Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] La défenderesse, à savoir la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a rejeté la demande de prestations du demandeur (prestataire) au motif qu’il a volontairement quitté son emploi sans justification. Le prestataire a demandé une révision de cette décision en faisant valoir qu’il n’avait pas démissionné, mais qu’il avait été plutôt congédié sans justification. La Commission a maintenu sa décision originale, et le prestataire a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[3] La division générale a rejeté l’appel du prestataire le 28 décembre 2017 en confirmant qu’il avait quitté son emploi sans justification. Le prestataire cherche maintenant à obtenir la permission d’interjeter appel de cette décision.

[4] L’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès. Le prestataire n’a pas soulevé une cause défendable selon laquelle la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Questions en litige

[5] Existe-t-il une cause défendable selon laquelle la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée voulant que le prestataire ait quitté volontairement son emploi, et selon laquelle cette conclusion a été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à la connaissance de la division générale?

[6] La division générale a-t-elle refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire en omettant d’enquêter sur des circonstances supplémentaires qui ne figuraient pas dans la preuve?

Questions préliminaires

La demande de permission d’en appeler est-elle tardive?

[7] La demande de permission d’en appeler est tardive. La décision de la division générale a été rendue le 28 décembre 2017. Il n’existe aucune preuve quant au moment réel où la décision a été communiquée au prestataire, mais la division d’appel a reconnu avoir reçu la demande du prestataire le 25 janvier 2018. La demande initiale ne pouvait donc pas être tardive.

[8] Cependant, la demande initiale n’était pas complète. Le 26 janvier 2018, la division d’appel a envoyé au prestataire une lettre l’informant qu’il manquait certains renseignements dans la demande de permission d’en appeler et l’invitant à corriger les lacunes d’ici le 26 février 2018. Le prestataire a communiqué avec la division d’appel le 2 février 2018 afin de préciser ce qu’il devait faire pour compléter la demande. La division d’appel a envoyé au prestataire une seconde lettre datée du 20 février pour réitérer que la demande était toujours incomplète.

[9] Le prestataire a obtenu des précisions supplémentaires au téléphone le 1er mars 2018 et envoyé les exigences finales. Le 2 mars 2018, la division d’appel a reconnu que la demande du prestataire était complète.

[10] L’alinéa 57(1)a) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) prévoit qu’une demande de permission d’en appeler doit être présentée selon les modalités prévues et dans les 30 jours suivant la date où la partie appelante reçoit communication de la décision. L’article 40 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale prévoit les modalités et le contenu requis d’une demande complète. Une demande incomplète ne constitue pas encore une demande au sens de l’alinéa 57(1)a) de la Loi sur le MEDS.

[11] La division d’appel juge les demandes incomplètes sont présentées dans les délais si elles sont reçues dans les 30 jours suivant la date où la décision est communiquée et si les renseignements manquants sont fournis dans les délais prévus par le Tribunal. En l’espèce, le Tribunal a fixé la date limite au 26 février 2018 pour la réception de renseignements manquants. Ces renseignements n’ont pas été reçus avant le 2 mars 2018. La demande est donc tardive.

Le prestataire devrait-il se voir accorder une prorogation du délai pour chercher à obtenir une permission d’en appeler?

[12] J’accorderai une prorogation du délai et autoriserai le traitement de la demande tardive.

[13] Le paragraphe 57(2) de la Loi sur le MEDS autorise la prorogation du délai pour la présentation d’une demande de permission d’en appeler. Cette décision est fortement discrétionnaireNote de bas de page 1, mais, en exerçant mon pouvoir discrétionnaire d’accorder une prorogation du délai, je dois tout de même tenir compte des quatre facteurs établis par la Cour fédérale dans l’arrêt GattellaroNote de bas de page 2. Ces facteurs sont les suivants :

  • il y a intention persistante de poursuivre l’appel;
  • le retard a été raisonnablement expliqué;
  • la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie;
  • la cause est défendable.

[14] L’importance accordée à chacun des facteurs susmentionnés peut varier d’une cause à l’autre. Dans certains cas, différents facteurs seront pertinents. La considération primordiale est de servir l’intérêt de la justiceNote de bas de page 3.

[15] En l’espèce, la demande incomplète et initiale du prestataire a été présentée dans les délais et elle était seulement en retard de quatre jours. Il a maintenu la communication avec le Tribunal afin de préciser les exigences relatives à la demande de permission d’en appeler et afin d’y satisfaire. J’estime qu’il avait l’intention persistante de poursuivre l’appel et que le retard a été raisonnablement expliqué. De plus, j’estime qu’un retard de quatre jours seulement ne pourrait pas causer de préjudice à la Commission relativement à sa capacité de traiter la demande.

[16] Bien que je n’estime pas que l’affaire soit défendable, comme il sera démontré dans mes motifs ci-dessous, trois des facteurs établis dans l’arrêt Gattellaro appuient la prorogation du délai. Étant donné le léger retard, je ne peux pas accepter qu’il soit dans l’intérêt de la justice de refuser la prorogation du délai.

[17] J’examinerai la demande de permission d’en appeler du prestataire.

Analyse

Principes généraux

[18] La division générale doit examiner et soupeser la preuve portée à sa connaissance, et tirer des conclusions de fait. Elle doit également appliquer le droit. Celui-ci comprend les dispositions législatives de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) et du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE) qui sont pertinentes dans les questions faisant l’objet de l’examen, et il pourrait comprendre les décisions dans lesquelles une cour a interprété les dispositions législatives. Finalement, la division générale doit appliquer le droit aux faits et tirer des conclusions quant aux questions à trancher.

[19] La division d’appel peut seulement intervenir dans la décision de la division générale si celle-ci a commis certains types d’erreurs, appelées « moyens d’appel ».

[20] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS prévoit seulement les moyens d’appel suivants :

  1. a) la division générale a omis d’observer un principe de justice naturelle ou a autrement outrepassé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[21] À moins que la division générale ait commis une des erreurs précédentes, l’appel ne peut pas avoir gain de cause, et ce, même si la division d’appel n’a pas d’accord avec la conclusion de la division générale et le résultat.

[22] À cette étape, je dois établir qu’il existe une chance raisonnable de succès selon l’un ou plusieurs des moyens d’appel afin d’accorder la permission d’en appeler et de permettre la poursuite de l’appel. Une chance raisonnable de succès équivaut à une cause défendableNote de bas de page 4.

Conclusion selon laquelle le prestataire a quitté volontairement son emploi

[23] L’article 30 de la Loi sur l’AE prévoit que la partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle perd un emploi en raison de son inconduite ou si elle quitte volontairement un emploi sans justification. Le prestataire a fait valoir devant la division générale qu’il n’avait pas quitté son emploi volontaire et qu’il avait plutôt été congédié. Si la division générale a conclu qu’il avait été congédié, elle aurait dû ainsi examiner davantage la question de savoir s’il avait été congédié pour inconduite. Étant donné qu’elle a conclu que le prestataire a quitté volontairement son emploi, la division générale a examiné si le prestataire avait une autre solution raisonnable que celle de démissionner, compte tenu de l’ensemble des circonstances.

[24] Le prestataire a soutenu que la division générale a commis une erreur en concluant qu’il avait quitté volontairement son emploi. Selon lui, la déclaration du contremaître selon laquelle il n’avait pas à se donner la peine de revenir ne peut pas être interprétée comme une démission, peu importe les circonstances.

[25] La division générale a reconnu que le prestataire et l’employeur ont convenu que le contremaître du prestataire lui a dit de ne pas se donner la peine de revenir (paragraphes 8 et 11 de la décision). Le prestataire semble voir le fait que le contremaître a fait cette déclaration comme une preuve concluante selon laquelle il a été congédié et selon laquelle il n’a pas démissionné. Il a le sentiment que cela est véridique [traduction] « peu importe les circonstances ».

[26] Cependant, le fait que la division générale a tenu compte de la preuve concernant les circonstances du départ du prestataire de son emploi, y compris le contexte de la déclaration du contremaître, ne constitue pas une erreur. Les faits non contestés sont notamment les suivants :

  • La déclaration du contremaître était en réponse à la déclaration du prestataire selon laquelle il avait l’intention de prendre un congé (paragraphes 11 et 14). Selon la demande de révision du prestataire. Il a dit au contremaître qu’il serait absent du travail pendant [traduction] « les prochains jours et la semaine suivante ».
  • Une lettre de l’adjoint du contremaître de l’usine, présentée par le prestataire à l’appui de sa demande de révision, selon laquelle [traduction] « on a dit [au prestataire] que, s’il partait, il pouvait bien ne pas revenir ». L’employeur a convenu que le contremaître lui a dit de ne pas se donner la peine de revenir [traduction] « s’il quittait » (paragraphe 16).
  • Le contremaître était fâché ou ennuyé au moment où il a dit au prestataire de ne pas se donner la peine de revenir travailler (l’employeur a décrit le contremaître comme étant [traduction] « brusque » avec le prestataire, et celui-ci a dit qu’il [traduction] « criait »), mais il lui a ensuite demandé de passer à son bureau afin d’en discuter davantage. Le prestataire a refusé et il a quitté les lieux (paragraphes 14 et16).

[27] La division générale est le juge des faits, et il était loisible à la division générale de conclure que le prestataire avait volontairement quitté son emploi, et ce, même en se fondant sur la preuve non contestée. Je reconnais que le prestataire n’est pas d’accord avec la façon dont la division générale a soupesé et analysé la preuve ainsi que sa conclusion, mais un simple désaccord avec les conclusions ne constitue pas un moyen d’appel prévu par le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDSNote de bas de page 5. Une demande de nouvelle appréciation de la preuve n’établit pas non plus l’existence d’un moyen d’appel offrant une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 6. Le prestataire ne m’a pas convaincu qu’il existe une cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur prévue à l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS.

Stress comme motif de départ

[28] Le prestataire a fait valoir que la division générale a commis une erreur en catégorisant à tort sa demande de prestations au paragraphe 6 lorsqu’elle a déclaré que le prestataire avait quitté son emploi parce qu’il devenait stressé. Le prestataire avait déclaré qu’il avait démissionné dans le formulaire de demande et il a déclaré qu’il devenait très stressé et qu’il devait prendre une courte pause afin de soulager son stress, en réponse à la question 8 du questionnaire, qui demandait d’expliquer en détail la façon dont le contremaître avait contribué à la démission. Cependant, il semblerait que le stress a été fourni comme raison pour laquelle le prestataire a dit au contremaître qu’il prenait congé, et non comme motif de démission. Je suis d’accord avec le prestataire que le résumé de la division générale sur cet élément de preuve particulier est incorrect.

[29] Cependant, la division générale passe cette question en revue au paragraphe 37, dans lequel elle souligne que le prestataire a rempli le questionnaire dans lequel il a déclaré avoir démissionné en raison de son contremaître, ce qui est exact relativement à ses réponses aux questions 6, 7 et 8 du questionnaire. La division générale a également conclu plus particulièrement au paragraphe 37 que le prestataire avait quitté volontairement son emploi après avoir refusé d’accepter que le contremaître a rejeté sa demande de congé.

[30] Cette conclusion était loisible à la division générale selon les faits, et la prépondérance du résumé de la preuve de la division générale et son analyse donnent à penser qu’elle a pleinement apprécié la façon dont le prestataire a catégorisé son départ la preuve relative à ce départ.

[31] La conclusion selon laquelle le prestataire a volontairement quitté son emploi ou démissionné ne semble pas avoir été influencée par la déclaration erronée concernant la réponse du prestataire à la question 8. Par conséquent, je n’estime pas que cela appuie l’existence d’une cause défendable selon laquelle la conclusion de la division générale a été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Importance de la preuve concernant les messages textes

[32] Le prestataire n’a pas contesté le fait que l’employeur a tenté de lui envoyer des messages textes aux paragraphes 10 et 16, mais il déclare qu’il ne pourrait pas avoir reçu ces messages textes. En mettant de côté un instant la question de savoir si la preuve selon laquelle il pourrait ne pas avoir reçu les messages textes avait même été portée à la connaissance de la division générale, je ne suis pas convaincu de la pertinence.

[33] La division générale s’est fondée sur le courriel du contremaître, mais pas sur la preuve concernant des messages textes. Elle s’est également fondée sur la preuve concernant les courriels pour appuyer sa conclusion selon laquelle le contremaître s’attendait à ce que le prestataire retourne travailler après son congé. Rien ne démontre que les messages textes de l’employeur ou du contremaître ont eu une influence quelconque sur la décision.

[34] Le prestataire n’a pas présenté une cause défendable selon laquelle la division générale a fondé sa décision sur une conclusion concernant la réception ou non par le prestataire de messages textes provenant de l’employeur ou du contremaître.

Examen approfondi de la justification

[35] J’estime qu’il n’existe aucune cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur en concluant que le prestataire avait quitté volontairement son emploi. L’article 29 de la Loi sur l’AE prévoit que la partie prestataire est fondée à quitter son emploi si elle n’avait aucune autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi, compte tenu des circonstances. Cependant, les arguments du prestataire portaient entièrement sur la distinction entre le départ volontaire et le congédiement. Il n’a pas laissé entendre que la division générale avait commis une erreur en ne tenant pas compte de l’ensemble des circonstances ou dans la détermination des autres solutions raisonnables.

[36] J’ai suivi les directives de la Cour fédérale dans des affaires comme celle de KaradeolianNote de bas de page 7, dans laquelle il a été déclaré ce qui suit : « […] le Tribunal doit s’assurer de ne pas appliquer de façon mécanique le libellé de l’article 58 de la Loi quand il exerce sa fonction de gardien. Il ne doit pas se laisser piéger par les moyens d’appel précis avancés par une partie qui se représente elle-même […] ».

[37] Par conséquent, j’ai examiné le dossier à la recherche d’une autre erreur et j’ai tenu particulièrement compte de la question de savoir si un élément de preuve a été ignoré ou mal interprété relativement aux circonstances de la preuve qui seraient pertinentes pour déterminer si le prestataire avait d’autres solutions raisonnables que celle de quitter son emploi. Cependant, j’ai été incapable de constater un élément de preuve ignoré ou mal interprété, ou une autre erreur évidente.

[38] Il n’existe aucune cause défendable selon laquelle la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Enquête incomplète

[39] Le prestataire a fait également valoir que la division générale n’a pas cherché à obtenir de renseignements sur la raison pour laquelle le contremaître du prestataire a été relevé de ses obligations et qu’elle n’a pas enquêté pleinement sur les circonstances de sa cessation d’emploi. Cela pourrait être interprété comme un argument selon lequel la division générale n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire comme il est prévu à l’alinéa 58(1)a) de la Loi sur le MEDS.

[40] La Cour fédérale a confirmé qu’un tribunal n’est pas tenu de chercher à obtenir une preuve de la part d’une partie demanderesseNote de bas de page 8. Dans le même ordre d’idées, la division générale n’est pas tenue de chercher à obtenir d’autres éléments de preuve provenant d’une autre source. Comme il a été statué par la Cour suprême du Canada, [traduction] « le fait de ne pas effectuer ce qui n’est pas prévu ne devrait pas être interprété comme un déni du droit d’être entendu ou un refus d’exercer sa compétenceNote de bas de page 9 ». Étant donné que la division générale n’est pas tenue d’enquêter, le fait de ne pas avoir enquêté ne constitue pas un refus d’exercer sa compétence.

[41] J’estime que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[42] La demande est rejetée.

 

Représentant :

R. C., non représenté

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