Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Je conclus que la prestataire avait volontairement quitté son emploi sans justification, car elle n’a pas démontré qu’elle n’avait d’autre solution raisonnable que de le quitter.

Aperçu

[2] La prestataire, M. B., travaillait à X, Alberta, lorsqu’elle a été évacuée à cause des incendies de forêt dans la région. Après son retour, elle est devenue de plus en plus inquiète de l’impact émotionnel et des conséquences sur l’environnement résultant des feux de forêt, et elle sentait que de rester dans cette région engendrait des effets négatifs sur la santé à long terme. Elle a fait des plans pour retourner dans sa province et, lorsqu’elle n’a pas été capable de trouver à distance un emploi, elle a démissionné de son poste et est retournée vivre en Nouvelle-Écosse. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a déterminé qu’elle avait quitté volontairement son emploi sans justification. La prestataire a demandé une révision de la décision et a fait valoir qu’elle n’avait d’autre choix que de quitter la région pour des raisons de santé et de sécurité. La Commission a maintenu sa décision initiale.

Questions en litige

[3] Question en litige no 1 : La prestataire a-t-elle volontairement quitté son emploi?

[4] Question en litige no 2 : Si tel est le cas, était-elle fondée à volontairement quitter son emploi?

Analyse

[5] Une prestataire est exclue du bénéfice de prestations d’assurance-emploi (AE) si elle a volontairement quitté son emploi sans justification (paragraphe 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi)).

[6] La Commission a le fardeau de prouver que la prestataire a quitté son emploi volontairement. Il incombe ensuite à la prestataire de prouver qu’elle était fondée à agir ainsi en démontrant que, compte tenu de toutes les circonstances, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle n’avait d’autre seule solution raisonnable que de quitter (Canada (Procureur général) c. White, 2011 CAF 190). Le terme « fardeau » est employé pour décrire quelle partie doit fournir suffisamment d’éléments de preuve à l’appui de sa position pour surmonter le critère juridique. En l’espèce, le fardeau de la preuve correspond à la prépondérance des probabilités, ce qui signifie qu’il faut établir s’il est « plus probable qu’improbable » que les événements se soient déroulés comme décrits.

Question en litige no 1 : La prestataire a-t-elle volontairement quitté son emploi?

[7] Au moment de déterminer si la prestataire a volontairement quitté son emploi, la question à laquelle il faut répondre est la suivante : l’employée avait-elle le choix de conserver ou de quitter son emploi (Canada (Procureur général) c. Peace, 2004 CAF 56)?

[8] J’estime que la prestataire a volontairement quitté son emploi, car elle avait le choix de conserver son emploi et elle a choisi de démissionner. La prestataire confirme qu’elle a démissionné de son poste. De plus, le relevé d’emploi émis par son employeur indique que la prestataire a démissionné.

Question en litige no 2 : La prestataire était-elle fondée à volontairement quitter son emploi?

[9] Afin d’établir qu’elle était fondée à démissionner, la prestataire doit démontrer que compte tenu de l’ensemble des circonstances, et selon la prépondérance des probabilités, elle n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi. L’article 29 de la Loi établit une liste non exhaustive de circonstances qui doivent être prises en considération par le Tribunal pour déterminer si la prestataire était fondée à quitter son emploi. Des conditions de travail dangereuses qui présentent un danger à la santé et à la sécurité sont une des circonstances listées (alinéa 29c)(iv)).

[10] La prestataire fait valoir qu’elle sentait que sa santé et sa sécurité étaient mises en jeu en restant à X. Elle a présenté à la Commission plusieurs articles de presse qui déclaraient que les effets à long terme de la contamination causée par les feux de forêt n’étaient pas encore connus. La prestataire travaillait à une direction des services sociaux et elle avait l’habitude d’aider les autres et d’offrir de l’appui. Elle a déclaré qu’après les feux de forêt, tous sont venus pour reconstruire la communauté et aider les gens qui avaient été les plus touchés. Après que tous ces efforts aient cessé, elle a réalisé qu’elle se sentait traumatisée par les évènements entourant les feux de forêt; elle a pensé qu’elle allait mourir lorsque la ville a pris la décision tardive d’évacuer la région. Elle a perdu confiance en la ville par la suite, et elle a affirmé qu’elle n’avait pas confiance que leurs efforts pour traiter l’eau potable municipale étaient suffisants pour la protéger. Par conséquent, elle n’a bu que de l’eau en bouteille du moment où elle est retournée après les feux en juin 2016 jusqu’à ce qu’elle déménage en mai 2017.

[11] La prestataire confirme qu’elle n’a pas cherché à obtenir un avis médical concernant ses préoccupations de santé et qu’elle n’a pas discuté de celles-ci avec son employeur avant de démissionner. Elle a déclaré qu’elle n’avait pas de préoccupations relativement à la sécurité à son lieu de travail, indiquant que l’édifice où elle travaillait avait été nettoyé et assaini avant son retour et qu’il était sécuritaire.

[12] Une prestataire est fondée à démissionner si les circonstances liées à son emploi nuisent suffisamment à son état de santé pour justifier qu’elle mette fin volontairement à son emploi. Une prestataire a une responsabilité de discuter de ses conditions de travail avec son employeur et d’explorer la possibilité que la nature ou les conditions de travail de son emploi soient modifiées pour pallier ses inquiétudes (Canada (Procureur général) c. Hernandez, 2007 CAF 320).

[13] L’argument de la prestataire est que les conditions environnementales dans la région où elle habitait représentaient danger pour sa santé physique et mentale. La prestataire ne soutient pas que ses conditions de travail avaient un effet négatif sur sa santé; par conséquent, j’estime que la circonstance listée à l’alinéa 29c)(iv) de la Loi ne s’applique pas à la prestataire.

Solutions raisonnables

[14] Le terme justification n’est pas synonyme de raison valable. La question ne consiste pas à déterminer s’il était raisonnable pour la prestataire de quitter son emploi, mais bien à déterminer si sa seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, était qu’elle quitte son emploi (Canada (Procureur général) c. Laughland, 2003 CAF 12).

[15] La prestataire a une obligation, dans la plupart des cas, de démontrer des efforts déployés pour trouver un autre emploi avant de prendre la décision unilatérale de quitter le sien (White, précité).

[16] La prestataire a déclaré qu’elle avait pris la décision de retourner s’établir en Nouvelle-Écosse en mars 2017. La prestataire a indiqué dans des entrevues faites avec la Commission qu’elle avait postulé à deux postes tôt en avril 2017; elle a ensuite quitté son emploi le 24 avril 2017 et elle est déménagée en Nouvelle-Écosse le 9 mai 2017. La Commission fait valoir que de postuler à seulement deux postes ne démontre pas qu’elle ait fait des efforts sérieux et continus pour trouver un emploi avant de quitter son poste.

[17] La Commission fait valoir qu’il n’était pas urgent pour la prestataire de quitter son poste en avril 2017 avant qu’elle ne puisse trouver un autre travail. La prestataire a déclaré que le premier anniversaire des feux de forêt approchait et qu’elle avait pris la décision personnelle de déménager avant que cet évènement n’arrive, car elle sentait que celui-ci serait un trop gros déclencheur pour sa santé mentale. Elle a déclaré qu’elle comprenait la position de la Commission, mais qu’elle demandait de bénéficier d’un examen particulier à cause des feux de forêt et des difficultés émotionnelles que ces feux lui avaient causées.

[18] Je compatis avec la prestataire qui a dû faire face à ces défis, mais je m’appuie sur la jurisprudence qui a établi qu’il ne suffit pas que la prestataire prouve qu’elle a agi de façon raisonnable en quittant son emploi, mais qu’elle doit plutôt démontrer que, compte tenu de toutes les circonstances, elle n’avait d’autre solution raisonnable que de démissionner. La décision de la prestataire de déménager loin de sa région de résidence était un choix personnel, et bien qu’un choix personnel puisse constituer une justification, il n’est pas synonyme avec les exigences de prouver la justification à quitter son emploi (Tanguay c. Canada (Commission d’assurance-chômage), A-1458-84).

[19] J’estime que la prestataire avait d’autres solutions raisonnables avant de démissionner, comme de discuter de ses préoccupations de santé avec son médecin ou son employeur avant de faire des plans de quitter. La prestataire aurait aussi pu conserver son poste jusqu’à ce qu’elle ait trouvé un autre emploi en Nouvelle-Écosse. Par conséquent, je conclus que la prestataire n’a pas prouvé qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi, compte tenu des circonstances, puisqu’elle n’a pas prouvé qu’il n’y avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi lorsqu’elle l’a fait. Par conséquent, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations au titre des articles 29 et 30 de la Loi.

Conclusion

[20] L’appel est rejeté.

Mode d’instruction :

Comparutions :

Téléconférence

M. B., appelante

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

29 Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7,1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

(3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.

(4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.

(5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7,1.

(6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.

(1) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations — qu’elle soit initiale ou non — n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.

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