Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Je conclus que l’intimée a correctement imposé une pénalité modifiée de 3803 $ et un avis de violation, car l’appelant a sciemment omis de rapporter qu’il était retourné au travail pendant qu’il recevait des prestations parentales.

Aperçu

[2] L’appelant a établi une demande de prestations d’assurance-emploi et il a touché des prestations parentales pendant 35 semaines. Suite à l’enquête, il a été conclu que l’appelant était retourné au travail et avait touché un revenu pendant 24 de ses semaines. L’appelant n’a pas avisé Service Canada de ceci et il a conservé 13 versements de prestations. L’appelant a déclaré que son employeur l’avait pressé de retourner au travail pendant qu’il était en congé parental et il était retourné travailler et avait continué de recevoir des paiements parentaux. Il croyait que quelque chose n’allait pas et il a admis qu’il aurait dû contacter Service Canada. Il l’aurait probablement fait, mais il était stressé et occupé avec sa famille. Il a affirmé qu’il avait plutôt mis l’argent dans un compte d’épargne, car il savait qu’il devrait le rembourser.

[3] L’appelant a fait valoir que de devoir payer une pénalité serait, pour lui, une source de stress et de grandes difficultés financières. Il a expliqué que ses problèmes de santé au cours des années avaient contribué à son absence d’épargne/d’avoir et qu’il avait déboursé des sommes additionnelles pour que sa femme obtienne un statut permanent. Il a ajouté que ses niveaux de stress étaient devenus ingérables suite à la naissance de leur enfant, aux problèmes de santé mentale de son épouse et à la maladie de sa sœur. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (intimée) a imposé une pénalité et un avis de violation sur le principe que l’appelant avait fait ceci tout en sachant qu’il n’avait pas droit à cet argent.

Questions préliminaires

[4] L’appelant n’a pas participé à l’audience. Le reçu de livraison de Postes Canada montre que l’avis d’audience envoyé à l’appelant a bel et bien été livré et signé en date du 15 mars 2017. L’appelant a aussi contacté le Tribunal le 15 mars 2017 et a confirmé qu’il avait reçu l’avis d’audience. Le Tribunal, convaincu que la partie avait reçu l’avis d’audience, a instruit l’affaire en vertu du paragraphe 12(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions en litige

[5] Question en litige no 1 : l’appelant devrait-il se voir imposer une pénalité?

  1. L’appelant a-t-il fait une déclaration fausse ou trompeuse? Le cas échéant, celle-ci a-t-elle été faite sciemment?
  2. La Commission a-t-elle bien exercé son pouvoir discrétionnaire correctement relativement au montant de la pénalité?

[6] Question en litige no 2 : Un avis de violation devrait-il être émis?

Analyse

[7] Les dispositions législatives pertinentes sont présentées à l’annexe de la présente décision.

Question en litige no 1 : l’appelant devrait-il se voir imposer une pénalité?

Oui, je juge qu’une pénalité doit être imposée, car l’appelant n’a pas avisé Service Canada qu’il était retourné au travail. Je reconnais qu’il savait qu’il recevait des prestations parentales et qu’il n’y était pas admissible et qu’il a admis qu’il avait gardé l’argent dans un compte d’épargne en sachant qu’il devrait la rembourser.

a) L’appelant a-t-il fait une déclaration fausse ou trompeuse? Le cas échéant, a-t-elle été faite sciemment?

[9] Des pénalités peuvent être imposées en raison de fausses déclarations faites « sciemment ». Le terme « sciemment » est déterminé selon la prépondérance des probabilités, compte tenu des circonstances ou de la preuve dans chaque affaire (Gates,A-600-94).

[10] Pour qu’une pénalité s’applique, il ne suffit pas qu’une déclaration soit fausse ou trompeuse; le prestataire doit l’avoir faite en sachant sciemment qu’elle est fausse ou trompeuse (Mootoo, A-438-02). Il n’est pas nécessaire de démontrer qu’il y avait un élément moral, comme une intention de tromper, pour conclure qu’une fausse déclaration a été faite sciemment (Gates, A-600-94).

[11] Il incombe à l’intimée de prouver que l’appelant a sciemment fait une déclaration fausse ou trompeuse.

[12] Le Tribunal estime que l’intimée s’est acquittée du fardeau puisqu’elle a prouvé que l’appelant a fait une fausse déclaration lorsqu’il a omis d’aviser la Commission qu’il était retourné au travail. L’appelant a admis ne pas avoir contacté Service Canada lorsqu’il est retourné au travail, mais plutôt qu’il a conservé les prestations parentales dans un compte d’épargnes, car il savait qu’il n’y était pas admissible.

[13] Il incombe maintenant à l’appelant de prouver que de ne pas avoir divulgué ce renseignement n’avait pas été fait sciemment et fournit une explication raisonnable pour les renseignements inexacts.

[14] L’appelant fait valoir qu’on lui avait dit qu’il recevrait des communications écrites à la fin de sa demande, mais que ça n’a pas été le cas. Il a affirmé que s’il en avait reçu, il aurait su que c’était sa responsabilité d’aviser Service Canada qu’il était retourné au travail plus tôt et qu’il aurait pris des mesures et évité qu’une pénalité lui soit imposée.

[15] J’ai examiné la thèse de l’appelant expliquant qu’il avait été mal informé par l’agent de Service Canada. Cependant, il a été établi ce qui suit dans l’arrêt Granger (A-684-85) : « Il est également certain que l’engagement que prendrait la Commission ou ses représentants, qu’ils soient de bonne ou de mauvaise foi, d’agir autrement que ne le prescrit la loi, serait absolument nul et contraire à l’ordre public. »

[16] Je dois rendre une décision fondée sur les faits présentés en lien avec la question en litige et j’estime que l’appelant n’a pas été capable de présenter une explication raisonnable relativement à la raison pour laquelle il n’a pas avisé Service Canada lorsqu’il est retourné au travail. Il n’a pas pris les mesures nécessaires pour s’assurer qu’il avait fait part de sa situation (qu’il était retourné au travail) comme toute personne raisonnable l’aurait fait dans la même situation. L’appelant a travaillé 24 semaines pendant que des prestations parentales lui étaient versées sans aviser Service Canada.

[17] J’estime que l’appelant a sciemment fait une déclaration fausse, car il a reconnu qu’il savait qu’il était retourné au travail et qu’il continuait à recevoir ses versements de prestations parentales. Il a reconnu qu’il avait mis de l’argent dans un compte d’épargne séparé, car il savait que quelque chose n’allait pas et qu’il savait qu’il aurait à rembourser l’argent. Toutefois, il a quand même omis de contacter Service Canada durant toute la période où il recevait les prestations et même après que sa demande ait cessé. Ce n’a été que lors de l’enquête faite par l’intimée, 9 mois plus tard que tout a été révélé.

[18]   Je juge, selon la prépondérance des probabilités, que si une enquête n’avait pas été faite par l’intimée 9 mois plus tard, l’appelant ne l’aurait pas avisé de son propre chef qu’il avait reçu des sommes pour lesquels il n’était pas admissible. 

[19] J’estime selon la balance des probabilités que l’appelant savait qu’il avait consenti à une Déclaration d’exemption et les droits et les responsabilités qui y sont liés; par conséquent il incombait à l’appelant de rapporter qu’il était retourné au travail le 4 mai 2016.

b) La Commission a-t-elle bien exercé son pouvoir discrétionnaire concernant le montant de la pénalité?

[20] Oui, je juge que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire relativement à la détermination de la pénalité, car elle a tenu compte des circonstances atténuantes liées à la santé de l’appelant, de ses difficultés personnelles et financières et de la volonté de l’appelant à rembourser la somme rapidement. Tous ces facteurs ont été pris en compte pour déterminer le montant de la pénalité et le modifier pour le réduire encore de 20 % du trop-payé net : 12 678 $ X 30 % (50 % - réduction de 20 %) = 3803 $ (Morin A-681-96).

[21] Si je maintiens qu’une pénalité est justifiée, je dois ensuite déterminer si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière judiciaire lorsqu’elle en a déterminé le montant.

[22] Le Tribunal n’est pas doté du pouvoir d’intervenir dans les décisions discrétionnaires de la Commission, sauf s’il est possible de démontrer que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon non judiciaire ou qu’elle a agi de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance (Uppal, 2008 CAF 388; Mclean, 2001 CAF 5; Rumbolt, A-387-99).

[23] Le montant d’une pénalité est établi par une décision discrétionnaire qui relève de la compétence de la Commission (Uppal 2008 CAF 388, Gill 2010 CAF 182).

[24] L’intimée soutient que la Commission a rendu sa décision en l’espèce de manière judiciaire, car toutes les circonstances pertinentes ont été prises en compte pour évaluer le montant de la pénalité (Canada (PG) c. Uppal, 2008 CAF 388; Canada (PG) c. Tong, 2003 CAF 28).

[25] L’intimée fait valoir que la réduction initiale de la pénalité avait été calculée comme suit : 5000 $-20 %=4000 $; mais à la suite d’un examen de l’information dans le dossier de décision (GD3-34 à GD3-35) le calcul de la pénalité s’est avéré incorrect. La réduction de la pénalité de 20 % était appliquée sur la totalité du montant de la pénalité de 5000 $ plutôt que sur le pourcentage « assigné » au trop-payé net.

[26] L’intimée demande que la pénalité soit modifiée et qu’elle soit maintenant de 3803 $, le montant le plus bas de A, B ou C calculé comme suit :

Nombre de fausses déclarations : 13 trop-payés pour une somme de 12 678 $

A. 1er niveau de fausse déclaration. Pénalité maximale pour cette période de prestations = 5000 $

B. Pénalité de 50 % appliquée sur le trop-payé net : 12 678 $ X 50 % = 6339 $

Circonstances atténuantes précises reconnues pour une réduction de la pénalité : état de santé/considérations financières/facteurs de stress familiaux et personnels. C’était sa première demande et il a exprimé son intention de rembourser immédiatement le trop-payé.

Par conséquent, 50 % du trop-payé est réduit de 20 % en tenant compte des circonstances énumérées précédemment : 12 678 $ X 30 % (50 % - réduction de 20 %) = pénalité de 3803 $.

C. Somme légale de validation - Paragraphe 38(2) de la Loi : 3 x le taux de prestation hebdomadaire du client (537 $) x nombre de fausses déclarations (13) = 20 943 $.

Question en litige no 2 : Un avis de violation devrait-il être émis?

[27] Je juge qu’un avis de violation devrait être émis, car la fausse déclaration de l’appelant, qui travaillait alors qu’il recevait des prestations parentales pendant 24 semaines, a engendré un trop-payé de 12 678 $ et qualifie la violation d’importante.

[28] Le but de l’article 7.1 de la Loi est de « dissuader les violations au régime d’assurance-emploi en imposant une sanction additionnelle aux prestataires qui tentent d’abuser du système » (Gill c. Canada (AG), 2010 CAF 182).

[29] La Loi indique le nombre d’heures d’emploi assurable, requis au titre de l’article 7, pour être admissible aux prestations est majoré conformément au tableau qui suit en annexe, en fonction du taux régional de chômage applicable, à l’égard de l’assuré s’il est responsable d’une ou de plusieurs violations au cours des 260 semaines précédant sa demande initiale de prestations.

[30] L’intimée fait valoir que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière judiciaire en imposant un avis de violation. Après avoir considéré l’incidence globale de l’émission d’un avis de violation sur le prestataire, incluant les circonstances atténuantes, les infractions antérieures et l’incidence sur la capacité du prestataire à se qualifier pour des prestations dans le cadre de demandes futures, il a été déterminé qu’une violation grave s’appliquait en l’espèce et qu’elle serait maintenue.

[31] Pour que j’intervienne dans la décision de la Commission, je dois juger que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière judiciaire lorsqu’elle a décidé d’émettre l’avis de violation. L’appelant n’a pas participé à l’audience et n’a pas fourni d’information nouvelle ou additionnelle en appui à des circonstances atténuantes que la Commission aurait ignorées.

[32] J’estime que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire « d’une manière judiciaire » lorsqu’elle a émis un avis de violation, car ils ont tenu compte de l’impact global de l’avis de violation sur l’appelant incluant les circonstances atténuantes, les infractions antérieures et l’impact sur la capacité à être admissible lors de demandes futures.

[33] Je constate que l’appelant a des problèmes de santé et financiers et je compatis avec l’appelant; toutefois, je n’ai pas le pouvoir de modifier les exigences de la Loi et je dois respecter la législation, quelles que soient les circonstances personnelles de l’appelant (Canada (AG) c. Levesque, 2001 CAF 304).

[34] Je conclus que la Commission a correctement établi qu’une pénalité doit être imposée conformément à l’article 38 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) et que la pénalité monétaire doit être modifiée à 3803 $ et qu’un avis de violation doit être émis conformément à l’article 7.1 de la Loi.

Conclusion

[35] L’appel est rejeté relativement aux deux questions en litige.

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 24 avril 2018

Téléconférence

L’appelant ne s’est pas présenté.

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

7. (1) Le nombre d’heures d’emploi assurable requis au titre de l’article 7 est majoré conformément au tableau qui suit, en fonction du taux régional de chômage applicable, à l’égard de l’assuré s’il est responsable d’une ou de plusieurs violations au cours des deux cent soixante semaines précédant sa demande initiale de prestations.

Table / Tableau
Regional Rate of Unemployment /
Taux régional de chômage
Violation
minor / mineure serious / grave very serious / très grave subsequent / subséquente
6% and under/
6 % et moins
875 1050 1225 1400
 more than 6% but not more than 7%/
plus de 6 % mais au plus 7 %
831 998 1164 1330
more than 7% but not more than 8%/
plus de 7 % mais au plus 8 %
788 945 1103 1260
 more than 8% but not more than 9%/
plus de 8 % mais au plus 9 %
744 893 1041 1190
 more than 9% but not more than 10%/
plus de 9 % mais au plus 10 %
700 840 980 1120
more than 10% but not more than 11%/
plus de 10 % mais au plus 11 %
656 788 919 1050
more than 11% but not more than 12%/
plus de 11 % mais au plus 12 %
613 735 858 980
more than 12% but not more than 13%/
plus de 12 % mais au plus 13 %
569 683 796 910
more than 13%/
plus de 13 %
525 630 735 840

7.1(4) II y a violation lorsque le prestataire se voit donner un avis de violation parce que, selon le cas :

  1. a) il a perpétré un ou plusieurs actes délictueux prévus à l’article 38, 39 ou 65,1 pour lesquels des pénalités lui ont été infligées au titre de l’un ou l’autre de ces articles, ou de l’article 41.1;
  2. b) il a été trouvé coupable d’une ou plusieurs infractions prévues à l’article 135 ou 136;
  3. c) il a été trouvé coupable d’une ou plusieurs infractions au Code criminel pour tout acte ou omission ayant trait à l’application de la présente loi.

38 (1) Lorsqu’elle prend connaissance de faits qui, à son avis, démontrent que le prestataire ou une personne agissant pour son compte a perpétré l’un des actes délictueux suivants, la Commission peut lui infliger une pénalité pour chacun de ces actes :

  1. a) à l’occasion d’une demande de prestations, faire sciemment une déclaration fausse ou trompeuse;
  2. b) étant requis en vertu de la présente loi ou des règlements de fournir des renseignements, faire une déclaration ou fournir un renseignement qu’on sait être faux ou trompeurs;
  3. c) omettre sciemment de déclarer à la Commission tout ou partie de la rémunération reçue à l’égard de la période déterminée conformément aux règlements pour laquelle il a demandé des prestations;
  4. d) faire une demande ou une déclaration que, en raison de la dissimulation de certains faits, l’on sait être fausse ou trompeuse;
  5. e) sciemment négocier ou tenter de négocier un mandat spécial établi à son nom pour des prestations au bénéfice desquelles on n’est pas admissible;
  6. f) omettre sciemment de renvoyer un mandat spécial ou d’en restituer le montant ou la partie excédentaire comme le requiert l’article 44;
  7. g) dans l’intention de léser ou de tromper la Commission, importer ou exporter, ou faire importer ou exporter, un document délivré par elle;
  8. h) participer, consentir ou acquiescer à la perpétration d’un acte délictueux visé à l’un ou l’autre des alinéas a) à g).

(2) La pénalité que la Commission peut infliger pour chaque acte délictueux ne dépasse pas :

  1. a) soit le triple du taux de prestations hebdomadaires du prestataire;
  2. b) soit, si cette pénalité est imposée au titre de l’alinéa (1)c), le triple :
    1. (i) du montant dont les prestations sont déduites au titre du paragraphe 19(3),
    2. (ii) du montant des prestations auxquelles le prestataire aurait eu droit pour la période en cause, n’eût été la déduction faite au titre du paragraphe 19(3) ou l’inadmissibilité ou l’exclusion dont il a fait l’objet;
  3. c) soit, lorsque la période de prestations du prestataire n’a pas été établie, le triple du taux maximal de prestations hebdomadaires en vigueur au moment de la perpétration de l’acte délictueux.
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