Assurance-emploi (AE)

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Décision et Motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté. Bien que j’aie constaté que la division générale a commis une erreur en refusant d’exercer sa compétence relativement au montant du versement excédentaire, j’estime qu’elle a calculé correctement le montant du versement excédentaire, qui s’élève à 1 048,00 $.

Apercu

[2] L’appelant, L. S. (prestataire), a quitté son emploi et a reçu une indemnité de vacances, une indemnité de préavis et une indemnité de départ. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a déterminé que l’indemnité de départ devrait être répartie, mais le total des frais juridiques engagés par le prestataire pour obtenir l’indemnité n’a pas été déterminé immédiatement. Après avoir déduit ce qu’elle croyait être les frais juridiques, la Commission a réparti l’indemnité de départ nette, déterminé que le prestataire avait reçu un versement excédentaire de prestations et émis un avis de dette le 19 novembre 2016.

[3] Après que le prestataire eut demandé une révision, la Commission a révisé le montant net du règlement et a réparti de nouveau l’indemnité de départ sur un nombre inférieur de semaines. Un nouvel avis de dette de 1 048,00 $, daté du 31 décembre 2016, a également été émis.

[4] Le prestataire a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale au motif que ses nouveaux renseignements concernant les frais juridiques auraient dû permettre d’effacer entièrement la dette et qu’il ne devrait pas être tenu responsable d’une erreur commise par la Commission. La division générale a confirmé la répartition, mais a refusé d’exercer sa compétence relativement au montant du versement excédentaire.

[5] La division générale a commis une erreur en refusant d’exercer sa compétence à l’égard du versement excédentaire. Toutefois, il n’y a aucune raison d’intervenir par rapport au versement excédentaire de 1 048,00 $, et je confirme l’exactitude de ce montant.

Question en litige

[6] Est-ce que la division générale a refusé d’exercer sa compétence en omettant de tenir compte du montant du versement excédentaire?

Analyse

Normes de contrôle

[7] Les moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) sont semblables aux motifs habituels de contrôle judiciaire, ce qui donne à penser que les mêmes normes de contrôle que celles utilisées par les cours supérieures pourraient également s’appliquer à la division d’appel.

[8] Toutefois, je ne considère pas que l’application des normes de contrôle soit nécessaire ou utile. Les appels administratifs des décisions en matière d’assurance-emploi sont régis par la Loi sur le MEDS, qui ne prévoit pas qu’un examen doit être effectué conformément aux normes de contrôle. Dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c HuruglicaNote de bas de page 1, la Cour d’appel fédérale était d’avis que les normes de contrôle ne devraient être appliquées que si la loi habilitante le prévoit. Il y est mentionné que les principes qui ont orienté le rôle des tribunaux quant au contrôle judiciaire des décisions administratives ne s’appliquent pas dans une structure administrative à plusieurs niveaux.

[9] L’arrêt Canada (Procureur général) c JeanNote de bas de page 2 avait trait au contrôle judiciaire d’une décision de la division d’appel. La Cour d’appel fédérale n’avait pas à se prononcer quant à l’applicabilité des normes de contrôle, mais elle a reconnu dans ses motifs que les tribunaux administratifs d’appel n’ont pas les pouvoirs de contrôle et de surveillance que la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale exercent lorsque les normes de contrôle sont appliquées. La Cour a également souligné que la division d’appel a autant d’expertise que la division générale et qu’elle n’est donc pas tenue de faire preuve de déférence.

[10] Certaines décisions de la Cour d’appel fédérale semblent approuver l’application des normes de contrôleNote de bas de page 3, mais je suis néanmoins convaincu par le raisonnement de la Cour dans les arrêts Huruglica et Jean. J’examinerai donc l’appel en renvoyant aux moyens d’appel prévus dans la Loi sur le MEDS seulement.

Principes généraux

[11] La tâche de la division d’appel est plus restreinte que celle de la division générale. La division générale est habilitée à examiner et à apprécier les éléments de preuve dont elle est saisie et à tirer des conclusions de fait. Elle applique ensuite le droit à ces faits afin de tirer des conclusions sur les questions de fond soulevées en appel.

[12] Pour sa part, la division d’appel ne peut intervenir dans une décision de la division générale que si elle peut déterminer que cette dernière a commis l’une des erreurs correspondant aux moyens d’appel prévus à l’article 58(1) de Loi sur le MEDS, lesquels sont exposés ci‑dessous :

  1. a) La division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) La division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Compétence pour examiner le montant du versement excédentaire

[13] La division générale a confirmé que l’indemnité de départ avait valeur de rémunération et qu’elle avait été répartie correctement, mais elle a refusé d’exercer sa compétence relativement au montant du versement excédentaire de 1 048,00 $. La division générale a déclaré que [traduction] « le versement excédentaire découlait du fait que le prestataire avait épuisé ses droits de recevoir des prestations d’assurance-emploi » et qu’il s’agissait d’une question autre que celle faisant l’objet de l’appel.

[14] Dans la décision de révision du 30 décembre 2016, la Commission a déduit les frais juridiques additionnels de l’indemnité de départ du prestataire et a réduit le montant net de l’indemnité de départ à répartir en conséquence. Le nombre de semaines sur lesquelles l’indemnité de départ a été répartie a été réduit en conséquence, passant de 43 à 40Note de bas de page 4. Le prestataire a ainsi eu de nouveau droit à des prestations pendant trois des semaines à l’égard desquelles le versement excédentaire avait été déterminé.

[15] La nouvelle répartition a également eu pour conséquence que la Commission a constaté que le prestataire avait reçu deux semaines de prestations de plus que ce à quoi il avait droit. Avant la nouvelle répartition, le prestataire avait reçu 49 semaines de prestations, soit 36 semaines de prestations régulières et 13 semaines de prestations spéciales. Après que la Commission eut rétabli trois semaines de prestations, ces semaines ont été ajoutées aux autres semaines de prestations régulières et spéciales, ce qui donnait un nouveau total de 52 semaines. Aux termes de l’article 12(6) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE), le prestataire pouvait recevoir un maximum de 50 semaines de prestations régulières et spéciales combinées au cours de sa période de prestations.

[16] Le prestataire a reçu 52 semaines de prestations alors qu’il avait droit à un maximum de 50 semaines. La division générale a donc raison de dire qu’un versement excédentaire a été créé parce que le prestataire avait épuisé son droit de recevoir des prestations. Cependant, je n’accepte pas qu’un versement excédentaire découlant de l’épuisement des prestations du prestataire soit nécessairement une décision différente de la décision de révision du 30 décembre ou une décision qui nécessiterait une nouvelle demande de révision et un nouvel appel. La décision issue de la révision concernait la nouvelle répartition du montant, mais comprenait les détails accessoires ou corrélatifs du versement excédentaire, comme le reconnaissent implicitement les dossiers de la Commission qui sont associés au processus de révision et à la décision : la Commission a informé le prestataire du montant rajusté du versement excédentaire et de la façon dont il a été calculé le 30 décembre, puis l’a informé de son droit d’en appeler auprès du TribunalNote de bas de page 5.

[17] Certes, la nouvelle répartition a eu deux conséquences distinctes : le prestataire a eu droit à trois autres semaines de prestations et, par suite de l’inclusion de ces trois semaines supplémentaires, il avait reçu deux semaines de plus que le maximum de 50 semaines prévu par la Loi sur l’AE. Toutefois, ni l’une ni l’autre de ces conséquences n’exigeait l’examen de faits supplémentaires ou ne donnait lieu à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire. S’il est calculé correctement, le versement excédentaire est une conséquence mathématique inévitable de la nouvelle répartition du montant.

[18] Je reconnais que le versement excédentaire de 1 048,00 $ a été explicitement signalé dans un avis de dette daté du 31 décembre et que la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Braga, a jugé qu’un avis de dette est une décisionNote de bas de page 6. Toutefois, je ne comprends pas que l’arrêt Braga empêche l’examen du montant du versement excédentaire dans le cadre d’un appel de la décision relative à la répartition de ce montant. L’arrêt Braga concernait un appel dans le cadre duquel des avis de dette (visant divers prestataires) étaient des décisions qui avaient été soumises au conseil arbitral au départ, puis au juge-arbitre (le deuxième niveau d’appel du processus en vigueur à l’époque). Le juge-arbitre avait conclu que le conseil arbitral avait commis une erreur en omettant d’examiner la question de la répartition, mais la Cour n’était pas d’accord. La Cour a souligné que les prestataires n’avaient pas soutenu que leurs indemnités de départ n’avaient pas valeur de rémunération assujettie à la répartition et que le juge-arbitre n’était saisi d’aucune question relativement à la décision concernant la répartition de la rémunération. La Cour a soutenu que le juge-arbitre aurait dû reconnaître que les appels interjetés devant la Commission concernaient des avis de dette.

[19] Dans l’arrêt Braga, il n’était pas nécessaire pour la Cour d’analyser la décision de répartition à l’appui de l’émission de l’avis de dette parce que le mode de répartition n’était pas contesté. Selon moi, l’arrêt Braga reconnaît qu’un versement excédentaire peut encore faire l’objet d’une contestation même lorsque la décision qui a donné lieu au versement excédentaire est correcte, et que le montant du versement excédentaire peut donc faire l’objet d’un appel indépendant. À mon avis, la décision met aussi passablement l’accent sur les intentions du prestataire pour déterminer ce qui fait l’objet d’un appel en bonne et due forme.

[20] La Commission a soutenu que le prestataire avait clairement formulé son intention de faire réviser la répartition de novembre. Toutefois, la décision relative à la répartition a été révisée et modifiée en conséquence. Quelle que soit l’intention première du prestataire à l’égard de la décision initiale, la nouvelle décision rendue à l’issue de la révision a nécessité une réponse différente.

[21] Depuis que la décision de révision a été rendue, l’intention du prestataire d’interjeter appel du versement excédentaire qui en a découlé a été claire. D’après la façon dont la Commission a expliqué sa décision issue de la révision, il est évident que le montant du versement excédentaire a été considéré dans le cadre du processus décisionnelNote de bas de page 7. Le prestataire a répondu en rédigeant son avis d’appel à la division générale pour régler la question du versement excédentaire de 1 048,00 $ et ses arguments portaient uniquement sur son insatisfaction relativement au fait de devoir rembourser le versement excédentaire. Il n’a pas contesté le mode de répartition depuis avant même que la décision initiale de la Commission ne soit examinée.

[22] Dans l’arrêt Braga, la Cour d’appel fédérale a autorisé l’appel indépendant de l’avis de dette, mais je ne suis pas d’avis qu’elle avait l’intention d’exiger que la question du versement excédentaire ne soit réglée que dans le cadre d’un appel distinct de l’avis de dette. En l’espèce, l’avis de dette représente l’application non discrétionnaire d’une décision de répartition dans le cadre de laquelle la conséquence du versement excédentaire a été prise en compte, il n’y a aucune erreur présumée quant à la façon dont le versement excédentaire a été calculé et l’intention du prestataire en appel était de contester le versement excédentaire.

[23] Bien que la Commission estime qu’il faut lui donner la possibilité de réviser son versement excédentaire aux termes de l’article 112 de la Loi sur l’AE avant qu’il ne fasse l’objet d’un appel, je reconnais que le versement excédentaire faisait partie intégrante de sa décision existante issue de la révision. De plus, le fait de donner à la Commission la possibilité de réviser séparément le versement excédentaire ne ferait qu’occasionner des retards supplémentaires. En termes simples : la répartition a fait en sorte que 3 semaines de prestations ont été ajoutées aux 49 autres semaines de prestations que le prestataire a reçues, ce qui donne 52 semaines. La Commission n’avait pas le pouvoir discrétionnaire de déterminer que le nombre maximal de semaines de prestations auxquelles le prestataire avait droit auraient dû être supérieur à 50.

[24] Les 52 semaines de prestations du prestataire dépassent de deux semaines le nombre maximum permis de semaines de prestations. Pour chacune de ces semaines, le prestataire a reçu des prestations de 542,00 $, ce qui se traduit par un versement excédentaire de 1 048,00 $. Ces faits et calculs essentiels ne sont pas contestés. Si la Commission avait la possibilité de réviser l’avis de dette de façon indépendante, comme elle le demande, elle n’aurait d’autre choix que de maintenir le versement excédentaire.

[25] Selon moi, l’avis de dette faisait partie d’une décision de révision rendue aux termes de l’article 112 de la Loi sur l’AE et pouvait donc faire l’objet d’un appel devant la division générale aux termes de l’article 113. La division générale a donc commis une erreur en refusant d’examiner le montant du versement excédentaire aux termes de l’article 58(1)a) de la Loi sur le MEDS.

Réparation

[26] Le dossier de la division générale est complet et je dispose de tous les renseignements dont j’ai besoin pour rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

[27] Le prestataire a déclaré à la division générale qu’il ne devrait pas avoir à rembourser les deux semaines supplémentaires de prestations parce que le versement excédentaire était le résultat du retard de la Commission et qu’il n’en avait pas la responsabilité. Il a repris cet argument devant la division d’appel. Le prestataire fait valoir que, si la Commission avait été diligente, il ne serait pas obligé de rembourser des prestations qu’il n’aurait pas dû recevoir.

[28] Je n’ai pas le pouvoir de donner des directives à la Commission relativement à ses processus de gestion des cas ou à ses processus administratifs, et je ne peux annuler les versements excédentaires ou payer les dettes qui ont été correctement évaluées. Peu importe si la Commission a agi en temps utile quand elle e a examiné les nouveaux renseignements du prestataire, rajusté le montant net de son indemnité de départ et réparti de nouveau cette indemnité sur les semaines de sa période de prestations, le prestataire a touché des prestations auxquelles il n’avait pas droit et demeure responsable de les rembourser, comme le prévoit l’article 45 de la Loi sur l’AE.

[29] Comme il est expliqué ci-dessus, le montant du versement excédentaire a été déterminé par la modification visant la répartition de l’indemnité de départ nette, qui n’est pas contestée.

[30] J’estime que le montant du versement excédentaire du prestataire, évalué à 1 048,00 $, est exact.

Conclusion

[31] L’appel est rejeté.

[32] Conformément à l’article 59 de la Loi sur le MEDS, je rendrai la décision que la décision générale aurait dû rendre. Je conclus que le prestataire a reçu un versement excédentaire de 1 048,00 $, comme il est précisé dans l’avis de dette du 31 décembre 2016.

Date de l’audience :

Façon de procéder :

Comparutions :

Le 1er mai 2018

Téléconférence

L. S., appelant
Susan Prud’Homme, représentante de l’intimée

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