Assurance-emploi (AE)

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Décision et Motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Apercu

[2] L'appelant, S. K. (prestataire), a quitté son emploi en octobre 2016 après avoir eu de la difficulté à assumer ses fonctions en raison d'une blessure à la main. Il a présenté une demande de prestations d'assurance-emploi, mais cette demande a été rejetée. L'intimée, soit la Commission de l'assurance-emploi du Canada, a conclu qu'il avait quitté volontairement son emploi sans justification. La Commission a maintenu sa décision originale à la suite d'une demande de révision du prestataire. La division générale du Tribunal de la sécurité sociale a rejeté l'appel, et l'affaire est maintenant devant la division d'appel aux fins de décision sur le fond.

[3] L’appel est rejeté. Même si la division générale a commis une erreur dans son interprétation de l'alinéa 29c) de la Loi sur l'assurance-emploi (Loi sur l'AE), l'interprétation et l'application adéquates de la loi ne modifient pas la décision. Le prestataire n'était pas fondé à quitter son emploi parce qu'il existait d'autres solutions raisonnables que celle de quitter son emploi, compte tenu de l'ensemble des circonstances.

Question en litige

[4] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en appliquant l'alinéa 29c) pour déterminer si le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi?

Analyse

Principes généraux

[5] Le rôle de la division d'appel est plus limité que celui de la division générale. La division générale doit tenir compte et soupeser la preuve dont elle est saisie, et tirer des conclusions de fait. La division générale applique ensuite le droit à ces faits pour rendre des conclusions sur les questions importantes soulevées par l'appel.

[6] En revanche, la division d'appel ne peut pas intervenir dans une décision de la division générale, sauf si elle estime que la division générale a commis l'un des types d'erreurs prévus par les « moyens d'appel » figurant au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l'Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) :

  1. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Définition juridique de « justification »

[7] Une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations en application du paragraphe 30(1) de la Loi sur l'AE si elle quitte volontairement son emploi sans justification. Aux termes de l’alinéa 29c) de la Loi sur l'AE, la partie prestataire est fondée à quitter volontairement son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas.

[8] Pour qu’il y ait justification, le départ volontaire doit être « la seule solution raisonnable » du prestataire [mis en évidence par le soussigné]. La division générale a reconnu le libellé de l'alinéa 29c) au paragraphe 32 de la décision, mais elle n'a pas appliqué la définition prévue à l'alinéa 29c). Elle a plutôt conclu que le prestataire n'avait pas [traduction] « épuisé toutes les options » et qu'il n'avait pas déterminé [traduction] « toutes les options qui s'offraient à lui » [mis en évidence par le soussigné].

[9] Dans ses observations écrites, la Commission a convenu que la division générale a mal appliqué le critère juridique relatif au départ volontaire. La Commission a également soutenu que la division générale n'avait pas établi clairement ce qu'elle estimait être d' [traduction] « autres solutions raisonnables » après avoir tenu compte de l'ensemble des circonstances, et elle a laissé entendre que la décision n'était pas transparente et intelligible.

[10] J'accepte les observations de la Commission selon lesquelles le critère juridique a été mal appliqué. Dans l'arrêt TanguayNote de bas de page 1, la Cour d'appel fédérale a examiné une erreur concernant la définition de « justification » au paragraphe 41(1), disposition semblable à celle portant sur l'exclusion à l'article 30 de la Loi sur l'AE. La Cour a déclaré ce qui suit : « Il est clair, cependant, que lorsqu'on s'interroge sur la définition qu'il faut donner au mot "justification" dans [l'ancien] paragraphe 41(1), on se pose une pure question de droit. Il s'ensuit que si une décision est prononcée qui ne puisse se concilier avec cette définition, cette décision est entachée d'une erreur de droit. »

[11] En exigeant que le prestataire ait épuisé toutes les options ou toutes les options qui lui sont offertes, la division générale a effectivement retiré l'avertissement prévu par la loi selon laquelle la partie prestataire a seulement besoin d'épuiser les options qui pourraient être considérées comme raisonnables. Je ne conviens pas que l'exigence la plus stricte de [traduction] « toutes les options offertes » pouvait être harmonisée à la définition de « justification » selon la loi ou à l'exigence selon laquelle il ne doit y avoir aucune [traduction] « autre solution raisonnable », expression maintenant décrite à l'alinéa 29c) de la Loi sur l'AE.

[12] Je suis également d'accord avec la Commission que les options désignées par la division générale comme étant d'autres solutions raisonnables que le départ volontaire n'étaient pas claires.

[13] J'estime que la division générale a commis une erreur de droit prévue à l'alinéa 58(1)b) de la Loi sur le MEDS en appliquant mal la définition de « justification » prévue par la loi.

Conclusions incompatibles

[14] La Commission a également soutenu que la division générale a tiré des conclusions de fait qui n'étaient pas compatibles avec la preuve et qu'elle a ainsi fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. La Commission a donné deux exemples : elle a souligné que le prestataire a déclaré avoir demandé des tâches modifiées pour se voir refuser cette demande, mais elle a conclu que rien ne démontrait que le prestataire avait tenté d'obtenir des tâches modifiées. La Commission a également souligné que le membre a conclu que, selon la preuve, le prestataire a été informé de prendre une semaine de congé et qu'il ne l'a pas fait, alors que, selon la pièce GD3-20, le prestataire a en réalité pris un congé de cinq jours après avoir fourni une note du médecin qui recommandait une semaine de congé.

[15] Le premier des exemples de la Commission représente une contradiction claire une mauvaise interprétation de la preuve pertinente dans la conclusion de la division générale sur les autres solutions raisonnables. Il s’agit d’une erreur prévue à l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS.

[16] Je conviens que le second exemple représente également une contradiction apparente à la lecture de la décision. Cependant, le prestataire a consulté son médecin, il aurait obtenu sa recommandation de prendre une semaine de congé et il a pris le congé environ une semaine après avoir remis sa lettre de démission. Étant donné la déclaration de la division générale selon laquelle le [traduction] « facteur déterminant pour le Tribunal est l'absence de directives médicales [du prestataire] relativement à la douleur et à sa capacité de travailler » (paragraphe 40), je n'estime pas que cette contradiction particulière sur la question de savoir si le prestataire a pris une semaine de congé était illustrée dans la détermination des autres solutions raisonnables de la division générale ou que cela a influencé toute autre conclusion sur laquelle la décision a été fondée.

Réparation

[17] Le dossier est complet, et je possède tous les renseignements dont j'ai besoin pour rendre une décision que la division générale aurait dû rendre.

[18] Même si la division générale demandait que le prestataire épuise toutes les autres solutions, l'une de celles-ci désignée par la division générale était que le prestataire aurait d'abord dû consulter son médecin de faire et déterminer la nature de ses problèmes à la main avant de démissionner (paragraphe 43). J'estime que cette autre solution est également raisonnable : il aurait également été raisonnable que le prestataire ait confirmé ses limitations médicales et les traitements recommandés par son médecin avant de quitter son emploi et qu'il ait présenté la note ou le certificat de son médecin à l'employeur pour évaluer s'il aurait pu trouver une solution pour atténuer sa difficulté à travailler en raison de sa douleur à la main.

[19] Le prestataire avait de la difficulté à s'absenter pour consulter son médecin, mais il a pris un congé de maladie pour consulter son médecin après avoir remis son avis, ce qui démontre que cela était possible. Je reconnais que le prestataire pourrait avoir eu plus de gêne à prendre congé afin de consulter un médecin s'il espérait toujours conserver son emploi, mais le fait de démissionner sans faire la tentative fait de la possibilité d'une perte d'emploi une certitude. Si les recommandations du médecin nécessitaient des tâches adaptées, il aurait été justifié de chercher des tâches adaptées aux recommandations. Si les recommandations avaient compris une période de repos, il aurait pu demander un congé pendant cette période.

[20] J'ai tenu compte de l'ensemble des autres circonstances pertinentes et apparentes. Je reconnais que le prestataire s'est plaint que sa charge de travail avait augmenté en raison d'un manque chronique de personnel et du fait qu'il avait l'impression que l'employeur souhaitait qu'il démissionne. Cependant, la preuve ne suffit pas pour conclure que la charge de travail accrue était d'une telle nature ou d'une telle mesure qu'elle constituait un changement important des tâches de travail, et elle ne suffit pas pour conclure que le prestataire était victime de pressions afin qu'il démissionne.

[21] Après avoir tenu compte de l'ensemble des circonstances et selon la prépondérance des probabilités, j'estime que le prestataire n'avait pas épuisé les autres solutions raisonnables que celle de quitter son emploi, et que, par conséquent, il n'était pas fondé à quitter son emploi au titre de l'alinéa 29c) de la Loi sur l'AE.

Conclusion

[22] En vertu de l'article 59 de la Loi sur le MEDS, je rendrai la décision que la division générale aurait dû rendre. Le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi.

[23] L’appel est rejeté.

Mode d’instruction :

Comparutions :

Sur la foi du dossier

S. K., appelant
Susan Prud’homme, représentante de l’intimée
Au moyen d'observations écrites seulement

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