Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L'appelant, K. L. (prestataire) a conclu une entente avec son employeur dans le cadre de laquelle le prestataire et l'employeur ont réglé des demandes en suspens relativement à l'emploi du prestataire. L'entente prévoit l'obligation de l'employeur de verser une certaine somme au prestataire. L'intimée, à savoir la Commission de l'assurance-emploi du Canada, a informé le prestataire qu'elle estimait que le règlement constituait une rémunération qu'elle appliquerait cette rémunération dans la demande de prestations d'assurance-emploi du prestataire. La Commission a fait état de versements excédentaires, et un avis de dette a été envoyé au prestataire le 19 mars 2016. Le prestataire a présenté l'avis de dette à l'employeur, qui avait retenu les sommes du règlement. L'employeur a remboursé les versements excédentaires à la Commission au nom du prestataire à partir de la somme qu'il avait retenu du prestataire.

[3] Le prestataire a demandé la révision de la décision de versements excédentaires relativement à la catégorisation des sommes du règlement comme rémunération. La Commission a maintenu sa décision antérieure, et le prestataire a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale en faisant valoir de nouveau que le règlement ne constituait pas une rémunération et que les sommes ne devraient pas être réparties. Il a également fait valoir qu'il était interdit par la Commission de collecter des sommes selon la limitation prévue à l'article 46.01 de la Loi sur l'assurance-emploi (Loi sur l’AE). La division générale a rejeté l’appel le 4 août 2017.

[4] Le prestataire a demandé la permission d'en appeler au motif que la division générale avait commis une erreur dans son interprétation de la limitation, et la permission d'en appeler a été accordée. Le prestataire a convenu que la seule question en litige était que la division générale avait commis une erreur de droit en concluant que la prescription prévue à l'article 46.01 de la Loi sur l'AE ne s'appliquait pas. Au cours de l'audience devant la division d'appel, le prestataire a également fait valoir que la Commission était précluse de soutenir que la prescription devait être examinée par rapport à l'article 46(1) parce qu'elle n'avait pas fait valoir ce point devant la division générale.

[5] L’appel est rejeté. J'estime que la Commission n'est pas précluse de contester l’application de l'article 46(1) de la Loi sur l'AE et que l'appel doit être adéquatement tranché en ce qui concernant l'intersection des articles 46.01 et 46(1). J'estime également que la division générale a bien interprété l'article 46.01 en ce qui concerne l'article 46(1) : l'employeur ou l'autre personne a la responsabilité de compenser le prestataire pour l'incident ayant déclenché la prescription.

Question préliminaires

La Commission est-elle précluse de soutenir que la prescription devrait être déterminée selon l'article 46(1) de la Loi sur l'AE?

[6] La Commission n'est pas précluse. L'une des exigences à appliquer relativement la préclusion pour même question en litige est celle selon laquelle la décision judiciaire qui causerait la préclusion est une décision définitiveNote de bas de page 1. La question que la division générale devait trancher était celle de savoir si la disposition relative à la limitation de l'article 46.01 s'applique. Il ne s'agit pas d'une mesure distincte ou d'une instance parallèle. Je dispose bien maintenant de la même décision à trancher devant la division d'appel que celle tranchée par la division générale. Par conséquent, la décision de la division générale ne peut pas être considérée comme une décision définitive.

[7] Le prestataire a également convenu que la préclusion pour même question en litige peut seulement servir à prévenir la saisie d'une question déjà tranchée qui n'a pas été soulevée adéquatement au moment où elle aurait dû l'être. Selon le prestataire, la Commission n'a pas prouvé ou soutenu que l'article 46(1) constitue la disposition par rapport à laquelle la limitation prévue à l'article 46.01 doit être appréciée.

[8] Cependant, ni la décision originale de la Commission du 17 mars 2016 ni la décision découlant de la révision datant du 10 juin 2016 ne précisaient si la demande de remboursement de versements excédentaires découlait des articles 45 ou 46. Il n'est pas non plus évident que la décision de la division générale porte sur cette distinction. Le prestataire a catégorisé la demande de remboursement de versements excédentaires de la Commission comme étant [traduction] « conforme à l'article 45Note de bas de page 2 » et le prestataire a fait valoir qu'aucune somme n'était payable selon l'article 45Note de bas de page 3.

[9] L'article 46.01 prévoit qu'aucune somme n'est à rembourser aux termes de l'article 45 ou à retenir aux termes de l'article 46(1) s'il s'est écoulé plus de 36 mois depuis le licenciement ou la cessation d'emploi du prestataire. Les articles 45 et 46 prévoient qu'une personne se trouve tenue de verser une rémunération au prestataire avant que le prestataire soit tenu de rembourser une somme ou avant que l'employeur puisse déduire et réclamer la somme qui serait autrement remboursée par le prestataire. Il n'incombe pas à la Commission de faire valoir que la division générale devrait se fonder sur les articles 45 ou 46 précisément, particulièrement dans une situation où la distinction entre les articles ne modifie pas sa position de façon importante. Le fondement de la décision de la division générale et de l'appui de cette décision par la Commission est que la responsabilité de verser une rémunération est l'événement déclencheur, et non l'une des autres circonstances qui dépendrait de la question de savoir si la rémunération avait été versée au prestataire conformément à l'article 45 ou retenue par l'employeur au titre de l'article 46(1).

[10] Le prestataire est d'avis qu'une ou plusieurs circonstances supplémentaires doivent se produire pour entraîner l'obligation de rembourser des prestations d'assurance-emploi et que cela varie selon la question de savoir si les articles 45 ou 46 sont concernés. Il est loisible au prestataire de faire valoir comme il l'a fait que l'un ou l'autre des articles s'applique et qu'un ou plusieurs autres facteurs figurant dans l'article application doit être l'incident déclencheur.

[11] Cependant, les faits que l'employeur a retenu et remis au receveur général un paiement forfaitaire équivalant au montant qui devrait être remboursé à la Commission en raison de versements excédentaires. Par conséquent, il devrait être clair pour les parties que l'article 46(1) s'applique, et non l'article 45. Les observations orales du prestataire à la division d'appel et les observations écrites de la Commission (paragraphes 33 et 34, AD6-12) reconnaissent maintenant que l'article 46(1) est applicable.

[12] Il semblerait que le prestataire me demande d'ignorer l'applicabilité claire et évidente de l'article 46(1) aux faits non contestés parce que la Commission n'a pas contesté l'application de l'article 46(1) devant la division générale, et il me demande de présumer que la division générale a seulement tenu compte de l'article 45 et de déterminer si elle a commis une erreur pour ce motif, ou de rendre ma décision en ayant recours à une situation fictive où l'article 45 est la disposition applicable. Cependant, étant donné que l'article 46(1) est la disposition qui aborde les faits, je suis tenu d'appliquer l'article 46(1), peu importe si les observations de la Commission concernaient l'article 46(1).

[13] Les observations de la Commission présentées à la division d'appel informaient que la Commission appuyait la décision de la division générale relativement à l'article 46(1), et le prestataire a eu l'occasion d'aborder la prescription concernant l'article 46(1) dans le cadre de l'instance. Je ne reconnais pas que le prestataire subit maintenant un préjudice relativement à sa capacité de faire valoir que la prescription doit s'appliquer dans une situation où l'article 46(1) s'applique et je ne reconnais pas que la Commission est précluse de faire valoir que l'article 46.01 doit être pris en considération conjointement avec l'article 46(1).

Questions en litige

[14] Le Tribunal doit déterminer si la division générale a commis une erreur de droit en concluant des façons suivantes que la prescription prévue à l'article 46.01 ne s'appliquait pas :

  1. en déterminant la période de limitation en renvoyant à l'article 45 de la Loi sur l'AE, et non à l'article 46(1) de la Loi sur l'AE;
  2. en concluant que l'obligation de rembourser les prestations d'assurance-emploi est soulevée par la date à laquelle l'employeur ou une autre personne était tenu de verser la rémunération au prestataire?

Analyse

Norme de contrôle

[15] Les moyens d'appel prévus à l'article 58(1) de la Loi sur le ministère de l'Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) sont semblables aux motifs habituels de contrôle judiciaire, ce qui donne à penser que le même type d'analyse des normes de contrôle serait également applicable devant la division d'appel. Cependant, la jurisprudence relativement récente de la Cour d’appel fédérale n’a pas insisté sur le fait que l'analyse des normes de contrôle doit être appliquée, et je n’estime pas cela soit nécessaire.

[16] Dans la décision Canada (Procureur général) c JeanNote de bas de page 4, la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’elle n’était pas tenue de trancher la question relativement à la norme de contrôler que la division d’appel devait appliquer, mais elle a également conclu qu’elle n’était pas convaincue que les décisions de la division d’appel devraient faire l’objet d’une analyse de la norme de contrôle. La Cour a remarqué que la division d’appel a autant d’expertise que la division générale et qu’elle n’est donc pas tenue de faire preuve de déférence.

[17] De plus, la Cour a souligné qu’un tribunal d’appel administratif n’a pas les pouvoirs de contrôle et de surveillance exercés par la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

[18] Dans la récente affaire Canada (Citoyenneté et Immigration) c HuruglicaNote de bas de page 5, la Cour d’appel fédérale a directement abordé la norme de contrôle appropriée, mais dans le contexte d’une décision rendue par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Dans cette affaire, la Cour a conclu que les principes ayant guidé le rôle des cours quant au contrôle judiciaire de décisions administratives ne s’appliquent pas dans une structure administrative à plusieurs niveaux, et que les normes de contrôle devraient uniquement être appliquées si leur application est prévue par la loi habilitante.

[19] La loi habilitante concernant les appels administratifs des décisions en matière d’assurance-emploi est la Loi sur le MEDS, et celle-ci ne prévoit pas qu’un examen doit être effectué conformément aux normes de contrôle.

[20] Je reconnais qu'il ne semble pas y avoir consensus au sein de la Cour d'appel fédérale quant à l'applicabilité d'une telle analyse dans le cadre d'un processus d'appel administratif : certaines autres décisions de la Cour d'appel fédérale semblent approuver l'application des normes de contrôleNote de bas de page 6.

[21] Néanmoins, je suis convaincu par le raisonnement de la Cour, dans l’arrêt Jean, lorsqu’elle a renvoyé à l’un des moyens d’appel prévus à l'article 58(1) de la Loi sur le MEDS et qu’elle a souligné ce qui suit : « Il n’est nul besoin de greffer à ce texte la jurisprudence qui s’est développée en matière de contrôle judiciaire. » J’examinerai donc l’appel en renvoyant aux moyens d’appel prévus dans la Loi sur le MEDS seulement, et non au [traduction] « caractère raisonnable » ou aux normes de contrôle.

Principes généraux

[22] Le rôle de la division d'appel est plus limité que celui de la division générale. La division générale doit tenir compte et soupeser la preuve dont elle est saisie, et tirer des conclusions de fait. La division générale applique ensuite le droit aux faits pour tirer des conclusions concernant les questions importantes soulevées par l'appel.

[23] En revanche, la division d'appel ne peut pas intervenir dans une décision rendue par la division générale, sauf si elle peut conclure que la division générale a comme l'une des erreurs prévues par les « moyens d'appel » à l'article 58(1) de la Loi sur le MEDS :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en déterminant la prescription selon l'article 45 de la Loi sur l'AE, et non l'article 46(1) de la Loi sur l'AE?

[24] Comme j'en ai discuté dans la section relative à la question préliminaire, le fait que la situation du prestataire est abordée à l'article 46(1), et non à l'article 45, n'est pas controversé. Je reconnais la suggestion du prestataire selon laquelle la seule question en litige est celle de savoir si la division générale a commis une erreur dans son interprétation et son application des articles 45 et 46.01 de la Loi sur l'AENote de bas de page 7. Cependant, je n’estime pas que la division générale a déterminé la prescription en application de l’article 45 de la Loi sur l’AE seulement, et ce, sans tenir compte de l’article 46(1) de la Loi sur l’AE. L'article 46.01 renvoie aux articles 45 et 46(1). Ce dernier article prévoit que le montant à rembourser selon l'article 45 doit faire l'objet d'une vérification. La division générale a clairement établi que l'article 46.01 doit être lu conjointement avec les articles 45 et 46(1)Note de bas de page 8. Même si le prestataire a fait en sorte que sa demande de permission d'en appeler aborde la lecture conjointe des articles 46.01 et 45, la division générale n'a jamais établi la question en litige ou tranché la question en litige de façon à exclure l'examen de l'article 46(1).

[25] D'après la compréhension de la division générale, la question à trancher était celle de savoir si la prescription prévue à l'article 46.01 visait à empêcher la Commission de se faire rembourser les versements excédentaires. La décision selon laquelle la prescription prévue à l'article 46.01 n'empêchait pas le remboursement était fondée sur l'interprétation des articles 45 et 46(1) de la division générale selon laquelle le remboursement des prestations était obligatoire si [traduction] « une personne est tenue de verser une rémunération au prestataire ». La conclusion selon laquelle l'incident déclencheur devrait être la date à laquelle on est tenu de verser la rémunérationNote de bas de page 9 s'applique autant à l'article 46(1) qu'à l'article 45.

[26] Il est évident à la lecture de la décision que la division générale a tenu compte du libellé des articles 45 et 46(1). En termes simples, la division générale n'a pas appliqué l'article 45. Il n'existe aucun argument selon lequel la division générale a commis une erreur de droit en faisant quelque chose qu'elle n'a pas fait. De plus, étant donné le fondement sur lequel la division générale a rendu sa décision, elle n'était pas obligée d'établir une distinction entre la façon dont l'article 46.01 s'appliquait aux articles 46(1) et 45.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que l'obligation de rembourser les prestations d'assurance-emploi découle de la date à laquelle l'employeur ou autre personne est tenu de verser une rémunération au prestataire?

[27] Le prestataire a fait valoir que la division générale a commis une erreur dans son interprétation de l'article 46.01. L'article 46.01 prévoit qu'aucune somme n'est à rembourser aux termes de l'article 45 ou à retenir aux termes de l'article 46(1), à titre de remboursement d'un versement excédentaire de prestations, s'il s'est écoulé plus de 36 mois depuis le licenciement ou la cessation d'emploi du prestataire pour lequel la rémunération est payée ou à paye. La division générale a conclu que l'incident final (appelé ci-après l' « incident déclencher »), qui doit se produire dans la période de 36 mois, est le fait l'employeur ou une autre personne est tenu de verser une rémunération. Selon la division générale, si la responsabilité de verser une rémunération est établir dans les 36 mois suivant le licenciement ou la cessation d'emploi, la prescription prévue à l'article 46.01 ne s'applique pas. Elle a conclu, d'après les faits, que l'employeur a été tenu de verser une rémunération au moment où le compte rendu de règlement a été exécuté le 11 janvier 2016. Étant donné que cela s'est produit dans les 36 mois suivant le 14 février, date de cessation d'emploi pour le prestataire, la prescription n'a pas empêché la Commission de se faire rembourser les versements excédentaires.

[28] Le prestataire a soutenu que l'incident déclencheur approprié est la date à laquelle l'employeur ou une autre personne verse la rémunération au prestataire (si l'article 45 s'applique) ou la date à laquelle l'employeur ou une autre personne vérifie si le montant serait remboursable aux termes de l'article 45 (si l'article 46(1) s'applique). Quoi qu'il en soit, l'incident déclencheur se serait produit après la période de 36 mois, et la Commission aurait donc dû formuler un avis selon lequel les coûts administratifs liés à la détermination du remboursement n'étaient pas équivalents ou supérieurs au montant du remboursement avant de pouvoir chercher à obtenir un remboursement.

[29] En ce qui concerne l'application de l'article 46(1), le prestataire a fait valoir que l'article 46(1) prévoit les trois exigences à satisfaire dans la prescription et que la responsabilité de verser une rémunération est seulement la première de ces exigences. La deuxième condition est que l'employeur doit avoir une raison de croire que les prestations ont été versées au prestataire pendant la période dans laquelle l'employeur était tenu de verser une rémunération. La troisième condition est que l'employeur a vérifié le montant serait remboursable aux termes de l'article 45. Le prestataire fait valoir que la prescription démarre seulement une fois la troisième et dernière exigence satisfaite. Son argument écrit abordait principalement l'intersection des articles 45 et 46.01 et faisait état que, en convenant que la responsabilité de verser une rémunération est l'incident déclencheur, la division générale a effectivement lu les exigences supplémentaires prévues à l'article 45. Je reconnais que le prestataire formule le même argument en ce qui concerne l'article 46(1).

[30] Si on suppose que l'article 45 s'applique, le prestataire a déclaré que la prescription s'appliquait parce qu'il n'a pas reçu les sommes du règlement avant le 10 mai 2016, soit plus de 36 mois suivant la date de cessation d'emploi (14 février 2013). En renvoyant à l'article 46(1), le prestataire a fait valoir qu'il pouvait vérifier si un montant était remboursable lorsqu'il a reçu l'avis de dette et que l'employeur ne pouvait pas vérifier si un montant était remboursable avant que le prestataire ne fournisse à l'employeur une copie de l'avis de dette. Le prestataire a reçu l'avis de dette le 19 mars 2016, et l'employeur a retenu et remboursé le montant le 20 mars 2016.

[31] Je reconnais que les articles 45 et 46(1) renvoient aux versements dus par l'employeur ou une « autre personne » et que le prestataire s'est décrit comme étant l' « autre personne » en faisant valoir que l'incident déclencheur devrait être la date à laquelle il a vérifié si le montant était remboursable. Cependant, je ne parviens pas à conclure que cette distinction est importante d'après ces faits, sauf si la date à laquelle le prestataire a reçu l'avis de dette pourrait être plus certaine que la date à laquelle celui-ci a été livré à l'employeur.

[32] Quoi qu'il en soit, le libellé de l'article 46(1) n'appuie pas cette élaboration. L'article 46(1) prévoit ce qui suit : « [...] cet employeur ou cette autre personne doit vérifier si un remboursement serait dû en vertu de l’article 45, au cas où le prestataire aurait reçu la rémunération et, dans l’affirmative, il est tenu de retenir le montant du remboursement sur la rémunération qu’il doit payer au prestataire [...] » Il semble que l' « autre personne » devrait être une autre personne que l'employeur qui est responsable de verser une rémunération au prestataire. Je n'estime pas que l'article 46(1) concerne la situation dans laquelle le prestataire se doit de l'argent. Par conséquent, je n'examinerai pas davantage la question de savoir si le prestataire est l'autre personne décrite à l'article 46(1). J'irai de l'avant en considérant que l'argument du prestataire est que l'incident déclencheur est le moment où l'employeur a vérifié si un montant était remboursable.

[33] Je n'examinerai pas davantage l'article 45, sauf dans la mesure où il facilite l'interprétation des articles 46.01 et 46(1). Dans le cadre de mon examen de la question préliminaire, j'ai déjà conclu que la décision de la division générale a tenu compte de l'article 46(1) et cet article est la disposition applicable à examiner conjointement avec l'article 46.01.

Intention législative et objet des restrictions

[34] Pour faciliter l'interprétation de la Loi sur l'AE, le prestataire a cité l'article 12 de la Loi d'interprétation du gouvernement fédéral, qui prévoit ce qui suit : « Tout texte est censé apporter une solution de droit et s'interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet. »

[35] Le prestataire m'a également renvoyé à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Rizzo & Rizzo ShoesNote de bas de page 10 :

[traduction]
[...] il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

[...]

À titre de [loi conférant des prestations], selon plusieurs décisions de la Cour, cette loi doit être interprétée de façon libérale et généreuse. Tout doute découlant de l'ambiguïté du libellé doit se résoudre en faveur du prestataire.

[36] Cependant, l'article 46(1) régit le recouvrement de versements excédentaires de prestations. Il s'agit de prestations auxquels le prestataire n'était pas admissible parce qu'il touchait une autre rémunération qui n'avait pas été prise en considération. L'article 46.01 est une disposition de restrictions qui régit les articles 46(1) et 45.

[37] L'arrêt Rizzo prévoit une interprétation libérale et généreuse d'une loi conférant des prestations, comme la Loi sur l'AE. Selon moi, cela ne signifie pas que je dois interpréter un article concernant le recouvrement de versements excédentaires conjointement avec une disposition de restrictions d'une façon qui permet au prestataire de conserver des prestations auxquelles il n'est pas admissible. Je n'estime pas non plus qu'une telle interprétation satisfait au mieux l'objet de Loi sur l'AE comme il est prévu par la Loi d'interprétation.

[38] Je suis d'accord avec la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt WalfordNote de bas de page 11, dans lequel elle a déclaré ce qui suit au sujet de l'ancienne Loi sur l'assurance-chômage et du règlement associé :

Ce régime a évidemment pour objet d'indemniser les chômeurs d'une perte; il n'a pas pour objet de verser des prestations à ceux qui n'ont subi aucune perte. Or, à mon avis, on ne peut pas dire que le chômeur que son ancien employeur a indemnisé de la perte de son salaire, a subi une perte. Une perte dont on a été indemnisé n’existe plus. La Loi et les Règlements doivent donc être interprétés, dans la mesure du possible, de manière à empêcher ceux qui n'ont subi aucune perte de revenu de réclamer des prestations en vertu de la Loi.

[39] Je conviens que la Loi sur l'AE est un régime conférant des prestations dans son ensemble, mais ni l'article 46.01 ni l'article 46(1) ne sont des dispositions conférant des prestations. Ils ne prétendent pas définir ou limiter l'admissibilité aux prestations d'une manière quelconque. L'article 46(1) prévoit qu'un employeur doit remettre à la Commission des sommes à titre de remboursement de versements excédentaires. L'article 46.01 prévoit que les versements excédentaires ne seront pas récupérés à l'extérieur de la prescription si « de l'avis de la Commission, le coût administratif pour la détermination du remboursement est vraisemblablement égal ou supérieur à sa valeur ». L'association des restrictions avec l'évaluation de la Commission du « coût administratif pour la détermination du remboursement » donne à penser que le possible préjudice causé à l'égard du prestataire qui pourrait découler d'un recouvrement tardif n'est pas la principale préoccupation abordée par la disposition.

[40] À mon avis, l'article 46.01 aborde une question d'efficacité administrative. Il autorise la Commission à refuser le recouvrement de la part de l'employeur (article 46(1) ou du prestataire (article 45) lorsque cela est dans l'intérêt économique de la Commission. À mon avis, l'article 46.01 doit être interprété conformément à cet objet. D'autres dispositions relatives à l'admissibilité de la Loi sur l'AE ne devraient pas être subordonnées à une disposition dont l'objectif est l'efficacité administrative. L'interprétation la plus équitable et la plus large ainsi que l'interprétation libérale et généreuse ne s'appliquent pas à la subversion de l'objectif législatif.

Satisfaction de toutes les conditions relatives à l' « incident déclencheur »

[41] Après avoir conclu que l'objectif de l'article 46.01 est l'efficacité administrative au profit de la Commission, je dois examiner la façon d'interpréter l'article 46.01 afin que celui-ci corresponde le mieux possible à cet objectif. L'avis du prestataire concernant l'article 46(1) est que toutes les conditions de l'article 46(1) doivent être satisfaites pour déclencher les restrictions, et il fait valoir que la condition finale est que l'employeur doit vérifier le montant dû à la Commission par le prestataire.

[42] Si l'ensemble de la procédure prévue à l'article 46(1) quant au remboursement de prestataire doit être satisfaite, l'exigence selon laquelle l'employeur doit vérifier le montant remboursable ne constituerait pas l'exigence finale. Il existe une exigence supplémentaire selon laquelle l'employeur doit déduire le montant de la rémunération à verser au prestataire, ce qui laisse supposer au préalable qu'il a vérifié le montant réel du et non seulement un certain montant du et qu'il remet ce montant au receveur général.

[43] Malgré son argument élémentaire selon lequel toutes les conditions de l'article 46(1) doivent être satisfaites, le prestataire n'a pas fait valoir que l'incident déclencheur devrait être la date à laquelle l'employeur vérifie, déduit et remet au receveur général l'ensemble du montant des versements excédentaires du prestataire. Il n'y aurait aucun coût administratif supplémentaire encore pour déterminer le montant remboursable, contrairement à l'incident déclencheur daté, car cette détermination aurait déjà été effectuée. Si les coûts administratifs encourus pour déterminer le montant dû au moment où les restrictions ont été imposées sont essentiellement nuls, ces coûts n'excéderaient jamais la somme à rembourser, et ce, peu importe le montant. Les restrictions prévues à l'article 46.01 seraient inopérantes quant au remboursement de versements excédentaires.

[44] Si la déduction et la remise sont considérées comme la condition finale qui doit être satisfaite avant le déclenchement des limitations, la Commission aurait donc dû déterminer le montant remboursable par le prestataire. En l'espèce, les restrictions prévues à l'article 46.01 auraient pu simplement préciser que la Commission obtient toutes les sommes dues dans la prescription de 36 mois.

[45] De plus, une interprétation de l'article 46.01 dans laquelle la condition finale de l'article 46(1), à savoir que l'employeur vérifie et remet le montant de manière conforme, doit être satisfaite pour déclencher la prescription permettrait à un employeur d'échapper à son obligation de déduire et de remettre le montant en refusant d'agir ainsi. Cela ne peut pas avoir été l'intention du législateur.

[46] Je ne suis pas convaincu que la condition préalable finale permettant le déclenchement des restrictions est que l'employeur doit vérifier qu'un montant soit remboursable et je ne peux pas estimer que chaque étape prévue au processus de l'article 46(1) doit être accomplie avant que la prescription soit déclenchée.

Application pratique des restrictions

[47] Le prestataire a également fait valoir que les restrictions devraient être déterminées en fonction de la date à laquelle l'employeur vérifie qu'un montant est remboursable, au motif qu'il s'agit de la mesure la plus réaliste d'un point de vue pratique. Il a fait valoir que l'exercice d'interprétation visant à déterminer la date à laquelle l'employeur était tenu de verser la rémunération est plus difficile que celui visant à déterminer la date à laquelle l'employeur a reçu l'avis de dette. Le prestataire a raison de soutenir qu'il peut être difficile de déterminer le moment où un employeur est tenu de verser la rémunération. La responsabilité de verser la rémunération pourrait découler d'une entente non étayée, d'une entente mal rédigée ou d'une entente dans laquelle la responsabilité de verser une rémunération est associée aux conditions précédentes, comme le fait valoir le prestataire en l'espèce. Cependant, la difficulté quant à la détermination de cette circonstance ne peut pas être comparée à la facilité du renvoi à un avis de dette.

[48] Rien dans la Loi sur l'AE ne donne à penser que l'employeur ou une autre personne doit vérifier si un montant est remboursable selon un avis de dette. L'incident déclencheur suggéré par le prestataire, d'après son interprétation de l'article 46(1) (dans le cadre de ses observations orales), est la date à laquelle l'employeur ou l'autre personne a vérifié le montant à rembourser aux termes de l'article 45. Il s'agit en fait d'un appariement de deux exigences : celle selon laquelle l'employeur ou une autre personne vérifie si un montant est remboursable, et celle selon laquelle l'employeur ou une autre personne déduit et remet le montant. Cependant, aucune de ces exigences ne prévoit que cela doit être déterminé selon un avis de dette, et je ne peux pas les interpréter ainsi. L'employeur peut vérifier d'abord si un montant est remboursable après avoir reçu un avis de dette, mais cela ne veut pas dire qu'un employeur ne peut pas vérifier si un montant serait remboursable sans cet avis de dette.

[49] À mon avis, l'exercice d'interprétation comprenait la détermination de la date à laquelle la responsabilité de verser une rémunération survient est au moins de nature objective. La date à laquelle la responsabilité de verser une rémunération peut seulement être établie en renvoyant à une ordonnance, à un octroi ou à une entente de règlement. Étant donné que la responsabilité de verser une rémunération est typiquement une entente, il existe moins d'occasions de litige quant à la question de savoir si la prescription est déclenchée, et toutes les parties peuvent calculer et savoir précisément si la responsabilité de verser une rémunération survient dans la période de 36 mois. La certitude et la facilité du calcul sont conformes à une disposition ayant pour intention de promouvoir l'efficacité administrative.

[50] La détermination du moment où l'employeur a vérifié si un montant est remboursable est subjective et, par conséquent, plus difficile. Je n'estime pas que l'application pratique de l'article est moins difficile si l'incident déclencheur est le moment où l'employeur vérifie si un montant est remboursable.

[51] L'utilisation par la division générale de la responsabilité à verser une rémunération comme incident déclencheur a également l'avantage de permettre à la Commission d'évaluer le coût administratif de la détermination de l'occasion la plus hâtive. La Commission peut décider si elle doit recouvrir le montant dû sans avoir à faire le suivi des autres éléments en développement, soit peu importe si elle peut confirmer que l'employeur a retenu la rémunération du prestataire ou qu'il leur a versé cette rémunération au prestataire. La Commission peut tenir compte des mesures appropriées ou les prendre afin de recouvrir les sommes dues précédemment.

Uniformité de l'application des restrictions

[52] J'estime que le recours à la responsabilité de verser une rémunération comme incident déclencheur permet également une uniformité accrue de l'application de la prescription.

[53] En renvoyant à l'article 45, le prestataire a fait valoir que l'incident qui devrait déclencher une évaluation par rapport à la prescription est le moment où l'employeur verse une rémunération au prestataire, mais que, aux termes de l'article 46(1), l'incident déclencheur devrait être le moment où l'employeur vérifie les sommes dues. Cependant, il n'existe aucune raison en principe que la façon dont la prescription s'applique devrait dépendre à l'article qui décrit la situation du prestataire.

[54] En fait, il est improbable que la date à laquelle un prestataire est versé aux termes de l'article 45 soit la même que celle à laquelle un employeur aurait autrement vérifié les sommes dues. Selon moi, en général, un employeur ne tenterait même pas de vérifier les sommes dues à la Commission par le prestataire si elle avait tenté de verser au prestataire sa rémunération, peu importe son obligation de retenir et de remettre les sommes aux termes de l'article 46(1).

[55] Cependant, la responsabilité de verser une rémunération est une condition préalable au recouvrement prévue aux articles 46(1) et 45. Si la responsabilité de verser une rémunération est l'incident déclencheur, cet incident se produira à la même date, peu importe si l'article 45 ou 46(1) s'applique. La responsabilité de verser une rémunération permet l'adoption d'une approche plus uniforme à l'application de la prescription.

Donner effet à l'objet des restrictions

[56] Étant donné ma conclusion selon laquelle l'objet des restrictions prévues à l'article 46.01 est l'efficacité administrative, la prochaine question soulevée en interprétant l'article 46.01 concernant l'article 46(1) est celle de savoir s'il existe un avantage économique ou administratif pour la Commission d'attendre qu'un incident se produise autre que la responsabilité de verser une rémunération afin que la prescription s'applique.

[57] La Loi sur l'AE ne prévoit pas que la Commission doit déterminer le coût réel du recouvrement des versements excédentaires. Elle prévoit seulement que la Commission doit examiner le coût administratif de la détermination du remboursement relativement à la somme du remboursement. Par conséquent, la Commission doit seulement être au courant de deux choses avant de pouvoir déterminer si le coût de la détermination du remboursement excédera le remboursement : elle doit connaître la somme due au prestataire à titre de rémunération ainsi que la somme excédentaire versée au prestataire.

[58] En supposant que la prescription est déclenchée par la responsabilité de verser une rémunération et que la période de 36 mois sans une responsabilité admise de verser une rémunération, la Commission devrait évaluer le coût de la détermination du remboursement pour la comparer à la somme due à titre de remboursement. La Commission pourrait soupçonner ou être convaincue qu'il existe, qu'il existait ou qu'il devrait exister une responsabilité de verser une rémunération, mais elle a néanmoins formulé l'avis selon lequel après, une période de trois ans, il serait trop dispendieux de faire reconnaître légalement ou autrement cette responsabilité. Elle décide de ne pas chercher à obtenir le recouvrement. En l'espèce, le fait que l'incident déclencheur ne s'est pas produit pendant la prescription est pertinent pour la décision de la Commission.

[59] Cependant, supposons que l'employeur n'a toujours pas vérifié la somme due 36 mois après le licenciement ou la cessation d'emploi et, comme l'a fait valoir le prestataire, la prescription vise à déclencher le moment où l'employeur la somme due. Dans un tel cas, la Commission connaîtrait déjà la somme due. La question de savoir si l'employeur a vérifié la somme due par le prestataire à un moment donné dans la période de trois ans n'est pas pertinente dans le cadre de l'évaluation de la Commission de la somme réelle due par le prestataire.

[60] Rien ne laisse entendre ou ne prouve que la Commission peut évaluer le coût administratif de la détermination du remboursement d'une façon simple, rapide ou adéquate si elle attend le moment où l'employeur vérifie la somme due. L'article 46.01 vise le recouvrement efficient, et il n'existe aucune utilité économique ou administrative apparente à appliquer l'incident déclencher au titre de l'article 46(1) au-delà de la responsabilité de verser une rémunération.

[61] Somme toute, j'estime que l'interprétation qui est la plus harmonieuse avec le régime, l'objet et l'objectif de la Loi sur l'AE est l'interprétation faite par la division générale. La détermination de la responsabilité de verser une rémunération est pertinente quant à la décision que doit prendre la Commission relativement à la question de savoir si elle doit demander ou non un recouvrement. Le fait de prendre la responsabilité de verser une rémunération comme incident déclencheur permet à la Commission de déterminer de façon assez simple et prévisible si la prescription s'applique, et de déterminer si elle donne suite au recouvrement à l'occasion la plus proche sans devoir faire preuve de discrimination entre les circonstances des articles 46(1) et 45.

[62] Je n'estime pas que la division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation de l'article 46.01 en ce qui concerne les articles 45 et 46(1). J'estime que la division générale avait raison de conclure que l'incident déclencheur est la date à laquelle l'employeur était tenu de verser une rémunération.

Conclusion

[63] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 27 février 2018

Téléconférence

K. L., appelant

Kristjan Surko, représentant de l'appelant

Matthew Vens, représentant de l’intimée

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