Assurance-emploi (AE)

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Décision et Motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Apercu

[2] Le demandeur, R. S. (prestataire) a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi le 16 octobre 2015, et la défenderesse, à savoir la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a établi la période de prestations à partir du 25 octobre 2015. La Commission a déterminé que le prestataire avait droit à 38 semaines de prestations régulières ainsi qu’à 25 semaines supplémentaires de prestations au titre du paragraphe 12(2.3) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) en tant que travailleur de longue date. Sa période de prestations a également été prolongée jusqu’en juillet 2017. En février 2017, le prestataire avait touché les 63 semaines de prestations, et on a mis fin à sa demande.

[3] Le prestataire a présenté une demande de révision parce qu’il s’attendait à toucher des prestations jusqu’à la fin de sa période de prestations en juillet 2017 et qu’il n’avait pas été avisé que sa demande prendrait fin. La Commission a maintenu sa décision, et le prestataire a ensuite interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada. La division générale a rejeté l’appel. Il demande maintenant la permission d’en appeler à la division d’appel.

[4] L’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Il n’existe aucune cause défendable selon laquelle la division générale a inobservé un principe de justice naturelle, commis une erreur de droit, ou fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Questions en litige

[5] Existe-t-il une cause défendable selon laquelle la division générale a omis d’observer un principe de justice naturelle en tenant une téléconférence ou selon laquelle elle a autrement outrepassé ou refusé d’exercer sa compétence?

[6] Le Tribunal doit déterminer s’il existe une cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur de droit en convenant ce qui suit :

  1. le nombre maximal d’heures pour le calcul des semaines de prestations régulières est de 1820 heures assurables, peu importe la ou les sources de ces heures;
  2. les prestations peuvent cesser avant la fin de la période de prestations.

[7] Existe-t-il une cause défendable selon laquelle la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

Analyse

Principes généraux

[8] La division générale est tenue d’examiner et d’apprécier la preuve dont elle est saisie et de tirer des conclusions de fait. Elle doit également tenir compte du droit. Celui-ci comprend les dispositions législatives de la Loi sur l’AE et du Règlement sur l’assurance-emploi qui sont pertinentes aux questions faisant l’objet de l’examen, et pourrait également comprendre des décisions judiciaires qui ont interprété les dispositions législatives. Finalement, la division générale doit appliquer le droit relativement aux faits afin de tirer ses conclusions sur les questions qu’elle doit trancher.

[9] Le prestataire n’a pas eu gain de cause devant la division générale, et la division d’appel est maintenant saisie de sa demande. La division d’appel peut intervenir dans une décision de la division générale seulement si elle estime que cette dernière a commis certains types d’erreurs, appelés « moyens d’appel ».

[10] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[11] L’appel ne peut être accueilli à moins que la division générale ait commis l’une de ces erreurs, et ce, même si la division d’appel n’est pas d’accord à d’autres points de vue avec sa conclusion et l’issue de l’affaire.

[12] À ce stade, pour pouvoir accorder la permission d’en appeler et permettre à l’appel d’être poursuivi, je dois conclure qu’au moins l’un des motifs d’appel confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Moment ou façon de procéder de l’audience devant la division générale

[13] La justice naturelle fait référence à l’équité du processus et comprend les protections procédurales telles que le droit d’avoir un décideur impartial et le droit d’une partie d’être entendue et de connaître les preuves à réfuter. Le prestataire semble être préoccupé par le fait qu’il n’a pas eu l’occasion d’exprimer ses préoccupations ou fournir des commentaires avant que la décision de la division générale soit rendue. Il n’est pas évident de savoir si le prestataire contestait le fait que l’audience a été instruite par téléconférence ou s’il est préoccupé par la possibilité que l’audience était prématurée. Quoi qu’il en soit, il semble que le prestataire a l’impression qu’il n’a pas eu l’occasion adéquate d’être entendu.

[14] Je souligne que les observations de la Commission ont été communiquées au prestataire avant l’audience et qu’il a eu l’occasion de présenter ses propres observations préalables à l’audience. Il a reçu une copie de son dossier comprenant un avis d’intention daté du 13 septembre et, le 27 octobre, on lui a envoyé un avis d’audience pour le 18 novembre. Il a donc eu presque deux mois pour se préparer à l’audience et fournir une preuve ou des arguments supplémentaires, au besoin. En ce qui concerne le choix du mode d’instruction de l’audience, il s’agit d’une question relevant entièrement du pouvoir discrétionnaire de la division générale en vertu de l’article 21 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale. Le prestataire a appelé le Tribunal pour lui poser des questions sur le processus par téléconférence le 10 novembre 2017, mais il ne s’est pas objecté au processus d’audience par téléphone. Il n’a pas non plus expliqué la façon dont le choix de la division générale de tenir l’audience par téléconférence lui causait préjudice.

[15] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était défendable que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle.

Compétence de la division générale

[16] Dans le même ordre d’idées, il n’existe aucune cause défendable selon laquelle la division générale a outrepassé ou refusé d’exercer sa compétence. La division générale n’a pas compétence d’obliger la Commission à négocier la date à laquelle les prestations d’assurance‑emploi devraient prendre fin, d’aviser le prestataire que ses prestations arrivent à leur fin ou de faire autrement preuve d’une transparence accrue. La division générale avait seulement compétence pour trancher la question dont elle était saisie, soit celle de savoir si le prestataire avait touché toutes les semaines de prestations d’assurance-emploi auxquelles il était admissible.

Nombre maximum d’heures pour déterminer les semaines de prestations

[17] Lorsque le prestataire travaillait encore, il possédait deux emplois à temps plein. Il a accumulé plus de 1820 heures assurables dans le cadre d’un emploi ainsi qu’un nombre important d’heures assurables dans le cadre de l’autre emploi. Le prestataire laisse maintenant entendre qu’il aurait dû être en mesure d’utiliser les heures assurables de son emploi afin d’être admissible à des prestations continues. Il soutient que ses semaines de prestations ne devraient pas être limitées par le fait qu’il a accumulé le nombre maximal d’heures assurables ou qu’il devrait être en mesure de tirer profit des heures excédentaires qu’il avait accumulées. Il n’a pas fait valoir cet argument devant la division générale. Par conséquent, celle-ci ne l’a pas directement abordé.

[18] Cependant, il n’existe aucune cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur en ne traitant pas les heures assurables excédentaires afin de rendre le prestataire admissible à des prestations continues. Le paragraphe 12(2) de la Loi sur l’AE prévoit que le nombre de semaines pour lesquelles des prestations peuvent être versées au cours d’une période de prestation (ce qui exclut les 25 semaines auxquelles le prestataire était admissible à titre de longue date) est déterminé selon le tableau de l’annexe I. Cette annexe ne prévoir pas des semaines de prestations supplémentaires en raison d’heures assurables supplémentaires une fois que la partie prestataire a atteint 1 820 heures d’emploi assurable pendant la période de référence. Cela est véridique, peu importe si les heures assurables sont accumulées à partir de plusieurs emplois.

[19] Une période de prestations est établie relativement à ces heures assurables qui ont été accumulées dans la période de référence, et l’alinéa 8(1)a) de la Loi sur l’AE prévoit que la période de référence est la plus courte période entre la période de 52 semaines précédant le début d’une période de prestations prévue au paragraphe 10(1), et la période qui débute en même temps que la période de prestations précédente.

[20] Par conséquent, même si une période de prestations séparée pouvait être établie relativement à son second emploi d’une façon qu’elle commencerait après la fin de ses prestations pendant la première période de prestations, la période de référence pour une seconde période de prestations devrait être la période ayant débuté en même temps que la première période de prestations, à savoir une période dans laquelle il aurait touché des prestations d’assurance-emploi et dans laquelle il n’aurait pas accumulé d’heures assurables. L’article 8 prévient ainsi le chevauchement de périodes de référence et exclut les heures excessives (accumulé dans la période de référence précédant la première période de prestations) de la période de référence de toute demande ultérieure.

Admissibilité aux prestations par rapport à la période de prestations

[21] Le prestataire a également fait valoir que la division générale a commis une erreur de droit en convenant que ses prestations pouvaient prendre fin alors que sa période de prestations n’était pas terminée.

[22] La division générale a déclaré que les prestations peuvent être versées pour chaque semaine de chômage visée par la période de prestations, conformément au paragraphe 12(1) de la Loi sur l’AE. Cependant, la division générale a également souligné que, selon le paragraphe 12(2), le nombre maximal de semaines (de prestations régulières) dans la période de prestations est déterminé selon l’annexe I en fonction du taux régional de chômage et du nombre d’heures assurables dans la période de référence d’une partie prestataire (assujettie, dans le cas du prestataire, aux 25 semaines supplémentaires versées au titre du paragraphe 12(2.3)).

[23] La Loi sur l’AE prévoit clairement une distinction entre la période pendant laquelle des prestations peuvent être versées (période de prestations) et le nombre réel de semaines de prestations auquel une partie prestataire est admissible. Les semaines pendant lesquelles des prestations sont réellement versées sont situées dans la période de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées (période de prestations), mais les prestations ne sont pas nécessairement versées chaque semaine de la période de prestations. En l’espèce, la période de prestations a été prolongée de 37 semaines, jusqu’en juillet 2017, conformément au paragraphe 10(13.3). Au paragraphe 41, la division générale a cité le paragraphe 10(8) de la Loi sur l’AE selon lequel [traduction] « la période de prestations prend fin à la date de la première des éventualités suivantes à survenir : la partie prestataire n’a plus droit à des prestations au cours de sa période de prestations, ou la période se trouverait autrement terminée ». Il s’agit d’une paraphrase exacte du paragraphe 10(8), et la division générale ne faisait qu’appliquer la disposition législative comme elle est prévue. La date de juillet 2017 est celle à laquelle « la période se trouverait autrement terminée », selon le paragraphe 10(8). Cependant, le prestataire avait eu recours aux 63 semaines d’admissibilité aux prestations le 11 février 2017. Aucune autre prestation n’était donc payable à ce moment-là. Étant donné que l’admissibilité du prestataire aux prestations est devenue périmée la première fois, sa période de prestations est devenue périmée à la fois, conformément au paragraphe 10(8).

[24] Je comprends que le prestataire n’est pas d’accord avec l’interprétation du droit par la division générale. Cependant, la Loi sur l’AE prévoit clairement que le prestataire ne peut pas toucher, dans sa période de prestations, d’autres prestations que celles auxquelles il est admissible. Je ne constate aucune cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur dans son interprétation ou son application du droit. Comme il a été souligné par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Knee, « il n’est pas permis aux arbitres de réécrire la loi ou de l’interpréter d’une manière contraire à son sens ordinaireNote de bas de page 1 ».

Conclusion de fait erronée

[25] Même si le prestataire soutient que la division générale a tiré une ou plusieurs conclusions de fait erronées et même s’il déclare que le Tribunal n’a pas examiné attentivement la preuve, le prestataire n’a pas cerné une erreur importante. On peut se questionner à savoir si la période de prestations devait prendre fin le 15 juillet 2017 ou le 25 juillet 2017, mais, étant donné la conclusion selon laquelle l’admissibilité du prestataire aux prestations a pris en février 2017, cela n’était pas déterminant dans le cadre de la décision.

[26] J’ai suivi l’orientation établie par la Cour fédérale dans des affaires comme celle de KaradeolianNote de bas de page 2, dans laquelle il a été déclaré ce qui suit : « [L]e Tribunal doit s’assurer de ne pas appliquer de façon mécanique le libellé de l’article 58 de la [LMEDS] quand il exerce sa fonction de gardien. Il ne doit pas se laisser piéger par les moyens d’appel précis avancés par une partie qui se représente elle-même. »

[27] Par conséquent, j’ai examiné le dossier afin d’y déceler d’autres erreurs. Cependant, je n’ai pas trouvé de preuve importante qui a été ignorée ou mal interprétée, ou d’autre erreur évidente. Il n’existe aucune cause défendable selon laquelle la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[28] J’estime que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[29] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Représentant :

R. S., non représenté

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