Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal estime que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire lorsqu’elle a refusé de proroger le délai pour présenter une demande de révision de sa décision, car elle a tenu compte de l’information pertinente et n’a pas ignoré de renseignements importants lorsqu’elle a analysé les facteurs à prendre en considération.

Aperçu

[2] L’appelant a établi une demande de prestations d’assurance-emploi (AE) le 12 août 2012, et pendant que des prestations lui étaient versées il est retourné au travail et a omis d’en informer la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission). Le 10 avril 2013, la Commission a émis un avis d’exclusion à l’appelant, car pendant que des prestations lui étaient versées, il n’avait pas rapporté qu’il était au travail et qu’il recevait un revenu, et qu’il avait subséquemment quitté volontairement l’emploi. Ceci a entraîné un trop-payé, et une pénalité a été imposée.

[3] L’appelant a présenté une demande de révision le 15 décembre 2017, en indiquant qu’il ne savait pas qu’il pouvait faire appel des décisions. Il était jeune et immature et il n’avait pas réalisé les conséquences liées à ne pas présenter la demande. Il est prêt à rembourser le trop-payé, mais il souhaiterait ne pas avoir à payer la pénalité. La Commission a déterminé que la demande de révision datait de plus de 365 jours, ce qui est après le délai prévu de 30 jours. Elle a refusé de réviser sa décision, car l’appelant n’avait pas démontré qu’il avait une explication raisonnable pour le retard et qu’il avait toujours voulu faire une demande de révision des décisions. L’intimée a rejeté la demande de révision et l’appelant a interjeté appel devant le Tribunal.

Question en litige

[4] La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a rejeté la demande de prorogation du délai de trente jours pour présenter une demande de révision du prestataire?

Analyse

[5] Les dispositions législatives pertinentes sont présentées à l’annexe de la présente décision.

[6] Le paragraphe 1(1) du Règlement sur les demandes de révision prévoit que, pour l’application du paragraphe 112(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) et sous réserve du paragraphe (2), la Commission peut accorder un délai plus long pour la présentation d’une demande de révision, si elle est convaincue, qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai, que l’intéressé a manifesté l’intention constante de demander la révision, que la demande de révision a une chance raisonnable de succès, et que la prolongation éventuelle du délai de présentation de la demande ne porte préjudice ni à la Commission ni à quiconque.

[7] Selon la jurisprudence applicable à la prorogation du délai pour interjeter appel d’une décision, la Commission jouit du pouvoir discrétionnaire de prolonger le délai pour porter en appel une décision qu’elle a rendue, et sa décision d’accorder ou de refuser une prorogation ne peut être infirmée que si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon « non judiciaire » ou fondé sa décision sur des facteurs non pertinents ou sans tenir compte de facteurs pertinents (Chartier A-42-90).

[8] Si une décision de la Commission relative à la prorogation du délai pour demander une révision est portée en appel, la seule question sur laquelle le Tribunal doit statuer est de savoir si une prorogation du délai prévu pour la révision doit être accordée. Les fondements de la décision initiale relativement au trop-payé et à la pénalité ne sont pas des questions en litige dont est saisi le Tribunal. Le Tribunal ne peut intervenir que s’il détermine que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.

[9] Quiconque fait l’objet d’une décision de la Commission peut demander à la Commission de réviser sa décision dans les trente jours suivant la date où il en reçoit la communication comme prévu dans l’article 112 de la Loi. Par conséquent, le Tribunal doit d’abord déterminer le moment où la décision, datée du 10 avril 2013, a été communiquée à l’appelant.

[10] Il incombe à la Commission d’informer le prestataire des décisions relatives à sa demande de prestations d’AE et de leurs conséquences. La Commission a le fardeau de prouver que le prestataire a reçu communication de la décision (Bartlett c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 230).

[11] Le Tribunal convient avec la Commission que la décision a été communiquée à l’appelant le 10 avril 2013, ou peu de temps après. L’appelant reconnaît qu’il a reçu la lettre en avril 2013 vers cette date.

La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a rejeté la demande de prorogation du délai de trente jours pour présenter une demande de révision du prestataire?

[12] Oui, le Tribunal estime que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire parce qu’elle a tenu compte de tous les renseignements pertinents et qu’elle n’a pas pris en considération d’information inutile lorsqu’elle a rejeté la demande de l’appelant. La Commission a tenu compte de quatre facteurs a) le retard est-il raisonnablement expliqué; b) y a-t-il eu une intention constante de présenter la demande de révision; c) la demande de révision a-t-elle une chance raisonnable de succès; d) une prolongation éventuelle du délai de présentation de la demande porte-t-elle préjudice à la Commission ou à quiconque.

a) L’appelant avait-il une explication raisonnable pour demander une prorogation de délai?

[13] Non, le Tribunal juge que les raisons de l’appelant voulant qu’il soit jeune, immature et qu’à cause de son mode de vie il ne s’était pas occupé de la situation pendant presque cinq ans ne représentent pas une explication raisonnable. 

[14] Le Tribunal estime que la Commission a agi de façon judiciaire lorsqu’elle a déterminé que l’appelant n’avait pas d’explication raisonnable pour justifier son retard du 10 avril 2013 au 15 décembre 2017, date à laquelle sa demande de révision a été reçue.

[15] L’appelant a affirmé qu’il n’avait pas fait la demande de révision plus tôt, car il ne savait pas qu’il pouvait interjeter appel de la décision. Il a déclaré qu’il déménageait souvent alors il ne recevait pas toute la correspondance de Service Canada. De plus, il travaillait depuis peu dans les champs de pétrole et il faisait beaucoup d’argent ce qui l’a mené à un style de vie lié à la consommation de drogues et d’alcool. Il a fait valoir qu’il était jeune et qu’il n’avait pas pris cette dette au sérieux, et qu’à cause de son anxiété il l’avait ignorée. L’appelant a ajouté qu’il demandait une révision maintenant, car il était plus maturé; il est marié et a un fils. Il est maintenant dans un programme d’apprentissage enregistré et il va avoir de nouveau besoin d’AE quand il va aller à l’école.

b) L’appelant a-t-il manifesté l’intention constante de demander une révision?

[16] Non, le Tribunal estime que l’appelant n’a pas démontré une intention constante de demander une révision. L’appelant a déclaré qu’il avait été informé une fois de plus de sa dette d’AE en 2014 lorsqu’il avait parlé à quelqu’un du gouvernement pour le remboursement de son prêt étudiant et il avait été avisé de contacter Service Canada. Les mêmes personnes du gouvernement lui en ont reparlé en 2017. Le Tribunal note que l’appelant a admis que rien ne l’empêchait de contacter Service Canada avant le 15 décembre 2017.

[17] L’on s’attend à ce qu’un prestataire poursuive l’appel avec la diligence qui peut raisonnablement être exigée de lui (Grewal c. Canada (Procureur général), 85-A-55).

[18] La Commission a informé l’appelant de son droit à demander une révision de leur décision le 10 avril 2013, mais il n’a rien fait jusqu’à presque cinq ans plus tard lorsqu’il a présenté une demande de révision le 15 décembre 2017. Le Tribunal estime que la Commission a agi de façon judiciaire en concluant qu’au cours de la période du 10 avril 2013 au 15 décembre 2017, l’appelant n’a pas démontré une intention continue de poursuivre l’appel.

[19] L’appelant fait valoir qu’il ne savait pas qu’il pouvait demander une révision. Toutefois, il a déclaré qu’en 2014, lorsqu’il avait parlé à une personne de son remboursement de prêt étudiant, il avait été informé de sa dette d’AE et que cette personne lui avait dit à ce moment-là de contacter Service Canada pour discuter de la question. Toutefois, il a choisi de ne pas le faire jusqu’à ce qu’il soit conseillé une fois de plus en 2017.

c) Cela porterait-il préjudice aux autres parties?

[20] Oui, car le retard est de plus de 365 jours et de permettre un appel causerait un préjudice à la Commission parce que la compagnie pour laquelle l’appelant travaillait (et confirmé par l’appelant) a été acquise par une autre compagnie et de clarifier toutes questions avec l’employeur serait à ce moment-ci impossible.

[21] Il y a une incertitude et une absence de caractère définitif que risque d’entraîner tant pour le ministre que pour toutes les parties à l’instance, le fait d’autoriser des appels, sans raison convaincante, longtemps après l’expiration du délai (Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 883).

[22] Le Tribunal estime que l’appelant a été avisé de la décision le 10 avril 2013 et qu’il a attendu jusqu’au 15 décembre 2017, ce qui est un long délai de presque cinq ans.

[23] Le Tribunal estime que la Commission a agi de façon judiciaire lorsqu’elle a déterminé que d’accorder une prorogation de délai pour présenter une demande de révision de la décision de la Commission causerait un préjudice à une autre partie, c’est-à-dire à la Commission.

d) La demande de révision de l’appelant a-t-elle une chance raisonnable de succès?

[24] Le Tribunal juge qu’il n’y a aucune chance raisonnable de succès, car l’appelant a avoué qu’il avait travaillé, gagné de l’argent et qu’il avait volontairement quitté son emploi. Il a déclaré qu’il désirait rembourser le trop-payé et une portion de la pénalité, mais qu’il aimerait avoir une chance.

[25] L’appelant fait valoir qu’il a commis une erreur innocente, qu’il aimerait avoir une chance et que le trop-payé et la pénalité devraient annulés ou au moins réduits.

[26] Le Tribunal compatit à la situation de l’appelant, mais il n’est pas de sa compétence d’annuler ou de réduire un trop-payé et il ne peut que décider si la demande de révision peut être accordée.

Conclusion

[27] Le Tribunal ne peut accorder l’appel de l’appelant de proroger la période de 30 jours pour présenter une demande de révision conformément aux dispositions de l’article 112 de la Loi et à l’article 1 du Règlement sur les demandes de révision.

[28] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 26 avril 2018

Téléconférence

C. D., appelant

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

112 (1) Quiconque fait l’objet d’une décision de la Commission, de même que tout employeur d’un prestataire faisant l’objet d’une telle décision, peut, dans les trente jours suivant la date où il en reçoit communication, ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorder, et selon les modalités prévues par règlement, demander à la Commission de réviser sa décision.

(2) La Commission est tenue d’examiner de nouveau sa décision si une telle demande lui est présentée.

(3) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, préciser les cas où la Commission peut accorder un délai plus long pour présenter la demande visée au paragraphe (1).

Règlement sur les demandes de révision

1(1) Pour l’application du paragraphe 112(1) de la Loi sur l’assurance- emploi et sous réserve du paragraphe (2), la Commission peut accorder un délai plus long pour la présentation d’une demande de révision, si elle est convaincue, d’une part, qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai et, d’autre part, que l’intéressé a manifesté l’intention constante de demander la révision.

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