Assurance-emploi (AE)

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Décision et Motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli.

Apercu

[2] L’appelante, B. P. (prestataire), a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi. L’intimée, à savoir la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a accueilli la demande de la prestataire, et cette dernière a touché des prestations dans le cadre de cette demande. Son ancien employeur a écrit à la Commission pour l’informer qu’il avait versé 2 500 $ à la prestataire dans le cadre d’un règlement hors cour. La Commission a écrit à la prestation pour l’informer que cette somme était considérée comme une rémunération et qu’elle serait appliquée afin de réduire les prestations qu’elle avait touché, ce que a entraîné des versements excédentaires. La prestataire a demandé une révision de cette décision. La Commission a modifié sa décision initiale afin de déduire les frais juridiques des 2 500 $ et de répartir le solde à titre de rémunération.

[3] La prestataire a interjeté appel de cette décision auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada. La division générale a estimé que les mots [traduction] « dommages généraux » en soi ne fournissaient pas une preuve suffisante quant à la nature de la perte dédommagée, et que la prestataire ne s’était pas acquitté du fardeau de prouver que la somme touchée dans le cadre du règlement ne constituait pas une rémunération.

[4] La prestataire a obtenu la permission d’en appeler à la division d’appel. Elle soutient que la division générale a commis une erreur en considérant la somme touchée comme un revenu au titre du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement). Les modalités du règlement décrivent particulièrement les sommes comme étant des dommages-intérêts généraux qui ne constituent pas un salaire non versé. Elle s’est donc acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver que le règlement concernait des sommes de nature autre qu’un salaire.

[5] La division d’appel doit déterminer si la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que les sommes touchées par la prestataire dans le cadre du règlement et considérées par les parties comme des [traduction] « dommages généraux » constituaient une rémunération au sens du Règlement qui devait être réparti.

[6] Le Tribunal accueille l’appel de la prestataire.

Question en litige

[7] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que les sommes touchées par la prestataire dans le cadre du règlement et considérées par les parties comme des [traduction] « dommages généraux » constituaient une rémunération au sens du Règlement qui devait être réparti.

Analyse

Mandat de la division d’appel

[8] La Cour d’appel fédérale a conclu que lorsque la division d’appel entend des appels conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loiNote de bas de page 1.

[9] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieureNote de bas de page 2.

[10] Par conséquent, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait erré en droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que les sommes touchées par la prestataire dans le cadre du règlement et considérées par les parties comme des [traduction] « dommages généraux » constituaient une rémunération au sens du Règlement qui devait être répartie.

[11] L’appel est accueilli.

[12] Le rôle de la division générale est d’examiner les éléments de preuve que lui présentent les deux parties pour déterminer les faits pertinents, soit les faits qui concernent le litige particulier qu’elle doit trancher, et d’expliquer, dans sa décision écrite, la décision qu’elle rend concernant ces faits.

[13] En l’espèce, la division générale a ignoré les éléments de preuve de la prestataire qui démontrent qu’en raison de «  circonstances particulières », la somme devait être considérée comme autre chose qu’un dédommagement pour la perte de revenu ou d’autres prestations d’emploi.

[14] La division générale a également fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire. Elle a fondé sa décision sur une preuve qui n’a pas été versée au dossier.

[15] De plus, la division générale semble avoir imposé un fardeau de preuve trop important à la prestataire en exigeant qu’il démontre que la somme reçue ne constituait pas une rémunération qui devait être répartie.

[16] La division d’appel est donc justifiée d’intervenir et de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

[17] Il existe une jurisprudence abondante sur le sujet pour appuyer l’idée que, si une partie prestataire déclare que la somme reçue de son employeur ou de son ancien employeur avait été versée pour des raisons qui diffèrent de la perte de revenu d’emploi, d’un règlement ou d’une entente fondée sur une poursuite judiciaire, une plainte ou une demande en raison d’un licenciement, il incombe à la partie prestataire de démontrer que, en raison de « circonstances particulières », une partie de la somme devrait être considérée comme un dédommagement pour une dépense ou une perteNote de bas de page 3.

[18] En l’espèce, il faut déterminer si la prestataire a démontré que, en raison de « circonstances particulières », la somme de 2 500 $ touchée dans le cadre d’un règlement hors cour devrait être considérée comme un dédommagement pour autre chose que pour la perte de revenu ou d’autres prestations d’emploi.

[19] La division générale a conclu que les mots [traduction] « dommages généraux » figurant dans l’entente de règlement étaient assez larges et pouvaient comprendre des octrois pour un grand nombre de pertes relativement à la cessation d’emploi. Par conséquent, les mots [traduction] « dommages généraux » en soi ne constituent pas une preuve suffisante quant à la nature de la parte pour laquelle la prestataire est dédommagée. La division générale a conclu que la prestataire ne s’était pas acquittée du fardeau de prouver que les sommes touchées dans le cadre du règlement ne constituaient pas une rémunération.

[20] Le Tribunal est d’avis que la division générale aurait dû aller au-delà des modalités de l’entente de règlement afin d’examiner l’authenticité des faits. D’autres éléments de preuve documentaires et orales appuient la position de la prestataire selon laquelle elle a touché la somme à titre de dédommagement pour autre chose que la perte de salaire.

[21] Le 25 mars 2016, la prestataire a présenté une réclamation à deux volets contre son employeur. Une partie de la réclamation concernait 4 290 $ en salaire non versé, et, l’autre partie, 10 000 $ en dommages généraux pour la mauvaise foi dont l’employeur a fait part lorsqu’il a mis fin à son emploi.

[22] Il y a eu lieu de citer un extrait de l’entente de règlement conclue entre les parties :

[traduction]
Nous avons conclu de régler cette action selon les modalités suivantes :

  1. Le défendeur versera à la plaignante la somme de 2 500 $ de la façon prévue ci-après dans le cadre d’un règlement complet et définitif de la réclamation, ce qui comprend les intérêts et les frais.
    • 2 500 $ payables à la plaignante, à titre de dommages généraux, dans les 30 prochains jours;
    • l’affaire est réglée entre les deux parties.

[23] Il est vrai que la somme de 2 500 $ mentionnée dans l’entente de règlement est simplement considérée comme des dommages généraux, mais il s’agissait d’un élément particulier de la réclamation de la prestataire contre l’employeur. L’entente de règlement ne considère pas la somme touchée comme un dédommagement pour une perte de salaire, soit l’autre partie de la réclamation.

[24] De plus, l’employeur n’a présenté aucune preuve montrant que le paiement était fondé sur les services passés. Dans sa lettre adressée à la Commission et accompagnée d’une copie du chèque au montant de 2 500 $, l’employeur n’a jamais qualifié la somme touchée par la prestataire comme une perte de salaire. Aucune déduction prévue par la loi n’a été retenue à partir de cette somme également. La Commission n’a jamais reçu l’employeur en entrevue pour obtenir des précisions sur les motifs du paiement.

[25] Le Tribunal a écouté attentivement l’audience tenue devant la division générale, particulièrement le témoignage de la prestataire.

[26] La prestataire a déclaré que le règlement concernait le mauvais traitement qu’elle a reçu de la part de l’employeur, qui l’avait congédiée parce qu’elle avait exercé ses droits. La prestataire a déclaré que la somme touchée ne concernait pas un salaire non versé. Elle avait déjà reçu un préavis de cessation quatre semaines auparavant de la part de son employeur, comme le prévoit la Loi de 2000 sur les normes d’emploi. La crédibilité de la prestataire n’a jamais été remise en question par la division générale.

[27] La description par la prestataire des événements menant à l’entente appuie sa position selon laquelle la somme a été versée afin de la dédommager relativement à son emploi en échange du retrait de sa réclamation.

[28] Compte tenu de la preuve dont elle disposait, la division générale ne pouvait spéculer que, en raison de la somme relative au règlement était inférieure à la réclamation de salaire non versé, cela aurait pu simplement constituer un préavis prévu par la common law et ainsi constituer une rémunération.

[29] La division générale ne pouvait pas non plus, dans le but de rejeter le témoignage de la prestataire, spéculer que, étant donné que la réclamation avait un motif plus solide à titre de salaire non versé que de dommages généraux pour d’autres affaires, la somme a été en réalité versée par l’employeur en raison d’un salaire non versé. La division générale ne pouvait pas non plus spéculer quant aux chances de succès de la prestataire quant à sa réclamation pour cessation de mauvaise foi par l’employeur afin de pouvoir déterminer si l’employeur avait réellement versé la somme pour ce motif.

[30] La division générale devait rendre sa décision selon la preuve portée à sa connaissance.

[31] La prestataire avait le fardeau de prouver devant la division générale, selon la prépondérance des probabilités, que la somme de règlement représentait autre chose qu’un dédommagement pour la perte de revenu ou d’autres prestations d’emploi.

[32] Le Tribunal, en appliquant les directives de la Cour d’appel fédérale aux faits de l’espèce, juge que la prestataire a réussi à établir la preuve que, en raison de « circonstances particulières », la somme de 2 500 $ devrait être considérée comme un dédommagement pour autres dépenses ou pertes et non comme un dédommagement pour la perte de revenu ou d’autres prestations d’emploi.

[33] Par conséquent, cette somme ne constitue pas une rémunération au sens de l’article 35 du Règlement et ne devrait pas être répartie.

Conclusion

[34] L’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 3 mai 2018

Téléconférence

B. P., appelante
Bryan delorenzi, représentant de l’appelante

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