Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Décision et Motifs

Décision

[1] Le Tribunal refuse la permission d’en appeler.

Apercu

[2] Le demandeur (prestataire) a reçu un diagnostic de dépression et recevait des prestations spéciales d’assurance-emploi. Lorsqu’il a été autorisé à travailler de nouveau, il a converti ses prestations en des prestations régulières, puis a accepté un emploi de vendeur à commission pour un concessionnaire automobile. Il devait recevoir une allocation de formation de 3 000 $ et une commission déterminée pour chaque vente. Comme il ne savait pas si l’emploi allait donner les résultats souhaités, il a continué de percevoir des prestations d’assurance-emploi. Peu de temps après, il a quitté son emploi chez le concessionnaire, affirmant qu’il n’avait pas fait une seule vente et qu’il n’avait aucun revenu.

[3] Quand la défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a découvert que le prestataire avait travaillé, elle a déterminé que les prestations versées de la mi-juin à la fin de juillet 2015 étaient des versements excédentaires, et elle a infligé une pénalité au prestataire. La Commission a également jugé que le prestataire était inadmissible aux prestations parce qu’il avait quitté son emploi sans justification. La Commission a maintenu sa décision de réexamen datée du 13 avril 2017 précisant que le prestataire avait volontairement quitté son emploi et elle a maintenu sa décision concernant la pénalité dans une décision de réexamen distincte datée elle aussi du 13 avril 2017. Le prestataire a interjeté appel des deux décisions issues de la révision devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Dans une décision datée du 17 décembre 2017 à laquelle les deux appels ont été joints, la division générale a modifié et a réduit le montant de la pénalité, mais elle a également rejeté l’appel concernant l’inadmissibilité du prestataire aux prestations pour avoir quitté son emploi sans justification. Le prestataire demande la permission d’interjeter appel de la décision devant la division d’appel.

[4] L’appel n’ayant aucune chance raisonnable de succès, je dois refuser la demande. En rendant sa décision, la division générale n’a pas omis d’observer un principe de justice naturelle, n’a pas commis une erreur quant à l’exercice de sa compétence, n’a pas commis une erreur de droit et n’a pas fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question préliminaire

Appels joints

[5] La division générale a, de sa propre initiative, joint les appels des deux décisions de révision de la Commission en application de l’article 13 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, car les appels soulèvent des questions de droit ou de fait qui leur sont communes. Les deux appels ont donc été entendus en même temps, ce qui a donné lieu à une seule décision. Pour déterminer s’il y a lieu d’accorder la permission d’interjeter appel de la décision de la division générale, je dois aussi déterminer si l’on peut soutenir que la division générale a commis une erreur relativement aux deux décisions de la Commission.

Nouvelle preuve

[6] Le prestataire a joint des éléments de preuve additionnels concernant la répartition de sa rémunération, son compte bancaire et les modalités d’emploi annoncées. Toutefois, la division d’appel peut seulement étudier la preuve qui a été présentée à la division généraleNote de bas de page 1.

Questions en litige

[7] Existe-t-il une cause défendable selon laquelle la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle?

[8] Existe-t-il une cause défendable selon laquelle la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance en :

  • ne tenant pas compte de l’investissement personnel du prestataire en temps et en ressources pour obtenir un permis de vente de véhicules;
  • adoptant une approche inexacte pour comprendre les périodes de paye du prestataire;
  • en omettant de tenir compte ou d’apprécier la dépression diagnostiquée chez le prestataire.

Analyse

Principes généraux

[9] La division générale doit apprécier et soupeser la preuve dont elle est saisie, et tirer des conclusions de fait. Elle est également tenue d’appliquer le droit. Le droit applicable comprend les dispositions législatives de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) et du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE) qui sont pertinentes aux questions en litige faisant l’objet d’une révision. Il pourrait également comprendre des décisions des tribunaux dans lesquelles les dispositions législatives ont été interprétées. Enfin, la division générale doit tirer des conclusions relativement aux questions dont elle est saisie, lesquelles doivent être tranchées en fonction de l’application du droit aux faits.

[10] Les demandes de permission d’interjeter appel des deux appels sont maintenant renvoyées à la division d’appel. La division d’appel ne peut toucher à la décision de la division générale que si cette dernière a commis des erreurs précises, lesquelles sont appelées les « moyens d’appel ».

[11] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[12] À moins que la division générale n’ait commis l’une de ces erreurs en rendant sa décision relativement à un appel en particulier, un nouvel appel de la décision rendue par la division générale ne peut avoir gain de cause, et ce, même si la division d’appel est en désaccord avec la conclusion et le résultat de la division générale.

[13] À ce stade, pour pouvoir accorder la permission d’en appeler et permettre à un appel d’être poursuivi, je dois conclure qu’au moins l’un des moyens d’appel confère à cet appel une chance raisonnable de succès. Une chance raisonnable de succès a été assimilée à une cause défendableNote de bas de page 2.

Existe-t-il une cause défendable selon laquelle la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle en organisant une audience par vidéoconférence?

[14] L’un des moyens d’appel soulevés par le prestataire dans sa demande de permission d’interjeter appel est le suivant : la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence. La notion de justice naturelle réfère aux principes d’équité du processus. Elle comprend des protections procédurales comme le droit d’avoir un décideur impartial et le droit d’une partie d’être entendue et de connaître les éléments de preuve à réfuter.

[15] Dans l’exposé de ses moyens d’appel, le prestataire a fait référence au « préjudice » en lien avec « le paragraphe 3(a) », et il a déclaré que cela constituait un facteur dans la décision. Je présume que la référence du prestataire au paragraphe 3(a) est une référence au paragraphe 3 de la décision rendue par la division générale. Ce paragraphe expose le motif justifiant le recours à la vidéoconférence. Le paragraphe 3(a) précise que l’une des raisons pour lesquelles le processus de vidéoconférence a été retenu est la possibilité que la crédibilité soit une question dominante. Par conséquent, je comprends que le prestataire estime avoir été lésé par le processus d’audience choisi.

[16] Le choix de la façon de procéder est une question qui est laissée à la discrétion du membre de la division générale, et rien ne prouve qu’il est plus difficile d’évaluer la crédibilité dans le cadre d’une vidéoconférence que dans le cadre d’une audience en personne. De plus, le prestataire a accepté le choix du type d’audience au moment de l’audience, et ce, sans objection. Enfin, la décision de la division générale ne remet pas en question la crédibilité du prestataire et ne se fonde aucunement sur une constatation en ce sens.

[17] La division générale n’a pas omis d’observer un principe de justice naturelle en choisissant la vidéoconférence comme façon de procéder. Je ne relève rien d’autre dans la demande du prestataire ayant trait à un principe de justice naturelle (ou à une préoccupation relativement à la compétence).

Conclusion de fait erronée : le permis de vente de véhicules du prestataire

[18] Le prestataire a également suggéré l’idée que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[19] Le prestataire prétend que la division générale n’a pas tenu compte de son élément de preuve selon lequel il a dû investir du temps et son propre argent pour obtenir son permis de vente de véhicules. La division générale n’a pas fait de référence formelle à l’investissement personnel du prestataire, mais elle n’est pas obligée de le faire non plus. L’on peut présumer qu’elle a examiné l’ensemble de la preuve qui lui a été présentée, à moins que la valeur probante des éléments de preuve qui ne sont pas discutés soit telle qu’ils auraient dû être examinésNote de bas de page 3. En l’espèce, le prestataire n’a pas expliqué en quoi son investissement personnel de temps et d’argent pour devenir vendeur de véhicules constitue une preuve des questions en litige, c’est-à-dire qu’il lui était justifié de quitter son emploi et qu’il n’a pas fait sciemment une fausse déclaration.

[20] Le prestataire n’a pas présenté une cause défendable selon laquelle le fait que la division générale n’ait pas discuté formellement du paiement de son permis a donné lieu à une conclusion de fait erronée sur laquelle la décision était fondée.

Conclusion de fait erronée : mauvaise compréhension des périodes de paye

[21] La division générale a déclaré que l’employeur avait versé au prestataire une paye de formation pendant son emploi et que le prestataire a reconnu ne pas avoir eu de période de paye sans rémunération (paragraphe 57). Le prestataire soutient que la compréhension des périodes de paye de la division générale était inexacte et qu’il n’a reçu aucune paye avant le 30 juin 2015. Ce point est important pour le prestataire, car sa principale justification pour quitter son emploi réside dans le fait qu’il a reçu une paye de [traduction] « zéro dollar » (outre la paye de formation qu’il a confirmé avoir reçue). En guise de réponse à une question formulée par un membre de la division générale qui voulait savoir s’il avait eu une période de paye sans rémunération, le prestataire a déclaré [traduction] « je pense que oui », puis il a affirmé qu’il croyait avoir reçu sa paye de formation [traduction] « en un seul versement », et ce, uniquement après avoir quitté son emploi. Autrement dit, le prestataire n’aurait reçu aucune rémunération alors qu’il travaillait toujours pour l’employeur.

[22] Le membre de la division générale a demandé au prestataire s’il avait reçu un chèque de paye au salaire minimum qui lui aurait permis de comprendre qu’il recevait le salaire minimum, ou s’il avait déjà reçu un chèque de paye nul. Le prestataire a répondu que non, mais c’est difficile de dire s’il niait avoir reçu un chèque de paye au salaire minimum ou s’il niait avoir reçu un chèque de paye nul. Toutefois, il a poursuivi en disant qu’il croyait que son employeur lui avait dit qu’il recevrait la paye de formation qui lui était due après son départ.

[23] La division générale a noté que le prestataire a dit à la Commission que l’employeur lui avait versé sa paye de formation de 3 000 $ en un seul chèque de paye, mais qu’il n’était pas certain de la façon dont l’employeur avait réparti sa rémunération sur une base hebdomadaire (paragraphe 11). Selon le paragraphe 12, ce renseignement a été confirmé par l’employeur.

[24] Le prestataire a ajouté : [traduction] « Non, il n’y a pas eu un moment où j’aurais [inaudible] deux semaines, puis plus rien du tout ». Il semblerait que c’est cette dernière déclaration que la division générale avait en tête lorsqu’elle a noté, au paragraphe 26, que le prestataire a déclaré qu’il n’avait jamais eu une période de paye sans rémunération parce qu’il était payé pendant la période de formation. Au paragraphe 57, la division générale a reconnu que le prestataire avait droit au salaire minimum s’il ne touchait pas de commissions, ce qui était fondé en partie sur sa compréhension du fait que le prestataire avait « reconnu qu’il n’avait pas eu une période de paye sans rémunération ».

[25] Bien que le prestataire affirme désormais sans équivoque qu’il n’a été payé que le 30 juin, son témoignage devant la division générale était moins catégorique. En fait, le prestataire a été très direct quant à sa difficulté à se rappeler comment et quand il avait été payé. À mon avis, la conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire n’avait pas eu de périodes de paye sans rémunération tient compte du témoignage du prestataire et tente d’interpréter ce témoignage.

[26] Je note également que la division générale a reconnu que le prestataire craignait vraiment de ne pas avoir de revenu s’il ne faisait pas de ventes. Elle a déterminé que le prestataire aurait pu parler à son employeur de son salaire (et probablement confirmer son salaire minimum garanti), plutôt que de partir sans discuter de ses préoccupations concernant l’absence de tout revenu. Une telle constatation ne dépend pas de la compréhension de la division générale concernant le fait que le prestataire ait reçu ou non une paye avant le 30 juin 2015.

[27] Par conséquent, je n’accepte pas que la décision ait été fondée sur la conclusion selon laquelle le prestataire n’avait pas de périodes de paye sans rémunération ou que la division générale ait tiré cette conclusion de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Conclusion de fait erronée : diagnostic de dépression

[28] Le prestataire a soutenu que la division générale avait ignoré son diagnostic de dépression ou n’avait pas pris ce problème au sérieux, et que sa dépression avait été un facteur déterminant dans sa décision de quitter son emploi. Je note que la division générale a accepté la déclaration du prestataire selon laquelle il avait été hospitalisé pour une dépression et il est demeuré en contact avec son médecin tout au long de [traduction] « cette période » (avant de quitter son emploi). Cela a donné beaucoup de poids à la santé mentale et à l’hospitalisation du prestataire par rapport à sa pénalité. Cependant, la division générale a également reconnu que le prestataire n’avait pas quitté son emploi sur l’avis de son médecin (paragraphe 65), toujours selon le témoignage du prestataire (paragraphe 63).

[29] La déclaration du prestataire selon laquelle la division générale n’a pas pris son état de santé au sérieux est une contestation de l’importance que la division générale a accordée à l’élément de preuve relatif à son état de santé comme l’une des circonstances ayant une incidence sur la question visant à déterminer si le prestataire avait des solutions de rechange raisonnables autres que de quitter son emploi. Je comprends que le prestataire n’est pas d’accord avec la façon dont la division générale a apprécié et analysé la preuve ni avec sa conclusion, mais cela ne constitue pas un moyen d’appel ayant une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 4.

[30] Le prestataire ne m’a pas convaincu de l’existence d’une cause défendable selon laquelle la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Examen général

[31] J’ai suivi la jurisprudence de la Cour fédérale dans des arrêts comme celui de l’affaire KaradeolianNote de bas de page 5, où il est précisé que : « [...] le Tribunal doit s’assurer de ne pas appliquer de façon mécanique le libellé de l’article 58 de la Loi quand il exerce sa fonction de gardien. Il ne doit pas se laisser piéger par les moyens d’appel précis avancés par une partie qui se représente elle-même… ».

[32] Par conséquent, j’ai examiné le dossier pour y relever des erreurs, et j’ai porté une attention particulière à la question de savoir si des éléments de preuve avaient été omis ou mal compris relativement aux circonstances en litige et, le cas échéant, s’ils seraient pertinents pour déterminer si le prestataire disposait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi. Cependant, je n’ai pas trouvé d’élément de preuve qui a été ignoré ou mal interprété.

[33] Il n’existe aucune cause défendable selon laquelle la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[34] J’estime que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[35] Le Tribunal refuse la permission d’en appeler.

Représentant :

J. F., non représenté

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