Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] Le Tribunal rejette l’appel.

Aperçu

[2] L’appelant, A. L. (prestataire) a présenté deux demandes initiales de prestations d’assurance-emploi, soit le 21 septembre 2014 et le 20 septembre 2015. Dans deux décisions différentes rendues le 18 et le 19 octobre 2016, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a imposé une inadmissibilité au prestataire applicable à ces deux périodes de prestations, après avoir déterminé qu’il n’était pas en chômage. La Commission a aussi imposé au prestataire une pénalité et un avis de violation pour chacune des périodes de prestations pour avoir sciemment fait des déclarations fausses ou trompeuses. Le prestataire a demandé à la Commission de réviser ces décisions, et suite à ses révisions, la Commission a décidé de maintenir les deux décisions initiales. Le prestataire a interjeté appel des décisions issues de ces révisions devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).

[3] La division générale a déterminé que le prestataire n’avait pas effectué de semaines entières de travail, au sens de l’article 30 du Règlement sur l’assurance-emploi, au cours des semaines où il exploitait uniquement l’entreprise Biodermoil. Ces semaines devaient donc être considérées comme des semaines de chômage.

[4] Cependant, la division générale a conclu que le prestataire avait effectué des semaines entières de travail, au sens de l’article 30 du Règlement, au cours des semaines où il travaillait de manière autonome pour le compte de l’entreprise Uber. Ces semaines ne devaient pas être considérées comme des semaines de chômage. Les périodes visées sont les suivantes : 26 juillet 2015 au 29 août 2015 et 22 novembre 2015 au 14 mai 2016.

[5] La division générale a également conclu qu’il y avait lieu de maintenir les pénalités, mais d’en réduire les montants vu certains facteurs non considérés par la Commission, et a maintenu les avis de violation.

[6] La permission d’en appeler a été accordée par le Tribunal. Le prestataire fait valoir que la division générale a erré en fait et en droit lorsqu’elle a conclu qu’il avait fait une fausse déclaration en ne divulguant pas son statut de travailleur autonome chez Biodermoil. Il soutient que la preuve acceptée par la division générale démontre que l’entreprise n’exerçait aucune activité pendant sa période de chômage. Il n’y a donc pas eu fausse déclaration de sa part. Il soutient également que la division générale a ignoré la preuve révélant qu’il prenait des médicaments et qu’il ne pouvait pas conduire pendant la période du 15 novembre au 20 décembre 2015. Il ne pouvait donc pas conduire son auto au service de l’entreprise Uber pendant cette période.

[7] Le Tribunal doit décider si la division générale a erré en ne tenant pas compte de la disponibilité à travailler du prestataire et de ses efforts pour trouver un emploi.

[8] Le Tribunal rejette l’appel du prestataire.

Questions en litige

[9] Est-ce que la division générale a erré en droit en concluant qu’il y avait lieu de maintenir la pénalité imposée au prestataire malgré sa conclusion selon laquelle le prestataire n’avait pas effectué de semaines entières de travail pour Biodermoil?

[10] Est-ce que la division générale a ignoré la preuve qu’il était incapable de conduire pour Uber pendant la période du 15 novembre au 20 décembre 2015 parce qu’il prenait des médicaments?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[11] La Cour d’appel fédérale a déterminé que la division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.Note de bas de page 1

[12] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel au regard des décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure. 

[13] En conséquence, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait erré en droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Question en litige : Est-ce que la division générale a erré en droit en concluant qu’il y avait lieu de maintenir la pénalité imposée au prestataire malgré sa conclusion selon laquelle le prestataire n’avait pas effectué de semaines entières de travail pour Biodermoil?

[14] Ce motif d’appel est rejeté.

[15] La division générale a déterminé que le prestataire avait consacré peu de temps et d’énergie à l’entreprise Biodermoil alors qu’il était prestataire. Elle a retenu de la preuve que l’entreprise du prestataire était vouée uniquement à la vente en ligne et rencontrait un succès très faible.

[16] La division générale a conclu que le prestataire avait démontré qu’il correspondait à l’exception présente au paragraphe 30(2) du Règlement, car l’exploitation de son entreprise s’effectuait d’une manière si limitée qu’elle ne constituait pas son principal moyen de subsistance.

[17] La division générale devait également se prononcer sur le litige concernant la pénalité. Afin d’imposer une pénalité au prestataire, la division générale devait conclure, selon la prépondérance des probabilités, qu’il savait qu’il faisait des déclarations fausses ou trompeuses.

[18] La division générale a conclu que le prestataire savait ou « aurait dû savoir » qu’il fournissait de fausses déclarations. En agissant de la sorte, la division générale semble avoir appliqué un critère objectif. Elle a donc commis une erreur de droit.

[19] Ceci dit, la seule exigence posée par le législateur afin d’imposer une pénalité est celle d’avoir fait une déclaration fausse ou trompeuse sciemment, c’est-à-dire en toute connaissance de cause. L’absence d’intention de frauder n’est donc d’aucune pertinence.Note de bas de page 2

[20] La Cour d’appel fédérale a statué qu’il y a renversement du fardeau de la preuve à partir du moment où un prestataire donne une réponse inexacte à une question très simple ou à des questions figurant sur la carte de déclaration.Note de bas de page 3 En l’occurrence, la question à laquelle devait répondre le prestataire était fort simple : « Avez-vous travaillé ou touché un salaire pendant la période visée par cette déclaration? » Puis, pour cette même question, la précision suivante était ajoutée : « […] Ceci inclut un travail à votre compte ou un travail pour lequel vous ne serez pas payé ou serez payé plus tard ».

[21] Par conséquent, il revenait au prestataire d’expliquer l’existence de ses réponses inexactes; il devait démontrer qu’il ne savait pas que ses réponses étaient inexactes.

[22] À titre d’explication, le prestataire a soutenu devant la division générale qu’il ne considérait pas ses activités auprès de son entreprise Biodermoil comme un vrai emploi et que le temps investi de manière hebdomadaire était très faible.

[23] Avant de commencer chaque déclaration, le prestataire a reçu un avertissement au sujet des déclarations fausses ou trompeuses, et celui-ci a attesté avoir lu et compris la partie sur ses droits et responsabilités. De plus, le prestataire a attesté que les réponses fournies dans ses déclarations étaient exactes à la fin de chaque déclaration qu’il a remplie pour chaque semaine de chômage.

[24] Pour le Tribunal, la preuve démontre clairement que le prestataire était impliqué dans l’exploitation d’une entreprise, même si celle-ci connaissait un succès limité.  

[25] Lors de son témoignage devant la division générale, le prestataire a déclaré avoir fondé l’entreprise Biodermoil afin d’avoir une autonomie financière pour lui et pour ses enfants. L’entreprise Biodermoil fabriquait des produits cosmétiques. Il a investi beaucoup de temps dans l’entreprise en 2013 et au début de l’année 2014, avant qu’il soit prestataire d’assurance-emploi. Ses produits étaient fabriqués par DCP Dermoscience.

[26] Les premières cargaisons de produits cosmétiques lui sont parvenues en septembre 2014. À ce moment, les produits livrés n’étaient pas vendables car ils avaient un défaut (le produit se séparait). Il a demandé à DCP Dermoscience de refaire le produit, ce qui a été fait. En novembre 2014, il s’est fait voler l’essentiel de son stock de produits améliorés nouvellement livrés. Après ce vol, il ne lui restait qu’une fraction de son stock.

[27] Il a demandé à un entrepreneur de concevoir pour lui un site Web et une page Facebook/Twitter afin de tenter d’écouler les produits restants. Dans le même but, sa femme et ses amies ont aussi participé à certaines expositions et il a lui-même fait un peu de marketing pour l’entreprise (téléphones, rencontres, bouche-à-oreille). Malgré ces démarches, très peu de marchandises ont pu être vendues. Il a déclaré que son site Web est toujours actif, mais que ses ventes de produits étaient infimes (deux ventes dans les six derniers  mois). Il a mentionné avoir espoir de relancer l’entreprise un jour.

[28] Le Tribunal est convaincu que le prestataire a agi en connaissance de cause lorsqu’il a omis de déclarer son travail autonome. Compte tenu de l’ensemble de la preuve, le prestataire savait qu’il faisait une fausse déclaration en répondant « Non » à la simple question de savoir s’il avait travaillé pour son propre compte. Son explication pour ne pas avoir déclaré son travail autonome n’est tout simplement pas raisonnable.

[29] Ce moyen d’appel doit donc être rejeté.

[30] Est-ce que la division générale a ignoré la preuve qu’il était incapable de conduire pour Uber pendant la période du 15 novembre au 20 décembre 2015 parce qu’il prenait des médicaments?

[31] Ce motif d’appel est rejeté.

[32] La division générale a conclu que le prestataire avait effectué des semaines entières de travail, au sens de l’article 30 du Règlement, au cours des semaines où il travaillait de manière autonome pour le compte de l’entreprise Uber. Ces semaines ne devaient pas être considérées comme des semaines de chômage. Les périodes visées sont les suivantes : 26 juillet 2015 au 29 août 2015 et 22 novembre 2015 au 14 mai 2016.

[33] Le prestataire a déclaré à la Commission que les dépôts de UBER dans son compte n’étaient pas tous à lui mais pour quelqu’un d’autre. Il a mentionné que son compte personnel a été utilisé par d’autres personnes que lui. Quand il était malade, il n’avait pas le droit de conduire à cause de ses médicaments.Note de bas de page 4 Cependant, il partageait les revenus moitié-moitié avec son remplaçant.

[34] Questionné davantage par la Commission sur les revenus provenant des taxis UBER, le prestataire a affirmé qu’au moment où il était en maladie, il a prêté son automobile à quelqu’un qu’il connaissait et que cette personne a fait du taxi UBER. Pour montrer sa bonne foi, ladite personne a proposé de faire déposer tous les fonds recueillis, par ce travail de taxi, dans le compte personnel du prestataire. Ainsi, le prestataire pouvait, par la suite, retirer les fonds appartenant audit ami et les lui redonner en argent. Le prestataire n’a pas voulu révéler le nom de l’ami en question.Note de bas de page 5

[35] Dans son avis d’appel à la division générale, le prestataire a déclaré que lorsqu’il était malade, il avait prêté son auto à un ami pour l’aider à payer son véhicule puisqu’il aurait pu faire l’objet d’une saisie faute de paiement.Note de bas de page 6

[36] Lors de l’audience devant la division générale, le prestataire a admis avoir conduit un véhicule pour l’entreprise Uber pendant les périodes en litige. Toutefois, il précise qu’il était en maladie du 15 novembre 2015 au 20 décembre 2015. Pendant cette période, le véhicule était conduit par l’un de ses amis et les profits étaient répartis moitié-moitié. Il n’a pas déclaré le travail autonome auprès d’Uber, car le service était clandestin à l’époque. Il ne souhaitait pas s’attirer de problèmes.

[37] La division générale a conclu que le prestataire n’avait pas été en mesure de démontrer que cet emploi était effectué d’une manière si limitée qu’il ne constituait pas son principal moyen de subsistance et ce, même pour les périodes où un ami du prestataire conduisait le véhicule Uber, car même si le prestataire était en maladie du 15 novembre 2015 au 20 décembre 2015, il demeurait entièrement responsable du véhicule, des dépenses et des revenus engendrés par cette activité de travail autonome.

[38] La division générale a également conclu que le prestataire avait agi en connaissance de cause lorsqu’il avait omis de déclarer son travail autonome Uber. Compte tenu de l’ensemble de la preuve, le prestataire savait qu’il faisait une fausse déclaration en répondant « Non » à la simple question de savoir s’il avait travaillé pour son propre compte. Le fait que le prestataire considérait le service Uber comme clandestin à l’époque ne démontre pas qu’il ne savait pas que ses réponses étaient inexactes.

[39] Ce moyen d’appel est rejeté.

Conclusion

[40] Le Tribunal rejette l’appel.

 

Date de l’audience :

Le 15 mai 2018

Mode d’audience :

Téléconférence

Comparutions :

A. L., appelant

Manon Richardson, représentante de l’intimée

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