, et qu’elle devait donc notamment signaler ses séjours à l’étranger et comprenait que, si elle omettait de révéler des renseignements ou faisait une déclaration fausse ou trompeuse sciemment, elle commettrait un acte ou une omission pouvant entraîner un trop-payé de prestations et l’exposer à de graves pénalités ou à des poursuites.

[28] Le représentant de l’appelante a affirmé que l’appelante avait cotisé à l’assurance-emploi et qu’elle avait été profondément déçue par tout le processus. Elle a repris le travail comme prévu. Il estime que des motifs humanitaires comme le stress indu et les difficultés linguistiques devraient être pris en considération.

[29] Le montant de la pénalité est une décision discrétionnaire relevant de la compétence de la Commission (Uppal 2008 CAF 388; Gill 2010 CAF 182).

[30] Le Tribunal n’est pas habilité à toucher aux décisions discrétionnaires de la Commission à moins qu’il soit démontré que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon non judiciaire ou qu’elle a agi de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance (Uppal, 2008 CAF 388; Mclean, 2001 CAF 5; Rumbolt, A-387-99).

[31] L’appelante soutient qu’elle ne devrait pas être traitée de la même façon que les Canadiens qui ont de la famille ici. Son voyage pour aller voir sa famille à l’étranger lui avait coûté cher. Elle plaide sa cause pour elle-même mais aussi pour les autres immigrants pour lesquels le gouvernement devrait expressément modifier ses règlements, pour tenir compte des besoins élémentaires de la famille. Elle n’est pas d’accord avec la demande et les formulaires et soutient que la communication entre Service Canada et la population devrait être plus claire.

[32] Le Tribunal compatit à la situation de l’appelante, mais il n’a pas compétence pour modifier les exigences prévues par la Loi et il doit en respecter les dispositions, quelles que soient les circonstances personnelles de l’appelante (Canada (Procureur général) c. Lévesque, 2001 CAF 304).

Conclusion

[33] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 14 mars 2018

Téléconférence

D. P., appelante

D. R., représentant de l’appelante

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

  1. 38 (1) Lorsqu’elle prend connaissance de faits qui, à son avis, démontrent que le prestataire ou une personne agissant pour son compte a perpétré l’un des actes délictueux suivants, la Commission peut lui infliger une pénalité pour chacun de ces actes :
    1. a) à l’occasion d’une demande de prestations, faire sciemment une déclaration fausse ou trompeuse;
    2. b) étant requis en vertu de la présente loi ou des règlements de fournir des renseignements, faire une déclaration ou fournir un renseignement qu’on sait être faux ou trompeurs;
  2. (2) La pénalité que la Commission peut infliger pour chaque acte délictueux ne dépasse pas :
    1. a) soit le triple du taux de prestations hebdomadaires du prestataire;
    2. b) soit, si cette pénalité est imposée au titre de l’alinéa (1)c), le triple :
      1. (i) du montant dont les prestations sont déduites au titre du paragraphe 19(3),
      2. (ii) du montant des prestations auxquelles le prestataire aurait eu droit pour la période en cause, n’eût été la déduction faite au titre du paragraphe 19(3) ou l’inadmissibilité ou l’exclusion dont il a fait l’objet;
    3. c) soit, lorsque la période de prestations du prestataire n’a pas été établie, le triple du taux de prestations hebdomadaires maximal en vigueur au moment de la perpétration de l’acte délictueux.
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