Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision



Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] L’appelant, A. B. (prestataire), a été congédié après avoir échoué à un test de dépistage des drogues. L’intimé, à savoir la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a rejeté sa demande de prestations d’assurance-emploi au motif que le prestataire avait été congédié pour inconduite. Elle a maintenu sa décision après révision, et le prestataire a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[3] La division générale partageait l’avis de la Commission selon lequel le prestataire avait été congédié pour inconduite et elle a rejeté l’appel. Le prestataire a interjeté appel de nouveau, et l’affaire est maintenant devant la division d’appel.

[4] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur en interprétant mal la nature de la politique de l’employeur et la compréhension de la politique par le prestataire, ce qui a entraîné sa conclusion selon laquelle le prestataire savait ou aurait dû savoir que son comportement allait à l’encontre des obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié.

Questions en litige

[5] Le Tribunal doit déterminer si la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée selon laquelle le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa consommation de marijuana entravait l’exécution de ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié en faisant ce qui suit :

  1. en interprétant mal l’admission du prestataire selon laquelle il était au courant de la politique de tolérance zéro de l’employeur;
  2. en interprétant mal la politique de l’employeur en matière de drogues et d’alcool.

Analyse

Norme de contrôle

[6] Les moyens d’appel prévus à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) sont semblables aux motifs habituels de contrôle judiciaire, ce qui donne à penser que le même type d’analyse de la norme de contrôle pourrait également s’appliquer à la division d’appel.

[7] Je n’estime pas que l’application des normes de contrôle soit nécessaire ou utile. Les appels administratifs des décisions en matière d’assurance-emploi sont régis par la Loi sur le MEDS, qui ne prévoit pas qu’un examen doit être effectué conformément aux normes de contrôle. Dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. HuruglicaNote de bas de page 1, la Cour d’appel fédérale était d’avis que les normes de contrôle ne devraient être appliquées que si la loi habilitante le prévoit. Il y est mentionné que les principes qui ont orienté le rôle des tribunaux quant au contrôle judiciaire des décisions administratives ne s’appliquent pas dans une structure administrative à plusieurs niveaux.

[8] L’arrêt Canada (procureur général) c. JeanNote de bas de page 2 portait sur le contrôle juridique d’une décision de la division d’appel. La Cour d’appel fédérale n’avait pas à se prononcer quant à l’applicabilité des normes de contrôle, mais elle a reconnu dans ses motifs que les tribunaux administratifs d’appel n’ont pas les pouvoirs de contrôle et de surveillance que la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale exercent lorsque les normes de contrôle sont appliquées. La Cour a également souligné que la division d’appel a autant d’expertise que la division générale et qu’elle n’est donc pas tenue de faire preuve de déférence.

[9] Certaines décisions de la Cour d’appel fédérale semblent approuver l’application des normes de contrôleNote de bas de page 3, mais je suis néanmoins convaincu par le raisonnement de la Cour dans les arrêts Huruglica et Jean. J’examinerai donc l’appel en renvoyant seulement aux moyens d’appel prévus dans la Loi sur le MEDS.

Principes généraux

[10] La tâche de la division d’appel est plus restreinte que celle de la division générale. La division générale est habilitée à examiner et à apprécier les éléments de preuve dont elle est saisie et à tirer des conclusions de fait. Elle applique ensuite le droit à ces faits afin de tirer des conclusions sur les questions de fond soulevées en appel.

[11] Pour sa part, la division d’appel ne peut intervenir dans une décision de la division générale que si elle peut déterminer que cette dernière a commis l’une des erreurs correspondant aux moyens d’appel prévus à l’article 58(1) de Loi sur le MEDS, lesquels sont exposés ci-dessous :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier:
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Introduction aux questions en litige

[12] La conclusion d’inconduite de la division générale était fondée sur l’échec du prestataire à un test de dépistage des drogues le 1er mars 2016Note de bas de page 4 à la suite d’une suspension d’une semaine parce qu’on le soupçonnait d’avoir les facultés affaiblies le 23 février 2016, et de son retour ultérieur au travail.

[13] La division générale a explicitement déclaré que la question de savoir si le prestataire avait les facultés affaiblies le 23 février 2016 (date du premier test) ne faisait pas l’objet d’un examen étant donné que le prestataire n’a pas été congédié ce jour-làNote de bas de page 5. Par conséquent, la division générale n’a pas tenu compte de la question de savoir si le prestataire avait donné une raison de soupçonner qu’il avait les facultés affaiblies le 22 ou le 23 février, ou la question de savoir si le test de dépistage des drogues effectué auprès du prestataire le 23 février 2016 était conforme à la politique de l’employeur.

[14] La division générale s’est fondée sur le fait que le prestataire a admis avoir consommé de la drogue pour établir que le comportement prétendu constituait une inconduite. Même si la division générale n’a tiré aucune conclusion précise quant au type de drogues consommé par le prestataire ou le moment où il l’a consommé, le prestataire a seulement admis avoir fumé de la marijuana [traduction] « deux semaines » avant sa suspension le 23 février. Dans son témoignage, le prestataire a particulièrement nié avoir consommé d’autres drogues que la marijuana et avoir fumé des drogues à tout autre moment que celui où il a admis en avoir consommé avant son test de dépistage le 1er mars. Cette preuve n’a pas été rejetée par la division générale, et je présume donc que la division générale a accepté le témoignage du prestataire concernant sa consommation de drogues.

[15] D’après le dossier de la division générale, il est évident que le prestataire ne savait pas avant le 23 février qu’il devrait passer un test de dépistage des drogues le 1er mars. Si l’on convient que le prestataire n’a pas consommé de drogues entre le moment où il était au courant du test prévu le 1er mars et le moment où il a passé ce test, la capacité du prestataire à prévoir le test prévu le 1er mars en date du 23 février n’est pas pertinente pour tirer une conclusion quant à l’inconduite.

[16] Pour que le prestataire sache ou pour qu’il soit présumé qu’il sache que sa consommation de marijuana entraverait l’exécution de ses obligations ou contreviendrait à l’obligation envers son employeur, le prestataire devrait également savoir (ou il est raisonnable de présumer qu’il savait), au moment où il a fait preuve de ce comportement, que cette obligation existait. Autrement dit, il aurait dû savoir au moment où il a fumé de la marijuana qu’il devrait passer un test de dépistage des drogues à un moment où il pourrait s’attendre à avoir encore une trace de drogues dans son organisme.

[17] La division générale a conclu que le prestataire devait savoir que son comportement (fumer consciemment de la marijuanaNote de bas de page 6) entraverait l’exécution de ses obligations envers son employeur (réussir un test de dépistage des drogues) et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié.

[18] Pour conclure que le prestataire savait ou qu’il aurait savoir que son comportement entravait l’exécution de ses obligations envers son employeur, la division générale s’est fondée sur le fait que le prestataire a admis connaître la politique de tolérance zéro de l’employeur et savoir qu’il devait réussir un test de dépistage des droguesNote de bas de page 7.

Existence d’une obligation envers l’employeur

[19] Le fait que le prestataire s’attendait à un test le 1er mars n’est pas pertinent dans la mesure où ce test découle de sa suspension du 23 février, comme il a été mentionné précédemment. S’il avait la tâche ou l’obligation envers son employeur de réussir un test, cette tâche ou cette obligation aurait dû être soulevée dans les conditions de son contrat d’emploi, dans les politiques ou les pratiques communiquées au personnel, y compris au prestataire, ou dans une autre communication particulière de l’employeur ou d’une agente ou d’un agent de l’employeur. Une partie de la preuve présentée à la division générale fait l’objet d’un examen ci-dessous.

Obligations officiellement décrites

[20] La preuve ne comprenait pas un contrat d’emploi écrit, mais la politique de l’employeur examinée par la division générale (GD3-25) décrit les devoirs et les obligations du personnel. La politique aborde les [traduction] « tests de dépistage des drogues », mais seulement dans un contexte où les facultés sont affaiblies par la consommation de drogues. Selon la politique, un test de dépistage des drogues sera effectué si une personne est soupçonnée d’avoir les facultés affaiblies, à la suite d’une période de suspension, dans le but apparent d’empêcher le personnel de retourner travailler avec les facultés affaiblies.

[21] La politique n’autorise pas les tests aléatoires de dépistage des drogues ou des tests effectués dans d’autres circonstances, sauf dans le but de permettre à un membre du personnel de retourner travailler après une suspension causée parce qu’on soupçonnait la personne d’avoir les facultés affaiblies. Elle comprend une disposition, à laquelle la division générale n’a pas renvoyé, selon laquelle l’employeur [traduction] « se réserve le droit de mettre en œuvre un programme de tests de dépistage de l’alcool et des drogues après la diffusion à son personnel d’un préavis de 60 jours par écrit et affiché dans lequel il souligne son intention ». Rien ne prouvait que l’employeur avait publié un avis d’intention concernant la mise en œuvre d’un programme de tests de dépistage des drogues.

Pratiques de l’employeur

[22] La division générale ne disposait d’aucune preuve concernant une pratique généralisée de tests aléatoires ou périodiques de dépistage des drogues par l’employeur ou dans le milieu de travail de l’employeur.

Autres communications

[23] Il existe d’autres éléments de preuve de communications entre l’employeur ou ses agentes ou agents et le personnel sous la forme de notes concernant des réunions sur la sécurité ou des communications disciplinaires particulièrement à l’intention du prestataire. Dans certains cas, il est déclaré que les réunions sur la sécurité portent sur la politique de tolérance zéro en matière de drogues et d’alcool. Les communications disciplinaires concernant le prestataire ne concernent pas la consommation de drogues ou des tests de dépistage. Aucune des notes provenant des réunions sur la sécurité ou des communications auprès du prestataire ne renvoie à une pratique ou à une politique de tests aléatoires ou périodiques de dépistage des drogues pour le personnel.

[24] La seule mention d’une communication sur la préoccupation de l’employeur quant à la présence de drogues [traduction] « dans l’organisme » du personnel dans le dossier de la division générale est une déclaration de la gestionnaire des Ressources humaines (L. H.) à la Commission selon laquelle le personnel est informé au cours de son orientation que l’employeur a une politique de tolérance zéro en matière de drogues dans l’organismeNote de bas de page 8. L. H. a également informé particulièrement le prestataire qu’il passerait un test de dépistage des drogues au moment de son retour au travail après sa demande d’indemnisation des accidentés du travail / blessure professionnelle en octobre 2015.

[25] L. H. a déclaré à la Commission que le prestataire devait passer un [traduction] « test aléatoire de dépistage des drogues » à son retour de sa demande d’indemnisation des accidentés du travailNote de bas de page 9. Cependant, la division générale n’a pas renvoyé à la preuve de tests aléatoires dans son analyse et elle ne s’est pas fondée sur cette preuve pour conclure que le prestataire savait ou aurait dû savoir que son comportement l’empêcherait d’exécuter ses obligations envers son employeurNote de bas de page 10. La justification principale de la décision de la division générale était l’existence d’une politique de [traduction] « tolérance zéro ».

[26] Même si la division générale ne déclare pas que la politique de l’employeur en était en fait une de [traduction] « tolérance zéro », elle souligne que [traduction] « le personnel a été rappelé à maintes reprises de l’importance de la politique de tolérance zéro en matière de drogues et d’alcool », et la décision renvoie à maintes reprises au fait que le prestataire était au courant de l’existence de la politique de tolérance zéro. La division générale se fonde également sur le fait que le prestataire était au courant de la politique de tolérance zéro pour conclure que celui-ci [traduction] « a volontairement ignoré les conséquences de ses gestions sur son rendement au travailNote de bas de page 11 ». Plus particulièrement, la division générale a conclu que [traduction] « des drogues se trouvaient dans l’organisme du prestataire; par conséquent, celui-ci n’a pas réussi le test de dépistage des drogues, ce qui contrevient à son tour à la politique de l’employeur, et il a été congédié pour ce motifNote de bas de page 12 ».

[27] Par conséquent, il est implicite que la division générale a conclu que la politique était de tolérance zéro et que cette politique concerne également la présence de drogues dans l’organisme. La politique de tolérance zéro est la raison pour laquelle la division générale a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que ses actions constituaient une inconduite, et cette politique est également la raison pour laquelle la division générale a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il serait congédié.

Question en litige no 1 : Mauvaise interprétation des aveux du prestataire

[28] La division générale s’est fondée sur ce que le prestataire a admis savoir au sujet de la politique de l’employeur en matière de drogues. Elle a déclaré que le prestataire a admis connaître la politique de [traduction] « tolérance zéro » de l’employeurNote de bas de page 13. Cependant, même si le prestataire a admis connaître l’existence d’une [traduction] « politique en matière de drogues et d’alcool » de l’employeur, comme il est consigné dans la décisionNote de bas de page 14, rien dans le dossier écrit ou dans l’enregistrement audio de l’audience ne démontre que le prestataire a décrit la politique de l’employeur comme en étant une de [traduction] « tolérance zéro » ou qu’il a reconnu qu’il n’y avait aucune tolérance en matière de résultats positifs aux tests de dépistage des drogues ou de présence de drogues dans son organisme.

[29] Le prestataire a déclaré savoir qu’il pouvait être congédié si son test était positif, mais cela concernait le test effectué en octobre 2015 pour lequel il avait reçu un avertissement de la part de L. H.. Le prestataire a également déclaré que, en général, il croyait qu’il pouvait être suspendu si on constatait la présence de drogues dans son organisme au travail, mais il ne s’attendait pas à être congédié. Cette preuve ne laisse pas entendre une admission quant à la politique de tolérance zéro. Au contraire, elle donne à penser que le prestataire ne comprenait pas que la politique était de tolérance zéro, du moins en ce qui concerne la question de savoir s’il pouvait être congédié.

[30] La division générale a également déclaré que le prestataire [traduction] « a admis savoir qu’il était surveillé par l’employeur et qu’il pouvait subir un test de dépistage des drogues à tout momentNote de bas de page 15 ». Je n’ai constaté aucune admission de cette nature dans le dossier ou dans l’enregistrement audio de l’audience. Le prestataire n’a pas contesté le fait qu’il savait le 23 février, date à laquelle il a été suspendu, qu’il passerait un test le 1er mars et il a déclaré avoir délibérément cessé de consommer de la drogue en vue de ce test. Cependant, le prestataire n’a pas admis faire l’objet d’une surveillance particulière concernant sa consommation de drogues ou croire qu’il pourrait faire l’objet d’un test de dépistage des drogues [traduction] « à tout moment ».

[31] Le prestataire a seulement déclaré que des collègues lui avaient dit de faire attention parce qu’on cherchait à le congédier. Ce témoignage découle d’une discussion sur une série de plaintes portées contre lui par un groupe d’amis de L. H. qu’elle aurait embauchée, selon lui. Ces plaintes portaient sur les interactions du prestataire avec d’autres membres du personnel, et non sur la consommation de drogues.

[32] J’estime que la division générale a mal interprété la nature des aveux du prestataire. Cette mauvaise interprétation a entraîné la conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il contrevenait à une obligation envers son employeur de passer un test lorsqu’il a consommé de la drogue.

[33] Par conséquent, la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire, au titre de l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS.

Question en litige no 2 : Mauvaise interprétation de la politique en matière de drogues et d’alcool de l’employeur

[34] La division générale s’est également fondée sur l’existence de la politique en matière de drogues et d’alcool de l’employeur, qui fait état d’une politique de [traduction] « tolérance zéro », pour déterminer le devoir ou l’obligation du prestataire envers l’employeur et la mesure dans laquelle le prestataire savait ou aurait dû savoir que son comportement aurait une incidence sur l’exécution de cette obligation ou qu’il existait une possibilité de congédiement. Cependant, la division générale n’a pas examiné la preuve pour déterminer si la politique était de tolérance zéro en théorie ou en pratique.

Politique officielle en matière de drogues et d’alcool

[35] La division générale a cité à deux reprises la politique de l’employeur, selon laquelle le personnel soupçonné d’être sous l’influence ou de subir les effets secondaires de l’alcool ou de drogues [traduction] « sera interdit de retourner travailler jusqu’à ce qu’il ait été déclaré que les symptômes des facultés affaiblies sont dissipés et devra passer un test de dépistage de drogues et d’alcoolNote de bas de page 16 » [caractères soulignés dans la version originale]. Même s’il est clair que le prestataire a échoué au test du 1er mars, la division générale n’a pas précisé ce que la politique prévoyait, selon elle, relativement aux circonstances dans lesquelles un membre du personnel pouvait s’attendre à passer un test de dépistage des drogues ou aux conséquences de l’échec à un test.

[36] L’employeur décrit sa politique en matière de drogues et d’alcool comme étant de [traduction] « tolérance zéro », du moins dans les notes de la réunion sur la sécurité et dans ses discussions avec la Commission. Cependant, cette conclusion ne met pas fin à l’affaire. Les documents relatifs à la politique de l’employeur ont été versés à la preuve et sont éloquents. De plus, les comptes rendus de réunion sur la sécurité versés à la preuve décrivent la façon dont l’employeur interprète sa politique pour son personnel et la façon dont il communique sa politique au personnel.

[37] En ce qui concerne la politique en soi, il existe en fait deux (et possiblement trois) versions de la politique de l’employeur relativement aux tests de dépistage des drogues. La version à GD3-25 est la seule version à laquelle la division générale a été renvoyée (dans la section intitulée [traduction] « Preuve de l’employeurNote de bas de page 17 »). Elle n’est pas datée, et rien dans le dossier ne démontre s’il s’agit de la politique en vigueur à la période visée, sauf que, d’après son emplacement dans le dossier, elle semble avoir été fournie en réponse à la demande de la politique de la part de la Commission. Voici ce que prévoit la politique :

[traduction]
Les employés soupçonnés d’avoir les facultés affaiblies par les drogues ou l’alcool ou qui sont affectés par les effets de ceux-ci devront quitter immédiatement le lieu de travail et ne seront autorisés à y revenir que lorsque leurs symptômes d’ébriété seront considérés comme dissipés; ils devront aussi réussir un test de dépistage des drogues et de l’alcool.

[38] La disposition en soi ne prévoit pas une tolérance zéro quant à la présence de drogues dans l’organisme ou même une tolérance zéro pour les facultés affaiblies en ce qui a trait au congédiement. Elle pourrait donner à penser qu’il existe une [traduction] « tolérance zéro » en matière de facultés affaiblies étant donné qu’une suspension est une conséquence prévue en cas de soupçon de facultés affaiblies, mais elle ne laisse pas entendre que le congédiement est une conséquence inévitable ou même une conséquence possible en cas de soupçon de facultés affaiblies ou de résultats positifs à un test de dépistage des drogues.

[39] La politique prévoit que le membre du personnel doit passer un test de dépistage des drogues après une suspension, mais il semble évident que la conséquence de l’échec à un test par un membre du personnel est l’interdiction de son retour au travail jusqu’au moment où il peut réussir le test. Il faut faire preuve de beaucoup d’interprétation pour y lire que la politique prévoit le congédiement ou en fait la menace pour le personnel qui échoue au test.

[40] Une différente version non datée de la même politique a également été produite par l’employeurNote de bas de page 18. Voici ce que celle-ci prévoit :

[traduction]
Le personnel soupçonné d’avoir les facultés affaiblies par des drogues ou qui ont des effets secondaires devra quitter le lieu de travail et il ne sera pas autorisé à retourner travailler avant qu’il soit déclaré que les symptômes se sont dissipés.

Cette version ne donne même pas à penser qu’un test de dépistage des drogues est nécessaire pour le retour au travail. La division générale n’a pas renvoyé à cette politique et elle n’a pas expliqué la façon dont elle a conclu que la politique à GD3-25 était la politique en vigue3ur au moment où le prestataire a admis avoir consommé de la drogue pour la dernière fois.

[41] Une réunion sur la sécurité tenue le 30 juillet 2014 a mené à ce qui semble être une troisième déclaration ou interprétation de la politiqueNote de bas de page 19. Cette déclaration met l’accent sur la [traduction] « tolérance zéro » en matière de consommation de drogues au travail, aborde la mesure dans laquelle le personnel ne peut pas avoir les facultés affaiblies et menace le personnel d’un congédiement immédiat s’il consomme ouvertement des drogues. Elle n’interdit pas particulièrement [traduction] « la présence de drogues dans l’organisme », mais elle fait état de ce qui suit :

[traduction]
Le personnel ou l’entrepreneur qui refuse de fournir un échantillon de drogue ou d’alcool lorsqu’on le lui demande recevra des mesures disciplinaires ou sera congédié. Si le résultat du test s’avère positif, [l’employeur] se réserve le droit d’exercer sa responsabilité d’entamer des poursuites.

La division générale n’a pas renvoyé à cette politique dans son analyse ou dans sa décision.

[42] L’interprétation ou la formulation de 2014 semble plus sévère que les autres politiques officielles non datées, à savoir qu’elle ne limite pas les circonstances dans lesquelles un test serait nécessaire. Il s’agit de la seule directive qui mentionne le congédiement comme conséquence possible, mais la conséquence est causée par le refus de subir un test. La conséquence réelle sur l’emploi relativement à l’échec du test n’est même pas précisée dans ce document. Cependant, ni l’employeur ni la Commission n’a fait valoir que cela représentait généralement les politiques de l’employeur ou la politique en vigueur en février 2016. La division générale n’y a pas fait référence.

Interprétation de la politique par l’employeur et interprétation de la politique dans le milieu de travail

[43] La politique en matière de drogues en milieu de travail, comme l’employeur l’interprète, la communique et la met en pratique, est également pertinente. Le prestataire a déclaré qu’il était présent à la réunion sur la sécurité qui a mené à la création du compte rendu à GD3-71 (et qui semble avoir eu lieu le 2 novembre 2015). Il a décrit que l’objet de la réunion était le problème concernant des personnes fumant de la marijuana dans le stationnement. Le prestataire a confirmé que L. H. a dit au personnel présent à la réunion qu’il était libre de faire ce qu’il voulait dans ses temps libres et qu’il devait cessait de faire ce qu’il fait le dimanche, et la division générale a accepté cette preuveNote de bas de page 20. Cette interprétation de la politique a été confirmée encore une fois dans le compte rendu de la réunion sur la sécurité qui a été tenue la veille du premier test subi par le prestataire le 23 février 2016. Le compte rendu fait état de ce qui suit : [traduction] « Ne consommez pas d’alcool ou de drogues le dimanche afin que votre travail n’en paie pas le prix. »

[44] Le prestataire a également déclaré qu’il a dit à L. H. que des personnes (à savoir d’autres membres du personnel) fumaient de la marijuana dans le stationnement (de l’employeur) et que L. H. (l’employeur) ne leur a pas fait subir de test ou quoi que ce soit d’autreNote de bas de page 21.

[45] La division générale a déclaré que le comportement du personnel est le comportement pertinent, et non celui de l’employeur, mais cela concernait la conclusion selon laquelle la politique de trois prises de l’employeur n’avait pas été respectée dans le cas du prestataireNote de bas de page 22. Même si la division générale a raison lorsqu’elle déclare que, dans le cas de l’inconduite, l’accent est mis sur les actions de l’employé, cela ne signifie pas que le comportement de l’employeur ou le comportement des autres membres du personnel n’est pas pertinent pour déterminer l’obligation du prestataire envers l’employeur et pour déterminer si le prestataire savait ou aurait dû savoir que ses actions causeraient un manquement à cette obligationNote de bas de page 23. Rien ne démontre que la division générale a tenu compte du comportement de l’employeur ou du témoignage du prestataire concernant le comportement des autres membres du personnel pour déterminer l’obligation réelle du prestataire envers son employeur.

[46] À l’exception d’avoir déclaré que le fait d’avoir dit que le personnel peut faire ce qu’il veut dans ses temps libres ne signifie pas que l’employeur tolère le comportement ou que la politique de tolérance zéro ne s’applique pas au travail, la division générale n’a pas analysé la politique ou déterminé si la politique est réellement une politique de tolérance zéro à l’écrit ou en pratique.

[47] La division générale n’a déployé aucun effort pour concilier le conflit illogique ou apparent entre une prétendue politique de [traduction] « tolérance zéro » qui demanderait au personnel de n’avoir aucune présence détectable de drogues dans leur organisme le lundi (en assument qu’il vient travailler lundi) et la communication de l’employeur à l’intention du personnel (dans le cadre d’une réunion sur la sécurité concernant la consommation de drogues et les facultés affaiblies) selon laquelle il peut faire ce qu’il veut dans ses temps libres tant qu’il cesse le dimanche (ou avant dimanche, selon s’il s’agit du compte rendu de la réunion du 2 novembre ou de celle du 22 février).

[48] Malgré cette difficulté particulière, il ne suffit pas de déclarer qu’un élément de preuve particulier n’établit pas que la politique n’était pas une politique de tolérance zéro. Il incombait à la Commission de prouver l’inconduite et d’ainsi prouver que le prestataire savait ou aurait dû savoir que son comportement nuirait à son rendement et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié. Le prestataire n’était pas tenu d’établir que la politique n’était pas une politique de [traduction] « tolérance zéro ». La Commission était obligée de prouver qu’il s’agissait d’une politique de tolérance zéro (ou d’établir un autre fondement sur lequel il pourrait être déclaré ou présumé que le prestataire savait qu’il nuisait à l’exécution d’une tâche et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié).

[49] Dans ses observations à la division d’appel, la Commission a convenu que la division générale avait commis une erreur en ne conciliant pas la contradiction de la preuve de l’employeur relativement aux éléments constituant une politique de tolérance zéroNote de bas de page 24. Je conviens qu’il existe une contradiction entre la façon dont l’employeur décrit sa politique et le contenu ainsi que la mise en œuvre de la politique. En décrivant la politique comme étant de tolérance zéro, la division générale n’a pas tenu compte de la preuve qui laissait entendre autrement, comme l’autre ou les autres versions de la politique versées à titre de preuve, les interprétations de la politique dans le cadre de la réunion sur la sécurité et le comportement de l’employeur et des autres membres du personnel, ou elle a mal interprété cette preuve. Si on en tient compte, cette preuve pourrait avoir appuyé une conclusion selon laquelle la politique n’en était pas une de [traduction] « tolérance zéro » en ce qui concerne les résultats positifs de test de dépistage des drogues.

[50] La division générale s’est fondée considérablement sur l’existence d’une politique de [traduction] « tolérance zéro » pour appuyer sa décision selon laquelle les actions du prestataire constituaient une inconduite, à savoir qu’il avait le devoir de ne pas avoir de drogues dans son métabolisme afin de réussir le test de dépistage des drogues et qu’il savait ou aurait dû savoir au moment où il a fumé de la marijuana que ce geste l’empêcherait d’exécuter son obligation de réussir ce test et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié s’il échouait à son test.

[51] J’estime donc que la division générale a fondé a décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, comme il est prévu à l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS.

Réparation

[52] La Commission a demandé que l’affaire soit renvoyée à la division générale aux fins de réexamen, mais j’estime que le dossier est clos. Par conséquent, conformément au pouvoir qui m’est conféré en vertu de l’article 59 de la Loi sur le MEDS, je rendrai la décision que la division générale aurait dû rendre.

[53] L’article 30(1) prévoit qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification. Le sens du mot « inconduite » a été établi au moyen d’une interprétation judiciaire dans des arrêts comme Mishibinijima c. Canada (Procureur général), dans laquelle la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit : « […] il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié.Note de bas de page 25 »

[54] J’accepte le témoignage du prestataire selon lequel il a consommé de la marijuana environ deux semaines avant sa suspension, ce qui a causé l’échec à son test de dépistage des drogues le 1er mars. Par conséquent, je conviens que ce comportement a eu lieu.

[55] Je conviens également que ce comportement a entraîné son congédiement. La réponse de l’employeur aux plaintes selon lesquelles le prestataire avait eu un comportement offensant le 22 février n’a pas été le congédiement, mais la suspension. Cependant, le prestataire a été congédié immédiatement après la confirmation de résultats positifs à un test de dépistage des drogues le 1er mars.

[56] Le prestataire a déclaré ne pas avoir consommé de drogues depuis qu’il avait fumé de la marijuana deux semaines auparavant. Le test de dépistage des drogues prouve des niveaux résiduels à un moment donné, mais rien ne prouvait la façon d’évaluer le moment de la consommation à partir du test de dépistage des drogues, et rien ne contredisait l’allégation du prestataire. Par conséquent, je suis convaincu que l’échec du test de dépistage des drogues et le congédiement ont été causés par la consommation de marijuana. Je reconnais que le test de dépistage des drogues a révélé la présence de cocaïne, ce que le prestataire a nié avoir consommé en tout temps, mais la preuve n’établit pas le moment où la cocaïne a été introduite dans l’organisme du prestataire où la façon dont cela s’est produit.

[57] Cependant, j’estime que la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire savait ou aurait du savoir ce qui suit : 1) la consommation de marijuana en dehors du lieu de travail ou sur les heures de travail constituait une entrave à son obligation envers son employeur; 2) cela aurait une incidence sur l’exercice de son obligation, il était réellement possible qu’il soit congédié en raison de cette consommation.

[58] J’ai examiné les différentes versions de la politique et la façon dont cette politique a été interprétée au personnel lors de réunions sur la sécurité, et la preuve selon laquelle d’autres membres du personnel ont consommé des drogues et selon laquelle l’employeur était bien au courant de ce fait. Même si je reconnais que la déclaration de L. H. à la Commission selon laquelle le personnel a été informé lors de leur orientation que l’employeur avait une politique de tolérance zéro quant à la présence de drogues dans leur organisme, cela ne correspond pas à la réelle politique de l’employeur ou à la preuve relativement à la façon dont l’employeur communiquer ou interprète sa politique aux employés dans le milieu de travail.

[59] Je conviens que l’ancienne politique de l’employeur en matière de drogues et d’alcool applicable à la situation du prestataire est décrite dans les politiques et les lignes directrices (GD3-25) à la section 1.5 intitulée [traduction] « Politique sur l’alcool et les drogues en milieu de travail ». Cependant, peu importe la version en vigueur en février 2016, j’estime qu’aucun des deux documents ne prévoit une politique de tolérance zéro à l’écrit, du moins en ce qui concerne les résultats positifs de tests de dépistage des drogues ou les conséquences qui pourraient découler de résultats positifs à un test de dépistage des drogues. J’estime également que la politique sur les drogues et l’alcool a été mal interprétée ou mal mise en pratique à titre de politique de tolérance zéro dans le milieu de travail en ce qui a trait aux résultats positifs à un test de dépistage des drogues.

[60] J’ai également examiné si le prestataire pourrait avoir interprété son obligation de passer un test de dépistage des drogues sans tenir compte de la politique en matière de drogues. Rien ne prouve que l’employeur avait une pratique généralement applicable de tests de dépistage des drogues sur une base aléatoire ou périodique, ou que l’employeur a donné à son personnel une raison de s’attendre à un test, à l’exception de situations prévues dans la politique en matière de drogues. En ce qui concerne le devoir particulier ou l’obligation particulière envers l’employeur, je conviens que celui-ci a demandé au prestataire de subir un test de dépistage des drogues avant de retourner occuper ses fonctions en octobre 2015 après une absence importante en raison d’une blessure professionnelle, et que le prestataire a tenu compte de la possibilité qu’il soit congédié s’il échouait à ce test. Toutefois, il s’agit d’une situation qualitativement différente de celle pour laquelle il a été congédié. Le prestataire a reçu un avertissement amplement suffisant pour s’attendre au test particulier qu’il a subi en octobre 2015 et, en vue de son retour, il a été invité à modifier son comportement de façon à ce que toute drogue consommée ait évacué son organisme. À mon avis, le fait qu’on lui a demandé de passer et de réussir un test de dépistage des drogues constituait une obligation précise ou exceptionnelle à laquelle le prestataire s’est conformé.

[61] Je reconnais que la déclaration de L. H. à la Commission selon laquelle le prestataire devait subir des [traduction] « tests aléatoires de dépistage des drogues » à son retour de sa blessure constitue une preuve selon laquelle le prestataire pouvait s’attendre à subir un test à tout momentNote de bas de page 26. Cette déclaration s’appuie sur le compte rendu de l’employeur pour l’incident du 22 février 2015 (signé par L. H. et une autre personne), qui décrit le test subi par le prestataire le 23 février comme étant un [traduction] « test aléatoire à la suite d’un incidentNote de bas de page 27 ».

[62] J’ai tenu compte de cette preuve, mais je ne suis pas convaincu qu’un programme de tests de toute sorte avait été appliqué dans le cas du prestataire de façon à ce qu’il soit obligé de se soumettre à un test de dépistage des drogues à la demande de son employeur et de se retrouver dans une position où il doit prouver l’absence de drogues dans son organisme. Même si le prestataire a déclaré avoir réussi tous ses tests de dépistage des drogues par le passé, rien ne prouve particulièrement que le prestataire devait faire l’objet d’un test à son retour au travail en octobre 2015, jusqu’au 23 février 2016.

[63] De plus, je ne suis pas convaincu que la description par L. H. du test de dépistage des drogues du prestataire comme étant [traduction] « aléatoire » est exacte. L. H. a également déclaré à la Commission que l’employeur a [traduction] « le droit de faire passer des tests aléatoires si elle a des soupçonsNote de bas de page 28 » et que la décision de l’employeur de faire passer le test inconcluant du 23 février était justifiée par le soupçon de facultés affaibliesNote de bas de page 29. Par sa définition même, un test au motif d’un soupçon n’est pas [traduction] « aléatoire », et, à mon avis, cela remet en question l’exactitude des autres descriptions faites par L. H. quant aux tests [traduction] « aléatoires » du prestataire.

[64] Finalement, je souligne que ces tests ne seraient pas conformes aux politiques de l’employeur et qu’ils ne sont pas prévus dans l’une des déclarations communiquées à grande échelle au personnel. Il y aurait lieu de s’attendre à ce que l’employeur possède des documents, y compris l’avis au membre du personnel concerné, si celui-ci devait faire l’objet d’un test aléatoire ou périodique ciblé de façon discriminatoire. Il n’existe aucun document de la sorte.

[65] La seule politique de l’employeur applicable est celle selon laquelle l’employeur peut demander à un membre du personnel soupçonné de facultés affaiblies de quitter le lieu de travail et de revenir seulement après avoir passé un test. L’élément déclencheur de l’application de la politique n’est pas le soupçon de facultés affaiblies. Le prestataire a expressément nié être venu travailler avec les facultés affaibliesNote de bas de page 30, et rien ne prouve que son comportement du 22 février était une conséquence de ses facultés affaiblies ou la preuve qu’il était déjà venu travailler avec les facultés affaiblies. Le test de dépistage des drogues subi le 23 février n’a pas été conclusif quant à la présence de drogues dans son organisme, et il n’existe aucune preuve, provenant d’experts ou d’autres personnes, selon laquelle on pourrait conclure d’après le test ou de la consommation de marijuana deux semaines auparavant qu’il avait donc les facultés affaiblies le 22 février. Par conséquent, si on assume que l’employeur appliquait sa politique de bonne foi, le prestataire n’avait aucun motif raisonnable de croire qu’une partie de la politique en matière de facultés affaiblies s’appliquait à lui.

[66] J’estime qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que le prestataire sache, au moment où il a consommé de la marijuana, qu’il devrait passer un test de dépistage des drogues au moment où il en avait encore des traces dans son organisme. La politique autorisant la suspension fondée sur des soupçons de facultés affaiblies n’appuyait pas une telle attente.

[67] J’accepte également le témoignage du prestataire selon lequel il ne s’attendait pas à être congédié parce qu’il a consommé de la marijuana à l’extérieur du travail et dans ses temps libres (même s’il pensait qu’il pouvait être suspendu si on détectait la présence de drogues dans son organisme). J’estime que cette attente est raisonnable d’après la réelle politique de l’employeur qui prévoit un test seulement pour autoriser le retour au travail, la preuve non contestée du prestataire selon laquelle l’employeur trait différemment la consommation de drogues par d’autres membres du personnel en milieu de travail, et le message clair envoyé par l’employeur au personnel selon lequel ce dernier a le droit de faire ce qu’il veut dans ses temps libres en autant qu’il ne se présente pas au travail avec les facultés affaiblies.

[68] Par conséquent, j’estime que le prestataire ne savait pas et qu’on ne pouvait pas raisonnable s’attendre, au moment où il a consciemment consommé de la marijuana deux semaines avant sa suspension survenue le 23 février, qu’il contrevenait à une obligation envers son employeur ou qu’il nuisait à l’exécution de son obligation envers son employeur, ou qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour ce motif. Le comportement du prestataire ne constitue pas une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Par conséquent, le prestataire n’est pas exclu du bénéfice des prestations en raison d’une inconduite.

Conclusion

[69] L’appel est accueilli.

 

Mode d’instruction :

Parties et représentante :

Sur la foi du dossier

A. B., appelant

Susan Prud’homme, représentante de l’intimée

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