Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Décision et Motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Apercu

[2] La demanderesse habite à X. Elle est comptable de formation et travaille de façon saisonnière en soirée et les samedis à la préparation de déclarations de revenus. Elle a deux enfants qui sont âgés de deux et quatre ans. Elle a concentré sa recherche d’emploi à X et est seulement prête à accepter un emploi à X ou à X, les deux grandes agglomérations les plus près de chez elle, si le salaire convient pour payer les frais de garde de ses enfants.

[3] La division générale a rejeté son appel en concluant ce qui suit :

  • La demanderesse, en faisant moins de démarches pour trouver un emploi après août 2007, n’a pas démontré son désir à réintégrer le marché de l’emploi aussitôt qu’un emploi convenable serait offert;
  • La demanderesse a concentré sa recherche dans X à un point tel qu’elle a indûment limité ses chances de réintégrer le marché du travail;
  • La demanderesse, en soumettant dix candidatures en huit mois et demi, et ce dans une seule collectivité, n’a pas suffisamment fait montre d’un désir à réintégrer le marché du travail par l’entremise de démarches pour trouver un emploi convenable;
  • La demanderesse n’a pas effectué une recherche d’emploi assidue dans la région de X démontrant qu’elle avait fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable.

[4] La demanderesse soutient que son appel a été rejeté parce qu’elle a deux enfants et que ses heures de disponibilité sont ainsi limitées. Elle maintient qu’elle ne peut pas accepter un emploi à l’extérieur de X à moins que le salaire soit suffisamment élevé pour couvrir les frais de gardienne, et que les seuls emplois offerts à X sont auprès de restaurants-minute et requièrent des heures de travail qui sont incompatibles avec celles des garderies disponibles.

[5] La permission d’en appeler est refusée. L’appel n'a aucune chance raisonnable de succès puisque le témoignage de la demanderesse corrobore la conclusion de la division générale.

Question en litige

[6] Est-il défendable que la division générale n’ait pas tenu compte de la question de savoir si les heures de travail de la demanderesse étaient incompatibles avec ses obligations familiales?

Analyse

[7] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social énonce les seuls moyens d’appel relativement à une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes : la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence; elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier; ou elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[8] Une demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond relative à l’affaire. C’est une première étape que la prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui dont elle devra s’acquitter lors de l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande permission d’en appeler, la prestataire n’a pas à prouver sa thèse; elle doit plutôt établir que son appel a une chance raisonnable de succès vu la présence d’une erreur susceptible de révision. La permission d’en appeler sera donc accordée par le Tribunal s’il est convaincu qu’au moins l’un des motifs d’appel cadre avec les moyens d’appel susmentionnés et confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[9] En résumé, le Tribunal doit pouvoir déterminer, conformément à l’article 58(1) de la Loi, s’il existe une question de justice naturelle, de compétence, de droit ou de fait dont la réponse pourrait mener à l’annulation de la décision de la division générale qui est ici examinée.

[10] La demanderesse a déclaré ce qui suit dans sa demande de permission d’en appeler :

[traduction]

Je crois que c’est à cause de mes deux enfants qu’elle a décidé de couper mon AE. Je me suis battue en appel et j’ai quand même perdu. Je pense qu’il est totalement injuste que, parce que j’ai certaines restrictions par rapport à mes heures de travail pour mes demandes d’emploi, ma jeune famille de 4 a dû écoper financièrement et continuera d’en souffrir pendant des mois ou des années.

[…]

Le fait d’avoir des enfants limite les parents par rapport aux heures qu’ils peuvent travailler. La garderie que j’utilise est de 9 h à 18 h 30, 7 jours par semaine, mais cela n’est pas suffisant pour me permettre de travailler chez McDonald ou pour un restaurant de service rapide qui me demanderait de travailler tard le soir. Le service de garderie offert par le gouvernement dans ma municipalité est ouvert de 8 h à 17 h, ce qui n’aide pas beaucoup les parents.

[11] Le droit applicable en la matière est relativement établi. Pour être considéré comme disponible pour travailler, un prestataire doit :

  • avoir le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable est offert;
  • exprimer ce désir en faisant des démarches pour trouver un emploi convenable;
  • ne pas fixer de conditions personnelles qui pourraient limiter excessivement ses chances de réintégrer le marché du travail.

Comme l’a établi la Cour dans Faucher (A-56-96, A-57-96), il est nécessaire de tenir compte de ces trois facteurs pour rendre une décision.

[12] De plus, les articles 9.001 et 9.002 du Règlement sur l’assurance-emploi (en annexe de la présente décision) précisent ce que représentent des démarches raisonnables pour obtenir un emploi et les critères à considérer pour savoir ce que représente un emploi convenable.

[13] Vu les contraintes imposées par l’article 58, la demanderesse doit, pour avoir gain de cause, démontrer qu’il est défendable que la division générale n’ait pas tenu compte des critères permettant de déterminer ce que représente un emploi convenable. Autrement dit, la demanderesse doit démontrer qu’il est défendable que la division générale a commis une erreur en concluant qu’un emploi à X ou X n’était pas incompatible avec ses obligations familiales.

[14] En analysant dans sa décision les observations et les faits présentés, la division générale a tiré des conclusions distinctes relativement aux trois facteurs établis dans Faucher. La raison principale pour laquelle elle a rejeté l’appel de la demanderesse est que celle-ci avait restreint indûment ses chances de retourner sur le marché du travail en limitant ses démarches pour trouver un emploi à la région de X. La division générale a également appliqué les articles 9.001 et 9.002. Elle a traité expressément du propos de la demanderesse sur la compatibilité du rôle de parent et des heures de travail. La division générale s’est exprimée comme suit au paragraphe 40 :

[traduction]

L’appelante n’a pas affirmé qu’elle était physiquement incapable de se rendre à X ou X pour travailler; en fait, elle a témoigné qu’elle était prête à chercher un emploi dans ses agglomérations, dans la mesure où l’emploi répondrait à ses attentes en matière de rémunération. Le Tribunal juge que, conformément à l’article 9.002 du Règlement, l’appelante était tenue de chercher un emploi plus assidûment dans ces agglomérations afin de démonter qu’elle avait fait des démarches raisonnables et habituelles pour trouver un emploi.

[15] En affirmant qu’elle était prête à travailler à X ou X si la rémunération était suffisante, la demanderesse a admis de façon implicite qu’un emploi dans l’une de ces agglomérations n’était pas incompatible avec son rôle de parent.

[16] En affirmant qu’elle était prête à travailler à X ou X si la rémunération était suffisante, la demanderesse corrobore effectivement la conclusion de la division générale voulant que c’est dans ces agglomérations que la demanderesse aurait dû concentrer ses recherches, étant donné que les heures des restaurants-minute, qui seuls offraient des emplois à X, étaient incompatibles avec ses obligations de parent. Elle avait pourtant fait la majorité de ses démarches à X.

[17] Il est donc difficile de concevoir comment la demanderesse pourrait avoir une chance raisonnable de succès en défendant son point.

[18] En conséquence, la permission d’en appeler ne peut être accordée.  

Conclusion

[19] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Représentant :

N. P., non représentée

Annexe

Règlement sur l’assurance-emploi

9.001 Pour l’application du paragraphe 50(8) de la Loi, les critères servant à déterminer si les démarches que fait un prestataire pour trouver un emploi convenable constituent des démarches habituelles et raisonnables sont les suivants :

  1. a) les démarches du prestataire sont soutenues;
  2. b) elles consistent en :
    1. (i) l’évaluation des possibilités d’emploi,
    2. (ii) la rédaction d’un curriculum vitae ou d’une lettre de présentation,
    3. (iii) l’inscription à des outils de recherche d’emploi ou auprès de banques d’emplois électroniques ou d’agences de placement,
    4. (iv) la participation à des ateliers sur la recherche d’emploi ou à des salons de l’emploi,
    5. (v) le réseautage,
    6. (vi) la communication avec des employeurs éventuels,
    7. (vii) la présentation de demandes d’emploi,
    8. (viii) la participation à des entrevues,
    9. (ix) la participation à des évaluations des compétences;
  3. c) elles sont orientées vers l’obtention d’un emploi convenable.

9.002 (1) Pour l’application des alinéas 18(1)a) et 27(1)a) à c) et du paragraphe 50(8) de la Loi, les critères servant à déterminer ce qui constitue un emploi convenable sont les suivants :

  1. a) l’état de santé et les capacités physiques du prestataire lui permettent de se rendre au lieu de travail et d’effectuer le travail;
  2. b) l’horaire de travail n’est pas incompatible avec les obligations familiales du prestataire ou ses croyances religieuses;
  3. c) la nature du travail n’est pas contraire aux convictions morales ou aux croyances religieuses du prestataire.
  4. d) à f) [Abrogés, DORS/2016-162, art. 1]
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.