Assurance-emploi (AE)

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Décision et Motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est accueillie.

Apercu

[2] Les demandeurs, des professeurs avec des postes à durée indéterminée des conseils scolaires catholiques de l’Ontario, ont touché des prestations au titre de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). De plus, ils ont reçu une somme forfaitaire, en raison d’une entente avec leur employeur, qui pouvait à l’époque avoir des répercussions sur leurs prestations d’assurance-emploi (AE).

[3] L’intimée, Commission de l’assurance-emploi du Canada, a tranché que les sommes forfaitaires constituaient des « rémunérations » et les a répartis à la semaine à laquelle les demandeurs ont ratifié leur entente de règlement. Cela a entraîné un trop-payé de prestations d’AE que les demandeurs devaient payer.

[4] Les demandeurs ont interjeté appel relativement à la décision de l’intimée auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada. La division générale a tranché que les sommes forfaitaires constituaient des « rémunérations », qui n’étaient pas soustraites à la répartition, qu’ils devraient être répartis à la semaine à laquelle les demandeurs ont ratifié leur entente de règlement.

[5] Les demandeurs souhaitent obtenir la permission d’en appeler de la décision de la division générale, sur le fond que celle-ci a commis une erreur de droit en concluant que la somme forfaitaire n’était pas exclue des définitions de « rémunération ». Subsidiairement, les demandeurs soutiennent qu’on aurait dû répartir le versement au titre des différentes dispositions de l’article du Règlement sur l’assurance-emploi, ce qui aurait entraîné un trop-payé.

[6] Je conclus que cet appel a une chance raisonnable de succès puisque la division générale pourrait avoir commis une erreur dans son interprétation ou dans son application des articles 35 et 36 du Règlement ou en n’appliquant pas correctement la jurisprudence exécutoire.

Questions en litige

[7] Question 1 : Existe-t-il un motif défendable selon lequel la division générale a commis une erreur de droit ou une erreur grave dans ses conclusions en concluant que la somme forfaitaire constitue une rémunération et qu’il doit être alloué au titre de l’article 36(19)b) du Règlement?

[8] Question 2 : Existe-t-il un motif défendable selon lequel la division générale a commis une erreur de droit en n’appliquant pas correctement la jurisprudence exécutoire?

Analyse

[9] Un demandeur doit obtenir la permission d’en appeler pour interjeter appel d’une décision de la division générale. La division d’appel accorde ou refuse la permission d’en appeler, et un appel peut seulement être instruit si cette permission est accordéeNote de bas de page 1.

[10] Avant de pouvoir accorder la permission d’en appeler, je dois décider si l’appel a une chance raisonnable de succès. Autrement dit, existe-t-il un motif défendable grâce auquel l’appel proposé pourrait avoir gain de causeNote de bas de page 2?

[11] La permission d’en appeler est refusée si la division d’appel est satisfaite que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 3 fondée sur une erreur susceptible de révisionNote de bas de page 4. Les seules erreurs susceptibles de révision sont les suivantes : la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence; elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier; ou elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[12] Les demandeurs soutiennent que la division générale a commis des erreurs de droit et de graves erreurs en établissant les faits. Leur représentant a présenté des observations détaillées dans le cadre de sa demande.

[13] Bien que les demandeurs ont soulevé plus d’un motif d’appel, la division d’appel n’est pas tenue de traiter de chacun de ces motifs. Si des motifs d’appel sont interdépendants, il pourrait devenir impossible de les analyser distinctement. Un motif d’appel défendable peut justifier à lui seul l’octroi de la permission d’en appelerNote de bas de page 5. J’aborderai donc deux erreurs possibles, qui justifient un examen plus approfondi, et non toutes les erreurs soulevées.

Question 1 : Existe-t-il un motif défendable selon lequel la division générale a erré en concluant que la somme forfaitaire constitue une rémunération?

[14] Je juge qu’il y a une cause défendable en ce qui concerne le motif d’appel selon lequel la division générale pourrait avoir commis une erreur de droit ou une erreur mixte de fait et de droit, notamment sur la question de savoir si les sommes forfaitaires constituent des rémunérations ou étaient exclues de la définition de rémunération au titre de l’article 35 du Règlement.

[15] La première question que doit trancher la division générale porte sur la question de savoir si la somme forfaitaire constituait un « revenu » et une « rémunération » au titre de l’article 35 du Règlement.

[16] Il est indiscutable que les versements de la somme forfaitaire constituaient un « revenu » ou qu’ils étaient compris dans la vaste définition du terme « rémunération ». Toutefois, les demandeurs font valoir que ce revenu ne constituait pas une « rémunération » au titre de l’article 35(7)d) du Règlement, car les versements représentaient des « augmentations rétroactives de salaire ou de traitement ».

[17] La division générale a conclu que les versements de la somme forfaitaire constituaient une prime unique liée aux modalités de l’accord de règlement. Par conséquent, les versements ne s’inscrivent pas dans l’exclusion énoncée au titre de l’article 35(7)d).

[18] Les demandeurs soutient que la division générale a erré dans son interprétation de l’article 35(7)d) comme suit :

  1. en restreignant l’exception uniquement aux instances auxquelles s’appliquaient les versements ou qui sont survenus en raison de la fourniture de service;
  2. en exigeant que la période de rétroactivité soit exprimée et qu’elle ne soit pas versée dans une seule transaction.

[19] La division générale a conclu que l’entente de règlement ne mentionne pas que les versements constituaient des augmentations rétroactives et que les versements de la somme forfaitaire étaient une prime unique. Par conséquent, ils ne peuvent pas représenter des augmentations rétroactives de salaire ou de traitement, et ils ne sont pas compris dans l’exclusion.

[20] L’article 35(7)d) prévoit qu’une partie du revenu qu’un prestataire tire des « augmentations rétroactives de salaire ou de traitement » ne constitue pas des « revenus ». Par conséquent, ces sommes ne doivent pas être prise en considération ou réparties.

[21] La division générale devait interpréter la définition de « la partie du revenu que le prestataire tire [...] des augmentations rétroactives de salaire ou de traitement » et l’appliquer aux sommes précises ou aux circonstances particulières à l’appel en l’espèce.

[22] La question de savoir si la division générale a erré dans son interprétation ou dans son application de l’article 35(7)d) justifie un examen approfondi pour les motifs suivants :

  1. Si la division générale a erré dans son interprétation, elle aurait commis une erreur de droit en rendant sa décision; et SI la division générale a erré dans son application, elle aurait fondé sa décision sur une erreur mixte de fait et de droit.

[23] Il est prématuré pour la division d’appel, à l’étape de la permission d’en appeler, de trancher si la division générale a erré ou non au titre de l’article 35(7)d). Les demandeurs ont toutefois soulevé dans leur demande les arguments sur lesquels l’appel pourrait avoir gain de cause.

[24] De plus, j’ai remarqué qu’il ne semble pas y avoir de consensus dans la jurisprudence en ce qui concerne la compétence de la division d’appel sur des questions mixtes de faits et de droitNote de bas de page 6. Les demandeurs ont qualifié de conclusion mixte de faits et de droit la conclusion selon laquelle le versement de la somme forfaitaire était une prime de signatureNote de bas de page 7.

[25] Les parties doivent ainsi fournir des observations (sur le fond de l’appel) spécifiques à la question de savoir si la division d’appel a la compétence de trancher des questions mixtes de faits et de droit, à la lumière de la jurisprudence récente de la Cour d’appel fédérale et de la jurisprudence de longue date.

Question 2 : Existe-t-il un motif défendable selon lequel la division générale a commis une erreur de droit en n’appliquant pas correctement la jurisprudence exécutoire?

[26] Les autres arguments des demandeurs sont que les versements de somme forfaitaire constituent une « rémunération » et qu’ils doivent être au titre de l’article 36(4) du Règlement. et non l’article 36(19)b). Ils se sont fondés sur la décision BudhaiNote de bas de page 8 rendue par la Cour d’appel fédérale.

[27] Je juge qu’il y a une cause défendable en ce qui concerne le motif d’appel selon lequel la division générale pourrait avoir commis une erreur de droit ou une erreur mixte de fait et de droit, notamment sur son interprétation et son application de la décision Budhai.

[28] La division générale a renvoyé à la décision Budhai et l’a appliqué sur les circonstances de l’appelNote de bas de page 9.

[29] Devant la division générale, chacune des parties a présenté des observations sur l’application de la décision Budhai en l’espèce. Ils s’entendent que la Cour d’appel fédérale a maintenu qu’en déterminant si les revenus doivent être répartis au titre des articles 36(4) ou 36(19) du Règlement, l’intention dominante des versements doit être déterminée. Ils s’opposent toutefois sur l’intention dominante selon laquelle les versements de la somme forfaitaire portaient sur ces circonstances précises.

[30] L’intimée est d’avis que l’intention dominante était de fournir un incitatif pour ratifier une nouvelle entente. Les demandeurs font savoir que les sommes forfaitaires visaient à compenser les augmentations de l’ancienne compensation. La division générale a conclu que l’intention dominante était « pour la ratificationNote de bas de page 10 » de la nouvelle entente.

[31] La question de savoir si la division générale a interprété et appliqué correctement la jurisprudence exécutoire pertinente à l’intention dominante du versement à répartir doit justifier un examen approfondi pour des motifs similaires à ceux susmentionnés aux paragraphes 21 à 24.

Conclusion

[32] La demande est accueillie au titre des articles 58(1)b) 58(1)c) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.

[33] La présente décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

Représentante :

Bernard A. Hanson, Cavalluzzo Shilton McIntyre
Cornish LLP, pour les demandeurs

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