Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal conclut que l’appelant a cessé d’occuper son emploi en raison de sa propre inconduite.

Aperçu

[2] L’appelant était journalier en construction chez X. Il a cessé d’occuper son emploi le 12 août 2016 parce qu’il a échoué à un test de dépistage de drogues et d’alcool auquel l’a soumis l’employeur. La Commission a rejeté la demande de l’appelant parce qu’elle a conclu qu’il avait cessé d’occuper son emploi en raison de sa propre inconduite. L’appelant admet avoir échoué au test de dépistage de drogues de l’employeur, mais il soutient qu’il devrait avoir droit aux prestations d’assurance-emploi parce qu’il n’a pas fumé l’herbe sur les lieux du travail, mais chez-lui alors qu’il était en congé. Le Tribunal doit déterminer si l’appelant a cessé d’occuper son emploi en raison de sa propre inconduite.

Questions en litige

[3] L’appelant a-t-il posé les gestes reprochés par l’employeur?

[4] Si oui, les gestes posés par l’appelant constituent-ils de l’inconduite?

Question préliminaires

[5] À la toute fin de l’audience tenue le 4 mai 2017, l’appelant a soulevé un motif de discrimination concernant l’évaluation de son dossier par la Commission en raison de son origine ethnique. L’appelant a indiqué que la Commission avait rendu une décision raciste parce qu’il a un nom d’origine africaine. Le Tribunal a ajourné l’audience et la reprise de celle-ci a eu lieu le 7 juin 2018. L’appelant soupçonnait que la Commission avait rendu une décision raciste parce que sa demande de prestations avait d’abord été autorisée et que, par la suite, la Commission avait rendu une décision l’excluant du bénéfice des prestations. Le Tribunal précise que l’appelant a déclaré sur sa demande renouvelée de prestations avoir cessé d’occuper son emploi en raison d’un manque de travail alors que l’employeur a déclaré que l’appelant avait été congédié. Bien que les motifs soulevés par l’appelant s’appuyaient sur la Charte des droits et libertés de la personne, le Tribunal a considéré qu’il pouvait analyser le dossier de l’appelant, suivant le processus régulier de la division générale du Tribunal, puisque l’appelant ne soulevait pas ces motifs discriminatoires au regard de l’employeur et de l’inconduite alléguée, mais au regard de l’évaluation de son dossier par la Commission. Le Tribunal a précisé à l’appelant qu’il est indépendant de la Commission qui a rendu la décision qui fait l’objet de cet appel et qu’il rendra une décision impartiale à l’appui des éléments de preuve et des arguments présentés par les deux parties.

Analyse

[6] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe à la présente décision.

L’appelant a-t-il posé les gestes reprochés par l’employeur?

[7] L’employeur a déclaré à la Commission qu’un incident est survenu sur le chantier et que lorsque survient un incident, le processus prévoit qu’il y a automatiquement un test de drogues et d’alcool qui est administré aux employés. L’employeur a déclaré que l’entreprise a une politique de tolérance zéro en matière de drogues et d’alcool et que les employés sont avertis de cette politique dès l’embauche.

[8] L’appelant a déclaré qu’un accident est survenu sur le chantier, que ce n’était pas de sa faute, mais qu’il a quand même été soumis à un test de dépistage de drogues. L’appelant a déclaré qu’il a échoué le test de drogues et d’alcool imposé par l’employeur et qu’il connaissait la politique tolérance zéro de l’employeur. L’appelant admet avoir fumé de l’herbe, mais chez-lui alors qu’il était en congé. Puisqu’il n’a pas fumé l’herbe sur les lieux du travail, il ne comprend pas pourquoi il ne pourrait bénéficier des prestations de l’assurance-emploi.

[9]  La preuve démontre que l’appelant a échoué au test de dépistage de drogues et d’alcool auquel il a été soumis par l’employeur et qu’il connaissait la politique de l’employeur à ce sujet.

[10] Le Tribunal conclut que l’appelant a posé les gestes reprochés par l’employeur.

Les gestes posés par l’appelant constituent-ils de l’inconduite?

[11] Le Tribunal doit déterminer si les gestes posés par l’appelant constituent une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi) et le fardeau de démontrer que ces gestes constituent de l’inconduite incombe à la Commission (Procureur général du Canada c. Larivée 2007 CAF 312 (CanLII)).

[12] La Commission affirme que consommer de la drogue, même pendant son congé, constitue une inconduite de la part de l’appelant parce qu’il connaissait la politique de l’employeur quant à la consommation de drogue et d’alcool permise et qu’il a tout de même décidé d’en consommer pendant son congé. La Commission soutient que l’appelant n’a pas tenu compte des répercussions que ce geste pouvait avoir sur les conditions de son emploi. Elle affirme également que, bien que l’incident du chantier n’était pas considéré comme étant la faute de l’appelant, il a obtenu un résultat positif au test de dépistage de drogues suite à l’incident survenu sur le chantier. Le geste de consommer de la drogue est un manquement explicite au contrat de travail et constitue une inconduite au sens de la Loi.

[13] Le Tribunal précise que pour constituer de l’inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail (Tucker, A-381-85).

[14] L’appelant a témoigné qu’il travaillait sur le chantier pendant 14 jours et qu’ensuite il était en congé pour une période de 7 jours. L’appelant admet avoir fumé du « weed », soit de l’herbe une drogue douce, mais soutient qu’il a droit à sa vie privée et qu’il a consommé chez-lui alors qu’il était en congé. Il a expliqué que l’employeur a une politique de tolérance zéro en matière de drogues et d’alcool et que lorsqu’un incident survient tous les employés sont soumis à un test de dépistage de drogues et d’alcool. L’appelant a échoué le test qui s’est avéré positif. Cependant, il soutient qu’il a le droit de consommer de la drogue pendant ses jours de repos et de congé puisque c’est de sa vie privée et non de sa vie professionnelle dont il est question.

[15] Il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié (Procureure générale du Canada c. Mishibinijima 2007 CAF 85 (CanLII)).

[16] L’appelant a déclaré qu’il connaissait la politique de tolérance zéro de l’employeur concernant la consommation de drogues et d’alcool. Cette politique prévoit notamment qu’aucun travailleur ne peut consommer ou posséder de la drogue ou de l’alcool sur les lieux du travail afin d’assurer la sécurité du chantier. Cette politique prévoit également qu’aucun travailleur ne peut travailler sous l’influence de drogues ou d’alcool et que l’employeur se réserve le privilège de soumettre les employés à des tests de dépistages.

[17] L’appelant a précisé qu’il n’a pas été accusé de possession de drogues au travail parce que l’employeur n’a trouvé aucune drogue lorsqu’il a fouillé ses effets personnels. Cependant, la politique de l’employeur prévoit explicitement qu’aucun travailleur ne peut travailler sous l’influence de drogues et d’alcool et l’appelant connaissait cette politique. Bien qu’il soutienne qu’il n’avait pas consommé sur les lieux du travail, mais uniquement lors de son congé, le test de dépistage par l’urine a démontré qu’il était toujours sous influence de drogues ou d’alcool.

[18] Le Tribunal précise que pour qu’il y ait inconduite au sens de la Loi il n’est pas nécessaire que le comportement en cause résulte d’une intention coupable. Il suffit que l’acte répréhensible ou l’omission reproché à l’intéressée soit « volontaire », c’est-à-dire conscient, délibéré ou intentionnel (Caul 2006 CAF 251; Pearson 2006 CAF 199; Bellavance 2005 CAF 87; Johnson 2004 CAF 100; Secours A-352-94; Tucker A-381-85).

[19] L’appelant connaissait la politique de drogues et d’alcool de l’employeur (pièce GD3-50) et savait qu’en consommant de l’herbe, il était possible qu’il soit congédié (Procureure générale du Canada c Brissette, A-1342-92). Également, le Tribunal est d’avis que le lien de causalité entre l’inconduite alléguée par la Commission et la perte de l’emploi de l’appelant est établi. C’est précisément parce que l’appelant a échoué au test de dépistage de drogues et d’alcool qu’il a été congédié.

[20] L’employeur a congédié l’appelant, mais il était possible qu’il soit réembauché sur un autre chantier après avoir suivi un programme de réhabilitation. La réussite de ce programme permettait à l’appelant de pouvoir postuler, l’année suivante, pour un poste sur un autre chantier. Cependant, bien que l’employeur ait permis à l’appelant cette possibilité, le 12 août 2016, l’appelant a été congédié et son emploi a pris fin puisqu’il avait échoué au test de dépistage de drogues et d’alcool. Afin d’obtenir un poste sur un autre chantier, l’appelant doit postuler pour un nouveau poste disponible.

[21] Enfin, le Tribunal a entendu les arguments de l’appelant indiquant qu’il n’a pas posé ce geste au travail, mais pendant son congé et qu’il ne devrait pas être exclu du bénéfice des prestations. Cependant, le Tribunal est d’avis que, bien que l’appelant n’était pas au travail lorsqu’il a consommé de l’herbe, il n’est pas nécessaire que cette inconduite soit commise au travail, sur les lieux du travail ou dans le cadre de la relation du travail avec l’employeur pour qu’il y ait inconduite. Il doit y avoir un lien de causalité entre l’inconduite reprochée au prestataire et la perte d’emploi. En l’espèce, la politique de tolérance zéro en matière de drogues et d’alcool de l’employeur et le fait que l’appelant ait échoué le test de dépistage de drogues et d’alcool auquel il a été soumis établi le lien de causalité (Procureure générale du Canada c Brissette, A-1342-92).

[22] Le Tribunal est d’avis que la consommation d’alcool par l’appelant était délibérée et que c’est volontairement qu’il a fumé de l’herbe pendant son congé. Connaissant la politique de tolérance zéro de l’employeur, l’appelant pouvait présumer que des conséquences pourraient en découler s’il consommait de la drogue. Le Tribunal est d’avis que l’appelant était en mesure de comprendre la nature et les conséquences de sa consommation et c’est en ce sens que la consommation de drogues, et incidemment l’échec au test de dépistage de drogues et d’alcool, est considérée comme un acte volontaire (Procureur général du Canada c Wasylka, 2004 CAF 219 (CanLII)).

[23] Le Tribunal est d’avis que la Commission s’est déchargée de son fardeau de démontrer, suivant la prépondérance de la preuve, que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite (Procureur général du Canada c. Larivée 2007 CAF 312 (CanLII)).

[24] Les faits de la présente affaire démontrent que le congédiement est la conséquence directe de l’appelant à avoir échoué au test de dépistage de drogues et d’alcool. Le Tribunal est d’avis que la preuve présentée permet de conclure que l’appelant pouvait présumer que la consommation de drogues, même pendant son congé, était de nature à entraver ses obligations envers son employeur et qu’un tel geste pouvait mener à son congédiement (Procureur général du Canada c. Mishibinijima 2007 CAF 85 (CanLII)).

[25] Le Tribunal compatit avec la situation vécue par l’appelant, mais il estime justifiée l’exclusion qui lui a été imposée et conclut que les gestes posés constituent de l’inconduite.

Conclusion

[26] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparution :

7 juin 2018

Téléconférence

A. B., appelant

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

29 Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin;
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre;
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert.
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

(3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.

(4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.

(5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.

(6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.

(7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations — qu’elle soit initiale ou non — n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.

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